Intervention de Hervé Maurey

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 28 juin 2017 à 9h35
Bilan annuel de l'application des lois — Communication

Photo de Hervé MaureyHervé Maurey, président :

Ce bilan porte sur les lois adoptées au cours des dix dernières années qui ont été examinées au fond par notre commission ou, dans ses domaines de compétence, par l'ancienne commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.

Les mesures d'application comptabilisées sont, d'une part, celles qui ont été publiées entre le 1er octobre 2015 et le 31 mars 2017 pour les lois promulguées au cours de la session parlementaire 2015-2016, d'autre part, celles publiées entre le 1er avril 2016 et le 31 mars 2017 pour les lois des précédentes sessions.

Ce bilan annuel vient en complément de la communication que je vous avais faite en janvier dernier sur le bilan de l'application des lois les plus significatives du quinquennat : chaque commission s'était livrée à cet exercice, à la demande du Président du Sénat.

Sur un plan quantitatif, sept lois ont été promulguées dans les secteurs relevant de la compétence de la commission au cours de l'année parlementaire 2015-2016, soit un léger accroissement par rapport aux années précédentes.

Ce chiffre ne prend pas en compte les textes sur lesquels notre commission a été saisie pour avis, même avec une importante délégation au fond : c'est le cas de la loi pour une République numérique, rapportée par Patrick Chaize, dont le suivi appartient à la commission des lois.

Nous avons plusieurs motifs de satisfaction cette année. D'abord, quatre lois adoptées au cours de la dernière session parlementaire sont d'ores et déjà totalement applicables. Deux étaient d'application directe : la loi du 25 juillet 2016 sur le stockage en couche géologique profonde des déchets radioactifs à vie longue, rapportée par Michel Raison, et la loi organique du 8 août 2016 relative à la nomination à la présidence du conseil d'administration de l'Agence française pour la biodiversité, rapportée par Jérôme Bignon. Les deux autres requéraient des mesures d'application : celle du 8 décembre 2015 sur la manutention dans les ports maritimes, rapportée par Michel Vaspart, et celle du 11 février 2016 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire, rapportée par Chantal Jouanno.

De plus, deux lois plus anciennes suivies par la commission sont devenues totalement applicables : la loi relative au Grand Paris du 3 juin 2010 et la loi du 28 mai 2013 portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports.

Troisième motif de satisfaction, aucune des lois suivies par notre commission n'est totalement inapplicable au 31 mars 2017, toutes ayant fait l'objet d'au moins une mesure réglementaire d'application.

Bien sûr, des motifs d'insatisfaction demeurent. Ainsi, 65 % de l'ensemble des lois relevant des domaines de compétence de la commission et adoptées au cours des dix dernières années attendent encore une ou plusieurs mesures d'application, ce qui n'est pas négligeable.

Deuxième observation, nous devons, cette année encore, déplorer la lenteur de remise des divers rapports demandés au Gouvernement : sur les 62 demandés depuis le 1er octobre 2006, 33 seulement ont été remis au Parlement, soit à peine plus de la moitié.

Au cours de l'année parlementaire 2015-2016, seuls six rapports intéressant la commission ont été déposés au Sénat. Une illustration malheureuse : le rapport sur les impacts de l'autorisation de circulation des poids lourds de 44 tonnes, daté du mois de mai 2015 par ses auteurs, n'a été transmis au Sénat que le 9 mars 2016, alors que nous aurions dû le recevoir avant le 31 décembre 2014 !

Certes, nous avons eu tendance, dans le passé, à demander de trop nombreux rapports, mais il est regrettable que le Gouvernement s'affranchisse de dispositions votées par le Parlement - d'autant que certains de ces rapports sont nécessaires et utiles pour notre travail d'évaluation et de contrôle : ainsi du rapport sur la gestion des gares, dans le cadre de la loi de réforme ferroviaire, que j'ai récemment reçu.

Voici maintenant le volet qualitatif de ce bilan. Dans le domaine de l'environnement et du développement durable, j'évoquerai deux lois. Même si notre commission n'a été saisie que pour avis de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015, l'importante délégation au fond dont nous avons bénéficié - sur la moitié du texte environ - et l'important travail de notre rapporteur Louis Nègre justifient une présentation dans le cadre de ce bilan.

