Vous souhaitez avec le co-DES mettre les deux spécialités au même niveau ?
Professeur David Cohen. - Nous souhaitons qu'il y ait un temps commun de formation de deux ans puis une séparation avec deux ans de formation pour chaque branche de la psychiatrie. La discipline a besoin d'un signal au moment où on met en place une réforme de la formation qui doit durer vingt-cinq ans. Nous pourrions former une soixantaine de co-DES par an.
Professeur Jean-Luc Dubois-Randé, président de la Conférence des doyens des facultés de médecine et doyen de l'Université Paris Est Créteil Val de Marne. - Il y a un certain éloignement des pouvoirs publics de la question que nous abordons aujourd'hui. Pour y remédier, il me semble qu'il faudrait mettre en place un plan psychiatrie incluant la pédopsychiatrie.
Au cours du 2ème cycle des études de médecine les étudiants préparent les épreuves classantes nationales. Trente items concernent la psychiatrie, dont dix la psychiatrie de l'enfant, mais ils mélangent les sujets d'addictologie ainsi que la prise en charge des adultes. Le sujet n'est donc pas très traité à ce stade des études médicales. Il est vrai cependant que le 2ème cycle n'a pas vocation à former des spécialistes.
Le nombre de formateurs en pédopsychiatrie est dérisoire et plus qu'alarmant. La psychiatrie est clairement le parent pauvre de notre système de formation. Il y a également un enjeu de répartition géographique. La discipline compte 120 universitaires, dont 36 PU/PH, or un tiers d'entre eux se trouvent à Paris. Dès lors de nombreuses facultés n'ont pas de pédopsychiatre.
Cette situation touche également l'ensemble des professionnels qui ne sont pas adossés aux pédopsychiatres dans leur institution. Le fait que les prises en charge effectuées par plusieurs d'entre eux ne soient pas remboursées me paraît être un scandale.
Le problème du manque de pédopsychiatres à l'université ne relève pas uniquement des doyens, c'est une question de désaffection plus générale pour les postes universitaires qui nécessitent des parcours très longs orientés vers la recherche et l'étranger et qui peuvent décourager.
On demande l'excellence en matière de recherche pour les postes en pédopsychiatrie mais il me semble qu'il faut sortir de l'idée que la recherche ne peut se faire que dans le domaine de la biologie. D'autres domaines sont parfaitement envisageables et il faut présenter des options de recherche.
Il me semble qu'il faut engager un grand plan national pour la pédopsychiatrie pour compenser le manque de forces universitaires et dans un contexte où le nombre de postes disponibles ne va pas augmenter. Je pense que l'on peut notamment envisager, pour encadrer tous les internes, que des postes soient mis à disposition de fédérations CHU.
En effet nous ne disposons pas des moyens de créer des postes partout et le vivier d'enseignants est trop peu important. Il faut donc établir des priorités de recrutement pour la discipline et prévoir des postes ciblés comme cela a été fait en médecine générale ou en soins palliatifs.
Pr Benoît Schlemmer.- : Le sujet de la formation des pédopsychiatres s'inscrit dans le chantier très vaste de la réforme du 3ème cycle des études médicales. La feuille de route de la réforme a été tracée par la conférence de santé et par un décret en Conseil d'État qui fixe ses grandes lignes. La déclinaison pour chacune des 44 spécialités concernées se fera par arrêté.
La réforme concerne 44 spécialités, je suis donc tenu d'avoir une cohérence d'ensemble. Il s'agit d'une réforme globale du dernier cycle d'études médicales. On accède aux 44 spécialités à l'issue d'un cursus sanctionné par un diplôme d'études spécialisées (DES), qui se substitue à un ensemble de spécialités par l'obtention de DES auxquels venaient s'ajouter des diplômes d'études spécialisées complémentaires (DESC), dont la majorité n'était pas des spécialités d'exercice exclusif. C'était le cas de la pédopsychiatrie depuis 2004.
La réforme a pour objectif, en fin de formation de troisième cycle, de conférer au jeune en formation l'ensemble des compétences de son métier. En formation initiale, des briques de formation, tant théoriques que pratiques, seront également ouvertes en formation continue. On a demandé à chacune des spécialités et aux disciplines universitaires associées, c'est-à-dire en ce qui concerne la pédopsychiatrie à la fois aux universitaires de la pédopsychiatrie et à ceux de la psychiatrie, quels étaient leurs souhaits. Au final, la réforme ne permet de répondre aux voeux ni des uns ni des autres. Elle prévoit un DES de psychiatrie avec une option qui ajoute une cinquième année de formation pour ceux qui se destineraient à un exercice prédominant, mais non forcément exclusif, de pédopsychiatrie.
Selon les standards européens, il faut au moins six semestres de formation. Il faut faire en sorte que sur l'ensemble des semestres consacrés au DES et à l'option, un jeune souhaitant devenir pédopsychiatrie puisse effectivement avoir ces six semestres.
