Je présenterai le onzième rapport de certification des comptes du régime général de sécurité sociale sous trois angles.
Premièrement, de quoi parlons-nous ? En tant que certificateur, la Cour a prononcé des opinions sur neuf comptes : ceux des branches maladie, accidents du travail et maladies professionnelles, famille, vieillesse, de l'activité de recouvrement du régime général de sécurité sociale, de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM), de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) et de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS). Je rappelle que la certification est l'assurance raisonnable que les comptes sont fiables et sincères.
Les masses financières sont importantes : elles représentent près de 20 % du PIB en dépenses et de 25 % en recettes. En effet, l'ACOSS et les URSSAF opèrent des prélèvements pour le compte non seulement du régime général de sécurité sociale, mais aussi d'autres régimes et d'autres attributaires, parmi lesquels l'assurance chômage et les autorités organisatrices de transport.
Ayant constaté que les organismes de sécurité sociale avaient atteint un palier de maturité, nous avons modifié, depuis l'an dernier, notre stratégie d'audit sur deux points.
Le premier point est l'anticipation des calendriers.
Nous nous sommes placés dans un calendrier plus resserré, de façon à fournir au Parlement, au même moment, l'acte de certification des comptes de l'État et le rapport de certification des comptes du régime général de sécurité sociale. Nous poursuivrons cet effort, que vous avez souhaité, d'abrègement des délais, lequel dépend aussi de la capacité des caisses nationales à transmettre à temps à la Cour les informations et les états comptables. Nous avons eu le sentiment, cette année, qu'elles avaient eu des difficultés à le faire. Nous en mesurerons l'ampleur dans quelques jours à l'occasion d'un retour d'expérience avec la direction de la sécurité sociale, afin d'évaluer les marges de progression pour l'année prochaine.
Deuxième point sur lequel nous avons modifié notre stratégie d'audit : nous inscrivons la campagne annuelle dans une stratégie pluriannuelle de levée progressive de réserves, l'objectif - notre Graal ! - étant de parvenir à établir, un jour, une certification sans réserve de l'ensemble des neuf comptes du régime général de sécurité sociale. Pour ce faire, nous travaillons opiniâtrement avec les caisses nationales, lors de réunions mensuelles, afin de hiérarchiser les efforts et de lever certains points d'audit.
Je veux rappeler les points focaux de cette stratégie d'audit renouvelée.
Il s'agit, tout d'abord, des dispositifs de contrôle interne mis en place dans les organismes nationaux et locaux pour éviter l'apparition d'erreurs et d'anomalies lors de la liquidation des prestations ou du recouvrement des cotisations. C'est un point déterminant au vu des milliards d'opérations traitées chaque année. La répétition d'erreurs portant sur des sommes peu importantes peut ainsi entacher la sincérité et la fiabilité des comptes.
Nous « embarquons » dans cette stratégie d'audit les systèmes informatiques, qui constituent l'ossature de la capacité de traitement des organismes de sécurité sociale. Nos experts informatiques opèrent en permanence un audit de ces systèmes et nous confions, chaque année, des missions d'audit informatique à des cabinets extérieurs.
Un autre point focal concerne les justifications, les estimations comptables, en particulier le mode de provisionnement des organismes de sécurité sociale. Il appartient à la Cour de vérifier que ces provisions sont constituées conformément au principe de prudence et à l'information dont disposent les organismes.
Nous avons constaté, cette année, plusieurs progrès consécutifs à l'adoption de cette stratégie.
Parmi les progrès globaux, nous certifions pour la quatrième année consécutive l'ensemble des neuf comptes du régime général de sécurité sociale, avec un nombre de réserves en baisse. En 2014 et en 2015, nous avions prononcé 33 réserves ; pour 2016, nous en prononçons 31. Nous avons levé 5 réserves. Nous en avons aussi ajouté 3 - l'une portant sur les comptes de la branche maladie, une autre sur ceux de la CNAM, la troisième sur l'activité de recouvrement - qui tiennent à l'imputation, selon nous sans base juridique, dans les comptes du régime général d'un produit exceptionnel de contribution sociale généralisée (CSG) à hauteur de 740 millions d'euros.
Une fois ces dernières réserves « neutralisées », nous constatons que la marche en avant a repris et qu'elle se traduit par des progrès significatifs. Après des années d'efforts, il existe désormais une traçabilité, une continuité, un « chemin d'audit » rétabli entre la liquidation des prestations et les systèmes d'information comptables, ce qui permet à la Cour de lever des réserves importantes relatives à la branche vieillesse et à l'activité de recouvrement. La branche famille, qui était le mauvais élève en la matière - la certification lui avait même été refusée -, connaît, elle aussi, des progrès, certes lents mais réels.
Vous trouverez dans la synthèse de notre rapport les motifs des réserves que nous avons prononcées.
Je tiens à souligner le grand nombre d'erreurs et d'anomalies ayant une incidence financière. Plus les dispositifs de contrôle progressent, plus les risques identifiés sont considérables. C'est particulièrement vrai dans le domaine de l'assurance maladie, où l'on observe de nombreuses erreurs de liquidation, dans la branche famille, du fait de l'extrême complexité de prestations telles que le RSA, la prime d'activité et les aides au logement, mais ça l'est aussi dans la branche vieillesse.
S'agissant de l'activité de recouvrement, nous constatons des progrès dans le traitement et la prise en charge des travailleurs indépendants grâce au dispositif de l'interlocuteur social unique. La meilleure organisation du travail entre le régime social des indépendants (RSI) et l'ACOSS a permis de lever certaines difficultés, mais pas toutes.
Des progrès se confirment donc, certains importants, et l'ensemble des producteurs de comptes font preuve d'un esprit positif.
L'an dernier, à l'occasion du bilan de dix années de certification, non pas dans le seul cadre du régime général mais dans l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, nous avions montré qu'il s'agissait d'un levier de modernisation dont l'intérêt allait bien au-delà de la fiabilité, de la transparence et de l'exactitude des comptes. En effet, tandis que l'État dispose de trois systèmes de comptabilité - budgétaire, nationale, générale -, les organismes de sécurité sociale n'en ont qu'un, de comptabilité générale. Lorsque nous certifions le régime général de sécurité sociale, nous sommes conduits à certifier la justesse de ses résultats, mission que vous nous avez confiée via la loi organique de 2005.
La certification est aussi un levier de progrès majeur pour la gestion des organismes et pour la qualité du service rendu. Moins nombreuses seront les erreurs et les anomalies, mieux couverts seront les assurés sociaux. Les responsables d'organismes nationaux l'ont bien compris, et c'est l'origine des progrès accomplis. Il ne s'agit ni d'une mécanique tournant à vide ni de joliesse d'esprit, mais d'un meilleur service attendu.