Cette mission d'information a rassemblé un sénateur de chaque groupe politique. Pour la mener à bien, la commission des lois a reçu les prérogatives d'une commission d'enquête. La mission a entendu près de 300 personnes et effectué 13 déplacements, qui lui ont permis de visiter quinze juridictions, quatre centres pénitentiaires, trois écoles de formation aux métiers de la justice, la plate-forme nationale des interceptions judiciaires et le chantier du futur palais de justice de Paris. Son rapport compte environ 300 pages et présente 127 propositions.
La dimension financière des problématiques de la justice a été très présente dans les travaux de la mission, ainsi que les questions de gestion et d'évaluation.
La justice va mal. Au cours des cinq dernières années, le stock d'affaires en attente d'être jugées a augmenté de plus de 25 % pour les juridictions civiles, certaines atteignant même près de 28 %. En presque dix ans, les délais de jugement sont passés d'environ sept mois à près d'un an pour les tribunaux de grande instance. Or le nombre de magistrats et de greffiers diminue, et les vacances de postes sont devenues endémiques : actuellement, près de 500 postes de magistrats et 900 postes de greffiers ne sont pas pourvus dans les juridictions. M. Urvoas a parlé d'une « clochardisation » de la justice. Il est clair en tout cas que nous sommes proches de l'embolie, sachant que, chaque année, les juridictions sont saisies de plus de 2,7 millions d'affaires civiles et 1,2 million d'affaires pénales nouvelles.
Pour des centaines de milliers de Français chaque année, la justice c'est d'abord les litiges relatifs aux loyers, aux bornages, aux crédits à la consommation, aux saisies sur salaire, aux saisies immobilières, aux servitudes de passage, à l'état civil, au droit du travail, au recouvrement de créances, aux divorces, à la garde des enfants et aux pensions alimentaires. À l'égard de tous ces concitoyens en demande de justice, les tribunaux doivent avant tout répondre à un impératif de service public : qualité, facilité d'accès, simplicité de fonctionnement, rapidité et, bien sûr, effectivité de l'exécution des jugements.
Il suffit d'énoncer toutes ces exigences pour mesurer le chemin qui reste à parcourir pour que la justice réponde pleinement aux attentes des justiciables. En attestent aussi les lenteurs et les dysfonctionnements de l'aide juridictionnelle et l'incroyable complexité du partage des rôles entre le tribunal d'instance et le tribunal de grande instance, qui est à la fois fonction de la somme en jeu et de la spécialité à laquelle l'affaire se rattache. Dans notre pays, le chemin de l'accès au droit demeure trop souvent labyrinthique.
Il ne faut donc pas s'étonner de l'essor fulgurant des sites internet qui proposent une palette de plus en plus large de services permettant à nos concitoyens de traiter leurs litiges, selon un modèle déjà entré dans les moeurs aux États-Unis. De plus en plus de justiciables règleront ainsi leurs différends par référence aux jurisprudences certes, mais en dehors des tribunaux. Acceptable, et même souhaitable à certains égards, cette évolution inéluctable n'est pas sans risques et doit donc être maîtrisée.