Pour avoir négocié avec les Britanniques dans un autre domaine, je peux vous dire que les négociations avec eux, comme avec les Canadiens et les Norvégiens, ne sont pas faciles. Très vite, ils s'inscrivent dans une stratégie de la rupture. J'imagine très bien les Britanniques dire qu'ils veulent un accord global et, subitement, changer de pied, les marins pêcheurs britanniques montant au créneau en menant des actions très dures, avec la complicité bienveillante du Gouvernement.
Bien sûr, il faut mener une négociation globale englobant tous les pays européens, mais ne laissons pas de côté nos partenaires de l'Espace économique européen que sont les Islandais et les Norvégiens, sans oublier le Groenland. En tant que président du groupe d'amitié France-Europe du Nord, je connais bien ces gens, et ils ne sont pas très bien considérés par l'Union européenne. Nous, Français, devrions établir des relations bilatérales avec l'Islande, par exemple, qui vient de nommer l'un de ses plus brillants diplomates, Gunnar Snorri Gunnarsson, francophile, pour conduire les négociations sur le Brexit. Celui-ci s'inquiète de ses conséquences, sachant que le Royaume-Uni est le deuxième client de l'Islande - 12 % de ses exportations, essentiellement du poisson. Les Britanniques, puissance occupante durant la Seconde Guerre mondiale, après les Américains, considéraient ce pays comme leur « bac à poisson ».
Les Islandais ont la chance de connaître une phase de plein développement économique. Les pêcheries, auparavant leur première industrie, viennent tout juste d'être dépassées par le tourisme, qui connaît une forte expansion. Au sein de la société islandaise, on assiste à un phénomène de contestation à la fois des pêcheurs, des pêcheries et à des prélèvements exagérés. Les élections d'octobre dernier ont été assez tendues et ont beaucoup porté sur la surexploitation de la ressource marine.
La Commission européenne a toujours très mal mené les négociations sur la pêche avec la Norvège et l'Islande, d'autant que ces pays devraient être complètement intégrés à l'Union européenne. Kim Kielsen, le Premier ministre du Groenland, ancien marin pêcheur, me disait que les calculs de la ressource et des quotas réalisés par l'Union européenne étaient nuls, à tel point que le Groenland a passé des accords avec les Allemands pour fixer leurs propres quotas et disposer d'une contre-expertise. La France aurait donc intérêt à regarder du côté de la Norvège, de l'Islande et du Groenland, qui sont tout à fait demandeurs. Sur cette question de la pêche, on ne peut pas les renvoyer à la rigueur technocratique bruxelloise et leur dire que c'est à prendre ou à laisser. C'est tout de même l'une de leurs premières activités économiques !
Ces pays, qui nous sont associés à travers l'Espace économique européen, nous disent que l'on négocie des traités avec la Corée du Sud, les États-Unis et le Canada et ont le sentiment d'être la cinquième roue du carrosse et de devoir accepter toutes nos conditions sans être associés.