Intervention de Patrick Jeantet

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 19 avril 2017 à 14h50
Contrat de performance état-sncf réseau — Audition de M. Patrick Jeantet président-directeur général de sncf réseau

Patrick Jeantet, président-directeur général de SNCF Réseau :

Je confirme que le contrat de performance de SNCF Réseau doit être signé demain matin, à 10 heures, à l'hôtel de Roquelaure.

Ce contrat est le fruit d'un long processus puisque, depuis l'adoption de la loi de 2014, il est discuté entre, d'un côté, l'État, et, de l'autre, SNCF Réseau.

Être président de SNCF Réseau, c'est présider une grande entreprise industrielle française, qui emploie 54 000 cheminots, représente 6,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel et des investissements substantiels. Je voudrais affirmer l'importance pour nous d'avoir un contrat décennal, qui, fondamentalement, donne de la visibilité.

Ce contrat affirme une priorité stratégique, auparavant exprimée par les uns et les autres, mais qui n'était pas écrite, à savoir la nécessité d'améliorer la qualité de service, en renforçant et en rénovant le réseau ferré national, d'une manière générale, mais plus particulièrement le réseau ferré national classique. Celui-ci - il suffit de lire les nombreux rapports qui ont été écrits sur ce sujet pour s'en convaincre - a été, en termes d'investissements, très largement délaissé pendant de nombreuses années et nécessite un renouvellement important.

Le contrat de performance, tel qu'il est présenté aujourd'hui, réaffiche cette priorité de rénovation du réseau structurant, sans ignorer le réseau régional. Cette priorité concerne en particulier les noeuds ferroviaires, qui sont un vrai sujet puisque la vaste majorité de nos concitoyens transportés par le réseau ferré national le sont à partir de grands noeuds ferroviaires tels que l'Île-de-France, Lyon, Marseille, Rennes, Lille, Bordeaux.

Si le premier point important est la priorité stratégique de la rénovation du réseau, le deuxième est la visibilité.

Si nous votons le budget de SNCF Réseau en novembre de l'année n-1, nos investissements, nos projets de rénovation et de développement sont planifiés depuis trois ans. La raison de cette planification tient au fait que les travaux que nous réalisons sur le réseau ferré national se font sur un réseau exploité et que notre objectif est évidemment de minimiser l'impact sur l'exploitation. L'importance de cette planification à long terme est évidente pour toutes les entreprises ferroviaires qui assurent un service.

Chaque année, le budget est discuté et, très souvent, les montants prévus sont diminués. Cela a pour conséquence qu'en janvier ou février, 10 % à 20 % des projets sont déprogrammés, ce qui est un gros problème pour nous.

À cet égard, ce contrat de performance représente une avancée majeure puisqu'il nous donne une prévisibilité. Désormais, nous pourrons planifier nos projets trois ans à l'avance, grâce aux indicateurs d'investissements qui pourront être réalisés sur la partie du réseau le plus structurant, à travers une trajectoire qui, dans les années 2000, était de 500 millions à 700 millions d'euros par an, qui est passée à 2,6 milliards d'euros en 2016 et qui va monter à 3 milliards d'euros avant productivité jusqu'à la fin de ce contrat de performance. Voilà pour la partie « réseau structurant ».

Sur la partie régionale, ce qu'on appelle les lignes 7 à 9, sont prévus des contrats de plan entre l'État et les régions, qui ont été revus ces dernières années. Même si cette classification de lignes 7 à 9 est - sans doute à juste titre sur une partie du réseau - critiquée par l'Association des régions de France, elle a le mérite d'exister. Les contrats de plan État-région (CPER) comportent des investissements massifs : en 2016, environ 500 millions d'euros ont été investis sur le ferroviaire. Ils seront progressivement augmentés jusqu'à 1 milliard d'euros et conjointement financés par les régions et l'État. Je salue cet accroissement substantiel, absolument nécessaire si on veut maintenir notre réseau dans un état normal d'exploitation.

Ce deuxième point, la visibilité sur les investissements, est pour moi, en tant que président de SNCF Réseau, fondamental.

