Commission des affaires européennes

Réunion du 27 juin 2017 à 17h00

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

En votre nom à tous, je veux saluer Mme Nathalie Loiseau, ministre en charge des Affaires européennes. Nous vous félicitons pour votre nomination et vous souhaitons un plein succès dans vos nouvelles fonctions.

Je suis sûr que nous aurons avec vous un dialogue approfondi et régulier : c'est l'esprit dans lequel nous travaillons au Sénat. Les parlements nationaux doivent jouer tout leur rôle dans la construction européenne. Par ses travaux, le Sénat entend contribuer à la nécessaire relance du projet européen et à l'affirmation du rôle de la France.

Ma première question portera sur le Brexit. À la demande du président du Sénat, nous avions créé avec Jean-Pierre Raffarin un groupe de suivi, composé d'une vingtaine de membres de nos deux commissions, qui a formulé des recommandations en vue d'un sursaut européen dans un contexte difficile pour l'Union. Nous regrettons tous dans cette commission le résultat du référendum britannique que nous considérons comme un « non-sens géostratégique », pour reprendre une expression de Jean-Pierre Raffarin : à une époque où les États sont plutôt des États continents, il n'est pas pertinent de vouloir faire revivre le grand empire. Cependant, nous respectons la démocratie. Au Sénat, nous avons exprimé quelques convictions fortes et défini des lignes rouges : un échec des négociations du Brexit est possible ; nous devons préserver l'unité et la cohésion des 27 États membres ; les parlements nationaux, qui ratifieront le futur accord, devront être informés régulièrement et consultés ; un État ne peut prétendre obtenir plus d'avantages en étant en dehors de l'Union européenne qu'en dedans ; les quatre libertés sont indissociables. Comment se présente la négociation qui s'est ouverte le 19 juin ? Le Royaume-Uni a-t-il donné des assurances satisfaisantes sur la situation des ressortissants européens résidant sur son territoire ?

Mon interrogation suivante porte sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme. Les dramatiques attentats de Londres rappellent une nouvelle fois la menace qui pèse sur nos pays. Ici, au Sénat, sans remettre en cause le rôle premier des États en matière de sécurité, nous avons plaidé à de nombreuses reprises pour une action européenne beaucoup plus résolue. Parmi les enjeux, je veux souligner celui de l'échange d'informations entre les services spécialisés et le contrôle des entrées et des sorties de l'espace Schengen. Nos collègues se sont penchés sur le sujet, Simon Sutour sur le fichier PNR ou André Reichardt sur Schengen. Nous avons aussi bien noté la récente initiative franco-britannique pour lutter contre la radicalisation sur Internet. Le Conseil européen a-t-il manifesté sa détermination sur ces enjeux cruciaux pour la sécurité de nos concitoyens ?

L'Union européenne demeure confrontée à la crise des migrants. Nous voulons une réponse humaine, conforme aux valeurs de l'Union mais qui soit aussi réaliste. On met de plus en plus l'accent sur l'immigration illégale et les conclusions du sommet de La Valette n'ont jamais été autant d'actualité. Il nous faut également réformer le système européen du droit d'asile pour parvenir à un bon équilibre entre responsabilité et solidarité. Quels enseignements peut-on tirer des discussions au Conseil européen sur cette question ?

L'approfondissement du marché unique est un autre enjeu majeur, car son fonctionnement est loin d'être optimal : les échanges entre les 52 États américains sont trois fois plus importants que ceux entre les 27 États membres. La feuille de route européenne reste à écrire sur le numérique. La coopération franco-allemande doit jouer tout son rôle.

Je veux aussi appeler votre attention sur le défi de l'intelligence artificielle. J'ai rencontré à ce sujet M. Charles-Edouard Bouée, directeur du think tank Roland Berger. La feuille de route est encore blanche. L'intelligence artificielle est au coeur de beaucoup de politiques stratégiques de l'Union : cyber-sécurité pour lutter contre le terrorisme, digitalisation et mutation de nos économies. J'en appelle à l'expertise de nos collègues André Gattolin et Colette Mélot : cessons de courir après les Gafa, car la course est perdue face aux États-Unis et à l'Asie qui se partagent leur capitalisation boursière à hauteur de 98 % pour l'un, de 2 % pour l'autre. En matière d'intelligence artificielle, nous ne sommes pas encore en retard, mais c'est une question de mois. Le Président de la République a un intérêt particulier pour ces sujets. Peut-être pourriez-vous lui faire part de nos préoccupations ? Et pourquoi ne pas profiter des compétences de l'un des nouveaux députés, Cédric Villani ? Les déclinaisons du développement de l'intelligence artificielle sur les économies nationales et européenne seront majeures.

Nous sommes favorables au développement des échanges commerciaux avec le reste du monde par la conclusion d'accords dans ce sens. Mais nous voulons que ces accords soient équitables et bénéfiques pour tous. Notre collègue Philippe Bonnecarrère a travaillé sur l'extra-territorialité des lois américaines, notamment au sujet du Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (TTIP).

Nous souhaiterions aussi que vous nous en disiez plus sur le dossier concernant l'accord de Paris sur le climat.

L'Europe de la défense était au coeur du Conseil européen, avec la création d'un fonds spécifique, outil tout à fait pertinent pour financer tant la recherche et le développement que le matériel militaire.

Quelle appréciation peut-on porter sur les recommandations par pays dans le cadre du semestre européen, y compris sur la situation délicate de notre pays au regard de ses engagements européens ? La Cour des comptes publiera dans quelques jours un document confirmant les conclusions de la commission des finances du Sénat sur une impasse budgétaire chiffrée à 9 ou 10 milliards d'euros. Comment remédier, dans un esprit constructif, à cette insincérité du dernier budget ?

