Mes chers collègues, je vous remercie de votre présence cet après-midi, compte tenu du délai très court qui vous a été imposé pour vous libérer, dans une période qui plus est particulière. J'ai en effet pris dans l'urgence la décision de réunir la commission, pour des raisons que je développerai dans quelques instants.
Trois auditions étaient prévues cet après-midi, dont celle du directeur général des infrastructures, des transports et de la mer, mais celui-ci ayant fait valoir son obligation de réserve en cette période préélectorale, ne pourra être présent, ce que je regrette.
La loi du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire prévoit la conclusion de contrats de performance entre l'État et les trois entités du groupe public ferroviaire : SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités. Ces contrats sont des éléments essentiels de la loi, destinés à assurer l'équilibre financier de la SNCF, à lui permettre de maîtriser ses coûts et la trajectoire de sa dette. Ils devaient également matérialiser « le retour de l'État stratège ».
Nous attendions ces contrats de performance depuis un certain temps puisque la loi du 4 août 2014 a maintenant plus de deux ans, mais, comme soeur Anne, nous ne voyions rien venir ! Le Gouvernement a, dans un premier temps, justifié ce délai par la nécessité de régler au préalable les questions inhérentes au dialogue social dans l'entreprise. Puis il a fait valoir la procédure de saisine du Haut Comité du système de transport ferroviaire, qui a ensuite rendu un avis sur le rapport stratégique d'orientation. L'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer), a été saisie, au mois de décembre 2016, des projets de contrats et elle a rendu son avis le 29 mars dernier.
Cet avis est très sévère. Concernant le contrat de performance entre l'État et SNCF Réseau, l'Arafer évoque « des hypothèses économiques fragiles et peu crédibles ». Elle fait remarquer que les augmentations de péage prévues sont déconnectées des réalités économiques et que l'incidence qu'elles pourraient avoir sur le trafic n'est pas véritablement évaluée.
Sur la question de la productivité, l'Arafer dénonce non seulement le manque d'indicateurs de performance précis, mais aussi le fait que les efforts de productivité annoncés sont assez flous. Elle relève notamment - on en a d'ailleurs parlé, ce matin, en réunion du conseil de surveillance de la SNCF - que, dans trois ans, les efforts de productivité pourraient doubler, sans que cela soit vraiment justifié dans le contrat. Elle note surtout que la dette continuera à augmenter et qu'en 2026, elle ne sera toujours pas stabilisée. Elle connaîtrait ainsi une augmentation de 40 %, sur la période du contrat, pour dépasser 60 milliards d'euros.
Soulignant que toutes ces hypothèses sont sans doute optimistes, l'Arafer recommande « une révision profonde du projet de contrat avant sa signature ».
Ayant appris que cette signature interviendrait demain, il nous est apparu nécessaire de nous réunir pour débattre de ce projet de contrat, sachant que, conformément à la loi, l'avis de l'Arafer doit être transmis au Parlement, ce qui n'a pas été le cas. L'État ne nous a officiellement transmis ni le projet de contrat ni l'avis de l'Arafer, en méconnaissance totale de ses obligations. Nous avons quand même pu accéder à certains de ces documents, en partie publics, mais, sur la forme, il est choquant que cette transmission ne soit pas intervenue.
Toujours sur la forme, je l'ai dit ce matin devant le conseil de surveillance, je considère qu'il n'est ni acceptable ni convenable que le Gouvernement signe, à trois jours de l'élection présidentielle, un contrat qui va déterminer la relation entre l'État et la SNCF pour dix ans.
Certes, on nous dit que ce contrat pourra être révisé dans trois ans. Mais cela fait plus de deux ans que nous l'attendons et il faudrait maintenant le signer dans l'urgence, à trois jours d'une élection majeure, alors même que l'État se prévaut de cette période pour justifier son obligation de réserve et ne pas venir s'exprimer devant notre commission !
Cette situation n'est acceptable ni sur la forme ni sur le fond, compte tenu de l'avis très sévère exprimé par l'Arafer, dont le Gouvernement ne tient absolument pas compte, puisque, si j'ai bien compris, c'est la copie initiale, le projet de contrat tel qu'il a été défini, qui va être signé.
Voilà pourquoi il me semblait important de réunir notre commission, malgré le délai très court imposé dans cette période délicate.
Monsieur Jeantet, avant de vous donner la parole, je vous remercie de ne pas avoir invoqué le devoir de réserve pour, si j'ose dire, vous « défiler ».
J'aimerais que vous puissiez nous confirmer que la signature est bien imminente puisque, là aussi, nous en avons été informés par des bruits de couloir. Je souhaite également connaître votre sentiment sur ce projet de contrat, notamment sur les remarques de l'Arafer indiquant que les recettes seraient irréalistes et que la maîtrise des dépenses et de la dette ne serait pas assurée.
Je confirme que le contrat de performance de SNCF Réseau doit être signé demain matin, à 10 heures, à l'hôtel de Roquelaure.
Ce contrat est le fruit d'un long processus puisque, depuis l'adoption de la loi de 2014, il est discuté entre, d'un côté, l'État, et, de l'autre, SNCF Réseau.
Être président de SNCF Réseau, c'est présider une grande entreprise industrielle française, qui emploie 54 000 cheminots, représente 6,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel et des investissements substantiels. Je voudrais affirmer l'importance pour nous d'avoir un contrat décennal, qui, fondamentalement, donne de la visibilité.
Ce contrat affirme une priorité stratégique, auparavant exprimée par les uns et les autres, mais qui n'était pas écrite, à savoir la nécessité d'améliorer la qualité de service, en renforçant et en rénovant le réseau ferré national, d'une manière générale, mais plus particulièrement le réseau ferré national classique. Celui-ci - il suffit de lire les nombreux rapports qui ont été écrits sur ce sujet pour s'en convaincre - a été, en termes d'investissements, très largement délaissé pendant de nombreuses années et nécessite un renouvellement important.
Le contrat de performance, tel qu'il est présenté aujourd'hui, réaffiche cette priorité de rénovation du réseau structurant, sans ignorer le réseau régional. Cette priorité concerne en particulier les noeuds ferroviaires, qui sont un vrai sujet puisque la vaste majorité de nos concitoyens transportés par le réseau ferré national le sont à partir de grands noeuds ferroviaires tels que l'Île-de-France, Lyon, Marseille, Rennes, Lille, Bordeaux.
Si le premier point important est la priorité stratégique de la rénovation du réseau, le deuxième est la visibilité.
Si nous votons le budget de SNCF Réseau en novembre de l'année n-1, nos investissements, nos projets de rénovation et de développement sont planifiés depuis trois ans. La raison de cette planification tient au fait que les travaux que nous réalisons sur le réseau ferré national se font sur un réseau exploité et que notre objectif est évidemment de minimiser l'impact sur l'exploitation. L'importance de cette planification à long terme est évidente pour toutes les entreprises ferroviaires qui assurent un service.
Chaque année, le budget est discuté et, très souvent, les montants prévus sont diminués. Cela a pour conséquence qu'en janvier ou février, 10 % à 20 % des projets sont déprogrammés, ce qui est un gros problème pour nous.
À cet égard, ce contrat de performance représente une avancée majeure puisqu'il nous donne une prévisibilité. Désormais, nous pourrons planifier nos projets trois ans à l'avance, grâce aux indicateurs d'investissements qui pourront être réalisés sur la partie du réseau le plus structurant, à travers une trajectoire qui, dans les années 2000, était de 500 millions à 700 millions d'euros par an, qui est passée à 2,6 milliards d'euros en 2016 et qui va monter à 3 milliards d'euros avant productivité jusqu'à la fin de ce contrat de performance. Voilà pour la partie « réseau structurant ».
Sur la partie régionale, ce qu'on appelle les lignes 7 à 9, sont prévus des contrats de plan entre l'État et les régions, qui ont été revus ces dernières années. Même si cette classification de lignes 7 à 9 est - sans doute à juste titre sur une partie du réseau - critiquée par l'Association des régions de France, elle a le mérite d'exister. Les contrats de plan État-région (CPER) comportent des investissements massifs : en 2016, environ 500 millions d'euros ont été investis sur le ferroviaire. Ils seront progressivement augmentés jusqu'à 1 milliard d'euros et conjointement financés par les régions et l'État. Je salue cet accroissement substantiel, absolument nécessaire si on veut maintenir notre réseau dans un état normal d'exploitation.
