Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Commission des affaires sociales — Réunion du 28 juin 2017 à 9h35
Prise en charge sociale des mineurs isolés étrangers — Présentation du rapport d'information

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy, rapporteur :

Si la phase d'évaluation cristallise une part importante des critiques, la prise en charge dans les structures de la protection de l'enfance, une fois la minorité et l'isolement établis, continue de poser un certain nombre de problèmes. Ces difficultés sont financières et humaines, dans le contexte de tension des finances publiques locales que nous connaissons tous.

Un autre défi, pour les conseils départementaux, concerne l'exercice de la tutelle des MNA, qui relève du juge aux affaires familiales et non du juge des enfants, lequel décide de la mesure d'assistance éducative. Dans la mesure où les MNA sont durablement privés de l'assistance des titulaires de l'autorité parentale, une mesure de tutelle semble s'imposer. Or nous avons pu constater que de nombreux MNA confiés à l'ASE ne font pas l'objet d'une telle mesure, ce qui peut les pénaliser dans l'ensemble des actes, notamment médicaux, qui nécessitent l'accord du titulaire de l'autorité parentale. S'il n'apparaît pas pertinent de rendre obligatoire la désignation d'un tuteur, notamment pour les MNA entrant dans le dispositif de l'ASE peu avant leur majorité, il serait souhaitable que les offices respectifs du juge des enfants et du juge des tutelles s'articulent mieux. Cette question avait déjà été soulevée par Isabelle Debré dans son rapport.

Une fois admis à l'ASE, les MNA ne se distinguent pas juridiquement des autres mineurs bénéficiant d'une protection. Toutefois, compte tenu de leur âge et de leur maturité, la réponse éducative et les conditions de leur hébergement ne peuvent être les mêmes que pour les publics traditionnels de l'ASE. Pour autant, favoriser le développement de leur autonomie et leur insertion rapide dans la société ne peut se faire au détriment d'un encadrement soucieux de leur intégration et surtout attentif aux manifestations tardives des traumatismes et phénomènes de « décompensation » auxquels leur passé les rend sujets. Il ne saurait être question de laisser se développer une prise en charge au rabais.

Des solutions différenciées sont développées sur le territoire, et nous ne souhaitons pas que la libre administration des départements en la matière soit remise en cause. Un recensement et une diffusion des bonnes pratiques pourront néanmoins s'avérer souhaitables.

Enfin, dernière étape du parcours des MNA mais non la moindre, il convient de soigneusement préparer leur accès à la majorité, en favorisant une insertion professionnelle rapide et en entreprenant suffisamment à l'avance les démarches nécessaires à l'obtention d'un titre de séjour. À cet égard, si une évolution des règles relatives au séjour est sujette à polémique du fait des effets pervers qu'elle pourrait avoir, des lignes directrices claires et des consignes de bienveillance, pour le cas particulier des MNA, pourraient être données aux préfectures.

Au cours de nos travaux, nous avons pu constater les passions que soulève la question des mineurs non accompagnés, comme toujours lorsqu'il s'agit d'enfants en danger. Si de nombreuses améliorations doivent être apportées en matière de prise en charge sociale des mineurs non accompagnés, les critiques formulées par certains acteurs associatifs et militants ne semblent pas toujours tenir compte de la réalité des efforts déployés par les acteurs de terrain qui font face à la saturation des dispositifs d'accueil. Les associations souhaitent que les mineurs soient pris en charge dans de bonnes conditions, demande à laquelle je souscris, mais les acteurs de terrain oeuvrent avec les moyens dont ils disposent. Ils se montrent bien souvent très imaginatifs pour accueillir les mineurs. Il convient d'essayer de gommer le conflit né entre ces deux univers, car la situation est dommageable pour le mineur concerné.

Au-delà des moyens supplémentaires qui doivent être alloués pour mettre en oeuvre une prise en charge digne et de l'évolution des pratiques et des méthodes qui semble engagée, une réelle amélioration de la situation préoccupante que nous connaissons suppose que l'État ne se défausse pas sur les départements des responsabilités qui lui incombent en matière de maîtrise des flux migratoires.

Permettez-moi d'apporter une précision. La question des flux migratoires fait parfois polémique. La France a rétabli des contrôles aux frontières depuis le 13 novembre 2017 pour une période de deux ans, comme le permet le code frontières Schengen. Dans les Alpes-Maritimes, en 2016, plus de 30 000 migrants, me semble-t-il, ont été renvoyés vers l'Italie. Aujourd'hui, même si les barrières douanières n'ont pas été rétablies, des contrôles fixes et aléatoires sont réalisés aux frontières. Mais qu'en sera-t-il après le 13 novembre 2017 ? Il convient d'alerter le Gouvernement sur ce point.

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