Intervention de Philippe Bas

Réunion du 4 juillet 2017 à 15h00
Sixième prorogation de l'état d'urgence — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Philippe BasPhilippe Bas :

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, c’est en effet la sixième fois que nous délibérons sur la prolongation de l’état d’urgence.

Nous le faisons scrupuleusement, comme nous l’avons toujours fait. Nous nous référons ainsi à la loi de 1955, qui ne permet le recours à l’état d’urgence qu’en cas de nécessité impérieuse et pour des motifs de péril imminent.

L’actualité récente comme les terribles attentats si meurtriers que nous avons subis depuis janvier 2015 attestent la gravité et la réalité de ce péril, toujours imminent. Le législateur, en prorogeant une nouvelle fois l’état d’urgence, ne court donc guère le risque d’être censuré par le Conseil constitutionnel, si d’aventure celui-ci était saisi.

Pourtant, il est vrai que vivre sous le régime de l’état d’urgence depuis le mois de décembre 2015, c’est-à-dire depuis près de deux ans, soulève un certain nombre de questions quant à la durée de mise en œuvre de ces pouvoirs exceptionnels.

Ces questions n’auraient pas l’intensité qu’elles sont en train de prendre si nous ne nous interrogions pas aussi sur l’utilité de l’état d’urgence.

Nous avions bien vu qu’au début de la mise en œuvre de l’état d’urgence de nombreuses perquisitions avaient été fécondes, qu’un certain nombre d’assignations à résidence avaient permis d’améliorer la surveillance d’individus, lesquels ont pu ensuite être traduits devant la justice.

Mais, au fur et à mesure que nous vivons dans cet état d’urgence, nous constatons qu’il y a moins d’assignations à résidence et que les perquisitions sont moins fécondes. Ce n’est pas surprenant, car les malfaiteurs qui savent que l’on peut perquisitionner de nuit comme de jour, sans la demande du juge, ont pris toutes les précautions nécessaires pour dissimuler les objets qui révéleraient leurs intentions criminelles.

Quant aux assignations à résidence, certaines durent depuis deux ans, ce qui pose la question suivante : cette surveillance qui n’a débouché jusqu’à présent sur aucune traduction devant la justice des individus concernés est-elle réellement utile ? N’oublions pas que nous disposons, par ailleurs, de moyens de surveillance particulièrement étendus depuis l’adoption de la loi sur le renseignement.

Tous ces éléments nous interrogent sur l’utilité de continuer indéfiniment à vivre sous le régime de l’état d’urgence.

Pour en sortir, monsieur le ministre d’État, le Gouvernement a imaginé qu’il suffirait d’inscrire dans le droit commun un certain nombre de pouvoirs supplémentaires qui seraient exercés par l’autorité administrative avec l’autorisation du juge des libertés.

Nous examinerons prochainement ce texte. Permettez-moi cependant de prendre un peu de distance avec la philosophie qui inspire cette forme de pédagogie consistant à dire aux Français : « Rassurez-vous, nous ne lèverons l’état d’urgence qu’après avoir durci l’état de droit ordinaire ».

Vous le savez, monsieur le ministre d’État, la lutte contre le terrorisme n’a pas commencé avec l’élection de M. Emmanuel Macron à la présidence de la République. Au cours des deux dernières années, nous avons d’ores et déjà inscrit dans le droit commun de très nombreuses mesures. Nous sommes bien placés pour en parler, parce que l’initiative est très souvent venue du Sénat.

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