Ce deuxième point, la visibilité sur les investissements, est pour moi, en tant que président de SNCF Réseau, fondamental.
Le troisième sujet est le plan de charge des investissements financiers, qui s'élève à 46 milliards d'euros sur dix ans. Il englobe toutes les facettes de l'investissement, notamment les contrats de plan État-région qui, pour l'instant, ne sont prévus que jusqu'en 2020, mais on a considéré qu'ils seraient prolongés au-delà. Cette augmentation est significative par rapport à ce qui existait il y a quelques années.
Enfin, le dernier point qui, en effet, fait l'objet d'une critique de l'Arafer concerne l'objectif prévu par la loi de couvrir les coûts complets à l'horizon de dix ans, de telle manière que la dette, au-delà, n'augmente plus.
Certes, la dette augmentera, d'ici au terme de ce contrat, en 2026, de 17 milliards d'euros. Elle devrait augmenter de 3 milliards d'euros au début, de 400 millions ou 500 millions d'euros l'avant-dernière année, puis, de la dixième à la onzième année, elle ne devrait plus augmenter puisque les coûts complets seront couverts dans la dixième année.
Ces 17 milliards d'euros sur dix ans correspondent en moyenne aux frais financiers actuels.
Les trois principales composantes du réseau ferré national contribuent de manière à peu près égale à cet objectif de couverture du coût complet à horizon de dix ans. La dette augmente actuellement de 3 milliards d'euros par an, hors nouveaux développements du réseau, qui seront traités suivant la règle d'or.
Un tiers provient des recettes, du fait de l'augmentation des péages, particulièrement à partir de 2021, et de l'accroissement des volumes, ce qui représente environ 1 milliard d'euros.
Un tiers provient de l'augmentation des subventions de l'État, soit directement à travers l'augmentation de la redevance d'accès, soit à travers les dividendes de SNCF Mobilités reversés à SNCF Réseau, actuellement de l'ordre de 130 millions d'euros, mais estimés à 600 millions d'euros la dixième année, ce qui suppose des gains de productivité de SNCF Mobilités. Ce deuxième paquet représente également 1 milliard d'euros environ.
Le troisième tiers est lié à notre productivité, que je me suis engagé, ainsi que le comité exécutif de SNCF Réseau, à augmenter de 1,2 milliard d'euros à l'horizon 2026 en année pleine. Un grand chantier d'analyse de la valeur de nos projets a été engagé afin d'améliorer la productivité pour un volume égal d'investissements. Une partie des économies portera sur les charges. Sur un total de 8 milliards d'euros, cela correspond à environ 1,5 % par an sur dix ans. C'est un plan ambitieux, mais considéré comme réalisable dans le monde industriel.
L'avis de l'Arafer est certes critique, mais je soulignerai deux points positifs. L'Autorité reconnaît la pertinence des priorités dans la gestion du réseau, en particulier dans l'investissement nécessaire pour rénover le réseau ferré national et le remettre à un niveau nominal. Elle considère en outre que la cible de productivité, à partir d'un benchmark européen, est cohérente. Elle émet néanmoins des doutes sur nos capacités à l'atteindre.
Je m'engage à détailler notre plan devant l'Arafer. À ma nomination, en 2016, j'ai lancé un plan de productivité pour atteindre l'objectif fixé au moment de la réforme ferroviaire de 2014, soit 500 millions d'euros de gains de productivité à l'horizon 2021. C'est une première étape. À cet effet, nous avons défini trente-deux leviers. Depuis le 1er janvier, tous les quinze jours, le comité exécutif revoit deux à trois d'entre eux pour s'assurer de leur réalisation par les équipes de SNCF Réseau.
L'avis de l'Arafer comporte également des points très négatifs. Le régulateur conteste globalement la trajectoire financière, essentiellement sur deux points. Comme vous le savez, l'Arafer avait rendu un avis défavorable sur la réforme concernant des péages triennaux à partir de 2018. Cet avis est complexe, je n'entrerai donc pas dans le détail. Les péages figurent sur une ligne globale. Le contrat prolonge le niveau des recettes actuelles, augmentées de l'inflation.
L'Autorité conteste par ailleurs la capacité de l'État à maintenir les financements prévus, en particulier l'augmentation des subventions, ainsi que la capacité de SNCF Mobilités à rétrocéder près de 600 millions d'euros de dividendes dans dix ans.
Ce plan est certes ambitieux, mais le volume de trains, puisque nous sommes payés au train-kilomètre, est cohérent avec le contrat de SNCF Mobilités, qui assure la très grande majorité de nos recettes. Nous avons anticipé l'ouverture à la concurrence prévue par le quatrième paquet ferroviaire dans ces prévisions de trafic.
Le régulateur nous reproche en outre de n'avoir pas défini tous les indicateurs de performance et de qualité de service. Sur les dix indicateurs non financiers, trois ne sont pas renseignés. Je me suis engagé à travailler avec l'État et l'Arafer pour les définir. Lors de la phase de concertation, des régions nous ont d'ailleurs suggéré des indicateurs. Un calendrier a été inscrit dans le contrat.
Le régulateur reproche à SNCF Réseau de ne pas répercuter les gains de productivité sur le prix des péages. La loi est très claire sur ce point : tant que le coût complet du réseau n'est pas couvert par l'ensemble des ressources, SNCF Réseau conserve le bénéfice des gains de productivité qu'il réalise. Évidemment, mon souhait le plus cher est de parvenir à terme à diminuer les péages, mais, à l'horizon de dix ans, ce n'est pas possible.
Enfin, l'Arafer doute de la réalité de la réduction des coûts affichés et note l'absence d'une stratégie de rupture dans la gestion industrielle de l'entreprise. Lorsque j'ai été nommé à la présidence de SNCF Réseau, j'ai engagé une sorte de rupture suivant deux grands axes.
Le premier axe, c'est l'accélération de l'innovation, en particulier grâce aux nouvelles technologies, afin d'améliorer la performance. Je pense, par exemple, au passage d'une maintenance réactive ou programmée à une maintenance prédictive. Il faut savoir que la végétation le long des lignes équivaut à neuf fois la superficie de la ville de Paris. Nous avons mis au point un système croisant les relevés topographiques effectués parfois par des drones, la reconnaissance des essences et les données météorologiques afin de prédire l'évolution des arbres les plus dangereux en vue de les abattre préventivement et non plus de manière réactive, lorsque l'arbre est tombé sur la voie. Nous souhaitons développer ce type d'innovations. La gestion de maintenance assistée par ordinateur va également nous permettre d'être plus productifs en matière d'organisation et de planification au jour le jour.
Le deuxième grand axe, c'est l'externalisation. Il s'agit de faire participer un plus grand nombre d'acteurs industriels performants en France à la maintenance et au renouvellement du réseau ferré national. Historiquement, tout en faisant appel à des sous-traitants, le contrôle des chantiers et la méthodologie restaient totalement contrôlés par la SNCF. Nous voulons laisser une plus grande marge de manoeuvre aux industriels privés pour investir dans des trains-usines ou « suites rapides » performants, mais aussi pour développer de nouvelles méthodes de maintenance.
Ces deux grands axes sont en « rupture » dans le monde de SNCF Réseau, même si je n'aime pas trop ce terme, car nous exploitons le réseau ferré national et limitons l'impact sur les exploitations existantes. Il faut donc se méfier des révolutions dans ce domaine, la sécurité restant notre objectif premier.
Je conclurai sur un dernier point : l'Arafer nous reproche de ne pas avoir organisé une concertation suffisante. Nous avons tout de même interrogé soixante parties prenantes - les régions, notamment à travers l'Association des régions de France, les opérateurs, les associations professionnelles, la Fédération nationale des usagers des transports (FNAUT)... Nous avons organisé une concertation officielle durant quarante-deux jours, entre janvier et février derniers, mais nous avons aussi très largement discuté de tous les thèmes figurant dans ce contrat de performance au cours des deux dernières années. Nous aurions sans doute pu mieux faire, mais je pense que nous avons réalisé un grand travail.