Nous devons trouver une solution qui soit au moins un bon compromis au démarrage et qui ne soit pas en retrait par rapport à ce que nous connaissons déjà. L'essentiel de la réforme, au-delà de ce qui est dans la loi et dans le décret, est porté par des arrêtés et donc susceptible d'évolutions dans le temps assez aisées. Il y aura un comité de suivi de la réforme et des points de réévaluation.
Actuellement, le problème auquel nous sommes confrontés pour la pédopsychiatrie est que dans l'association d'un DES et d'une option, on ne peut obliger personne à faire une option. Il faut essayer d'en assurer l'attractivité. Si on voulait pouvoir contraindre, il faudrait soit deux DES totalement séparés, soit un co-DES avec un tronc commun en début de formation (système en Y). La difficulté est que sur l'ensemble des centres universitaires hospitaliers (CHU), neuf ne disposent d'aucun universitaire en pédopsychiatrie et n'ont pas de possibilité d'encadrement universitaire. Sur le reste des CHU, dix-huit ne disposent que d'un seul universitaire de la spécialité. La pédopsychiatrie est donc une spécialité pour laquelle les forces universitaires sont trop faibles pour pouvoir assurer sur le territoire de façon homogène la formation.
Pour renforcer une discipline universitaire, il faut, d'une part, ouvrir des postes et, d'autre part, pouvoir y attirer des jeunes qui sont alors certains d'y trouver l'avenir professionnel qu'ils souhaitent. Or les conditions d'exercice ne sont pas suffisamment favorables aujourd'hui.
Le co-DES est probablement la direction vers laquelle il faudrait aller. Des adaptations seront possibles dans le temps mais nous sommes dans un cadre contraint. Nous avons chaque année entre 8 000 et 8 500 étudiants à gérer, qu'ils sortent du deuxième cycle ou qu'ils viennent de l'étranger. Il s'agit d'un effectif fini, le reste ne peut être donné à une spécialité que par le biais de la formation continue, quelles qu'en soient les modalités, professionnels qui complètent leur formation ou qui accèdent à un nouveau champ de compétences par la voie de la validation des acquis de l'expérience (VAE) qui peut être universitaire ou dans la main du conseil national de l'ordre des médecins (Cnom).
Il y a, chaque année, 500 internes en psychiatrie générale, c'est le deuxième effectif derrière la médecine générale. On pourrait envisager de faire un co-DES et de voir combien d'étudiants il faut lui accorder et où on prend cet effectif. Si on le prend dans la psychiatrie, le système à deux branches permet d'avoir, à la sortie, l'effectif que l'on souhaitait. L'option ne permet pas cela. Si on va chercher des postes d'interne dans d'autres spécialités, la difficulté est de taille car les besoins sont immenses et le système s'est un peu verrouillé depuis un certain nombre d'années avec l'arrivée, en fin de carrière, de la génération du baby-boom et de la génération où l'accès à des spécialités était largement ouvert, en particulier par les CES qui sont désormais largement en extinction.
Le constat est assez noir. C'est le serpent qui se mord la queue. Quels sont les obstacles au système du co-DES ? Ne pourrait-on pas imaginer le même système à partir de la pédiatrie ?
Pr Benoît Schlemmer. - La mise en place d'un co-DES est aujourd'hui rendue impossible par la faiblesse des effectifs universitaires, qui fait obstacle à l'application de manière homogène de cette réforme qui est d'application nationale.
De plus, pour faire un co-DES, il faut que les deux spécialités qui le constituent se mettent d'accord entre elles sur les objectifs de métier, les objectifs pédagogiques, les effectifs à allouer à l'une et l'autre des deux branches. On imaginer que dans la vie professionnelle, il y ait ensuite des voies de passage de l'une à l'autre des deux branches.
Pour avoir des enseignants, il faut être en mesure de les attirer et de les accompagner dans leur parcours, ce qui n'est pas simple, eu égard à ce qui est demandé aux universitaires en général. On n'a pas à faire exactement de la même façon pour toutes les spécialités mais il faut une cohérence d'ensemble.
Combien, sur les 500 postes en psychiatrie, sont pourvus ?
Pr Benoît Schlemmer. - Une petite fraction n'est pas pourvue.
Comment « ré-enchanter » cette filière ?
Pr Daniel Cohen. - Je pense que quand on met en oeuvre une réforme ambitieuse, il faut prendre en compte l'historique. La psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent a toujours été très proche de la psychiatrie des adultes en France. A une époque, il existait un internat de psychiatrie. La discipline est née en se différenciant de la psychiatrie des adultes.
Les Italiens sont neuropsychiatres infanto-juvénile. lls font l'équivalent d'un DES de neuro-pédiatrie et de neuropsychiatrie. Cette situation est rare. Il existe des DES de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent où sont acceptés aussi bien une année en pédiatrie qu'une année en psychiatrie d'adultes. Il existe également ce qui s'apparente à des sur-DES où il faut faire d'abord trois ans de psychiatrie adultes puis deux ans de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent. Voici les configurations les plus fréquentes dans les pays occidentaux.