Intervention de Roger Karoutchi

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 27 juin 2017 à 15h05
Projet de loi organique et projet de loi rétablissant la confiance dans l'action publique — Audition de Mme Nicole Belloubet garde des sceaux ministre de la justice

Photo de Roger KaroutchiRoger Karoutchi :

Madame la ministre, je voudrais d'abord faire une observation. Même si je comprends bien l'esprit général de ces textes, et même si, sur certains sujets, nous allons avancer ensemble, je regrette que ce soit les premiers textes symboliques présentés par le Gouvernement. Si vous nous aviez offert un texte sur l'activité parlementaire, les rapports entre exécutif et législatif, et la condition de l'élu et de l'engagement public en France, j'aurais compris qu'on y fasse figurer certaines contraintes et des contrôles. Mais ces deux textes ne contiennent en réalité que le contrôle et la contrainte ! Cela donne, dans l'opinion publique, le sentiment que, par définition, ces projets de loi étaient absolument nécessaires parce que les élus ne sont ni moraux ni fréquentables tant qu'on ne les a pas mis sous contrôle ! Dans le gouvernement Fillon, j'étais responsable des relations avec le Parlement ; je sais la fragilité de ce qu'est l'activité parlementaire, quel que soit le groupe politique auquel on appartient. Il est donc un peu difficile d'accepter que l'on commence par cela, alors qu'un texte global, contenant les mêmes éléments, aurait été beaucoup plus facile à faire accepter. Il aurait aussi donné le sentiment que, si l'engagement public nécessite des contraintes, il constitue également quelque chose de tellement rare et formidable que cela doit être aussi évalué de manière positive.

J'entends bien la dernière observation de mon excellent collègue Alain Richard, dont la modération est connue sur la planète parlementaire, mais je dois vous avouer, madame la garde des sceaux, que le débat sur le niveau du traitement d'un parlementaire n'est pas ouvert ! L'opinion publique, l'air du temps sont tels que cela est impossible. Je me souviens des commentaires faits par notre ancien collègue député Henri Guaino sur son traitement, et des réactions que cela a engendrées. Je veux bien reconnaître qu'il était assez maladroit, mais il n'en reste pas moins que le débat n'est pas ouvert sur ce point.

Quant à l'IRFM, nous entrons à mon sens dans un système extraordinairement compliqué. Pour ma part, je garde mes factures, même si je fais tout ce que je peux pour contrôler tout moi-même. En revanche, au Parlement britannique, près de 80 personnes sont affectées strictement au contrôle des factures des députés. Envisage-t-on, au Sénat ou à l'Assemblée nationale, un recrutement pareil ? Il faudra bien que quelqu'un contrôle les factures. Les assemblées vont donc devoir mettre en place un système très lourd, à moins que vous n'imaginiez un système de transmission de factures et de contrôles aléatoires. Il reviendra aux assemblées, dans leur règlement, de le déterminer, mais en tout état de cause, c'est une vraie charge supplémentaire pour le Parlement.

Enfin madame la garde des sceaux, je m'interroge vraiment sur la révision constitutionnelle. Le Gouvernement devra obtenir l'assentiment d'une majorité des trois cinquièmes au Congrès ; ayant porté la réforme de 2008, qui est passée d'une voix, je peux dire que ces trois cinquièmes ne sont pas un cadeau : c'est un travail de tous les jours ! Sur le fond, vous nous annoncez que cette réforme limitera à trois mandats successifs l'exercice de fonctions exécutives locales, et que cela sera appliqué de manière rétroactive. Mais imaginez seulement le maire d'une commune de 20 000 ou de 50 000 habitants, à qui l'on annonce qu'il ne pourra pas se représenter en 2020, parce qu'il aura déjà accompli trois mandats, et cela alors même qu'il vient de lancer des politiques nouvelles, des projets sur cinq ou sept ans ! Même quand a été votée l'interdiction du cumul des mandats pour les parlementaires, on a prévu un délai de quatre ans avant de les obliger à choisir. Madame la garde des sceaux, même en conservant ce principe de limitation dans le temps, ne croyez-vous pas qu'il faille trouver une solution pour éviter que cette nouvelle règle ne tombe comme un couperet en 2020, dans un délai donc extrêmement contraignant eu égard aux politiques menées dans les communes ?

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