Avant de donner la parole à ceux de nos collègues qui le souhaitent, je ferai trois remarques.
Tout d'abord, apprendre aujourd'hui que le contrat va être signé demain, à 10 heures, au ministère, ne me semble pas convenable. L'État n'a jugé bon ni de nous informer ni de nous transmettre les documents qu'il était légalement tenu de nous transmettre.
Ensuite, vous avez souhaité mettre en avant certains des points positifs soulevés par l'Arafer, notamment le fait que le contrat de performance érige en priorité la régénération du réseau, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir. Pour le reste, l'avis de l'Autorité est extrêmement sévère : selon elle, ce contrat, qui échoue à remplir les objectifs du législateur, ne peut être signé en l'état. Il s'agit de mots extrêmement forts, choisis à dessein. Vous avez souligné à plusieurs reprises que ce contrat pouvait paraître ambitieux. Or il s'agit non pas d'un problème d'ambition, mais de crédibilité, ce qui est beaucoup plus ennuyeux.
Enfin, comme moi, vous avez entendu ce matin, lors de la réunion du conseil de surveillance de la SNCF, le président de l'Association des régions de France déclarer que son association et les régions avaient bien été consultées, mais que leur avis n'avait absolument pas été pris en compte. M. Richert a ensuite émis des doutes très sérieux sur la capacité des régions à apporter les financements envisagés, ce qui vient encore renforcer les craintes pesant sur la crédibilité de ce contrat.
Les convocations arrivent parfois au dernier moment. Nous avons été convoqués le 14 avril pour la réunion d'aujourd'hui... Les choses sont parfois plus complexes qu'il n'y paraît. L'arrêté portant sur le système de contrôle des poids lourds sur les autoroutes a été signé le jour où Sarkozy a quitté l'Élysée, repassant ainsi le bébé au nouveau gouvernement...
C'est justement parce que le gouvernement Fillon n'a pas voulu gérer cette question que les choses se sont si mal passées. Ne nous érigeons pas en procureur des difficultés actuelles, monsieur le président. Pour autant, je n'accepte pas non plus cette situation.
Monsieur Jeantet, je suis extrêmement gêné : comment avoir une opinion précise sur le travail réalisé sans avoir pu lire le contrat de performance ? Tout ce que j'en sais, je le tiens d'articles de presse. J'y ai découvert - avec plaisir - que le décret instaurant la règle d'or avait été signé vendredi dernier. Il était temps : nous l'attendions depuis près de trois ans !
Ce contrat de performance a le mérite d'exister. Il s'agit d'un exercice important. Nous avons voulu donner à l'Arafer, tant dans la loi de réforme ferroviaire que dans la loi Macron, les moyens d'assurer une transparence et un débat public sans précédent en matière ferroviaire.
Le contrat de performance a un vrai côté positif : il donne des priorités stratégiques, comme cela a été rappelé. Je regrette seulement de ne pouvoir en discuter, faute d'avoir eu le contrat en main. J'ai un peu l'impression de parler dans le vide.
Je suis désolé de ne pouvoir être plus introspectif sur ce document qui m'intéresse au plus haut point. Je vous ai entendu, mais je suis marqué, comme tous mes collègues, par les propos particulièrement durs de l'Arafer, propos auxquels vous n'avez qu'en partie répondu.
Les parlementaires ne peuvent être traités de cette manière. Nous comprenons le caractère particulier de la période actuelle, mais il n'est pas normal de ne pas avoir eu ce contrat de performance entre nos mains. Nous n'avons pu l'étudier en profondeur et je suis bien incapable, aujourd'hui, de formuler la moindre remarque intelligente à son égard.
Je voudrais au moins rassurer M. Filleul sur la qualité de ses remarques, même s'il n'a pas eu communication du contrat de performance. Je voudrais redire que personne ici n'a eu connaissance de ce document, dont la transmission au Parlement est pourtant une obligation légale.
Comme chacun d'entre vous, j'ai pu accéder à l'avis de l'Arafer via internet. Ce n'est évidemment pas la faute du président de SNCF Réseau, à qui je n'adresse aucun reproche.
Nous n'avons pas eu le contrat de performance entre les mains, mais internet nous permet tout de même d'obtenir quelques éléments.
Vous avez parlé de frais financiers à hauteur d'1,7 milliard d'euros. Compte tenu des taux d'intérêt actuels, quelle dépense en capital cela représente-t-il ?
Quel est le montant précis du coût du renouvellement du réseau ? On entend parler de 29,7 milliards d'euros ou de 32 milliards d'euros. Quel est le véritable chiffre ?
La question du financement repose sur les régions, qui n'ont pas été signataires de ce contrat de performance. L'avis qu'elles ont donné aurait dû être suivi. Ces lignes font partie du réseau national, dont SNCF Réseau se dit propriétaire... Est-ce bien votre rôle de préconiser des fermetures sur le réseau national dévolu aux régions ?
L'augmentation des péages ne risque-t-elle pas de constituer un frein à l'arrivée potentielle de nouveaux opérateurs ? L'augmentation des tarifs ne va-t-elle pas induire une baisse de la rentabilité et du nombre de voyageurs sur vos lignes ?
Par ailleurs, le contrat de performance semble reposer sur des obligations de moyens et peu sur des obligations de résultats...
Si l'on veut une meilleure productivité et une meilleure rentabilité, je pense qu'il faut aussi améliorer l'offre. Les fortes contraintes horaires à l'oeuvre ne satisfont pas les voyageurs, qui se détournent de la SNCF. Nous sommes dans un cercle infernal : moins les horaires sont adaptés, moins il y a de voyageurs, et plus le nombre de voyageurs diminue, plus la rentabilité et les recettes baissent. Comment passer d'un cercle infernal à un cercle vertueux ?
Vous avez parlé de 46 milliards d'euros d'investissements sur dix ans. Je voudrais savoir comment s'organise cette somme. S'agit-il d'investissements en interne ou faites-vous appel à des entreprises privées ? Dans ce dernier cas, nous avions proposé, avec Jean-Jacques Filleul, de baisser les seuils d'appels d'offres en matière d'autoroutes à 500 000 euros. Cela sera-t-il aussi le cas pour SNCF Réseau ou seuls les grands groupes pourront-ils participer à ces appels d'offres ?
Lorsque vous rénovez un réseau, envisagez-vous aussi d'améliorer la téléphonie mobile des usagers des TER ou des TET ? Pensez-vous également à faire bénéficier les territoires ruraux proches de ces lignes d'une meilleure qualité de téléphonie mobile ?
Dans mon département de la Sarthe, nous avons créé une zone d'activité économique autour d'un échangeur ferroviaire entre Le Mans et Tours. SNCF Réseau a d'abord supprimé la ligne Le Mans-Tours, avant de supprimer aussi celle de Tours au Mans. Si nous voulons conserver cet échangeur, il nous faudrait débourser entre 4 et 5 millions d'euros. Nous avions voulu profiter de cet échangeur pour promouvoir notre département, mais SNCF Réseau a tout supprimé sans aucune concertation.
Je ne connais pas le fond du contrat de performance, mais je suis sûr qu'il est plein de bonnes intentions et de bonnes choses.
Le problème ne porte pas tant sur l'entretien de notre réseau, dont nous connaissons le retard extraordinaire, mais sur le financement de cet entretien.
Je suis assez d'accord avec Jean-Jacques Filleul : il n'était pas forcément de bon ton que le gouvernement précédent prenne une décision de cette importance au dernier moment. Mais le gouvernement suivant doit-il, pour autant, réitérer les mêmes erreurs ? Cette remarque vaut pour beaucoup d'autres dossiers...
C'est aussi la raison pour laquelle nos compatriotes sont assez désorientés. Décennie après décennie, nous répétons les mêmes erreurs et rencontrons les mêmes déficits de démocratie participative. Le Parlement est aussi désorienté que les citoyens. Je suis l'un des membres de la mission d'information sur la démocratie représentative, démocratie participative, démocratie paritaire, présidée par M. Cabanel. À ce titre, je peux vous dire que beaucoup reste à faire dans notre pays, en particulier sur la relation Gouvernement-Parlement.
Ce contrat, dont vous vous réjouissez, sera caduc dès sa signature. Nous ne savons pas si l'État pourra honorer cette énorme et néanmoins nécessaire augmentation du financement.