Le troisième sujet est le plan de charge des investissements financiers, qui s'élève à 46 milliards d'euros sur dix ans. Il englobe toutes les facettes de l'investissement, notamment les contrats de plan État-région qui, pour l'instant, ne sont prévus que jusqu'en 2020, mais on a considéré qu'ils seraient prolongés au-delà. Cette augmentation est significative par rapport à ce qui existait il y a quelques années.

Enfin, le dernier point qui, en effet, fait l'objet d'une critique de l'Arafer concerne l'objectif prévu par la loi de couvrir les coûts complets à l'horizon de dix ans, de telle manière que la dette, au-delà, n'augmente plus.

Certes, la dette augmentera, d'ici au terme de ce contrat, en 2026, de 17 milliards d'euros. Elle devrait augmenter de 3 milliards d'euros au début, de 400 millions ou 500 millions d'euros l'avant-dernière année, puis, de la dixième à la onzième année, elle ne devrait plus augmenter puisque les coûts complets seront couverts dans la dixième année.

Ces 17 milliards d'euros sur dix ans correspondent en moyenne aux frais financiers actuels.

Les trois principales composantes du réseau ferré national contribuent de manière à peu près égale à cet objectif de couverture du coût complet à horizon de dix ans. La dette augmente actuellement de 3 milliards d'euros par an, hors nouveaux développements du réseau, qui seront traités suivant la règle d'or.

Un tiers provient des recettes, du fait de l'augmentation des péages, particulièrement à partir de 2021, et de l'accroissement des volumes, ce qui représente environ 1 milliard d'euros.

Un tiers provient de l'augmentation des subventions de l'État, soit directement à travers l'augmentation de la redevance d'accès, soit à travers les dividendes de SNCF Mobilités reversés à SNCF Réseau, actuellement de l'ordre de 130 millions d'euros, mais estimés à 600 millions d'euros la dixième année, ce qui suppose des gains de productivité de SNCF Mobilités. Ce deuxième paquet représente également 1 milliard d'euros environ.

Le troisième tiers est lié à notre productivité, que je me suis engagé, ainsi que le comité exécutif de SNCF Réseau, à augmenter de 1,2 milliard d'euros à l'horizon 2026 en année pleine. Un grand chantier d'analyse de la valeur de nos projets a été engagé afin d'améliorer la productivité pour un volume égal d'investissements. Une partie des économies portera sur les charges. Sur un total de 8 milliards d'euros, cela correspond à environ 1,5 % par an sur dix ans. C'est un plan ambitieux, mais considéré comme réalisable dans le monde industriel.

L'avis de l'Arafer est certes critique, mais je soulignerai deux points positifs. L'Autorité reconnaît la pertinence des priorités dans la gestion du réseau, en particulier dans l'investissement nécessaire pour rénover le réseau ferré national et le remettre à un niveau nominal. Elle considère en outre que la cible de productivité, à partir d'un benchmark européen, est cohérente. Elle émet néanmoins des doutes sur nos capacités à l'atteindre.

Je m'engage à détailler notre plan devant l'Arafer. À ma nomination, en 2016, j'ai lancé un plan de productivité pour atteindre l'objectif fixé au moment de la réforme ferroviaire de 2014, soit 500 millions d'euros de gains de productivité à l'horizon 2021. C'est une première étape. À cet effet, nous avons défini trente-deux leviers. Depuis le 1er janvier, tous les quinze jours, le comité exécutif revoit deux à trois d'entre eux pour s'assurer de leur réalisation par les équipes de SNCF Réseau.

L'avis de l'Arafer comporte également des points très négatifs. Le régulateur conteste globalement la trajectoire financière, essentiellement sur deux points. Comme vous le savez, l'Arafer avait rendu un avis défavorable sur la réforme concernant des péages triennaux à partir de 2018. Cet avis est complexe, je n'entrerai donc pas dans le détail. Les péages figurent sur une ligne globale. Le contrat prolonge le niveau des recettes actuelles, augmentées de l'inflation.