Enfin, lorsque nous nous étions rendus à Londres avec Jean-Pierre Raffarin, il était clair que les chambres de compensation devaient revenir en zone européenne. Je constate avec amertume que Bruxelles ne semble pas tenir cette position puisque, sous couvert d'un organisme de supervision, ces chambres de compensation pourraient finalement se maintenir à Londres. Mieux vaudrait revenir à ce que souhaitait la Banque centrale européenne et, indirectement, à la première analyse de la Cour de Justice de l'Union : ce genre de structure doit être implanté dans un pays de l'Union européenne en zone euro.

Debut de section - Permalien
Nathalie Loiseau, ministre chargée des Affaires européennes

Je tenais d'abord à vous remercier pour votre accueil et pour l'organisation de ce débat sur les résultats du Conseil européen. Je me réjouis d'y participer moins d'une semaine après ma prise de fonction, d'autant qu'il s'agit pour moi de ma première intervention devant la représentation nationale. D'abord parce que ce débat permet au Sénat d'exercer sa mission de contrôle de la politique européenne du Gouvernement. Ces rencontres régulières, qui précèdent ou suivent le Conseil européen, participent au bon fonctionnement de notre démocratie et contribuent sans aucun doute à consolider nos positions dans les négociations à Bruxelles. J'y attache un prix tout particulier.

Mais ces débats seront surtout pour moi un moment privilégié d'échange avec vous sur les priorités que la France porte dans les négociations européennes.

Je sais pouvoir compter sur la grande qualité de votre expertise et sur votre engagement en faveur de la relance du projet européen. Je pense, par exemple, au récent rapport du groupe de suivi sur le retrait du Royaume-Uni et la refondation de l'Union européenne, écrit avec la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Vous pourrez compter sur mon engagement, sur mes convictions européennes et sur ma volonté de ne négliger aucun effort pour que la voix de la France pèse davantage dans l'Union.

Le 7 mai dernier, les Français ont élu un président profondément engagé en faveur du projet européen ; un président qui a eu le courage de défendre, tout au long de la campagne, une vision ambitieuse de l'Europe. La large victoire du président Macron, mais aussi le nombre très élevé de suffrages qui se sont portés sur des candidats eurosceptiques, ont montré à la fois l'adhésion profonde des Français à l'Union européenne, et la désaffection croissante du nombre de nos compatriotes par rapport à une construction européenne souvent perçue comme trop lointaine et trop technocratique. On pourrait résumer la situation actuelle à une formule : les Français aiment l'Europe mais craignent que l'Europe ne les aime pas.

L'ambition que porte le Gouvernement, c'est de travailler à une autre Europe et d'agir pour réconcilier les Français avec l'idée européenne. Nous pensons qu'un sursaut est possible car c'est dans le cadre européen, avec le poids de tout le continent, que nous pourrons mieux relever les grands défis qui s'imposent à nous : défi du terrorisme, du changement climatique, des migrations, de la croissance et de l'emploi.

Le Président de la République a marqué, tout le long du Conseil européen, la vision qui était la sienne : celle d'une Europe qui protège efficacement les Européens, leurs valeurs et leurs intérêts, quels que soient les domaines, de la sécurité au commerce. Cette Europe n'est pas pour autant une Europe défensive, au contraire. C'est une Europe qui ose assumer le leadership qui lui revient dans de nombreux domaines, de l'économie au climat. L'Europe a beaucoup de raisons d'être fière d'elle-même, et nous, Français, avons beaucoup de raisons d'être fiers de ce que l'Europe a permis d'obtenir, et d'abord d'un modèle de société unique au monde, celui qui concilie la démocratie, l'économie de marché et la justice sociale.

Le Président de la République était très attendu par les chefs d'État et de gouvernement et par les responsables des institutions, qui lui sont reconnaissants de son engagement pro-européen et qui s'interrogeaient sur sa détermination à aller de façon concrète vers une Europe qui protège. La question du détachement des travailleurs, en particulier, était dans tous les esprits même si elle n'était pas à l'ordre du jour. C'est à ce sujet que le Président de la République a consacré l'essentiel de sa rencontre avec les représentants du groupe de Visegrád (Hongrie, Pologne, République tchèque, Slovaquie). Cette discussion aura été très utile pour les convaincre que nous souhaitions travailler avec eux. Il ne s'agit pas d'opposer l'Est et l'Ouest de l'Europe mais de travailler à une convergence par le haut qui bénéficiera à tous. Cette approche a été entendue et comprise, même si elle n'a pas choisi la facilité de la complaisance.

En méthode, le Président de la République et la Chancelière ont marqué de façon très forte leur attachement au couple franco-allemand tout au long de ce conseil : nous avons passé des messages concertés au président Tusk et aux autres partenaires, et le Président et la Chancelière ont veillé à la cohérence de leurs interventions. L'organisation d'une conférence de presse commune, en fin de Conseil, a achevé de renforcer ce signal d'unité.

J'en viens maintenant aux débats du Conseil européen proprement dits. Le premier thème que le Conseil européen a abordé est celui de la sécurité et de la défense. La lutte contre le terrorisme est au coeur des préoccupations en Europe et au coeur de l'actualité après les récents attentats de Manchester et Londres. Les discussions en cours sur le paquet « frontières intelligentes » nous permettront de mieux contrôler nos frontières pour repérer les éventuels retours de combattants étrangers. Mais nous devons aller plus loin pour lutter contre l'utilisation d'Internet par les réseaux terroristes. Les retraits de contenus illicites en ligne, par exemple, se font dans des délais trop longs, même si des progrès ont été réalisés en travaillant avec les acteurs de l'Internet.