La totalité des 31 mesures d'application du titre III de cette loi, relatif aux transports propres, ont été prises, alors que six mesures seulement avaient été prises l'année dernière. La fin du quinquennat a accéléré le rythme de publication des décrets en attente : reconnaissons une véritable volonté de la ministre en ce sens. Ce résultat est particulièrement satisfaisant au regard de la complexité de certaines des dispositions concernées. Tous les textes ont été publiés au terme de larges concertations.

Cette année sont notamment parus les quatre décrets du 11 janvier 2017 relatifs aux véhicules propres, le décret du 27 octobre 2016 relatif à la programmation pluriannuelle de l'énergie qui a également fixé la stratégie pour le développement de la mobilité propre, le décret du 28 juin 2016 sur les zones à circulation restreinte, et plusieurs textes sur la qualité de l'air, dont un décret fixant des objectifs nationaux de réduction des émissions de plusieurs polluants et un arrêté établissant le plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques.

Concernant le titre IV de la loi, relatif à la lutte contre les gaspillages et la promotion de l'économie circulaire, l'ensemble des mesures d'application ont été adoptées, alors qu'il y a un an le retard était encore important.

Parmi les mesures d'application les plus emblématiques récemment prises figure l'application de la filière à responsabilité élargie des producteurs (REP) papier à la presse. Le décret du 5 juillet 2016 dispose que les publications de presse peuvent s'acquitter de leurs contributions financières sous forme de prestations en nature, en mettant à disposition des organismes agréés des encarts publicitaires sensibilisant le consommateur sur le tri et le recyclage, sous réserve que les publications soient composées de fibres recyclées ou provenant de forêts gérées de manière durable. Ces mesures ont été prises sur la base des propositions du rapport de Gérard Miquel et Serge Brady.

Citons aussi l'application de la filière REP aux navires de plaisance hors d'usage, disposition adoptée à l'initiative du Sénat ; les modalités de l'interdiction de la vaisselle et des ustensiles jetables en plastique ; ou encore l'obligation de proposer des pièces de rechange automobile issues de l'économie circulaire.

Cependant, plusieurs rapports qui devaient être transmis au Parlement ne l'ont toujours pas été, en particulier le rapport quinquennal qui doit définir une stratégie nationale de transition vers l'économie circulaire.

Parmi les autres dispositions de la loi de transition énergétique que nous avions examinées, le décret du 28 juin 2016 relatif au plan climat-air-énergie territorial (PCAET) définit la procédure d'élaboration du PCAET, le contenu des différents volets du plan ainsi que la méthode de comptabilisation des émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques, en prévoyant une prise en compte des émissions directes produites sur l'ensemble du territoire par les différents secteurs d'activité.

Deuxième texte dans le domaine du développement durable, la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, rapportée par Jérôme Bignon et promulguée le 8 août 2016, est déjà appliquée aux trois quarts puisque, sur les 35 décrets prévus dont 26 en Conseil d'État, 27 ont été publiés, portant notamment les dispositions suivantes : la création de l'Agence française pour la biodiversité ; la nouvelle gouvernance de la biodiversité avec le Comité national de la biodiversité, le Conseil national de protection de la nature et les comités régionaux de la biodiversité ; l'application du protocole de Nagoya à compter du 1er juillet 2017 ; et enfin plusieurs textes sur la mise en oeuvre des zones prioritaires pour la biodiversité, de l'agrément des sites naturels de compensation, des zones de conservation halieutique, ou encore de l'interdiction, mesure votée à l'initiative d'Evelyne Didier, des coton-tige en plastique et de la mise sur le marché de produits cosmétiques comportant des billes plastiques.

L'Agence française pour la biodiversité est opérationnelle depuis le 1er janvier 2017. Deux membres de notre commission, Jérôme Bignon et Nicole Bonnefoy, font partie de son conseil d'administration. Nous avons entendu, dans le cadre de l'article 13, son président pressenti Philippe Martin et voté en faveur sa nomination, et procédé à l'audition de son directeur général Christophe Aubel.