Par ailleurs, toutes les régions vont-elles le signer en même temps que l'État ? Année après année, elles ont appris le coût du financement du réseau ferroviaire et de son fonctionnement... Si leur participation à l'amélioration du réseau devient plus importante et que le coût des péages augmente dans le même temps, sachant que les gains de productivité ne seront pas immédiats, ce sont les régions qui vont payer une grande partie de ces péages, puisqu'elles récupèrent la quasi-intégralité des trains d'équilibre du territoire (TET). Je serais surpris qu'elles applaudissent des deux mains, eu égard à l'état de leurs finances et de la baisse des dotations. Le financement est donc bien le problème numéro un.
L'amélioration de la productivité est une bonne chose. SNCF Mobilités a-t-elle engagé les négociations avec les syndicats ? Sont-ils d'accord pour réaliser les efforts de productivité nécessaires pour amortir ces augmentations de péage ?
Comparée aux opérateurs d'autres pays, la SNCF est une bonne entreprise, mais sa productivité souffre de la non-polyvalence de ses agents. Je suppose que vous avez engagé une réflexion sur cette question dans le cadre de la maintenance du réseau.
Un des TER de ma région est international, puisqu'il se rend en Suisse. Or, tous les hivers, nous devons faire face à des chutes d'arbres sur le réseau. Il est bien évidemment impossible de prévoir quand un arbre va tomber. Mais pourquoi arrêter un train pendant des heures et des heures jusqu'à l'arrivée d'une équipe agréée pour dégager un arbre de diamètre moyen ? Je me suis toujours dit qu'un chauffeur de train privé aurait une tronçonneuse avec lui ! C'est tellement simple et évident !
Il ne s'agit que d'un exemple parmi d'autres. J'ai discuté avec un agent qui était chargé du plein des locomotives ; je ne suis pas certain que la fonction de répandre du sable n'était pas dévolue à un autre agent... Il nous faut sortir de ce problème de non-polyvalence pour améliorer la productivité.
Je note qu'en Franche-Comté il faut un arbre pour arrêter un train ; en Normandie, il suffit de quelques feuilles pour bloquer les lignes pendant des semaines...
Je voudrais saluer M. Jeantet, qui a le mérite d'être présent. Il n'a pas une place facile, mais il a accepté de présider une société appartenant à l'État. Il connaît donc les risques du métier. Les parlementaires sont confrontés à d'autres risques ; nous assumons nos responsabilités tous les six ans, nos collègues de l'Assemblée nationale tous les cinq ans...
Toute cette histoire est extrêmement intéressante en ce qu'elle est révélatrice d'un dysfonctionnement majeur de notre société. Comme vient de le souligner Michel Raison, un document fondamental pour l'avenir de la société et celui du transport ferroviaire, dont nous n'avons pas connaissance, va être signé par des personnes qui s'interdisent de venir en discuter avec nous.
C'est la négation d'une société apaisée, dans laquelle on discute et on essaie de construire ensemble, de manière consensuelle.
Le Parlement, qui, chaque année, autorise les dépenses de l'État au travers des lois de finances, est évidemment un partenaire dans la discussion. Or, en l'espèce, le Gouvernement s'assied sur la légitimité du Parlement à discuter. On se dit que, grâce au fait majoritaire, le Parlement votera... C'est dommage, parce que nous avons montré maintes fois ici, au-delà de nos opinions politiques, que le Parlement pouvait être un partenaire quand l'enjeu est important.
Il va falloir discuter avec les partenaires sociaux de la question des gains de productivité. Cela demandera certainement un travail important avec les agents. Combien de fois ai-je vu les usagers pris en otage, obligés d'attendre un hypothétique conducteur ou de rentrer chez eux parce que leur train a été annulé ?
J'en viens au problème du temps. Peut-on raisonnablement, dans le monde d'aujourd'hui, signer un document qui nous engage sur dix ans, alors que l'on ne sait pas de quoi demain sera fait ? Imaginons que le président de la République qui sera élu sorte notre pays de l'Europe dans les prochaines semaines. Quelle serait alors la valeur du contrat ? On ne sait même pas quels seront les taux d'intérêt à deux ans.
Compte tenu des incertitudes, le dialogue doit être la base. C'est ce que l'on avait essayé de faire lors du Grenelle, et cela n'avait pas si mal marché ! On avait alors réuni tout le monde autour de la table, sans considérer que, par principe, l'État avait raison et les autres - citoyens, ONG ou parlementaires - avaient tort. Cette méthodologie a permis beaucoup d'avancées. Sur des sujets aussi importants pour la vie quotidienne de nos concitoyens et pour la crédibilité de notre économie - les voies ferrées, c'est aussi le transport des marchandises et l'irrigation de notre économie -, le dialogue devrait être prioritaire. Les enjeux sont trop importants pour que nous soient imposées des décisions unilatérales et implacables. En somme, on nous dit « circulez, il n'y a rien à voir »...
Quand, de surcroît, on s'assied sur l'avis négatif de l'autorité de régulation qui a précisément été créée pour émettre un avis qui soit détaché des contingences politiques, en disant que cet avis n'a aucune importance, le déni de démocratie est violent. Dans ces conditions, il ne faut pas s'étonner de la décrédibilisation du monde politique et, globalement, de tous ceux qui ont un pouvoir de décision - les présidents de société nationale, de grandes centrales syndicales... Ces procédés sont quelque peu décourageants pour la représentation nationale ! Je le dis évidemment sans aucune agressivité à l'égard de M. Jeantet, qui, j'en suis convaincu, fait son travail du mieux qu'il peut.
Alors que, en cette période électorale, nous sommes particulièrement incités à réfléchir à des systèmes qui marchent mieux, nous avons là la caricature de ce qu'il ne faut pas faire. Je pourrais citer d'autres exemples. Ainsi, c'est demain que sera installé le conseil de surveillance de la société du canal Seine-Nord Europe. Quel sens cela a-t-il à la veille des élections ? Or, encore, on désigne des zones d'éolien en mer, mettant le feu aux poudres sur ce dossier, qui nécessite, par essence, de la discussion et de la concertation... Je crois qu'il y a quelque chose qui ne va pas au royaume de France.
Je partage tout à fait ce qu'a dit Jérôme Bignon, d'autant que ce sujet est tout de même relativement consensuel. Je rappelle que la loi portant réforme ferroviaire - je parle sous le contrôle de Jean-Jacques Filleul, qui a beaucoup travaillé sur ce texte - a été votée à une très large majorité, bien au-delà de la seule majorité gouvernementale. Une grande partie de l'opposition actuelle l'a également votée. En effet, sur de tels sujets, nous devons être capables de dépasser les clivages politiques.
Je retiens de la présente audition que nous avons tous - chacun avec ses mots et sa sensibilité - dit la même chose, à savoir que le procédé n'était pas correct et qu'il était étonnant que l'on tienne aussi peu compte de l'avis de l'Arafer.
Certains estiment qu'« un contrat, c'est déjà ça ». C'est ce que j'ai entendu ce matin au conseil de surveillance de la SNCF. Personnellement, je ne suis pas certain qu'un contrat dont l'Arafer nous dit qu'il repose sur des hypothèses qui ne sont pas crédibles vaille beaucoup mieux que pas de contrat du tout. Je ne trouve pas rassurant de signer un contrat dont on sait qu'il ne tient pas la route. Au reste, je trouve paradoxal que l'on définisse les indicateurs après avoir signé le contrat. Monsieur le président, vous savez aussi bien que moi que les indicateurs devraient figurer dans le contrat !
Je vais tâcher de répondre aux questions dans l'ordre.
Premièrement, la dette augmente de 17 milliards d'euros, passant de 43 milliards d'euros à la fin de l'année 2016 à 60 milliards d'euros en 2026. Le taux d'intérêt qui a été retenu s'établit à 3 %. En effet, il ne faut pas oublier que notre dette a une histoire et, il y a sept ou huit ans, les taux d'intérêt étaient plus élevés qu'aujourd'hui. Aujourd'hui, on emprunte à 1 % environ, mais, voilà quelques années, les taux étaient encore de 5 ou 6 %. Le taux moyen est donc de l'ordre de 3 %. On continue sur cette base. On ne prend pas de risque sur les taux : on garde, à 80 %, des taux fixes.
