Intervention de Thierry Missonnier

Commission des affaires économiques — Réunion du 4 avril 2017 à 14h35
Audition de M. Hubert Carré directeur général du comité national des pêches maritimes et des élevages marins cnpmem de M. Thierry Missonnier directeur du fonds régional d'organisation du marché du poisson « from nord » et du pôle aquimer et de Mme émilie Gélard juriste au cnpmem également en charge des relations publiques et de la communication

Thierry Missonnier, directeur du Fonds régional d'organisation du marché du poisson « FROM Nord » et du Pôle Aquimer :

FROM Nord, que je dirige, est la plus importante organisation de producteurs française en tonnage puisque nos adhérents débarquent 100 000 tonnes sur différentes zones. Elle regroupe de grandes flottilles de la région, mais aussi la Compagnie des pêches de Saint-Malo, donc des armements de pêche hauturière, ainsi que des navires de pêche artisanale, pour un total d'environ 200 navires.

Nous avons établi une cartographie reconstituant ce que devrait être la zone économique exclusive britannique et les lieux de pêche de nos navires, puisque nous enregistrons leurs captures jour par jour tout au long de l'année. Les résultats sont catastrophiques, car, sur les 100 000 tonnes de quotas que nous pêchons toutes espèces confondues, 64 % de nos captures se font dans la zone exclusive économique britannique.

Cela concerne évidemment les armements de pêche hauturière - 90 % des captures de lieu noir se font dans ce qui serait la ZEE britannique ; cela concerne aussi d'autres espèces, comme les espèces pélagiques, mais aussi les navires artisans. Comme l'a souligné le directeur général du Comité national, les navires qui quittent les ports de Boulogne-sur-Mer, de Calais ou de Dunkerque, après quelques minutes de navigation, traversent le rail - où l'on ne peut pas pêcher pour des raisons de sécurité - et entrent immédiatement après en zone britannique.

S'agissant des possibilités de report vers les zones qui resteraient européennes, non seulement les ressources de celles-ci ne sont pas forcément exploitables sur une échelle plus importante, mais encore certaines espèces ne se trouvent qu'en mer du Nord, à proximité des côtes écossaises ou anglaises. Un tel report n'est donc pas souhaitable, si tant est qu'il soit possible.

Par ailleurs, une partie de nos armements de pêche hauturière débarquent aujourd'hui près de leur zone de pêche en Écosse dans ce qu'on appelle des bases avancées. Tant que le Royaume-Uni est membre de l'Union européenne, cette production, rapportée dans le port de Boulogne-sur-Mer, est considérée, lors de sa mise en vente, comme une première vente. Si le Royaume-Uni venait à sortir de l'Union européenne, je ne sais pas ce qu'il adviendrait juridiquement, économiquement, fiscalement de ces débarquements en base avancée qui représentent 20 000 tonnes pour les navires de notre organisation de producteurs.

Cette situation est extrêmement compliquée et nous ne sommes pas en position de force. Avant l'entrée du Royaume-Uni dans la Communauté européenne, il existait des conventions ; il va falloir engager des consultations juridiques pour savoir si ces accords antérieurs seront applicables. Les juristes, à ce jour, sont incapables de le dire. Je pense notamment aux droits historiques. Nous plaçons beaucoup d'espoirs dans le mouvement d'humeur des Écossais - ce n'est pas celui des pêcheurs écossais -, qui eux sont massivement favorables au Brexit, même s'ils sont apparemment minoritaires en Écosse. C'est peut-être là une solution possible, et il faudra suivre cela avec attention.

Je suis tout à fait d'accord : il ne faut pas qu'il y ait un accord séparé sur la pêche une fois que les autres gros problèmes auront été réglés ; auquel cas nous serions forcément perdants.

S'agissant des aspects commerciaux, en ne considérant que le port de Boulogne-sur-Mer, première plate-forme de transformation de produits de la mer en France, au coude à coude avec celui de Lorient - 35 000 tonnes de pêche locale débarquée, sur un total de 200 000 tonnes -, l'idée quelquefois émise de taxer les produits provenant notamment du Royaume-Uni n'est pas forcément très judicieuse pour l'ensemble de la filière française. Les mareyeurs et les entreprises de transformation, certes, travaillent nos productions, mais travaillent également des produits importés. Renchérir les produits d'importation ne serait pas forcément très bénéfique pour cette industrie de la transformation, par ailleurs performante sur des marchés très demandeurs.

La solution ne passe pas par l'imposition de taxes sur des produits que nous devrons de toute façon importer, car, comme l'a souligné Hubert Carré, la production de pêche française couvre en moyenne 20 % de la consommation des Français.

Autant de problèmes pour lesquels nous n'avons pas à ce jour de solution. Tout dépendra de la façon dont les négociations seront menées.

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