Mes chers collègues, je vous remercie de votre présence cet après-midi, compte tenu du délai très court qui vous a été imposé pour vous libérer, dans une période qui plus est particulière. J'ai en effet pris dans l'urgence la décision de réunir la commission, pour des raisons que je développerai dans quelques instants.
Trois auditions étaient prévues cet après-midi, dont celle du directeur général des infrastructures, des transports et de la mer, mais celui-ci ayant fait valoir son obligation de réserve en cette période préélectorale, ne pourra être présent, ce que je regrette.
La loi du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire prévoit la conclusion de contrats de performance entre l'État et les trois entités du groupe public ferroviaire : SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités. Ces contrats sont des éléments essentiels de la loi, destinés à assurer l'équilibre financier de la SNCF, à lui permettre de maîtriser ses coûts et la trajectoire de sa dette. Ils devaient également matérialiser « le retour de l'État stratège ».
Nous attendions ces contrats de performance depuis un certain temps puisque la loi du 4 août 2014 a maintenant plus de deux ans, mais, comme soeur Anne, nous ne voyions rien venir ! Le Gouvernement a, dans un premier temps, justifié ce délai par la nécessité de régler au préalable les questions inhérentes au dialogue social dans l'entreprise. Puis il a fait valoir la procédure de saisine du Haut Comité du système de transport ferroviaire, qui a ensuite rendu un avis sur le rapport stratégique d'orientation. L'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer), a été saisie, au mois de décembre 2016, des projets de contrats et elle a rendu son avis le 29 mars dernier.
Cet avis est très sévère. Concernant le contrat de performance entre l'État et SNCF Réseau, l'Arafer évoque « des hypothèses économiques fragiles et peu crédibles ». Elle fait remarquer que les augmentations de péage prévues sont déconnectées des réalités économiques et que l'incidence qu'elles pourraient avoir sur le trafic n'est pas véritablement évaluée.
Sur la question de la productivité, l'Arafer dénonce non seulement le manque d'indicateurs de performance précis, mais aussi le fait que les efforts de productivité annoncés sont assez flous. Elle relève notamment - on en a d'ailleurs parlé, ce matin, en réunion du conseil de surveillance de la SNCF - que, dans trois ans, les efforts de productivité pourraient doubler, sans que cela soit vraiment justifié dans le contrat. Elle note surtout que la dette continuera à augmenter et qu'en 2026, elle ne sera toujours pas stabilisée. Elle connaîtrait ainsi une augmentation de 40 %, sur la période du contrat, pour dépasser 60 milliards d'euros.
Soulignant que toutes ces hypothèses sont sans doute optimistes, l'Arafer recommande « une révision profonde du projet de contrat avant sa signature ».
Ayant appris que cette signature interviendrait demain, il nous est apparu nécessaire de nous réunir pour débattre de ce projet de contrat, sachant que, conformément à la loi, l'avis de l'Arafer doit être transmis au Parlement, ce qui n'a pas été le cas. L'État ne nous a officiellement transmis ni le projet de contrat ni l'avis de l'Arafer, en méconnaissance totale de ses obligations. Nous avons quand même pu accéder à certains de ces documents, en partie publics, mais, sur la forme, il est choquant que cette transmission ne soit pas intervenue.
Toujours sur la forme, je l'ai dit ce matin devant le conseil de surveillance, je considère qu'il n'est ni acceptable ni convenable que le Gouvernement signe, à trois jours de l'élection présidentielle, un contrat qui va déterminer la relation entre l'État et la SNCF pour dix ans.
Certes, on nous dit que ce contrat pourra être révisé dans trois ans. Mais cela fait plus de deux ans que nous l'attendons et il faudrait maintenant le signer dans l'urgence, à trois jours d'une élection majeure, alors même que l'État se prévaut de cette période pour justifier son obligation de réserve et ne pas venir s'exprimer devant notre commission !
Cette situation n'est acceptable ni sur la forme ni sur le fond, compte tenu de l'avis très sévère exprimé par l'Arafer, dont le Gouvernement ne tient absolument pas compte, puisque, si j'ai bien compris, c'est la copie initiale, le projet de contrat tel qu'il a été défini, qui va être signé.
Voilà pourquoi il me semblait important de réunir notre commission, malgré le délai très court imposé dans cette période délicate.
Monsieur Jeantet, avant de vous donner la parole, je vous remercie de ne pas avoir invoqué le devoir de réserve pour, si j'ose dire, vous « défiler ».
J'aimerais que vous puissiez nous confirmer que la signature est bien imminente puisque, là aussi, nous en avons été informés par des bruits de couloir. Je souhaite également connaître votre sentiment sur ce projet de contrat, notamment sur les remarques de l'Arafer indiquant que les recettes seraient irréalistes et que la maîtrise des dépenses et de la dette ne serait pas assurée.