Avec 3 milliards d'euros de dette supplémentaire et 2 milliards d'euros de dette renégociée chaque année, le taux moyen baisse d'année en année. Il continue à baisser, y compris avec la légère remontée des taux que l'on a observée récemment - on dispose donc d'une petite marge sur ce plan.
D'ailleurs, à ce titre, nous avons lancé deux émissions obligataires de green bonds, qui sont des obligations de développement durable. SNCF Réseau est le premier gestionnaire d'infrastructures européen à émettre des green bonds. C'est un atout pour SNCF Réseau, qui démontre évidemment l'attention portée au développement durable du ferroviaire français. C'est important, car on oublie trop souvent, dans l'équation financière, que le système ferroviaire français permet d'économiser quelque 10 millions de tonnes de CO2 par an.
Deuxièmement, ce n'est pas SNCF Réseau qui décide de la fermeture de lignes, en particulier de petites lignes. C'est l'État qui en décide. Les régions jouent évidemment un rôle important sur les lignes dites « régionales ». Cependant, nous éclairons le débat. Voilà un an, nous avons commencé à établir un diagnostic prospectif de l'état du réseau régional à cinq ou dix ans, région par région, ligne par ligne, en évaluant les investissements nécessaires, de telle manière que les financeurs - la région, l'État et nous-mêmes - puissent disposer d'une visibilité. Cela n'existait pas auparavant. Mais ce n'est pas à nous qu'échoit, in fine, la décision de fermer les lignes.
En revanche, nous baissons temporairement la vitesse des trains sur certaines lignes qui nécessitent d'être renouvelées. Cela a évidemment un impact sur la qualité de service. Aujourd'hui, pas loin de 4 000 à 5 000 kilomètres de lignes sont concernés par des limitations temporaires de vitesse, soit parce qu'elles ne peuvent pas être renouvelées immédiatement, soit du fait de travaux, pour des questions de sécurité.
Pour ce qui concerne le niveau de péage dans le cadre de l'ouverture à la concurrence, il faut savoir que, pour les TER, le prix payé par les voyageurs correspond aujourd'hui, en moyenne, à 30 % du prix, 70 % étant subventionné par la région. Une diminution des péages n'impacte donc pas le voyageur final ou la capacité du système à absorber plus de voyageurs ; elle impacte plutôt les finances de la région. Dans le cadre de l'ouverture à la concurrence, essentiellement des TGV, le niveau de péage sera le même pour tous les opérateurs. Cela n'aura donc pas d'impact direct sur la concurrence ! Le sujet majeur pour un nouvel entrant dans le système des grandes lignes sera plutôt l'investissement dans le matériel roulant et l'endroit où il maintiendra ce matériel. Il faudra bien évidemment payer up front cet important investissement. Tel sera donc le critère ! Cela me fait dire, à titre personnel, que la concurrence sera sans doute plus forte dans le domaine des TER, qui est contractualisé avec appel d'offres, que dans celui des TGV, même si certains saisiront certainement l'opportunité d'ouvrir de grandes lignes.
Je reviens sur les 46 milliards d'euros d'investissements, que je vais tâcher de présenter de manière aussi détaillée que possible.
Tout d'abord, 28 milliards d'euros seront investis dans le renouvellement du réseau structurant et des noeuds ferroviaires les plus importants, soit quelque 3 milliards d'euros par an avant productivité. Évidemment, ce montant baisse après productivité, pour s'établir entre 2,9 et 2,7 milliards d'euros. Mais on retrouve bien dans le contrat les fameux 3 milliards d'euros avant productivité que le Premier ministre Manuel Valls avait annoncés en mai 2016, soit 27 milliards d'euros au total après productivité.
La mise en conformité bénéficiera de 4,5 milliards d'euros d'investissements, avec l'hypothèse que, peu à peu, c'est l'État qui, sur ses finances propres, subventionnera cet effort, avec ou sans les collectivités suivant les endroits. Je rappelle qu'une grosse part de la mise en conformité tient à l'application de la loi d'accessibilité.
Les investissements industriels et les systèmes d'informatique se verront allouer une somme de 1,8 milliard d'euros sur dix ans, au lieu d'à peu près 300 millions d'euros annuels actuellement. En effet, les dépenses baisseront quand le rattrapage aura été réalisé en la matière.
Les contrats de plan État-région totalisent quant à eux 12 milliards d'euros. Pour définir cette somme, nous avons prolongé au-delà de 2020 les CPER tels qu'ils ont été renégociés récemment. Nous avons donc considéré que le niveau d'investissement resterait le même au-delà de 2020 - bien évidemment, la situation dépendra des CPER. Je rappelle que le contrat prévoit une clause de revoyure au bout de trois ans. Quelqu'un a fait remarquer qu'un contrat de dix ans était irréaliste. De fait, il est absolument certain que la dixième année est beaucoup plus volatile que la première ! Elle est même très volatile ! La clause de revoyure permettra de revoir tous les fondamentaux, en fonction de ce qui s'est passé sur les trois premières années et de la stratégie pour le futur.
Pour ce qui concerne la productivité des personnels, il est très clair que le cadre social est contraignant et nous limite sur un certain nombre de sujets. Nous allons devoir nous attaquer à la polyvalence. C'est, pour nous, un sujet majeur. Il faut savoir que, pour faire face à la concurrence, SNCF Fret a beaucoup avancé sur la polyvalence. Il se trouve que le directeur des ressources humaines de SNCF Fret va devenir celui de SNCF Réseau à compter du 1er juin prochain. La polyvalence, qui me paraît, effectivement, une source de productivité intéressante, est un thème que je compte évidemment aborder avec lui. Je sais que SNCF Fret a aussi travaillé sur la question de la mobilité.
Des accords ont été passés entre les régions et l'État au travers des contrats de plan État-région. SNCF Réseau réalisera les travaux qui découlent de ces contrats. Nous avons alimenté le débat en établissant un diagnostic ligne par ligne. Sur ce plan, nous sommes donc d'accord.
SNCF Réseau doit aujourd'hui régler le sujet des ressources humaines. Que nous externalisions ou non, nos capacités sont limitées. Comme je l'ai déjà dit, les CPER passent, globalement, de 500 millions à 1 milliard d'euros. Nous ne pouvons faire face à ce qu'implique cette augmentation importante des investissements en matière d'expertise humaine. Les personnels doivent être formés, en interne ou par des entreprises privées - nous travaillons déjà beaucoup avec des entreprises externes.
En ce qui concerne la téléphonie mobile pour les usagers, SNCF Réseau a désormais installé sur presque tout le réseau structurant ce que l'on appelle le « GSM-R », téléphonie GSM réservée au ferroviaire pour son exploitation. Cette technologie nécessite d'installer le long des voies des pylônes qui peuvent être utilisés par les opérateurs publics pour équiper les trains en wifi. Bien évidemment, des investissements non négligeables devront aussi être réalisés dans les trains, pour un coût estimé à plusieurs centaines de milliers d'euros pour un TGV. C'est à l'entreprise ferroviaire, donc à SNCF Mobilités, et/ou aux régions, pour les TER, de financer l'éventuelle arrivée du wifi à bord.
Monsieur le président, je vous remercie de votre disponibilité et de tous les éléments d'information que vous avez bien voulu nous apporter.
Je rappelle que nous recevrons M. Bernard Roman à 18 heures.
La réunion est suspendue à 16 heures.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est reprise à 18 heures.
Je vous remercie, monsieur Roman, de nous rejoindre en cette fin d'après-midi pour faire le point sur le contrat de performance État-SNCF Réseau. Selon le président de SNCF Réseau, précédemment auditionné, celui-ci devrait être signé demain matin à 10 heures.
J'ai rappelé, tout à l'heure devant nos collègues, et ce matin lors du conseil de surveillance de l'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) de tête de la SNCF, l'importance de ces contrats de performance, prévus par la loi du 4 août 2014 : ils doivent permettre d'arrêter la dérive financière de la SNCF, par une stabilisation de la dette et un retour progressif à l'équilibre financier ; ils témoignent aussi du retour de l'État stratège.
