Intervention de Nicole Duranton

Commission des affaires européennes — Réunion du 29 juin 2017 à 9h05
Institutions européennes — Observation des élections législatives en bulgarie : communication de mme nicole duranton

Photo de Nicole DurantonNicole Duranton :

En tant que membre de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, j'ai participé à la mission d'observation des élections législatives anticipées le 26 mars dernier en Bulgarie.

Je rappelle que le parlement bulgare est monocaméral et que l'Assemblée nationale comprend 240 députés élus pour quatre ans au sein de 31 circonscriptions correspondant aux départements du pays ; 31 députés sont élus au scrutin majoritaire et 209 le sont au scrutin proportionnel. Un seuil de 4 % est nécessaire pour obtenir une représentation au parlement.

Ces élections étaient consécutives à la dissolution de l'Assemblée nationale décidée par le Président Rumen Radev, élu le 13 novembre 2016 face à la candidate du GERB, le parti des citoyens pour le développement européen de la Bulgarie, d'une sensibilité de gauche et majoritaire en Bulgarie. Le Premier ministre, Boris Borisov, avait alors présenté la démission de son gouvernement, précipitant la dissolution.

Il convient de rappeler que les enjeux de ces élections étaient de deux sortes. Il y avait tout d'abord un enjeu de développement économique et social ; la Bulgarie est le pays le plus pauvre de l'Union européenne et a perdu environ un million d'habitants en vingt ans - d'ailleurs, d'ici à 2050, sa population pourrait continuer de décroître sensiblement et les minorités, en particulier roms et turcophones, pourraient représenter 30 % des habitants. La campagne électorale a d'ailleurs été centrée sur des questions d'éducation et de protection sociale.

Il y avait ensuite des enjeux de renouveau démocratique : les citoyens bulgares n'ont été que 54 % à participer à ces élections législatives, le sixième scrutin depuis 2013. Ce chiffre, bien qu'il soit en hausse de trois points par rapport aux élections de 2014, traduit la désillusion et la lassitude des électeurs, confrontés à une corruption qui reste très élevée et à des médias sans doute encore trop sensibles aux intérêts privés. La corruption électorale demeure en effet une réalité ; elle est favorisée par la pauvreté persistante, le poids de l'économie souterraine et les discriminations qui affectent plus particulièrement les minorités ethniques.

Enfin, la vie politique bulgare demeure à la fois atone et instable et elle souffre d'un manque de renouvellement ; les faibles résultats du bloc réformateur l'attestent une fois de plus.

Pour autant, nous avons pu constater que ces élections législatives anticipées se sont déroulées dans des conditions globalement satisfaisantes, ce qui a permis à notre mission d'observation de conclure à leur caractère démocratique.

Le code électoral et la législation bulgares sont globalement conformes aux recommandations de la Commission de Venise et permettent la tenue d'élections démocratiques. De même, l'administration électorale fonctionne de façon neutre et impartiale et son travail a été professionnel et transparent.

En revanche, des améliorations restent attendues sur plusieurs aspects. Je pense en particulier à une plus grande transparence de la propriété des médias, au financement des partis politiques et des campagnes électorales et à une plus grande intégration des minorités au processus électoral - d'après le recensement de 2011, la population bulgare compte 8,8 % de personnes d'origine turque et 4,9 % de Roms.

Si la Bulgarie bénéficie d'un environnement médiatique pluraliste assurant la liberté d'expression, les médias publics ont porté peu d'intérêt à ces élections, tandis que les chaînes de télévision privées ont assuré une couverture privilégiant les deux grands partis, le GERB et le Parti socialiste bulgare (PSB). De même, il existe des réserves sur l'indépendance des médias vis-à-vis de toute influence politique et économique.

Surtout, la campagne électorale a été dominée par des tensions avec la Turquie, dont les autorités sont soupçonnées d'avoir cherché à interférer dans le processus électoral. Ankara soutient ouvertement le parti Dost et aurait organisé le transport en bus d'expatriés bulgares en Turquie pour qu'ils puissent voter pour ce parti.

Le scrutin s'est bien déroulé. Le vote a été transparent et bien organisé, malgré certaines lacunes, en particulier le manque d'accessibilité des personnes handicapées aux bureaux de vote. Au total, néanmoins, les citoyens bulgares ont pu faire leur choix librement.

Les résultats s'établissent de la manière suivante : cinq partis politiques et coalitions ont franchi le seuil de 4 % - 32,65 % pour le GERB qui obtient 95 députés, 27,20 % pour le PSB, soit 80 députés, 9,07 % pour le Front patriotique, une alliance de trois partis nationalistes dont Ataka, soit 27 députés, 8,99 % pour le Mouvement pour les droits et les libertés (MDL), qui représente la minorité turque, soit 26 députés, et 4,15 % pour Volya, parti créé par un homme d'affaires qui se présente comme le « Trump bulgare » et qui avait échoué à l'élection présidentielle, soit 12 sièges. Dost, en dépit de suffrages importants obtenus à l'étranger, n'a pas franchi le seuil de 4 %. M. Dimitar Glavchev, du GERB, a été élu président du parlement.

Ainsi, pour la quatrième fois après 2009, 2013 et 2014, le GERB du Premier ministre sortant, Boïko Borisov, remporte les élections. Ancien garde du corps du dirigeant de la Bulgarie communiste, Todor Jivkov, puis maire de Sofia, il est apparu comme un facteur de stabilité.

Le 27 avril dernier, le président de la République a demandé à Boïko Borisov de former le gouvernement et celui-ci a été investi Premier ministre le 4 mai par la majorité constituée du GERB, des nationalistes et de Volya, le PSB et le MDL formant l'opposition. Le Premier ministre, premier chef de gouvernement bulgare à revenir une deuxième fois au pouvoir depuis 1989, a mis en avant trois priorités dans son discours d'investiture : la hausse du pouvoir d'achat, la poursuite de la réforme judiciaire, en particulier dans le cadre du mécanisme de coopération et de vérification mis en place par l'Union européenne, et la lutte contre la corruption.

Dans le nouveau gouvernement, les nationalistes obtiennent certes le portefeuille de la défense, mais leur place paraît en réalité plutôt réduite.

Sans doute conviendra-t-il d'observer l'action réformatrice du nouveau gouvernement bulgare, en particulier au prisme de son engagement européen. Je rappelle que la Bulgarie doit, pour la première fois depuis son adhésion, il y a dix ans, exercer la présidence de l'Union européenne au premier semestre 2018.

À cet égard, s'il convient de se réjouir que l'opinion publique bulgare soit très largement favorable à l'intégration européenne, il n'en demeure pas moins que l'Europe a été très peu présente dans la campagne électorale, même si les fonds européens font vivre l'économie. Les autorités sont certes elles aussi pro-européennes, mais semblent plus soucieuses de stabilité que portées aux réformes indispensables induites par l'appartenance à l'Union européenne.

Enfin, les autorités entretiennent des relations pragmatiques et historiques avec la Russie. Le Président de la République, prorusse, considère que la Crimée est devenue russe de facto depuis son annexion. Il s'est ainsi prononcé pour la levée des sanctions européennes contre la Russie. Il considère que l'adhésion bulgare à l'Union européenne et à l'OTAN ne fait pas de son pays un ennemi de la Russie. Par ailleurs, Sofia a intérêt à entretenir des relations équilibrées avec Ankara. La frontière bulgaro-turque symbolise en effet le rôle de protection des frontières européennes que joue la Bulgarie.

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