L'Autorité conteste par ailleurs la capacité de l'État à maintenir les financements prévus, en particulier l'augmentation des subventions, ainsi que la capacité de SNCF Mobilités à rétrocéder près de 600 millions d'euros de dividendes dans dix ans.

Ce plan est certes ambitieux, mais le volume de trains, puisque nous sommes payés au train-kilomètre, est cohérent avec le contrat de SNCF Mobilités, qui assure la très grande majorité de nos recettes. Nous avons anticipé l'ouverture à la concurrence prévue par le quatrième paquet ferroviaire dans ces prévisions de trafic.

Le régulateur nous reproche en outre de n'avoir pas défini tous les indicateurs de performance et de qualité de service. Sur les dix indicateurs non financiers, trois ne sont pas renseignés. Je me suis engagé à travailler avec l'État et l'Arafer pour les définir. Lors de la phase de concertation, des régions nous ont d'ailleurs suggéré des indicateurs. Un calendrier a été inscrit dans le contrat.

Le régulateur reproche à SNCF Réseau de ne pas répercuter les gains de productivité sur le prix des péages. La loi est très claire sur ce point : tant que le coût complet du réseau n'est pas couvert par l'ensemble des ressources, SNCF Réseau conserve le bénéfice des gains de productivité qu'il réalise. Évidemment, mon souhait le plus cher est de parvenir à terme à diminuer les péages, mais, à l'horizon de dix ans, ce n'est pas possible.

Enfin, l'Arafer doute de la réalité de la réduction des coûts affichés et note l'absence d'une stratégie de rupture dans la gestion industrielle de l'entreprise. Lorsque j'ai été nommé à la présidence de SNCF Réseau, j'ai engagé une sorte de rupture suivant deux grands axes.

Le premier axe, c'est l'accélération de l'innovation, en particulier grâce aux nouvelles technologies, afin d'améliorer la performance. Je pense, par exemple, au passage d'une maintenance réactive ou programmée à une maintenance prédictive. Il faut savoir que la végétation le long des lignes équivaut à neuf fois la superficie de la ville de Paris. Nous avons mis au point un système croisant les relevés topographiques effectués parfois par des drones, la reconnaissance des essences et les données météorologiques afin de prédire l'évolution des arbres les plus dangereux en vue de les abattre préventivement et non plus de manière réactive, lorsque l'arbre est tombé sur la voie. Nous souhaitons développer ce type d'innovations. La gestion de maintenance assistée par ordinateur va également nous permettre d'être plus productifs en matière d'organisation et de planification au jour le jour.

Le deuxième grand axe, c'est l'externalisation. Il s'agit de faire participer un plus grand nombre d'acteurs industriels performants en France à la maintenance et au renouvellement du réseau ferré national. Historiquement, tout en faisant appel à des sous-traitants, le contrôle des chantiers et la méthodologie restaient totalement contrôlés par la SNCF. Nous voulons laisser une plus grande marge de manoeuvre aux industriels privés pour investir dans des trains-usines ou « suites rapides » performants, mais aussi pour développer de nouvelles méthodes de maintenance.

Ces deux grands axes sont en « rupture » dans le monde de SNCF Réseau, même si je n'aime pas trop ce terme, car nous exploitons le réseau ferré national et limitons l'impact sur les exploitations existantes. Il faut donc se méfier des révolutions dans ce domaine, la sécurité restant notre objectif premier.

Je conclurai sur un dernier point : l'Arafer nous reproche de ne pas avoir organisé une concertation suffisante. Nous avons tout de même interrogé soixante parties prenantes - les régions, notamment à travers l'Association des régions de France, les opérateurs, les associations professionnelles, la Fédération nationale des usagers des transports (FNAUT)... Nous avons organisé une concertation officielle durant quarante-deux jours, entre janvier et février derniers, mais nous avons aussi très largement discuté de tous les thèmes figurant dans ce contrat de performance au cours des deux dernières années. Nous aurions sans doute pu mieux faire, mais je pense que nous avons réalisé un grand travail.

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