C'est la raison pour laquelle le Président de la République et Theresa May ont adopté, le 13 juin dernier, un plan qui demande le retrait immédiat des contenus incitant à la haine ou au terrorisme, avec un code de conduite renforcé. Les conclusions du Conseil européen constituent un progrès puisqu'elles demandent à la Commission d'examiner le recours éventuel à de nouvelles mesures législatives pour permettre la détection automatique et le retrait des contenus illicites, une législation qui serait donc applicable sur tout le territoire de l'Union.

Le Conseil européen a également invité la Commission à présenter une proposition législative sur l'interopérabilité des différentes bases de données, que vous avez à juste titre identifiée dans votre rapport de février dernier comme un enjeu majeur.

Enfin, le chiffrement constitue à l'heure actuelle un réel obstacle pour l'accès des enquêteurs aux communications. Le Conseil européen s'est penché sur cet enjeu, avec comme objectif que les services de lutte contre le terrorisme puissent disposer, dans le respect des libertés individuelles, des métadonnées de celles et ceux qui utilisent des messageries cryptées.

Les chefs d'État ou de gouvernement ont par ailleurs marqué une nouvelle étape significative dans le renforcement de la coopération européenne sur la sécurité extérieure et la défense. Le Conseil européen de décembre 2016 avait fixé des lignes communes, en particulier le principe d'autonomie stratégique de l'Union européenne. Le Conseil européen de la semaine dernière a permis d'avancer sur les outils dont nous avons besoin. Nous avons trouvé avec nos partenaires allemands un équilibre précis dans le texte sur deux grands sujets. Il s'agit d'abord du renforcement de nos efforts de recherche et de développement de capacités militaires en commun. Les conclusions marquent le soutien du Conseil européen au projet de fonds européen de défense, qui est une priorité de la France, au Programme de développement industriel en matière de défense européenne, qui mobilisera des outils financiers innovants, ou encore les encouragements du Conseil européen à ce que la Banque européenne d'investissement s'investisse plus dans le domaine de la défense. Je tiens à souligner le rôle très constructif de la Commission et de son président dans cette avancée substantielle.

Par ailleurs, les conclusions mentionnent aussi le projet de coopération structurée permanente. Comme nous le souhaitions, et dans l'esprit du traité, elles précisent que cette coopération structurée permanente devra être « ambitieuse » et rappellent que la première étape consiste à définir, dans les trois mois, des critères communs et à ce que les États qui le souhaitent prennent ensemble des engagements. Nous avons été attentifs à ce que les deux sujets, le fonds européen de défense et la coopération structurée permanente, avancent au même rythme.

Enfin, le Conseil européen a ouvert la voie à un financement par le mécanisme européen Athéna, et non plus majoritairement par les États membres concernés, du déploiement des Groupements tactiques de l'Union européenne.

Au total, il s'agit d'avancées majeures et inédites pour le développement en commun de capacités militaires et pour une interopérabilité accrue des forces armées.

Le deuxième thème à l'ordre du jour était l'emploi, la croissance et la compétitivité. Le travail engagé lors du Conseil européen de juin 2016 pour l'approfondissement du marché intérieur a d'ores et déjà porté ses fruits. C'est le cas sur le marché unique du numérique, avec la suppression des frais d'itinérance dont tous les Européens bénéficient depuis le 15 juin, ou encore de la portabilité des contenus. Plusieurs défis restent à relever, y compris dans le secteur du numérique, comme l'a souligné la Commission dans sa revue à mi-parcours du marché unique numérique, mais aussi s'agissant de l'union des marchés de capitaux, de l'union de l'énergie, ou encore de l'industrie.

C'est sur la réciprocité des échanges, des marchés publics et du traitement des investissements dans les secteurs sensibles, que la discussion a été la plus vive. L'Union est la première puissance commerciale au monde. Personne ne le remet en cause, pas plus que sa volonté de promouvoir un système commercial multilatéral ouvert et fondé sur des règles. Mais l'Union doit aussi défendre ses intérêts plus clairement et s'assurer que les conditions de concurrence internationale soient équitables. L'ouverture est souhaitable, mais à condition qu'elle soit réciproque et que les règles du jeu soient respectées. C'est pourquoi les conclusions appellent, à notre initiative, à accélérer la modernisation des instruments de défense commerciale et à mettre en oeuvre des mesures pour rendre notre défense commerciale plus réactive et efficace.

La question de la réciprocité se pose aussi sur les marchés publics : nos marchés publics ne peuvent rester totalement ouverts à des États tiers si ceux-ci n'ouvrent pas les leurs. Là aussi, le Conseil européen a donné une impulsion politique.

Enfin, nous devons mieux contrôler les investissements étrangers dans les secteurs stratégiques en Europe. Sur ce dernier point, nous aurions préféré des conclusions plus ambitieuses, mais le texte actuel pose le principe de la réciprocité et soutient l'idée que la Commission « analyse » ces investissements. C'est une première étape importante qui a été franchie.

Le Conseil européen a également discuté de la façon dont l'Union peut agir vis-à-vis de la question des migrations. Confrontée à l'été 2015 à une pression migratoire sans précédent, l'Union européenne a rapidement su apporter des réponses d'urgence. L'agence dédiée à la gestion des frontières, FRONTEX, a vu ses moyens tripler et s'est transformée en agence européenne des gardes-frontières et des garde-côtes ; un accord a été conclu avec la Turquie le 18 mars 2016 ; deux décisions de relocalisation et un programme de réinstallation ont été lancés. Toutes ces mesures ont permis une réduction importante des flux migratoires d'ensemble.

