Je me félicite à mon tour que l'ensemble des usages professionnels ne soient pas concernés par ces dispositions. Nous devons privilégier une approche pragmatique et éviter d'envoyer un mauvais signal aux agriculteurs, qui traversent les difficultés que chacun connaît. Lors du vote de la loi du 6 février 2014, les orateurs de mon groupe avaient en outre fait valoir leurs doutes sur la sécurité juridique du dispositif d'interdiction des pesticides pour les personnes publiques. Trois ans de mise en oeuvre de cette loi permettent sans doute de lever certaines de ces réserves.
Les compétences de l'Union européenne sont dans ce domaine étroitement imbriquées avec celles des États membres. En matière de protection de l'environnement, la compétence est partagée : les États membres sont compétents pour ce que l'Union n'a pas décidé de régler elle-même. En ce qui concerne la santé humaine, en revanche, la compétence est dite d'appui : l'Union européenne n'intervient que pour soutenir, coordonner, ou compléter l'action des États membres, sans pour autant exercer un rôle législatif, ni limiter leurs compétences.
D'une façon générale, les institutions européennes ont manifesté leur intérêt pour les enjeux de biodiversité et de préservation des ressources en eau, qui sont nécessairement affectées par les pesticides. La réglementation européenne relative aux phytosanitaires repose sur deux textes : la directive (CE) n° 128/2009 et le règlement (CE) n° 1107/2009, tous deux adoptés le 21 octobre 2009. Cet ensemble, communément appelé « paquet pesticides », a redéfini le processus d'homologation de ces produits et élaboré un cadre d'utilisation compatible avec le développement durable. En résumé, dans le respect des prérogatives des États membres, l'Union européenne constitue bien un acteur clé du dossier des pesticides.
Il y a donc un réel intérêt, comme l'avance la proposition de résolution de notre collègue Joël Labbé, à « demander à l'Union dans quelle mesure la législation européenne pourrait interdire » en premier lieu, la « vente aux particuliers des produits phytosanitaires » et, en second lieu, « l'utilisation des produits phytosanitaires par les personnes publiques », mais sous réserve de trois exceptions significatives : les stades, les cimetières, et les voiries pour lesquels « un non recours à ces produits pourrait s'avérer dangereux ». Ces précisions sont utiles car, par exemple, nos enfants ne doivent pas marcher sur des trottoirs glissants ou mal dégagés pour aller à l'école. Il en va de même pour nos anciens qui entretiennent les tombes de leurs proches dans les cimetières. En un mot, il faut faire preuve de pragmatisme !
Rappelons que l'interdiction faite par le législateur français aux personnes publiques d'utiliser des produits phytosanitaires s'applique aussi bien à leur domaine public que privé. Sont donc essentiellement concernés l'entretien des espaces verts, celui des forêts et celui des lieux de promenade.
Les deux principes de la loi du 6 février 2014 s'inscrivent dans le prolongement des dispositions adoptées dans le cadre du « paquet pesticides » de 2009. Il serait donc utile de les faire valoir au niveau européen, pour le jour où la rédaction des textes dudit paquet sera actualisée.
En définitive, la présente proposition de résolution est de nature à contribuer à nourrir utilement le débat sur les pesticides au niveau européen. Au surplus, l'angle de réflexion choisi par notre collègue Joël Labbé créé les conditions d'une approche largement partagée par les sénateurs sur cette partie spécifique de la question, vaste et complexe, des produits phytosanitaires. Dans notre pays, l'objectif de réduire fortement l'utilisation des pesticides, selon le schéma des plans d'action nationaux successifs Écophyto I et II, nécessite de faire évoluer progressivement les mentalités.
Compte tenu de l'importance de l'enjeu, du caractère précis et de la démarche pragmatique poursuivie par la présente proposition de résolution, vos rapporteurs vous proposent de l'adopter sans modification.