Intervention de Jérôme Bignon

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 19 avril 2017 à 14h50
Contrat de performance état-sncf réseau — Audition de M. Patrick Jeantet président-directeur général de sncf réseau

Photo de Jérôme BignonJérôme Bignon :

Je voudrais saluer M. Jeantet, qui a le mérite d'être présent. Il n'a pas une place facile, mais il a accepté de présider une société appartenant à l'État. Il connaît donc les risques du métier. Les parlementaires sont confrontés à d'autres risques ; nous assumons nos responsabilités tous les six ans, nos collègues de l'Assemblée nationale tous les cinq ans...

Toute cette histoire est extrêmement intéressante en ce qu'elle est révélatrice d'un dysfonctionnement majeur de notre société. Comme vient de le souligner Michel Raison, un document fondamental pour l'avenir de la société et celui du transport ferroviaire, dont nous n'avons pas connaissance, va être signé par des personnes qui s'interdisent de venir en discuter avec nous.

C'est la négation d'une société apaisée, dans laquelle on discute et on essaie de construire ensemble, de manière consensuelle.

Le Parlement, qui, chaque année, autorise les dépenses de l'État au travers des lois de finances, est évidemment un partenaire dans la discussion. Or, en l'espèce, le Gouvernement s'assied sur la légitimité du Parlement à discuter. On se dit que, grâce au fait majoritaire, le Parlement votera... C'est dommage, parce que nous avons montré maintes fois ici, au-delà de nos opinions politiques, que le Parlement pouvait être un partenaire quand l'enjeu est important.

Il va falloir discuter avec les partenaires sociaux de la question des gains de productivité. Cela demandera certainement un travail important avec les agents. Combien de fois ai-je vu les usagers pris en otage, obligés d'attendre un hypothétique conducteur ou de rentrer chez eux parce que leur train a été annulé ?

J'en viens au problème du temps. Peut-on raisonnablement, dans le monde d'aujourd'hui, signer un document qui nous engage sur dix ans, alors que l'on ne sait pas de quoi demain sera fait ? Imaginons que le président de la République qui sera élu sorte notre pays de l'Europe dans les prochaines semaines. Quelle serait alors la valeur du contrat ? On ne sait même pas quels seront les taux d'intérêt à deux ans.

Compte tenu des incertitudes, le dialogue doit être la base. C'est ce que l'on avait essayé de faire lors du Grenelle, et cela n'avait pas si mal marché ! On avait alors réuni tout le monde autour de la table, sans considérer que, par principe, l'État avait raison et les autres - citoyens, ONG ou parlementaires - avaient tort. Cette méthodologie a permis beaucoup d'avancées. Sur des sujets aussi importants pour la vie quotidienne de nos concitoyens et pour la crédibilité de notre économie - les voies ferrées, c'est aussi le transport des marchandises et l'irrigation de notre économie -, le dialogue devrait être prioritaire. Les enjeux sont trop importants pour que nous soient imposées des décisions unilatérales et implacables. En somme, on nous dit « circulez, il n'y a rien à voir »...

Quand, de surcroît, on s'assied sur l'avis négatif de l'autorité de régulation qui a précisément été créée pour émettre un avis qui soit détaché des contingences politiques, en disant que cet avis n'a aucune importance, le déni de démocratie est violent. Dans ces conditions, il ne faut pas s'étonner de la décrédibilisation du monde politique et, globalement, de tous ceux qui ont un pouvoir de décision - les présidents de société nationale, de grandes centrales syndicales... Ces procédés sont quelque peu décourageants pour la représentation nationale ! Je le dis évidemment sans aucune agressivité à l'égard de M. Jeantet, qui, j'en suis convaincu, fait son travail du mieux qu'il peut.

Alors que, en cette période électorale, nous sommes particulièrement incités à réfléchir à des systèmes qui marchent mieux, nous avons là la caricature de ce qu'il ne faut pas faire. Je pourrais citer d'autres exemples. Ainsi, c'est demain que sera installé le conseil de surveillance de la société du canal Seine-Nord Europe. Quel sens cela a-t-il à la veille des élections ? Or, encore, on désigne des zones d'éolien en mer, mettant le feu aux poudres sur ce dossier, qui nécessite, par essence, de la discussion et de la concertation... Je crois qu'il y a quelque chose qui ne va pas au royaume de France.

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