Ces mesures d'urgence ne règlent toutefois pas les problèmes de fond, et il nous faut encore avancer sur des réformes plus structurelles qui sont actuellement en cours de discussion. C'est le cas du contrôle des frontières extérieures de l'Union, qui doit être systématique, c'est-à-dire viser aussi les bénéficiaires de la libre-circulation, y compris les citoyens européens, pour être pleinement efficace. C'est aussi le cas de la réforme du régime européen d'asile, qui doit reposer sur un équilibre entre responsabilité et solidarité. Enfin, être efficace suppose une action renforcée vers les pays d'origine et de transit des migrants. Nous devons renforcer notre engagement en Libye, même si les conditions de sécurité limitent fortement nos possibilités d'action, et soutenir activement les pays voisins, la Tunisie et l'Égypte mais aussi le G5 Sahel et la force conjointe qu'ils constituent. C'est ce qu'a souligné le Conseil européen dans ses conclusions qui trouvent le bon équilibre entre engagement auprès des pays tiers et efforts accrus de politique de retour, avec la notion de « pays tiers sûr », dans le respect de la convention de Genève et du droit primaire de l'Union.

Le Conseil européen a aussi permis aux chefs d'État et de gouvernement d'aborder les grands sujets d'actualité internationale, et notamment la lutte contre le changement climatique. La décision de Donald Trump de désengager les États-Unis de l'Accord de Paris est une faute pour l'avenir de notre planète. Face à cette décision, le Conseil européen a réaffirmé, à notre initiative, le caractère non négociable de l'Accord de Paris et l'engagement de l'Union et de ses États membres à le mettre en oeuvre.

Le langage a été renforcé à la demande du Président de la République, malgré les tentatives de certains partenaires. Il appelle également au renforcement de la coopération avec les partenaires internationaux.

Par ailleurs, le Président et la Chancelière ont présenté conjointement l'état du processus de Minsk. Le président chypriote Anastasiades a évoqué pour sa part la reprise des négociations inter-chypriotes.

Enfin, sur la question du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne, les Vingt-Sept ont entendu Mme May qui leur a présenté les grandes lignes d'une première proposition sur les droits des citoyens. Cette proposition a été développée hier dans un rapport présenté au Parlement britannique que nous devrons examiner plus en détail. En tout état de cause, l'accord de retrait devra assurer la symétrie des droits garantis aux citoyens britanniques résidant dans l'un des 27 États membres et des droits des citoyens européens résidant au Royaume-Uni.

Après son départ, les Vingt-Sept ont fait le point sur le lancement de la négociation et ont souligné l'importance de respecter la séquence de négociation décidée par les Européens et acceptée par le Royaume-Uni. Celle-ci prévoit de se concentrer d'abord sur le droit des citoyens, sur les frontières et sur les modalités de calcul du règlement financier du départ du Royaume-Uni. C'est seulement dans un second temps, lorsque des progrès suffisants auront été constatés et normalement à l'automne, que les autres sujets seront ouverts et que le négociateur pourra commencer à évoquer l'avenir des relations entre l'Union européenne et le Royaume-Uni.

Les Vingt-Sept se sont très rapidement mis d'accord sur une procédure qui permet le transfert ordonné de l'Agence européenne du médicament et de l'Autorité bancaire européenne sur le continent. Vous le savez, les villes de Lille et de Paris sont candidates respectivement à l'accueil de chacune de ces agences. La procédure décidée par le Conseil européen permettra au Conseil Affaires générales de novembre 2017 de prendre une décision sur la base de critères objectifs évalués par la Commission, qui comprendront entre autres la continuité de l'activité de l'agence et l'accessibilité.

Tels sont les sujets qui ont été abordés lors de ce Conseil européen, qui aura permis de progresser sur les priorités définies par le Président de la République. C'est en avançant dans tous ces domaines par des mesures concrètes et efficaces que nous ferons de l'Europe une véritable puissance et que nous réconcilierons les citoyens avec le projet européen.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Je vous adresse mes félicitations pour votre nomination à ce poste qui reflète l'engagement européen du président Macron. Voilà longtemps que notre commission est attachée à un renforcement de la coopération entre la France et l'Allemagne. Nous commençons à en constater les effets. On me disait encore la semaine dernière, au Salon du Bourget, qu'une semaine après l'élection du Président, des projets de travaux communs en matière de recherche et d'armement avaient pu voir le jour alors que l'Allemagne les bloquait depuis longtemps. Cette dynamique retrouvée du couple franco-allemand est de bon augure.

Je suis plus modéré en ce qui concerne l'industrie du numérique. Nous devons pouvoir développer une industrie européenne du numérique. La Chancelière Merkel l'avait déjà annoncé il y a trois ans. Une commission était allée consulter les quatre ou cinq ministères allemands en charge du numérique sans rien obtenir de concret. Si l'intelligence artificielle est un domaine prometteur, la cyber-sécurité n'est pas moins importante. En dépendent notre défense économique mais aussi notre sécurité intérieure et extérieure. Il serait dangereux que l'Union européenne considère ces questions « en silo » sans tenir compte de leur transversalité. Nous nous sommes concentrés sur la cyber-sécurité pour faire face au risque terroriste. De même que nous disposons d'un espace commun, l'Union européenne, fonctionnant avec une monnaie unique, l'euro, nous sommes confrontés à un mélange de toutes les nouvelles criminalités dans un espace commun, le « darknet », disposant d'une monnaie commune, le bitcoin. La cyber attaque qui a eu lieu pas plus tard que cet après-midi en témoigne : plusieurs États, dont l'Ukraine, mais aussi de grandes entreprises françaises comme Saint-Gobain sont touchés.

