Intervention de Michel Mercier

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 5 juillet 2017 à 18h50
Projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme — Audition de M. Gérard Collomb ministre d'état ministre de l'intérieur

Photo de Michel MercierMichel Mercier, rapporteur :

Je voudrais tout d'abord remercier M. le ministre de l'effort de pédagogie qu'il consent depuis plusieurs jours sur ce projet de loi qui, selon le Gouvernement, devrait permettre de sortir de l'état d'urgence.

Je ne fais pas partie de ceux qui pensent que l'état d'urgence doit être jeté aux orties, car le niveau de la menace terroriste reste très élevé. L'état d'urgence a montré son efficacité, plus forte encore aujourd'hui depuis que les pouvoirs de l'autorité administrative ont été récemment encadrés sur le plan législatif et par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, du Conseil d'État et de la Cour de cassation. En outre, les parlementaires ont pu s'exprimer à six reprises et analyser les mesures prises dans le cadre du suivi de l'état d'urgence par l'autorité administrative. L'Assemblée nationale et le Sénat sont destinataires de toutes les informations nécessaires pour suivre cet état d'urgence. À cet égard, je remercie les hauts fonctionnaires du ministère de l'intérieur.

L'état d'urgence est utile. À vouloir à tout prix le supprimer, nous nous priverions des possibilités offertes par ce dispositif qui doit pouvoir être rétabli à tout moment. Mais nous devons expliquer à nos concitoyens pourquoi l'état d'urgence ne peut être prorogé en permanence - c'est la menace qui est permanente. En outre, si l'état d'urgence est levé, il faut mettre en oeuvre des mesures alternatives, plus respectueuses des libertés publiques, tout en confiant à l'autorité administrative des pouvoirs accrus.

De ce point de vue, le texte présente une garantie : ces dispositions n'ont trait qu'à la lutte contre le terrorisme. Il s'agit donc d'élaborer une sorte de droit administratif spécial de la lutte contre le terrorisme, applicable aux personnes soupçonnées d'appartenir à la mouvance terroriste et susceptibles de passer à l'acte.

La question des zones de protection est primordiale. Le Gouvernement décide de confier des pouvoirs à l'autorité administrative pour effectuer des vérifications dans ces zones, mais il veille à respecter les libertés individuelles, notamment celles qui relèvent du domicile ou du travail. Je n'ai pas de critique fondamentale à formuler sur ce point, car ces mesures sont extrêmement importantes pour lutter contre le terrorisme.

Les lieux de culte doivent quant à eux rester des endroits où chacun est libre de pratiquer sa religion conformément aux principes constitutionnels.

S'agissant des perquisitions, j'ai compris qu'il valait mieux parler de gentilles visites organisées par l'administration ! Quant à l'assignation à résidence, elle est effectivement plus encadrée que dans le régime de l'état d'urgence, car elle vise non pas un domicile, mais un territoire donné. Mais sur certains aspects, elle est plus large que l'état d'urgence. Quelques précisions seraient bienvenues à ce sujet.

La vraie question est celle de la durée de l'assignation à résidence. Il existe déjà un régime de contrôle administratif des personnes qui reviennent sur le territoire national après avoir été sur des théâtres d'opérations à l'étranger. Or, dans ce système, la durée des assignations est plus courte que dans le système que vous nous proposez, monsieur le ministre. Nous devrions donc être attentifs aux conditions de renouvellement de l'assignation. En l'espèce, le Conseil d'État est très sévère, puisqu'il a proposé une durée maximale non renouvelable. Je comprends que l'administration ait parfois besoin de ce renouvellement, mais il faudrait alors apporter des garanties supplémentaires pour les libertés. Le juge des libertés de la détention du tribunal de grande instance de Paris pourrait peut-être autoriser le renouvellement lors d'un ultime contrôle.

Les perquisitions seront utiles dans un cas, à savoir pour lever le doute. L'administration devra saisir à la fois le juge des libertés et de la détention et le procureur de la République du tribunal de grande instance de Paris. Cette mesure prévoit l'introduction d'un juge judiciaire, c'est pourquoi j'y suis favorable.

La perquisition est une mesure, à l'initiative de l'autorité administrative, dont l'ordonnance peut être contestée devant le premier président de la cour d'appel, puis faire l'objet d'un pourvoi en cassation. S'agit-il encore d'une mesure de police administrative ? Le juge administratif pourra-t-il être saisi autrement, par le biais d'un recours en responsabilité ? Le juge judiciaire reprenant la main en la matière, des précisions seraient utiles. Le terrorisme est protéiforme ; il nous oblige désormais à modifier quelque peu les catégories juridiques établies.

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