Alors que nous demandons depuis plusieurs mois la signature de ce contrat entre l'État et la SNCF, un projet de contrat n'a été transmis que très récemment à l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer), laquelle a émis voilà quelques jours un avis pour le moins sévère.
À titre personnel, il me semble inconcevable que ce contrat soit signé en l'état et c'est pourquoi j'ai voté contre sa signature au conseil de surveillance de ce matin.
Devant le président de SNCF Réseau, j'ai réaffirmé que ce contrat ne devrait pas être signé, pour des raisons de fond comme de forme. En effet, il ne me semble pas admissible qu'à trois jours d'une élection majeure pour la vie politique française l'on signe un contrat qui engage l'État pour dix ans, même si une clause de révision dans trois ans est prévue.
C'est d'autant moins admissible que, dans le même temps, le ministre et le directeur général concernés ont refusé de venir s'exprimer devant nous, invoquant leur devoir de réserve.
J'ai donc été amené à réunir très rapidement cette commission afin que l'on puisse entendre les principaux acteurs et échanger avec eux sur ce sujet.
En dépit de nuances tenant à leurs sensibilités politiques, tous les membres de la commission présents aujourd'hui ont estimé qu'il n'était pas convenable de signer, selon un tel calendrier, un contrat présentant de réels points faibles, pour employer des termes mesurés.
Je vous remercie de m'entendre, à la suite de M. Jeantet, afin que je puisse vous livrer l'avis du régulateur sur le projet de contrat de performance entre l'État et SNCF Réseau.
Comme l'a souligné Hervé Maurey, ce contrat de performance forme le coeur du dispositif de la loi du 4 août 2014 et devrait engager résolument la politique de l'État et des établissements publics sur l'ensemble de la décennie pour atteindre les objectifs fixés par la loi.
Nous avons mené sur ce contrat un travail d'instruction minutieux et fouillé de trois mois, à la hauteur des enjeux qu'il fait apparaître.
Nous n'avons pas limité nos travaux à une instruction écrite : nous avons également entendu, en février dernier, les deux parties au contrat, François Poupard, directeur général des infrastructures, des transports et de la mer, et Patrick Jeantet, président de SNCF Réseau.
Dans cet exercice, nous nous sommes aussi appuyés sur les contributions que nous avons reçues des acteurs du transport ferroviaire. Nous pensons en effet que le régulateur se doit d'être à l'écoute de tous et que ces éclairages sont le gage d'une analyse de qualité.
Je rappelle à dessein ce qui peut sembler une évidence, car nous estimons que l'État et SNCF Réseau auraient pu utilement s'inspirer de cette démarche dans leur travail d'élaboration du projet de contrat.
Ce contrat est un outil essentiel de régulation économique du gestionnaire de réseau ferré, qui doit notamment fixer des objectifs de performance et prévoir, en cohérence avec ces objectifs, des mécanismes d'incitation efficaces. C'est d'ailleurs une exigence claire de la directive du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen.
Toutes les expériences de contractualisation similaires, que ce soit en France dans d'autres secteurs régulés - l'énergie, par exemple - ou à l'étranger, montrent que la préparation d'un contrat de ce type suppose un certain délai pour documenter, de façon approfondie, toutes ses dimensions techniques, économiques et financières. À examiner ce projet de contrat, l'Arafer n'a pas le sentiment que cela a vraiment été le cas.
Je formulerai plus précisément des observations sur six points différents.
Le premier point, plutôt positif, porte sur le financement de la rénovation du réseau. Comme je le disais tout à l'heure en aparté, si j'étais président de SNCF Réseau, je signerais ce contrat.
Suffisamment d'audits sur l'état du réseau ferroviaire ont montré que, depuis vingt ans, l'on avait consacré l'ensemble des moyens financiers, humains et matériels à la grande vitesse, en délaissant le réseau structurant. Ce contrat de performance assure 34 milliards d'euros d'investissements sur dix ans pour rénover de façon ciblée le réseau structurant français, et cela me semble utile et positif.
Deux interrogations, néanmoins, demeurent.
La première concerne le périmètre du réseau. Le projet de contrat ne comporte aucun objectif précis en la matière à la fin de la période de contractualisation. En particulier, la liste des lignes du réseau à conserver impérativement fait défaut. Notre pays compte 29 000 kilomètres de lignes et 49 000 kilomètres de voies ; les moyens existants ne permettent absolument pas le maintien de la totalité de ces lignes et de ces voies. Or l'État reste muet sur cette question ! Il évoque la rénovation du réseau structurant, c'est-à-dire à la fois de la grande vitesse et des lignes classées UIC 1 à 6, soit à peu près de la moitié du réseau. Pour le reste, il se contente de dire que les lignes UIC 7 à 9, à savoir celles qui sont laissées à la contractualisation avec les régions et les autorités organisatrices de transports (AOT) locales, « seront maintenues en lien avec les autorités locales ». C'est insuffisant ! Le rôle de l'État stratège est de dire les choses !
Deuxième lacune du projet de contrat : la politique de développement du réseau. L'État se contente de rappeler un principe général évoqué dans le rapport stratégique d'orientation sur le transport ferroviaire, mais ne précise pas où sera engagé le développement. Cette imprécision soulève d'ailleurs des interrogations, s'agissant y compris de certains engagements pris par l'État, dont la presse régionale se fait l'écho quotidien - je pense, par exemple, au projet de TGV Bordeaux-Toulouse, qui chaque jour donne lieu à des revendications.
Nous invitons donc l'État à dire ce qu'il souhaite faire, dans le respect de ce qu'il a lui-même décidé, et notamment dans celui de la règle d'or votée par le Parlement, objet d'un décret qui vient enfin d'être publié. J'avais évoqué cette question lors de ma précédente audition devant le Sénat ; je me félicite donc que le Conseil d'État ait validé ce décret, qui intègre la quasi-totalité des remarques faites par l'Arafer sur le projet qui nous avait été transmis par le Gouvernement, projet qui nous semblait insuffisant sur un certain nombre de points.
Après ce satisfecit agrémenté de deux remarques, sur le périmètre et sur le développement, je souhaite évoquer un deuxième problème : celui du manque d'indicateurs. Cette question a été évoquée cet après-midi avec Patrick Jeantet. Nous demandons que trois indicateurs contractuels cruciaux soient définis, permettant, année après année et non tous les trois ans, de mesurer le chemin parcouru par le système ferroviaire français. Ces indicateurs porteraient sur la productivité de l'entretien du réseau, sur la qualité de service des circulations et sur la qualité de l'infrastructure.
Ces trois indicateurs font aujourd'hui défaut. Or un contrat ne vaut pas grand-chose sans capacité à mesurer chaque année les progrès accomplis. On nous rétorque que les indicateurs seront construits en avançant ; mais comment voulez-vous que nous contractualisions sur une manière d'avancer si nous sommes incapables d'élaborer les indicateurs permettant de mesurer une telle avancée ? Il est donc essentiel que l'ouvrage soit remis sur le métier.
Troisième problème : en matière de réduction des coûts, la définition des objectifs présentée dans ce projet de contrat me semble entourée d'une grande incertitude.
Le projet affiche un objectif d'économies d'environ 1,2 milliard d'euros par an. Peu de détails sont donnés s'agissant des voies par lesquelles cet objectif pourra être atteint. À défaut, nous avons donc pratiqué ce que les économistes appellent avec délectation le benchmarking, c'est-à-dire la comparaison avec les réseaux étrangers. Conclusion : cette estimation nous semble correcte et correspond à peu près à ce qui se fait sur l'ensemble des réseaux européens.
Cependant, tout en validant ce chiffre, nous exprimons une triple réserve.
Tout d'abord, pour être pertinente, une cible de productivité doit être appliquée à une trajectoire d'augmentation raisonnable des dépenses. Or le projet de contrat prévoit une augmentation structurelle des dépenses de 2,5 % par an, à mettre en regard avec les économies de1,2 milliard d'euros parallèlement annoncées. En définitive, sur dix ans, l'effort de productivité est donc considérablement relativisé.
Ensuite, SNCF Réseau n'a pas été en mesure de préciser le détail des actions prévues pour concrétiser ses engagements de productivité. Nous le lui avons pourtant demandé. Tout au plus, l'entreprise fait valoir l'élaboration en cours d'un plan de performance. Mais, lorsque l'on signe un contrat, on n'annonce pas l'élaboration d'un plan de performance ! On présente un tel plan au regard des gains de productivité escomptés !