Le nouveau secrétaire d'État en charge du numérique, M. Mounir Mahjoubi, m'a assuré que la cyber-sécurité était une priorité du Gouvernement. Ce type d'attaque pourrait être contenu si l'on incitait chaque internaute à mettre à jour les pages de sécurité qui le concernent. Les cyber attaques ont coûté 450 milliards d'euros, l'an dernier, à l'échelle mondiale. Une étude menée par le groupe de recherche Juniper chiffre leur coût à 2 100 milliards de dollars en 2019. Ces escroqueries alimentent des États voyous, voire des réseaux terroristes. Il est urgent que nous développions une vision beaucoup plus globale de la cyber-sécurité pour réduire le risque d'une déstabilisation complète de nos économies.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Je tiens à vous féliciter pour votre nomination et à vous remercier pour l'honneur que vous nous faites de cette première intervention dans une assemblée parlementaire. Notre commission apprécie beaucoup la proximité d'échange qu'elle peut avoir avec le ministre des Affaires européennes.

Pourriez-vous nous préciser la manière dont la France pourrait encore approfondir sa relation avec l'Allemagne ? En tant que Strasbourgeoise comme vous, je souhaiterais dire combien nous sommes heureux d'accueillir samedi prochain, à Strasbourg, un événement européen et même mondial avec la cérémonie d'hommage à Helmut Kohl au Parlement européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Je précise que notre commission se rend une fois par an à Strasbourg pour marquer la dimension européenne de cette ville.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

En matière de défense et de sécurité, nous allons fêter le quinzième anniversaire de l'Eurocorps, dont la création avait été rendue possible par l'engagement allemand. La Pologne a manifesté sa volonté de se retirer. Peut-être pourriez-vous prévoir une visite symbolique de l'Eurocorps lors d'un de vos déplacements à Strasbourg ?

Où en sont les négociations du Brexit après les élections législatives qui ont affaibli Mme May ? La voie choisie par l'Union européenne qui consiste à commencer par fixer le coût n'est pas la plus facile.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Je donne la parole à M. Bonnecarrère qui a beaucoup travaillé sur l'extraterritorialité des lois américaines, sujet indissociable des relations commerciales internationales. Il avait d'ailleurs été repris dans le rapport d'Édouard Balladur sur le TTIP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

Je vous souhaite beaucoup de succès dans votre nouvelle fonction. J'ai été heureux de vous entendre rappeler que la qualité du dialogue parlementaire et gouvernemental contribuait à notre efficacité à Bruxelles. Je remercie le président Bizet d'avoir introduit le sujet de l'extraterritorialité et des accords commerciaux. Ces questions, très vastes, risquent cependant de nous éloigner des conclusions du Conseil européen.

Pourriez-vous nous expliquer ce que seront les missions et les moyens du Fonds européen de défense ? Bénéficiera-t-il d'euros budgétés ou sera-t-il financé par des instruments financiers ? Quel rôle jouera la Banque européenne d'investissement ? Bref, quelle sera la nature financière de ce fonds ?

Notre commission a toujours été très soucieuse en matière de budget, consciente du décalage entre les attentes des populations vis-à-vis de l'Europe et l'extrême faiblesse des moyens mis à disposition à travers la contribution des pays. S'il faut envisager des redéploiements pour financer le Fonds européen de défense, à quel niveau se situeraient-ils ? Les mathématiques sont incontournables et le budget européen est consacré pour moitié à la PAC et pour près de 40 % au fonds de cohésion.

Debut de section - Permalien
Nathalie Loiseau, ministre

L'Union européenne dispose de tous les atouts industriels et économiques pour tirer profit de la révolution numérique. Peut-être tardons-nous trop ou allons-nous trop lentement ? La Commission européenne a présenté, le 19 avril, un plan d'investissement de 500 millions d'euros consacré au développement d'un réseau paneuropéen de hubs digitaux et à la préparation d'un nuage européen. Cet effort vient en complément de la stratégie numérique de 2015 qui n'était sans doute pas assez tournée vers l'industrie.

L'Union européenne doit se positionner rapidement dans la compétition internationale et fixer ses propres normes. La Commission a annoncé en avril qu'elle travaillait à l'élaboration de normes communes dans le domaine de la 5G, de la cyber-sécurité et de la modernisation des services publics.

En tant qu'ancienne diplomate, j'ai été frappée de voir les mentalités évoluer aussi rapidement en matière de cyber-sécurité. Sans doute est-ce dû au fait que les attaques ont frappé des intérêts économiques, mais aussi politiques, comme lors des dernières campagnes électorales, aux États-Unis, mais aussi en France. Les décideurs ont beaucoup plus conscience du danger qu'auparavant. L'an dernier, lorsque j'ai introduit un module de formation à la cyber-sécurité dans le programme de l'ENA, on a cru à une lubie étrange de ma part. La question ne se pose plus, désormais.

L'Union européenne fonctionne effectivement « en silo ». Certains interlocuteurs sont plus ouverts que d'autres, comme Julian King que j'ai reçu hier. La pédagogie est essentielle, et elle doit faire oeuvre auprès des citoyens, car la cyber-sécurité dépend d'abord du comportement des utilisateurs d'Internet. Il ne s'agit pas d'empiler des couches législatives supplémentaires, mais de faciliter la compréhension des enjeux.

Si le développement de l'intelligence artificielle offre beaucoup d'opportunités, il a aussi des conséquences sociales. Les nouvelles technologies créent des emplois très qualifiés et détruisent des emplois peu qualifiés. La régulation n'est pas un gros mot en matière de numérique. Les Gafa se comportent déjà comme des acteurs étatiques. À nous de leur faire face au niveau européen. Plus largement, nous devons porter des valeurs européennes en matière de révolution numérique et faire entendre notre voix qui n'est pas forcément à l'unisson de celle de la Silicon Valley. La croyance en un transhumanisme idéal ne va pas de soi.

