En votre nom à tous, je veux saluer Mme Nathalie Loiseau, ministre en charge des Affaires européennes. Nous vous félicitons pour votre nomination et vous souhaitons un plein succès dans vos nouvelles fonctions.
Je suis sûr que nous aurons avec vous un dialogue approfondi et régulier : c'est l'esprit dans lequel nous travaillons au Sénat. Les parlements nationaux doivent jouer tout leur rôle dans la construction européenne. Par ses travaux, le Sénat entend contribuer à la nécessaire relance du projet européen et à l'affirmation du rôle de la France.
Ma première question portera sur le Brexit. À la demande du président du Sénat, nous avions créé avec Jean-Pierre Raffarin un groupe de suivi, composé d'une vingtaine de membres de nos deux commissions, qui a formulé des recommandations en vue d'un sursaut européen dans un contexte difficile pour l'Union. Nous regrettons tous dans cette commission le résultat du référendum britannique que nous considérons comme un « non-sens géostratégique », pour reprendre une expression de Jean-Pierre Raffarin : à une époque où les États sont plutôt des États continents, il n'est pas pertinent de vouloir faire revivre le grand empire. Cependant, nous respectons la démocratie. Au Sénat, nous avons exprimé quelques convictions fortes et défini des lignes rouges : un échec des négociations du Brexit est possible ; nous devons préserver l'unité et la cohésion des 27 États membres ; les parlements nationaux, qui ratifieront le futur accord, devront être informés régulièrement et consultés ; un État ne peut prétendre obtenir plus d'avantages en étant en dehors de l'Union européenne qu'en dedans ; les quatre libertés sont indissociables. Comment se présente la négociation qui s'est ouverte le 19 juin ? Le Royaume-Uni a-t-il donné des assurances satisfaisantes sur la situation des ressortissants européens résidant sur son territoire ?
Mon interrogation suivante porte sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme. Les dramatiques attentats de Londres rappellent une nouvelle fois la menace qui pèse sur nos pays. Ici, au Sénat, sans remettre en cause le rôle premier des États en matière de sécurité, nous avons plaidé à de nombreuses reprises pour une action européenne beaucoup plus résolue. Parmi les enjeux, je veux souligner celui de l'échange d'informations entre les services spécialisés et le contrôle des entrées et des sorties de l'espace Schengen. Nos collègues se sont penchés sur le sujet, Simon Sutour sur le fichier PNR ou André Reichardt sur Schengen. Nous avons aussi bien noté la récente initiative franco-britannique pour lutter contre la radicalisation sur Internet. Le Conseil européen a-t-il manifesté sa détermination sur ces enjeux cruciaux pour la sécurité de nos concitoyens ?
L'Union européenne demeure confrontée à la crise des migrants. Nous voulons une réponse humaine, conforme aux valeurs de l'Union mais qui soit aussi réaliste. On met de plus en plus l'accent sur l'immigration illégale et les conclusions du sommet de La Valette n'ont jamais été autant d'actualité. Il nous faut également réformer le système européen du droit d'asile pour parvenir à un bon équilibre entre responsabilité et solidarité. Quels enseignements peut-on tirer des discussions au Conseil européen sur cette question ?
L'approfondissement du marché unique est un autre enjeu majeur, car son fonctionnement est loin d'être optimal : les échanges entre les 52 États américains sont trois fois plus importants que ceux entre les 27 États membres. La feuille de route européenne reste à écrire sur le numérique. La coopération franco-allemande doit jouer tout son rôle.
Je veux aussi appeler votre attention sur le défi de l'intelligence artificielle. J'ai rencontré à ce sujet M. Charles-Edouard Bouée, directeur du think tank Roland Berger. La feuille de route est encore blanche. L'intelligence artificielle est au coeur de beaucoup de politiques stratégiques de l'Union : cyber-sécurité pour lutter contre le terrorisme, digitalisation et mutation de nos économies. J'en appelle à l'expertise de nos collègues André Gattolin et Colette Mélot : cessons de courir après les Gafa, car la course est perdue face aux États-Unis et à l'Asie qui se partagent leur capitalisation boursière à hauteur de 98 % pour l'un, de 2 % pour l'autre. En matière d'intelligence artificielle, nous ne sommes pas encore en retard, mais c'est une question de mois. Le Président de la République a un intérêt particulier pour ces sujets. Peut-être pourriez-vous lui faire part de nos préoccupations ? Et pourquoi ne pas profiter des compétences de l'un des nouveaux députés, Cédric Villani ? Les déclinaisons du développement de l'intelligence artificielle sur les économies nationales et européenne seront majeures.
Nous sommes favorables au développement des échanges commerciaux avec le reste du monde par la conclusion d'accords dans ce sens. Mais nous voulons que ces accords soient équitables et bénéfiques pour tous. Notre collègue Philippe Bonnecarrère a travaillé sur l'extra-territorialité des lois américaines, notamment au sujet du Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (TTIP).
Nous souhaiterions aussi que vous nous en disiez plus sur le dossier concernant l'accord de Paris sur le climat.
L'Europe de la défense était au coeur du Conseil européen, avec la création d'un fonds spécifique, outil tout à fait pertinent pour financer tant la recherche et le développement que le matériel militaire.
Quelle appréciation peut-on porter sur les recommandations par pays dans le cadre du semestre européen, y compris sur la situation délicate de notre pays au regard de ses engagements européens ? La Cour des comptes publiera dans quelques jours un document confirmant les conclusions de la commission des finances du Sénat sur une impasse budgétaire chiffrée à 9 ou 10 milliards d'euros. Comment remédier, dans un esprit constructif, à cette insincérité du dernier budget ?
Enfin, lorsque nous nous étions rendus à Londres avec Jean-Pierre Raffarin, il était clair que les chambres de compensation devaient revenir en zone européenne. Je constate avec amertume que Bruxelles ne semble pas tenir cette position puisque, sous couvert d'un organisme de supervision, ces chambres de compensation pourraient finalement se maintenir à Londres. Mieux vaudrait revenir à ce que souhaitait la Banque centrale européenne et, indirectement, à la première analyse de la Cour de Justice de l'Union : ce genre de structure doit être implanté dans un pays de l'Union européenne en zone euro.