Enfin, troisième réserve, la courbe des économies annoncées est très étonnante. Les gains de productivité annuels sont raisonnables de 2016 à 2020, avec 77 millions d'euros d'économies, mais doublent après 2020, pour atteindre155 millions d'euros ! Cette soudaine accélération n'est pas documentée : on ne sait comment cette performance est censée être réalisée. Nous sommes donc très sceptiques, et invitons l'État à réexaminer de manière approfondie les leviers de productivité qui devront être mis en oeuvre pour atteindre de tels objectifs.
J'en viens maintenant à un point important du projet de contrat, à savoir la définition des orientations tarifaires.
Pour le dire vite, nous contestons le bien-fondé des évolutions tarifaires qui sont proposées.
S'agissant des péages voyageurs, le projet de contrat prévoit une chronique d'augmentation annuelle moyenne des péages de 2,8 % par an entre 2017 et 2026, avec une évolution là aussi exponentielle, puisque l'augmentation est d'abord de 0,9 % en 2017, puis de 1,1 % en 2018, et atteint 3,6 % en 2024, 2025 et 2026. Ces prévisions nous semblent relever d'une vision exclusivement budgétaire, aveugle à la réalité de la situation économique du pays. En particulier, l'inflation n'est pas prise en compte.
Je le dis d'autant plus fermement que l'Arafer a refusé de valider un projet de tarification pour 2017 qui conduisait à un maintien de la tarification précédente, alors que la prise en compte de l'inflation ferroviaire aurait normalement dû se traduire par une baisse des redevances de 0,9 %. Notre refus a d'ailleurs finalement obligé SNCF Réseau à appliquer une telle baisse. L'application de la même formule pour 2018 conduirait derechef à un tarif nettement inférieur à celui qui résulterait de l'augmentation de 1,1 % inscrite dans le projet de contrat.
Je veux y insister devant le Sénat - nous l'avons dit à la fois à SNCF Réseau et à la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM), qui représentait le Gouvernement : il ne faudrait pas laisser croire qu'il serait possible, via un tel contrat, d'amputer l'Arafer des pouvoirs de validation annuelle de la tarification qui lui ont été clairement dévolus par le Parlement. Nous comptons bien assumer cette responsabilité !
Deuxième aspect : les péages du fret.
Comme pour les voyageurs, nous ne pensons pas que les tarifs prévus pour le fret soient soutenables. Les évolutions proposées conduisent à des augmentations encore plus fortes que pour les voyageurs, puisque l'on passerait de plus 2,2 % en 2018 à plus 9,6 % en 2026.
La loi prévoit certes que le coût « direct » du fret est couvert par la tarification, mais l'État apporte aujourd'hui une participation. Or, via ce projet de contrat pluriannuel, le Gouvernement - qui déclare par ailleurs vouloir soutenir le fret - va supprimer cette subvention dans les dix ans qui viennent. La charge du coût « direct » sera donc complètement couverte par la tarification, ce qui constitue une contradiction entre le discours et les actes. Dans le rapport stratégique d'orientation, le Gouvernement avait rappelé son engagement en faveur d'un dispositif d'aide au fret ferroviaire ; c'est donc le contraire qui se produit...
Nous avons aussi une réserve en matière de méthode : au vu des réponses qui nous ont été apportées, il est manifeste que les conséquences de ces augmentations tarifaires sur les trafics du fret n'ont pas été mesurées. SNCF Réseau renvoie à l'arbitrage de ses administrations de tutelle, sans chiffrer leur impact.
Nous pensons qu'il existe un risque immense de voir la part du fret dans le transport de marchandises diminuer dans notre pays, alors que nous sommes déjà à un niveau particulièrement faible, notamment par rapport à la moyenne européenne. Renforcer le fret ferroviaire nous semble pourtant constituer un objectif particulièrement important, qui plus est largement partagé parmi les groupes politiques et dans la société.
Cinquième observation : la trajectoire financière.
Nous ne croyons pas du tout que ce projet de contrat nous engage sur la voie du désendettement, qui en constituait pourtant l'objectif initial. Nous estimons que les recettes sont surestimées. Je mentionnerai trois incertitudes.
En ce qui concerne les tarifs et au-delà de ce que j'ai indiqué précédemment, on peut penser que, s'ils augmentent davantage, le trafic diminuera, ce qui pèsera naturellement sur les recettes...
Il existe aussi une incertitude sur la participation de l'État. D'une part, s'il est certes légitime, le principe de l'annualité budgétaire constitue une réserve importante. D'autre part, le projet de contrat prévoit que les aides de l'État et de SNCF Mobilités passeraient de 2 milliards à 3 milliards d'euros en dix ans, soit une augmentation de 50 %. Je note, en passant, que cette progression serait obtenue tout en supprimant l'aide apportée aujourd'hui au fret...
Autre incertitude, l'équilibre général du projet nous amène à penser que l'endettement de SNCF Réseau continuera d'augmenter durant la période. Il devrait passer d'environ 43 milliards d'euros à 63 milliards en 2026, alors même que, dans un rapport datant du dernier trimestre 2016, le Gouvernement prévoyait qu'il s'élèverait, à cette date, à 50 milliards. Qui plus est, nos calculs nous laissent penser qu'à la fin de cette période l'endettement continuera, dans la meilleure des hypothèses, à croître de 400 millions par an.
L'hypothèse d'un désendettement, pourtant au coeur du dispositif du contrat, est donc complètement irréaliste. C'est la raison pour laquelle nous avons émis un avis particulièrement défavorable sur cet aspect du projet.
Dernier point, le dispositif de pilotage nous semble insuffisant. Il existe notamment une dissymétrie entre les engagements de l'État, qui se limitent à rappeler que la loi doit être respectée et à fixer de grands principes, et ceux, nombreux, de SNCF Réseau. Qui plus est, les marqueurs permettant de mesurer ces engagements ne sont pas précisés. Rien n'est véritablement prévu en cas de manquement au contrat ; on évoque seulement sa révision éventuelle tous les trois ans, sans préciser ce qui se passe entre-temps. En l'état, le projet de contrat n'apporte donc, sur ces questions, aucune des précisions demandées par la loi.
Pour conclure, je souhaite que l'avis de l'Arafer puisse vous éclairer utilement dans l'analyse du projet de contrat. Dans cet exercice, le régulateur s'en est tenu à son rôle, tout son rôle et rien que son rôle, conformément à la mission que le Parlement lui a confiée.
Pour résumer, il nous semble que le projet de contrat manque la finalité essentielle de la loi : se doter d'un outil de pilotage du gestionnaire d'infrastructure comportant des objectifs de performance engageants et une trajectoire de redressement financier qui clarifie les perspectives pour l'ensemble des acteurs du secteur.
Nous avons formulé, chaque fois que c'était possible, des recommandations et des propositions concrètes pour enrichir et améliorer le document.
En revanche, nous nous sommes abstenus de nous prononcer sur des décisions de politique publique, qui ne relèvent pas de notre compétence. Notamment, il ne nous appartient pas de définir, en lieu et place de l'État et de SNCF Réseau, une trajectoire financière alternative.
Il reste un travail important à mener pour aboutir à un contrat qui soit à la hauteur des espoirs que la loi a placés en lui. Le projet actuel ne peut, en aucun cas, s'accommoder de quelques rafistolages pour remplir les objectifs prévus. Il s'agit de définir un ensemble cohérent, qui s'appuie sur une vraie vision stratégique. C'est aux différentes parties de prendre leurs responsabilités. À défaut, nous risquons de perdre trois précieuses années jusqu'à la prochaine actualisation du contrat.
Je vous remercie de cet intéressant et très complet exposé. Ce matin, lors du conseil de surveillance de la SNCF, auquel j'assistais, Philippe Richert, président de l'Association des régions de France, a rappelé que celle-ci avait formulé des remarques dont aucune n'avait été prise en compte. De fait, il a émis des doutes très sérieux sur la capacité des régions à apporter les financements envisagés par le projet de contrat, ce qui rend celui-ci encore moins crédible.