Le premier président de la Cours des comptes s'exprimera prochainement sur l'état des comptes publics. C'est à lui qu'il revient d'en faire l'analyse. Mon rôle est de rappeler l'importance des engagements que nous avons pris au niveau européen et celle de les tenir pour garantir la crédibilité de notre agenda au sein de l'Union européenne. Nous avons la chance de bénéficier d'un contexte exceptionnel où l'on nous écoute, mais où l'on attend aussi que nous tenions nos engagements. Le Président de la République ne dit pas autre chose : pour être crédibles, nous devons tenir nos engagements.

Fabienne Keller, je peux vous assurer de mon attachement à Strasbourg, capitale européenne. J'assisterai, samedi prochain, aux cérémonies à la mémoire d'Helmut Kohl. Toute l'Europe et le monde entier y seront. Je m'acquitterai volontiers d'une visite à l'Eurocorps. Je mesure pleinement l'engagement nuancé de nos partenaires polonais, et ce n'est pas le seul sujet sur lequel ils restent difficiles à convaincre : qu'il s'agisse des travailleurs détachés, de la lutte contre le dérèglement climatique ou des investissements stratégiques, il nous faut être fermes avec les Polonais et sans ambiguïté. Le Président de la République a commencé, il poursuivra son effort.

Quant à nos relations avec l'Allemagne, les images du Conseil européen parlent d'elles-mêmes. La proximité entre la Chancelière et le Président de la République n'était pas que devant les caméras. Un travail de concertation a été mené en marge du Conseil pour produire un agenda commun. Notre partenaire allemand n'a pas ménagé ses efforts pour examiner avec intérêt les positions françaises sur l'avenir de l'Union européenne, même lorsque les sujets étaient délicats. Nous devons continuer à travailler étroitement ensemble, en veillant à ne pas mettre les Allemands en difficulté, notamment pour leurs élections. Et nous devons apprendre à faire de notre côté des pas en avant pour comprendre les préoccupations allemandes.

Le prochain Conseil des ministres franco-allemand se tiendra le 13 juillet. Nous souhaitons que les mesures qui seront annoncées soient concrètes, que leurs résultats soient palpables, et qu'elles soient en ligne avec nos ambitions européennes. Nous aurons tout intérêt à travailler en commun sur l'harmonisation fiscale pour montrer à l'échelon européen qu'il s'agit d'un processus souhaitable, mais aussi réalisable. Nous installerons également, à cette occasion, le Conseil franco-allemand de l'intégration, concrétisant une initiative prise il y a quelques mois. Nos deux pays bénéficieront ainsi d'un échange de bonnes pratiques et d'une recherche de solutions communes en matière d'immigration.

Les avancées sur l'Europe de la défense sont une illustration très concrète de la force de l'impulsion franco-allemande. Sans cette impulsion, il ne se passerait pas grand-chose ; s'il n'y a que cette impulsion, nous risquons de froisser nos partenaires. Cela reste néanmoins un soulagement européen de voir le moteur franco-allemand redémarrer.

Nous soutenons la démarche de Michel Barnier consistant à séquencer la négociation du Brexit, en commençant par définir les conditions du retrait, avant de négocier les conditions de la future relation. Le fait que les Britanniques aient accepté cette démarche témoigne de leur affaiblissement. Les élections anticipées sont passées par là. Le séquençage est désormais acté par les Britanniques et assumé par les Vingt-Sept. Nous devons veiller à maintenir cette unité jusqu'au bout. Il faut aussi éviter de céder à la tentation britannique de parler d'abord et beaucoup de la situation des ressortissants européens résidant au Royaume-Uni ou bien des frontières, tout en restant silencieux sur les conditions financières du retrait. Les trois sujets doivent être traités en même temps.

Le système de communication avec le négociateur européen et son équipe est satisfaisant. Le mandat de négociation est transparent et Michel Barnier est venu rendre compte aux Vingt-Sept pendant le Conseil européen de la première séquence de négociation. Des points d'étape réguliers se tiennent avec les membres du Conseil européen. Nous veillerons à ce que la représentation nationale soit informée de l'évolution des négociations. Sera-t-il possible de tenir le calendrier de la négociation ? Je n'ai pas de boule de cristal. Les sujets à traiter sont extraordinairement complexes.

La communication de la Commission relative à un fonds européen de défense est une avancée qui mérite d'être saluée. La France a activement participé à l'élaboration de ce fonds avec l'ambition de donner à l'Union européenne les moyens de maîtriser les technologies de défense essentielles pour l'avenir et d'investir dans des domaines d'innovation stratégique. Le programme-pilote pour le développement conjoint de capacités militaires qui sera mis en place dès juillet 2019 devrait pouvoir bénéficier d'une mobilisation inédite du budget de l'Union. Le financement du fonds sera d'abord assuré par les contributions des États membres. Le Conseil européen a aussi sollicité la BEI pour qu'elle participe au financement du projet de défense européenne. C'est une approche nouvelle. La BEI, initialement réticente, s'affirme désormais favorable. Je vous donnerai davantage d'informations au fur et à mesure que cette avancée se concrétisera. Cela intéresse beaucoup nos industriels, comme j'ai pu le constater au Salon du Bourget.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Quelle position adoptera la France sur les perturbateurs endocriniens ? Vous concertez-vous avec Nicolas Hulot pour défendre une position française ? Si j'en crois les échanges que nous avons eus avec le cabinet de M. Hulot, ses positions sont en harmonie avec les conclusions de notre commission des affaires européennes.

