Mon expérience m'a montré que, dans un texte, ce qui ne figurait pas était souvent plus intéressant que ce qu'on y trouvait. Vous avez décidé de vous intéresser à la morale des parlementaires, des élus en général, en tenant un raisonnement un peu curieux : ils sont honnêtes et, pour cette raison même, il faut les traiter comme des délinquants potentiels !
Les sondages sont bizarres. À la question « les élus sont-ils plus ou moins corrompus ? », les Français répondent « plutôt corrompus ». Si nos concitoyens nourrissent cette défiance, ce n'est pas pour les raisons que l'on croit. Ce peut être dû à la concentration des pouvoirs, au fait que les majorités changent, mais que c'est toujours la même politique qui est appliquée. C'est sans doute aussi dû au poids des médias, qui sont majoritairement possédés par des intérêts financiers ou sous l'influence de ces derniers, au point que votre prédécesseur, madame la ministre, en avait fait son cheval de bataille : « Je ne céderai rien sur la séparation de la politique et de l'argent. »
Or que contient le texte ? Rien ! Nous en sommes même au point où l'initiative des lois incombe aux médias. Il n'est qu'à lire l'étude d'impact et le nombre de scandales recensés pour justifier telle ou telle disposition. Je rejoins M. Karoutchi sur ce point : il faut une vue plus large.
Les seuls articles du projet de loi qui touchent à ces questions ont trait à la prise en compte des délits à caractère financier. Est ainsi dressée une liste des délits empêchant qu'on soit éligible. Un traitement particulier est réservé aux délits financiers : seuls les plus graves sont pris en compte. La façon dont les tribunaux appréhendent la prise illégale d'intérêts l'atteste : au moindre soupçon, on est bon, éventuellement sans condamnation ! On est en droit de s'inquiéter, d'autant que, sur cette question, le Sénat, par trois fois, a voté à la majorité, voire à l'unanimité, une modification de la formulation qui rend celle-ci moins « couperet » qu'actuellement. Je reposerai cette question au moment de la discussion. Reste, madame la ministre, qu'il existe encore une fois un traitement défavorable aux élus quant aux types de délits auxquels ils peuvent être confrontés.