Intervention de Jean-Claude Carle

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 7 juin 2017 à 14h30

Photo de Jean-Claude CarleJean-Claude Carle, rapporteur :

La méthode suivie par le Gouvernement consistant à imposer la réforme par le haut s'est logiquement traduite, sur le terrain, par d'importantes difficultés de mise en oeuvre. Si la France est une et indivisible, elle n'est pas uniforme ; le fait de ne pas tenir compte de la diversité des territoires pose un certain nombre de difficultés.

Dans une enquête réalisée en 2016, l'Association des maires de France rappelait que 70 % des communes faisaient face à des difficultés persistantes. Celles-ci sont de trois ordres : difficultés en matière de ressources humaines, d'organisation du temps scolaire et financières. Je m'intéresserai aux deux premiers points et laisserai à Thierry Foucaud le soin de vous présenter les conséquences financières de la réforme.

S'agissant des difficultés en matière de ressources humaines, les communes ont dû trouver dans l'urgence, notamment celles qui se sont lancées dès la rentrée de 2013, des intervenants pour assurer la prise en charge des temps d'activités périscolaires. L'éducation nationale et les directeurs académiques de l'éducation nationale (DASEN) ont été confrontés aux mêmes difficultés humaines. Dans un département, comme le mien, en croissance démographique et où près de 25 % des enseignants exercent à temps partiel, des dérogations qui étaient souhaitables et souhaitées par les partenaires n'ont pas pu être mises en place, parce que le DASEN n'avait pas les moyens humains pour le faire.

Les collectivités territoriales ont dû recourir massivement à leurs ressources internes en sollicitant les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM) ainsi que des enseignants volontaires.

Face à l'importance des besoins, les communes ont également dû recourir à des intervenants extérieurs. Or, dans de nombreux cas, l'offre s'est avérée significativement inférieure à la demande.

Lorsqu'elles sont parvenues à constituer un vivier suffisant d'animateurs, les communes ont été confrontées à un problème de fidélisation lié aux conditions d'emploi de ces derniers - contrats pour des durées très courtes, activités éparpillées sur la semaine - ou à la nature des activités proposées. Nos interlocuteurs nous ont ainsi fait part d'un taux de rotation plus élevé en maternelle qu'en élémentaire, traduisant le fait que les intervenants n'étaient ni préparés ni formés à travailler avec de très jeunes enfants, ce qui a contribué à déstabiliser ces derniers, notamment dans les petites classes de maternelle.

Cela m'amène à évoquer la question de la formation des animateurs. D'après une étude du ministère chargé de la jeunesse et des sports, la réforme s'est traduite par un mouvement de formation des intervenants leur permettant notamment d'accéder au brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (BAFA).

Pour autant, la question de la formation a été systématiquement soulevée lors des auditions et des déplacements que nous avons effectués. Certaines personnes nous ont ainsi fait part de contenus ou de comportements inadaptés de la part des intervenants. Une enseignante de maternelle citait l'exemple d'un animateur ayant proposé une activité de découpage à des élèves de petite section de maternelle, alors que ces derniers n'en sont pas encore capables, sans parler des risques que cela comportait.

Un effort en matière de formation nous semble par conséquent nécessaire. Nos interlocuteurs ont notamment appelé à la mise en place de formations communes entre animateurs et enseignants. Cela nous semble être un axe de réflexion intéressant.

S'agissant des organisations du temps scolaire, la réforme a donné lieu à des tâtonnements et à des ajustements liés à son caractère précipité.

Je souhaiterais à ce stade évoquer la question des dérogations prévues par le décret « Hamon » de 2014, pérennisé en 2016, qui permet de regrouper l'ensemble des temps d'activités périscolaires sur un après-midi, en particulier le vendredi.

Nous ne discutons pas de l'intérêt pour certaines communes ou intercommunalités d'une telle possibilité - je pense, par exemple, à la communauté de communes du pays fléchois, qui a opté pour le regroupement des temps d'activités périscolaires selon un système de rotation par communes -, mais celle-ci revient à augmenter la durée de la coupure de fin de semaine, ce qui, de l'avis de tous, est mauvais pour les rythmes des enfants, qui ont besoin de régularité.

Aussi nous appelons à la plus grande vigilance de la part des services de l'éducation nationale : ils ne devraient accorder une telle dérogation que lorsque celle-ci est la contrepartie d'un véritable projet pédagogique.

S'agissant de la maternelle, nous estimons que les bénéfices de la réforme, notamment pour les petites et les moyennes sections, sont très faibles. En effet, les organisations du temps scolaire ont souvent été calées sur celles des élèves de l'école élémentaire et ne sont donc pas nécessairement adaptées. Pour autant, les cas où l'on réveillait les enfants pendant leur sieste pour les faire participer à des activités périscolaires semblent avoir presque complètement disparu.

Par ailleurs, du fait de la réforme, les enfants se sont retrouvés en contact avec un nombre plus élevé d'adultes : parents, enseignants, agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, animateurs, etc. Cela est déstabilisant pour les plus petits.

C'est pourquoi il nous semble absolument nécessaire de prévoir des organisations spécifiques pour les maternelles, notamment pour les plus petites sections.

Les difficultés que je viens de vous présenter, qui concernaient d'ailleurs davantage la question du périscolaire que du scolaire, ont pu être surmontées lorsqu'un dialogue a été mené entre les différents acteurs de la communauté éducative. Cette concertation a pu donner lieu à des expériences intéressantes tant d'un point de vue pédagogique qu'« organisationnel ».

Je citais précédemment l'exemple de la communauté de communes du pays fléchois, qui, à la suite d'expérimentations successives, a trouvé une modalité d'organisation du temps scolaire qui semble satisfaire l'ensemble des parties et reposer sur un projet pédagogique solide.

En Haute-Savoie, l'expérimentation dite « montagne », notamment été mise en place à Arâches-la-Frasse et dans les communes du pays du Mont-Blanc, se traduit par la libération de dix mercredis durant les mois d'hiver pour permettre à l'ensemble des enfants de pratiquer le ski en contrepartie d'une réduction de la durée des vacances d'été. Cette solution est le fruit d'une concertation entre les parents d'élèves, les enseignants et les élus.

Je ne saurais trop insister sur ce point : le dialogue entre tous les acteurs de la communauté éducative constitue la clé de la réussite de cette réforme, et sans doute aussi des réformes à venir. Lorsqu'il a eu lieu, ce dialogue a permis d'aligner les rythmes scolaires sur les rythmes économiques, sociaux, voire climatiques pour la satisfaction de tous : enfants, parents, élus locaux et enseignants. Il s'agit donc d'un apport majeur de la réforme qui doit être conservé.

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