La profession agricole m'a fait part de son inquiétude face à la récente interdiction d'utiliser des produits phytosanitaires sur les surfaces d'intérêt écologique (SIE) ainsi que sur les cultures intermédiaires pièges à nitrates (Cipan). Dans la mesure où les cultures protéagineuses entrent dans la classification des SIE, elles risquent de disparaître du territoire français, si l'on ne peut plus utiliser de produits phytosanitaires. La France deviendra dépendante des États-Unis et d'autres pays producteurs de soja. Il faudrait protester et ne pas laisser adopter au niveau européen des mesures contre productives qui mettraient en difficulté notre agriculture.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Il n'y a pas que les grandes entreprises qui sont victimes de cyberattaques. Les PME sont également touchées et se protègent beaucoup moins bien. Elles auraient besoin d'un accompagnement de proximité. Il ne faudrait pas les négliger car le tissu des PME est très important pour notre économie.

Quelles sont les grandes orientations du Gouvernement en matière de politique agricole commune ? On nous dit que la date butoir de 2020 risque d'être repoussée à cause des perspectives financières difficiles et du Brexit. Nos agriculteurs sont inquiets. Ils ont besoin d'avoir un cap et d'être rassurés. C'est un sujet prioritaire pour les agriculteurs et la ruralité dont vous avez certainement entendu la détresse.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Jourda

Bien avant le Brexit, nous avions obtenu, en juin 2016, avec mon collègue Pozzo di Borgo, que le Sénat vote une résolution pour activer les coopérations structurées permanentes dans la ligne de ce que permet le traité de Lisbonne.

Je m'étonne qu'en matière de défense, vous n'ayez pas mentionné l'articulation avec l'OTAN. Eu égard aux déclarations intempestives de M. Trump et à la politique menée par la Russie, il n'est pas possible que le risque d'alignement n'ait pas été discuté lors du Conseil européen. Les Vingt-Sept se retrouvent-ils sur un consensus mou ou y a-t-il un véritable alignement ? Que dire de l'approche de la Pologne ? Le couple franco-allemand défend-il une position commune ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Quand on parle d'intervention de l'Union européenne, le terme « financer » suscite toujours en moi une petite inquiétude. Dans le dialecte des relations entre les pays membres et l'Union européenne, ce terme a deux sens différents. Ce que le fonds européen de défense financera, c'est du cash, autrement dit des crédits budgétaires d'intervention. En revanche, lorsque la BEI finance, c'est du prêt qu'il faut rembourser. Bien sûr, c'est une évolution positive que la BEI engage des investissements dans la défense. Cela signifie aussi qu'il y a un retour attendu.

Le contenu de l'accord qui aboutirait à la création de la coopération structurée permanente doit être préparé pour mars. Faut-il supposer que l'accord de ceux qui n'en font pas partie sera au programme du prochain Conseil européen ou basculera-t-il sur 2018 ? Le cadre de cette coopération structurée permanente impliquerait-il des engagements des partenaires en matière d'investissements dans leur défense ?

En ce qui concerne la révision de la directive sur les travailleurs détachés, il est de bonne méthode d'engager la discussion avec le groupe de Visegràd. Voyez-vous dès maintenant l'équilibre d'un potentiel accord, ou bien faut-il renforcer la mobilisation des pays qui partagent la position de la France ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Je souhaite que nos échanges soient aussi fréquents qu'avec votre prédécesseur, car ils sont toujours très riches. En ce qui concerne la cyber-sécurité, la pédagogie est essentielle car le maillon faible se situe souvent entre la chaise et l'écran. Nos concitoyens peuvent être victimes d'une cyberattaque, avant qu'elle ne s'étende aux entreprises.

Je suis déçu par les conclusions sur la politique commerciale commune : le terme de « réciprocité » devrait être un des maîtres-mots dans nos négociations, au même titre que celui de « transparence ». On laisse à la Commission le soin d'analyser les situations « au cas par cas », ce qui n'est guère rassurant.

Enfin, comment avancer sur la directive des travailleurs détachés ? Rien n'a été débloqué, malgré les propositions maltaises.

Debut de section - PermalienPhoto de René Danesi

Le Fonds européen de défense est un premier pas dans une très longue marche où surgiront quatre obstacles au moins.

Debut de section - PermalienPhoto de René Danesi

L'échec de la CED a eu pour conséquence la constitution d'industries nationales puissantes, concurrentes et influentes. Je ne suis pas convaincu que ces industries jouent un rôle moteur dans une politique européenne de la défense. La Constitution de l'Allemagne interdit à toute force opérationnelle, quel que soit son périmètre, de quitter l'Allemagne sans une autorisation spécifique du Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de René Danesi

Ce n'est pas la même chose en France. Je me garderai bien de suggérer une révision de la Constitution allemande. Cependant, alors que la France creuse son déficit en partie par l'effort qu'elle fournit pour assurer la défense européenne, l'Allemagne ne peut se contenter de nous faire la leçon, et il serait souhaitable qu'elle nous aide financièrement. Les pays d'Europe centrale sont plus confiants dans l'OTAN que dans l'Union européenne pour assurer leur défense. Enfin, quel périmètre donner à l'Europe de la défense ? Faut-il en rester aux Vingt-Sept ou faut-il réduire le nombre des États concernés ? Je ne vois pas bien ce qu'un pays comme le Montenegro pourrait apporter. Sans compter le problème de l'Angleterre qui dispose de l'arme atomique. Voulons-nous coopérer avec elle ? On connaît la cordiale mésentente historique entre les marines française et anglaise : il n'est pas besoin de remonter jusqu'à Trafalgar.

