Intervention de André Gattolin

Commission des affaires européennes — Réunion du 6 juin 2017 à 9h30
Politique étrangère et de défense — Relations entre l'union européenne et la russie : rapport d'information de mm. yves pozzo di borgo et simon sutour

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

Je salue le travail de nos collègues, mais j'estime que, au nom de la diplomatie et des bonnes relations avec la Russie, on passe sous silence des faits avérés. Je suis satisfait de la position courageuse du Président de la République Emmanuel Macron. Tout ne vient pas des sanctions prises à la suite de l'invasion de la Crimée et de la situation dans le Donbass.

Je suis étonné de lire, à la page 32 du rapport, que « dans un même ordre d'idées, il serait pertinent que l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe revienne sur sa décision de suspendre la participation des parlementaires russes à ses activités ». Il s'agit non pas simplement d'une question de sanctions, mais du non-respect des conventions européennes sur les droits de l'homme par la Russie. C'est un scandale ! À quoi bon signer des conventions si elles ne sont pas respectées ? J'ai été invité par le ministère des affaires étrangères et du développement international à faire une conférence en 2015, au moment de la COP 21. Nous avions invité des représentants des associations environnementales et des ONG sociales. À la suite de la réunion, deux participants ont été arrêtés, alors même qu'ils n'avaient pas pris la parole et qu'ils refusaient d'être filmés ou photographiés. Il faut bien se rendre compte que la Russie vit dans un état de « non-démocratie ». Les lois interdisant les financements extérieurs des ONG sont liberticides. Je pense aussi à la situation des homosexuels, pas seulement en Tchétchénie, mais aussi en Russie où se réfugient les Tchétchènes qui fuient l'oppression.

À la page 30 du rapport, il est écrit : « Pour ce qui est de la résilience de l'Union à des menaces hybrides et de la communication stratégique, l'Union européenne est désormais engagée à contrer l'arsenal d'outils non militaires que la Russie est soupçonnée d'utiliser. » Soupçonnée ? Le Kremlin investit plusieurs milliards de roubles dans Sputnik - un article est paru dans Le Monde, les chiffres sont avérés - ou dans Russia Today ! Ces médias, lorsque la loi sur le mariage pour tous a été adoptée en France, ont titré pendant quelques heures : « Hollande sodomise la France »... Comme l'a dit le Président de la République Emmanuel Macron, ce sont des médias non pas d'information, mais de propagande qui donnent de fausses informations. Les moyens dont se dote le Service européen d'action extérieure pour lutter contre ces phénomènes ne sont pas du tout à la hauteur. On parle de l'asymétrie des relations économiques, mais on peut aussi évoquer l'asymétrie des conditions d'expression, y compris pour les Européens sur place. Les représentants de l'armée française s'inquiètent des voyages réitérés de certains parlementaires en Russie pour rencontrer M. Poutine ou d'autres responsables. Qui fait la diplomatie dans notre pays ?

La tonalité du rapport me semble « faible » sur la question des droits de l'homme. L'agressivité très nette de la Russie n'est pas seulement une réplique aux sanctions ; elle est aussi une négation de plus en plus claire des conventions signées sur la question des droits de l'homme. Autant je suis favorable à la venue de certains parlementaires dans des conditions très précises, autant j'estime qu'il n'est pas envisageable d'« ouvrir les vannes ».

Enfin, je veux apporter une précision sur le fait - mentionné dans le rapport - que depuis l'adoption en 2016 de sa politique intégrée sur l'Arctique, l'Union européenne peut devenir membre observateur permanent au Conseil de l'Arctique, ce que le Service européen d'action extérieure souhaitait. En dépit d'une déclaration qui n'évoquait absolument pas la Russie, ce qui a indigné les parlementaires européens, les Russes et les Américains ont décidé, lors de la dernière réunion qui s'est tenue à Fairbanks pour clôturer la présidence américaine, de refuser la candidature de l'Union européenne, même si les enjeux dans cette région dépassent ces deux États.

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