Intervention de Nathalie Loiseau

Commission des affaires européennes — Réunion du 27 juin 2017 à 17h00
Institutions européennes — Audition de Mme Nathalie Loiseau ministre auprès du ministre de l'europe et des affaires étrangères chargée des affaires européennes sur les conclusions du conseil européen des 22 et 23 juin 2017

Nathalie Loiseau, ministre :

L'Union européenne dispose de tous les atouts industriels et économiques pour tirer profit de la révolution numérique. Peut-être tardons-nous trop ou allons-nous trop lentement ? La Commission européenne a présenté, le 19 avril, un plan d'investissement de 500 millions d'euros consacré au développement d'un réseau paneuropéen de hubs digitaux et à la préparation d'un nuage européen. Cet effort vient en complément de la stratégie numérique de 2015 qui n'était sans doute pas assez tournée vers l'industrie.

L'Union européenne doit se positionner rapidement dans la compétition internationale et fixer ses propres normes. La Commission a annoncé en avril qu'elle travaillait à l'élaboration de normes communes dans le domaine de la 5G, de la cyber-sécurité et de la modernisation des services publics.

En tant qu'ancienne diplomate, j'ai été frappée de voir les mentalités évoluer aussi rapidement en matière de cyber-sécurité. Sans doute est-ce dû au fait que les attaques ont frappé des intérêts économiques, mais aussi politiques, comme lors des dernières campagnes électorales, aux États-Unis, mais aussi en France. Les décideurs ont beaucoup plus conscience du danger qu'auparavant. L'an dernier, lorsque j'ai introduit un module de formation à la cyber-sécurité dans le programme de l'ENA, on a cru à une lubie étrange de ma part. La question ne se pose plus, désormais.

L'Union européenne fonctionne effectivement « en silo ». Certains interlocuteurs sont plus ouverts que d'autres, comme Julian King que j'ai reçu hier. La pédagogie est essentielle, et elle doit faire oeuvre auprès des citoyens, car la cyber-sécurité dépend d'abord du comportement des utilisateurs d'Internet. Il ne s'agit pas d'empiler des couches législatives supplémentaires, mais de faciliter la compréhension des enjeux.

Si le développement de l'intelligence artificielle offre beaucoup d'opportunités, il a aussi des conséquences sociales. Les nouvelles technologies créent des emplois très qualifiés et détruisent des emplois peu qualifiés. La régulation n'est pas un gros mot en matière de numérique. Les Gafa se comportent déjà comme des acteurs étatiques. À nous de leur faire face au niveau européen. Plus largement, nous devons porter des valeurs européennes en matière de révolution numérique et faire entendre notre voix qui n'est pas forcément à l'unisson de celle de la Silicon Valley. La croyance en un transhumanisme idéal ne va pas de soi.

Le premier président de la Cours des comptes s'exprimera prochainement sur l'état des comptes publics. C'est à lui qu'il revient d'en faire l'analyse. Mon rôle est de rappeler l'importance des engagements que nous avons pris au niveau européen et celle de les tenir pour garantir la crédibilité de notre agenda au sein de l'Union européenne. Nous avons la chance de bénéficier d'un contexte exceptionnel où l'on nous écoute, mais où l'on attend aussi que nous tenions nos engagements. Le Président de la République ne dit pas autre chose : pour être crédibles, nous devons tenir nos engagements.

Fabienne Keller, je peux vous assurer de mon attachement à Strasbourg, capitale européenne. J'assisterai, samedi prochain, aux cérémonies à la mémoire d'Helmut Kohl. Toute l'Europe et le monde entier y seront. Je m'acquitterai volontiers d'une visite à l'Eurocorps. Je mesure pleinement l'engagement nuancé de nos partenaires polonais, et ce n'est pas le seul sujet sur lequel ils restent difficiles à convaincre : qu'il s'agisse des travailleurs détachés, de la lutte contre le dérèglement climatique ou des investissements stratégiques, il nous faut être fermes avec les Polonais et sans ambiguïté. Le Président de la République a commencé, il poursuivra son effort.