Debut de section - Permalien
Nathalie Loiseau, ministre

La Commission a publié une proposition de définition des perturbateurs endocriniens et la France a souhaité rehausser l'ambition de ce texte pour qu'il garantisse davantage la protection de la santé et de l'environnement. L'objectif est de couvrir les perturbateurs non seulement prouvés mais présumés, ou encore de définir le lien avec les conséquences négatives plausibles. Une réunion technique est prévue à ce sujet prochainement. Nous restons mobilisés. Sans vous en dire davantage, nous avons demandé une amélioration de la proposition qui irait dans le sens de nos préoccupations.

Aucune décision n'a été prise au sujet de l'interdiction des produits phytosanitaires sur les SIE. Le Parlement européen a voté l'interdiction en séance plénière contre l'avis de la commission de l'Agriculture. Je tiendrai compte de votre inquiétude. La France devra arrêter une position.

Les cyberattaques impactent non seulement les services publics et les grands groupes, mais aussi les PME. Vous avez parfaitement résumé ce qu'il convient de faire, à savoir renforcer la prise de conscience de nos concitoyens sur les risques encourus s'ils ne se protègent pas suffisamment.

La PAC n'était pas à l'ordre du jour du Conseil européen, mais elle est bien évidemment au centre des préoccupations du Gouvernement. La réforme de 2013 est toujours valide : politique plus équitable pour les exploitants, agriculture plus verte et plus simple, mise en place de filets de sécurité pour mieux gérer les crises. Il faut aller plus loin en développant des dispositifs qui encouragent la compétitivité des filières, l'agro-écologie et la bio-économie, en valorisant la sécurité alimentaire, l'ambition climatique et l'aménagement du territoire. Enfin, il faut se doter d'instruments plus efficaces pour faire face aux aléas, qu'ils soient sanitaires, climatiques ou économiques, réfléchir à un système de stabilisation des revenus destiné à couvrir les aléas économiques, en augmentant notamment l'épargne de précaution. Le débat s'engagera dans les mois qui viennent. La France a l'intention de peser de tout son poids pour défendre les intérêts de nos agriculteurs.

Même si nous sommes loin d'un accord sur les travailleurs détachés, nous avons tracé les lignes rouges : un régime limité dans le temps, de meilleurs contrôles contre les fraudes, le respect du principe « à travail égal, salaire égal », la pleine inclusion du secteur du transport routier dans la directive. Le Président de la République a demandé à l'ensemble de ses interlocuteurs, qu'il s'agisse du groupe de Visegràd, du président roumain ou de nos partenaires portugais ou espagnols, qu'on accélère les discussions d'experts pour fixer un point d'étape à la fin de l'été. Le maintien du statu quo est tout aussi inacceptable pour nos concitoyens que pour les travailleurs détachés. Personne n'est gagnant.

En matière de politique commerciale, la difficulté que nous avons à maintenir l'ambition de la réciprocité est réelle. Il n'y a pas d'unanimité dans l'Union européenne sur ces questions. Nous resterons vigilants. Le terme de « réciprocité » figure dans les conclusions du Conseil, notamment au sujet de l'accès aux marchés publics. Nos partenaires ne témoignent pas toujours du même engagement que le nôtre, et il nous faut rester vigilants.

Quant à l'Europe de la défense, nous n'avons pas oublié que notre partenariat avec la Grande-Bretagne est essentiel. Il a prospéré depuis quelques années sans passer par l'Europe de la défense. Même si les Britanniques restent les meilleurs ennemis de l'Europe de la défense, nous avons besoin de leur partenariat.

Debut de section - Permalien
Nathalie Loiseau, ministre

Bien sûr. N'hésitons pas à être allants et ambitieux sur l'Europe de la défense, maintenant que l'obstacle anglais est levé.

Une partie de l'Union européenne ne penserait-elle qu'à l'OTAN ? Ne considérons pas ces sujets comme immuables : nous ne sommes pas forcément handicapés par une Allemagne limitée par sa Constitution et par des pays de l'Est qui ne penseraient qu'à l'OTAN. La coopération structurée permanente permet à l'Allemagne de faire évoluer ses positions, notamment en politique intérieure, d'augmenter ses dépenses de défense jusqu'à 2 % de son PIB. La coopération structurée permanente est un moyen d'avoir les Allemands à bord. Nous devons l'encourager avec lucidité, exigence et ambition. Le Conseil européen a fixé que les États membres devront établir, dans un délai de trois mois, une liste commune de critères et d'engagements contraignants. Nous commencerons par là. Notre volonté n'est pas d'exclure certains États, mais d'encourager un effort collectif important sur le long terme. Évitons que la coopération structurée permanente devienne un « machin » de plus qu'on n'utilisera pas davantage.

Échanger avec vous est un exercice particulièrement utile au moment où je prends mes fonctions. Je vous remercie d'y avoir consacré du temps et je vous assure de ma disponibilité pour le renouveler au même rythme que mon prédécesseur, et sur tous les sujets que vous souhaiterez.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Nous vous remercions d'avoir pris le temps de répondre à chacun d'entre nous. Au Sénat, nous tenons à nous montrer constructifs et attentifs lorsqu'il s'agit de l'Union européenne. Nous ne souhaitons pas polémiquer, mais nous tenons à obtenir des résultats dans une période difficile. Bien entendu, il appartient à M. Didier Migaud d'apporter son éclairage sur l'impasse financière que nous avons mentionnée. L'important est que nous récupérions de la crédibilité auprès des institutions européennes et de nos partenaires. Nous bénéficions du regard positif de la Chancelière. Il pourrait s'assombrir si nous ne tenons pas nos engagements.

La réunion est close à 18h45.