Intervention de Nicole Belloubet

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 27 juin 2017 à 15h05
Projet de loi organique et projet de loi rétablissant la confiance dans l'action publique — Audition de Mme Nicole Belloubet garde des sceaux ministre de la justice

Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice :

Sur la question de la réserve parlementaire, je réaffirme que l'idée de cette mesure est non pas de ne plus rouvrir les crédits de la réserve parlementaire, ce qui aurait relevé de la loi de finances, mais d'interdire l'ouverture de crédits gérés selon ce mode, ce qui relève d'un niveau de norme supérieur à la loi de finances. Les solutions qui peuvent être envisagées relèvent ensuite de la loi de finances, non de ces projets de loi.

On peut envisager soit des politiques publiques de nature transversale, interministérielle, soit le redéploiement sur un dispositif qui garantit l'affectation aux territoires. A été suggérée la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et, depuis 2017, les parlementaires peuvent être présents dans les commissions départementales d'élus locaux chargées de la DETR. L'intervention du préfet, évoquée par M. Chasseing, ne me paraît en revanche pas conforme au principe de libre administration des collectivités territoriales.

M. Collombat a évoqué, pour le regretter, le fait que ce texte soit fondé sur la morale. Ce n'est pas l'objectif. La question est plutôt éthique. Il déplore que nous soyons surtout dans l'interdiction. Ce qui nous permet d'agir, c'est la Constitution elle-même. La loi met en place un certain nombre de contraintes.

Je pense souvent au droit de suffrage. Le code électoral contient quantité d'interdictions dont le seul objet est de permettre au droit de suffrage de s'exercer pleinement, avec éthique, rigueur et honnêteté. Je vois ici un mécanisme de nature un petit peu identique.

Vous avez évoqué le contrôle des médias, sujet que ce texte n'évoque en effet pas du tout, car il traite des élus et du financement de la vie politique.

Monsieur Raison, vous faites une observation sur l'intitulé de la loi. J'ai connaissance de cette remarque puisque le Conseil d'État et le président du Sénat, M. Gérard Larcher, l'avaient déjà portée devant moi. La volonté du Gouvernement de montrer qu'il y a un signe étant assez forte, je crois qu'il tiendra à garder le terme « rétablissement ». Cela étant, nous rediscuterons aussi de ce point.

Vous évoquez la question des mandats consécutifs, désirant, si je vous ai bien suivi, opérer une distinction entre les maires et les parlementaires. Je ne souhaite pas me livrer à ce débat ici. Le sujet me paraît en effet relever de la loi constitutionnelle et non du texte qui nous est soumis aujourd'hui.

Je crois avoir traité de la réserve parlementaire en répondant à M. Chasseing.

Madame Assassi, vous faites valoir que les textes ne permettraient pas d'exercer un contrôle assez efficace sur l'influence des lobbies. Je ne suis pas sûre que l'ensemble des dispositions proposées pour porter remède aux conflits d'intérêts aient eu cet objet. Je ne sais pas s'il faut que nous soyons plus précis ou que nous argumentions mieux. C'est également un point sur lequel nous reviendrons, mais a priori, je n'avais pas tout à fait la même approche que vous. Je vous rappelle en outre que la loi Sapin II était déjà intervenue sur cette question et que nous disposons donc désormais d'un arsenal législatif qui me semble assez complémentaire.

Vous évoquez la question du médiateur du crédit et vous vous demandez si son indépendance est suffisamment garantie. Il me semble que la référence au cinquième alinéa de l'article 13 de notre Constitution, qui exige l'avis public des commissions permanentes compétentes de chaque assemblée, constitue tout de même une garantie intéressante. De plus, le texte qui vous est soumis prévoit des garanties à peu près équivalentes à celles d'une autorité administrative indépendante - outre l'avis des commissions dont je viens de vous parler, il est prévu un mandat de six ans non renouvelable. Et il sera doté d'un budget et d'une équipe dédiée. Toutefois, si vous jugez le dispositif insuffisant, nous en discuterons.

J'en viens à la Banque de la démocratie, sujet sur lequel nous n'en sommes qu'au stade d'une loi d'habilitation. Les modalités de mise en place de ce mécanisme de financement ne me semblent pas complètement abouties au moment où nous parlons. C'est la raison pour laquelle j'évoquais la mise en place d'une mission d'inspection IGA-IGF qui permettrait d'identifier les causes des difficultés du financement pour estimer les montants en jeu et évaluer l'impact éventuel des règles de financement sur l'ensemble des crédits qui seraient nécessaires. Cette mission d'inspection serait également chargée d'examiner les modalités de création de la Banque de la démocratie. Je vous l'ai dit il y a quelques instants, plusieurs hypothèses sont envisagées. La structure sera-t-elle dotée de la personnalité morale ? Sera-t-elle rattachée à la Caisse des dépôts et consignations ? Quels seront les choix en termes de gouvernance ? Faut-il s'en tenir à un mécanisme de type fonds de garantie ? Faut-il définir un mécanisme de financement particulier ? Toutes ces options-là sont sur la table. Nous souhaitons que cette mission IGA-IGF nous permette d'y voir un petit peu plus clair et sommes prêts à vous entendre si vous avez vous-même des souhaits plus précis sur ce sujet.

Je réponds enfin à M. Portelli pour lui dire que l'absence de définition du parti politique est un point nodal et un point réel. Autrement dit, il y a des évolutions qui ne sont retracées ni dans les textes ni dans la Constitution. Pour autant, si ce sont les micro-partis que vous visez, l'argent qu'ils accordent à un candidat est bien retracé dans les comptes des campagnes de ceux qui en bénéficient. Le dispositif n'est donc pas complètement occulte. Par ailleurs, le projet qui vous est soumis renforce les sanctions liées à la non-divulgation des informations à la commission nationale des comptes de campagne. Il me semble en effet que le problème se situe, au-delà d'une question de transparence, dans l'effectivité réelle de ce texte. Cela étant dit, je veux bien, là aussi, rediscuter de cette question avec vous.

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