Quant à nos relations avec l'Allemagne, les images du Conseil européen parlent d'elles-mêmes. La proximité entre la Chancelière et le Président de la République n'était pas que devant les caméras. Un travail de concertation a été mené en marge du Conseil pour produire un agenda commun. Notre partenaire allemand n'a pas ménagé ses efforts pour examiner avec intérêt les positions françaises sur l'avenir de l'Union européenne, même lorsque les sujets étaient délicats. Nous devons continuer à travailler étroitement ensemble, en veillant à ne pas mettre les Allemands en difficulté, notamment pour leurs élections. Et nous devons apprendre à faire de notre côté des pas en avant pour comprendre les préoccupations allemandes.

Le prochain Conseil des ministres franco-allemand se tiendra le 13 juillet. Nous souhaitons que les mesures qui seront annoncées soient concrètes, que leurs résultats soient palpables, et qu'elles soient en ligne avec nos ambitions européennes. Nous aurons tout intérêt à travailler en commun sur l'harmonisation fiscale pour montrer à l'échelon européen qu'il s'agit d'un processus souhaitable, mais aussi réalisable. Nous installerons également, à cette occasion, le Conseil franco-allemand de l'intégration, concrétisant une initiative prise il y a quelques mois. Nos deux pays bénéficieront ainsi d'un échange de bonnes pratiques et d'une recherche de solutions communes en matière d'immigration.

Les avancées sur l'Europe de la défense sont une illustration très concrète de la force de l'impulsion franco-allemande. Sans cette impulsion, il ne se passerait pas grand-chose ; s'il n'y a que cette impulsion, nous risquons de froisser nos partenaires. Cela reste néanmoins un soulagement européen de voir le moteur franco-allemand redémarrer.

Nous soutenons la démarche de Michel Barnier consistant à séquencer la négociation du Brexit, en commençant par définir les conditions du retrait, avant de négocier les conditions de la future relation. Le fait que les Britanniques aient accepté cette démarche témoigne de leur affaiblissement. Les élections anticipées sont passées par là. Le séquençage est désormais acté par les Britanniques et assumé par les Vingt-Sept. Nous devons veiller à maintenir cette unité jusqu'au bout. Il faut aussi éviter de céder à la tentation britannique de parler d'abord et beaucoup de la situation des ressortissants européens résidant au Royaume-Uni ou bien des frontières, tout en restant silencieux sur les conditions financières du retrait. Les trois sujets doivent être traités en même temps.

Le système de communication avec le négociateur européen et son équipe est satisfaisant. Le mandat de négociation est transparent et Michel Barnier est venu rendre compte aux Vingt-Sept pendant le Conseil européen de la première séquence de négociation. Des points d'étape réguliers se tiennent avec les membres du Conseil européen. Nous veillerons à ce que la représentation nationale soit informée de l'évolution des négociations. Sera-t-il possible de tenir le calendrier de la négociation ? Je n'ai pas de boule de cristal. Les sujets à traiter sont extraordinairement complexes.

La communication de la Commission relative à un fonds européen de défense est une avancée qui mérite d'être saluée. La France a activement participé à l'élaboration de ce fonds avec l'ambition de donner à l'Union européenne les moyens de maîtriser les technologies de défense essentielles pour l'avenir et d'investir dans des domaines d'innovation stratégique. Le programme-pilote pour le développement conjoint de capacités militaires qui sera mis en place dès juillet 2019 devrait pouvoir bénéficier d'une mobilisation inédite du budget de l'Union. Le financement du fonds sera d'abord assuré par les contributions des États membres. Le Conseil européen a aussi sollicité la BEI pour qu'elle participe au financement du projet de défense européenne. C'est une approche nouvelle. La BEI, initialement réticente, s'affirme désormais favorable. Je vous donnerai davantage d'informations au fur et à mesure que cette avancée se concrétisera. Cela intéresse beaucoup nos industriels, comme j'ai pu le constater au Salon du Bourget.

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