Dans le domaine des transports et de l'économie maritime, quatre lois appellent notre attention. Tous les décrets d'application de la loi du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire ont désormais été pris, à une exception près. Cette loi devrait marquer le retour de l'État stratège et lancer le redressement financier de notre système ferroviaire. Je ferai quatre observations.

D'abord, comme je l'ai signalé, un décret reste encore à prendre : celui qui autorise les transferts de propriété du domaine public ferroviaire au profit des régions. Environ 1 300 kilomètres de lignes sont concernés. Or si le Gouvernement a bien consulté le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) et l'Arafer sur le projet de décret, pour des raisons qui m'échappent il n'a pas saisi le Conseil d'État. Nous n'avons pas avancé...

Deuxième observation : le décret d'application tant attendu sur la règle d'or a finalement été pris, in extremis, le 30 mars 2017 ; mais cette règle a d'ores et déjà été contournée pour le financement de la liaison ferroviaire entre Paris et l'aéroport Charles-de-Gaulle... Nous nous félicitons néanmoins qu'une large partie des recommandations émises par l'Arafer dans son avis ait été intégrée par le Gouvernement dans le texte final du décret.

Troisième observation, la lenteur de la mise en place du nouveau cadre social. Le décret-socle qui devait sortir rapidement après la promulgation de la loi et servir de base à la négociation collective dont l'achèvement était prévu avant le 1er juillet 2016, n'est paru que le 8 juin 2016, soit deux ans après la promulgation de la loi. De plus, certains volets de la convention collective de branche, notamment sur les questions de prévoyance ou de droit syndical, n'ont toujours pas été signés. Nous sommes loin des évolutions du cadre social annoncées lors du vote de la loi de 2014 pour redonner des marges de manoeuvre au groupe public ferroviaire et lui donner les moyens de faire face à la concurrence. Le Gouvernement a clairement renoncé à ses engagements sur cet aspect de la réforme.

Quatrième observation : le contrat de performance entre l'État et SNCF Réseau, qui devait fixer la trajectoire financière de l'établissement public à caractère industriel et commercial (Epic) sur dix ans, et dont la rédaction a pris plus de deux ans, ne nous a été remis que le 19 avril, soit la veille du jour de sa signature et trois jours avant le premier tour des élections présidentielles... Nous avons manifesté notre mécontentement. Sur le fond, rien dans ce contrat ne permet d'espérer une amélioration de la situation de la SNCF et une stabilisation de son endettement. Bien au contraire, il est à craindre que la dette de SNCF Réseau ne se creuse pour dépasser 63 milliards d'euros en 2026, soit une augmentation de plus de 40 % en dix ans, sans que l'État ne fasse grand-chose pour y remédier ! Certes, les décrets ont été pris, mais nous sommes très loin de la volonté du législateur.

Deuxième texte dans le domaine des transports, la loi du 24 octobre 2016 relative au renforcement de la sécurité de l'usage des drones civils. Adoptée sur le rapport de Cyril Pellevat, elle nécessite treize mesures d'application dont aucune n'a été prise à ce stade, mais nous sommes encore dans le délai acceptable des six mois. Une série de décrets et d'arrêtés seront pris avant le début de l'année 2018.

Troisième texte, la loi du 20 juin 2016 pour l'économie bleue, examinée au Sénat sur le rapport de Didier Mandelli. Sur les 26 mesures réglementaires d'application prévues par cette loi, 19 ont été prises depuis son adoption, portant notamment les dispositions suivantes : la définition des modalités de délivrance des certificats de jauge des navires, la précision des conditions dans lesquelles la francisation d'un navire de commerce ou de plaisance ou d'un navire de pêche peut être accordée par un agrément spécial, la détermination des règles du permis d'armement, la définition des normes d'aptitude médicale à la navigation, la fixation des conditions de moralité requises pour exercer certaines fonctions, la fixation du régime des casinos installés à bord, et la détermination de la composition et de la mise en oeuvre de la flotte à caractère stratégique.

Le Gouvernement, qui avait été autorisé à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi afin de regrouper, d'ordonner et de mettre à jour les dispositions relatives aux espaces maritimes, l'a fait par l'ordonnance du 8 décembre 2016 relative aux espaces maritimes relevant de la souveraineté ou de la juridiction de la République française.

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