Certains estiment que le seul fait de signer un contrat, même imparfait, est déjà un point positif. Je n'en suis pas du tout certain - je crois même le contraire ! Il me semble qu'il vaudrait mieux prendre un peu de temps pour tenir compte des remarques des uns et des autres, notamment de celles de l'Arafer. On nous dit, par exemple, qu'il n'est pas grave que le projet ne prévoit pas d'indicateurs, que ceux-ci seront déterminés après... Cela n'a pas de sens : on peut même parler d'absurdité !
En tout cas, sachez, monsieur Roman, que nous sommes très attachés au rôle de l'Arafer. J'ai déjà eu l'occasion de dire, notamment au conseil de surveillance de la SNCF, qu'il n'était pas admissible d'émettre des critiques à son endroit. L'autorité que vous présidez depuis l'été dernier est une instance de régulation qui, en peu d'années, a prouvé son indépendance et la pertinence de ses avis. On ne peut que regretter qu'elle ne soit pas toujours entendue, et nous serons vigilants quant au respect de ses compétences.
Pour que mon propos ne soit pas entendu de manière politique, je rappelle que de nombreux gouvernements ont eu le même travers et tenté de rogner les compétences des autorités de régulation lorsqu'elles étaient trop indépendantes. Ainsi, le Sénat avait dû batailler, sous un précédent gouvernement, pour que les actions d'une autre autorité indépendante, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), ne soient pas encadrées par un commissaire du Gouvernement.
S'il faut retenir quelque chose d'une situation plutôt catastrophique par rapport au contrat de performance, c'est l'autorité et l'indépendance dont fait preuve l'Arafer, qui procède à une analyse à la fois très travaillée et pertinente.
Je préfère la position de l'Arafer à celle de l'État, qui affirme respecter la loi mais s'empresse de la violer ! En effet, les documents qui devraient nous être communiqués ne nous sont pas transmis et les personnes que nous souhaitons auditionner ne répondent pas à nos invitations. Le Parlement n'est pas la seule victime de cette situation puisque l'Arafer elle-même a du mal à exercer sa mission : on lui conteste même ce que la loi a prévu, c'est-à-dire la fixation des tarifs.
Les explications de Bernard Roman ont été à la fois concises et précises. Comme je l'ai souligné lors de l'audition de M. Patrick Jeantet, la méthode de travail a tout pour être fructueuse - le Parlement est associé à la démarche, l'autorité de régulation joue son rôle, l'ensemble des acteurs sont auditionnés -, mais on ne la respecte pas. C'est exactement ce qui agite la société aujourd'hui : ce ne sont pas seulement les hommes politiques qui sont en défaut, c'est l'ensemble du corps social. Le transport est pourtant un sujet sensible.
Le même gouvernement qui souhaite développer le fret au travers d'une politique portuaire efficace, qui affirme l'utilité des hinterlands pour l'avenir de nos territoires, de nos ports et pour la compétitivité, s'empresse de s'asseoir sur ce qu'il dit sur ce dossier pour faire le contraire dans un autre dossier ! Alain Vidalies nous expliquait, il n'y a pas si longtemps, que le développement des grands ports était lié à la jonction de la région parisienne, de la région lyonnaise et de la région marseillaise avec des réseaux de fret qui présentent deux intérêts : désengorger et transporter à coût bas.
Par ailleurs, le Gouvernement affirme qu'il faut limiter les émissions de gaz à effet de serre, éviter à tout prix que des myriades de camions ne circulent sur les autoroutes et opter plutôt pour un acheminement des containers par le rail. Or, non seulement il n'agit pas en ce sens, mais il décide même le contraire sur beaucoup de sujets.
Si l'on fait les choses à l'envers, si l'on pratique une politique de gribouille, le résultat sera négatif et nos concitoyens seront déçus. La performance repose pour partie sur les agents. Des discussions sociales devront s'engager pour plus d'efficacité et de productivité. Les usagers du rail restent souvent en carafe sur les quais faute de conducteur ou parce qu'une locomotive est en panne. Pour ma part, cela m'arrive au moins deux fois par mois entre Amiens et Paris ! La performance et la productivité ne sont pas au rendez-vous. On voit mal comment les agents auront à coeur de s'y mettre, avec les déceptions à venir sur le contrat de performance !
Votre exposé recense plusieurs points très positifs, mais fait état aussi de nombreuses inquiétudes pour les mois et les années à venir. Le prochain gouvernement, quel qu'il soit, devra impérativement revoir cette copie.
Quelle est la nature de la clause de revoyure dans trois ans ? Porte-t-elle sur le fond et vise-t-elle à remettre l'ouvrage sur le métier, ou s'agit-il d'une mesure marginale ? L'Arafer aura-t-elle alors le même rôle et devra-t-elle rendre un avis, avec l'ensemble des griefs que vous avez exposés ?
Juste une précision pour compléter l'intervention de M. Jérôme Bignon, pour bien souligner à quel point l'État se conduit de manière peu correcte à l'égard du Parlement : le projet de contrat ne nous a même pas été transmis, alors qu'il s'agit d'une obligation posée par la loi. Nous n'avons pas non plus reçu officiellement l'avis de l'Arafer, même si fort heureusement son président me l'a donné. Or les textes précisent bien que le Gouvernement doit communiquer au Parlement les projets de contrats, accompagnés des avis de l'Arafer...
Je remercie Jérôme Bignon d'avoir rappelé l'intérêt du travail réalisé par l'Arafer. Avec ce contrat de performance, placé au coeur de la loi du 4 août 2014, nous avons voulu graver dans le marbre un certain nombre d'éléments afin d'informer au mieux le Parlement et les futurs décideurs, quels qu'ils soient, de telle sorte qu'ils aient un avis éclairé dans les années à venir sur la tarification pour chaque budget et pour chaque document de référence du réseau (DRR).
Monsieur Bignon, je n'ai pas dit que l'État contestait la loi qui nous donne le pouvoir de valider les tarifs. J'ai simplement rappelé que ce n'est pas parce que le contrat donne un certain nombre d'indications sur l'évolution tarifaire que nous n'aurons plus à nous prononcer. La loi prévoit que le contrat précise les contours de l'évolution tarifaire et non l'évolution tarifaire au centime près. Il existe une hiérarchie des normes dans notre pays, et aucun contrat ne peut prendre la place de la loi.
En ce qui concerne la clause de revoyure, il s'agit de s'assurer tous les trois ans que les objectifs sont tenus. C'est possible, par exemple, pour la participation de l'État en autorisations de programme et en crédits de paiement. Mais ce ne le sera pas pour le reste si l'on ne dispose pas d'indicateurs. Il faudrait les avoir dès maintenant, d'autant que de nombreux réseaux européens travaillent déjà sur ces questions. La vice-présidente de l'Arafer, Anne Yvrande-Billon, qui préside également IRG-Rail (Independent Regulator's group-rail), alimente beaucoup notre travail. En Grande-Bretagne, des indicateurs établissent le coût de l'entretien d'un kilomètre de voie ferrée en fonction de l'ancienneté de la ligne. Si nous ne disposons pas aussi de ce type de documents comparatifs, comment mesurer tous les trois ans si nous avons progressé en termes de productivité ?
Le législateur, au travers de la loi, a permis que l'Arafer soit associée à la clause de revoyure tous les trois ans comme elle l'est aujourd'hui au projet de contrat. Il serait utile, au-delà de cette clause de revoyure, qui est contractuelle et formelle, de conduire un travail sur plusieurs années pour s'assurer que les indicateurs vont dans le bon sens et éventuellement apporter des mesures correctives. C'est dans ce sens que la procédure de suivi du contrat, sixième point que j'ai évoqué, ne me paraît pas suffisamment armée. Il est essentiel que le Parlement joue le rôle qu'il s'est donné, puisque c'est lui qui a souhaité que le contrat de performance lui soit adressé, avec l'avis de l'Arafer, avant sa signature par le Gouvernement.
Quoi qu'il en soit, le temps politique étant actuellement contraint, je remercie la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable de conduire ces auditions.
Nous avons été entendus sur un point : on m'indique qu'à 17heures 42, le Secrétariat général du Gouvernement nous a envoyé le projet de contrat... Espérons que nous serons aussi entendus sur le reste et que ce contrat ne soit pas signé en l'état !
La réunion est close à 19 heures.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.