Intervention de Gérard Collomb

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 5 juillet 2017 à 18h50
Projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme — Audition de M. Gérard Collomb ministre d'état ministre de l'intérieur

Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur :

Ce n'est pas par goût du symbole que nous avons présenté les mesures contenues dans ce texte. Non : les dispositions contenues dans ce texte sont nécessaires.

Le rapporteur a évoqué, pour regretter ensuite ce terme, les « mesures dégradées » prévues par ce texte, par rapport à celles permises par l'état d'urgence : l'assignation à résidence et la perquisition administrative. Je veux vous dire que le cadre dans lequel s'inscrit l'ensemble des mesures que nous promouvons est très protecteur. L'état d'urgence vise à prévenir tout trouble à l'ordre public. Les mesures que nous proposons visent, elles, à prévenir les actes de terrorisme. Elles ne seront pas utilisées à d'autres fins. Je le répète, elles seront circonscrites au terrorisme, qui est une notion bien définie juridiquement, aux articles 421-1 et suivant du code pénal.

Initialement, les mesures prises par le régime de l'état d'urgence étaient entourées de peu de garanties légales. Ce n'est plus le cas désormais : elles ont été très encadrées par la loi, qui a intégré la jurisprudence du Conseil constitutionnel, laquelle vise toujours à concilier la prévention des atteintes à l'ordre public et le respect des droits et des libertés de ceux qui résident sur notre territoire.

J'ajoute que le seuil de déclenchement des mesures ici prévues est élevé : les mesures individuelles ne peuvent viser qu'une personne dont le « comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics, qui soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient ou adhère à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme en France ou à l'étranger ou faisant l'apologie de tels actes ». Chaque mesure peut être contestée devant le juge administratif. Le prononcé d'une mesure de surveillance ne conduit pas à une assignation à résidence. Il s'agit seulement d'interdire à celui ou celle qui en fait l'objet de sortir d'un périmètre.

En réponse à la question de Jean-Yves Leconte sur la fermeture des lieux de culte, nous avons choisi de ne pas retenir de procédure judiciaire en la matière, car notre objectif est de prévenir la radicalisation Une procédure judiciaire, une fois lancée, doit aller à son terme. C'est un processus long et, avant de pouvoir fermer un lieu de culte, des dizaines de personnes auraient le temps de se radicaliser au contact d'autres.

J'en viens aux mesures individuelles de surveillance, puisque c'est désormais leur nom. Vous m'avez indiqué hier, monsieur le rapporteur, que les mots avaient un sens. Je me permets donc de nommer ces mesures pour ce qu'elles sont : il ne s'agit pas, au sens strict, d'assignations à résidence.

Notre objectif est que les personnes touchées par ces mesures puissent continuer à travailler et à mener une vie familiale normale. Si l'état d'urgence permet de maintenir une assignation à résidence pendant une longue durée, il n'en va pas de même ici : la durée des mesures de surveillance serait limitée de trois à six mois selon les cas. Elles seraient renouvelables sur la base d'éléments nouveaux et complémentaires, ce qui veut dire que les services vont devoir faire un gros travail ! J'espère que nous n'aurons pas à regretter d'avoir trop encadré cette disposition.

Pourquoi ne pas conditionner ces mesures de surveillance à une décision du juge judiciaire, comme pour la visite domiciliaire ?

À la lecture de l'article 66 de la Constitution et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, nous n'étions pas tenus de soumettre la visite à domicile à l'autorisation du juge judiciaire. Nous avons décidé de le faire, car nous estimions le dossier trop sensible. Mais aussi par volonté d'assimilation au droit commun, par parallélisme des formes : des procédures autorisant l'administration à pénétrer dans un domicile existent déjà en matière de police de l'environnement, de police des mines, de police des postes et télécommunications, qui prévoient déjà l'intervention du juge des libertés et de la détention.

Les mesures individuelles de surveillance sont donc placées sous le contrôle du seul juge administratif, comme c'est le cas pour les mesures d'assignation à résidence touchant les étrangers, comme prévu aux articles L. 561-1 à 561-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou pour le contrôle administratif des retours sur le territoire national, prévu par les articles L. 225-1 à L. 225-8 du code de sécurité intérieure.

Nous avons donc affaire, en somme, à un régime beaucoup plus encadré que celui de l'état d'urgence. J'ajoute que les décisions du juge administratif, qui peut être saisi immédiatement, sont très poussées. Deux annulations récentes de décisions d'assignation à résidence montrent que le contrôle par le juge administratif se fait aussi en opportunité.

Je fais pour ma part pleinement confiance au juge judiciaire et au juge administratif pour jouer pleinement leur rôle.

Je ne reviens sur la question des perquisitions judiciaires que pour vous dire pourquoi elles semblent mieux fonctionner à Paris. C'est qu'il existe entre les services de renseignements et le procureur du tribunal de grande instance de Paris, chargé des affaires de terrorisme, une liaison très forte, couplée à une connaissance très fine des dossiers, qui n'existent pas forcément sur les autres territoires.

J'en viens, enfin, au PNR. Il est vrai que la France était en avance par rapport à ses partenaires européens, qui étaient circonspects. Nous avions depuis 2013 mis en place le fichier informatique des passagers aériens dénommé Setrader. La France a aussi été à la manoeuvre pour que la directive PNR soit adoptée.

Hélas, sa mise en oeuvre est plus ou moins avancée. C'est un des problèmes de l'Europe : nous ne pouvons pas attendre le dernier État pour avancer. Si nous devons attendre que tout le monde soit d'accord, nous serons toujours bloqués. Pour avoir assisté à un sommet européen, je peux vous dire qu'il existe plus que des nuances sur ces questions entre les différents pays. Il faut donc pouvoir avancer avec ceux qui le veulent, et cela vaut pour les questions économiques comme de sécurité.

Sur les communications hertziennes, je n'ai rien à ajouter à l'exposé très complet de Michel Boutant. Le 21 octobre 2016, le Conseil constitutionnel a censuré l'article L. 811-5 du code de la sécurité intérieure qui prévoyait des interceptions sans aucune autorisation par une instance de contrôle et portait par conséquent atteinte à la vie privée. L'article 8 du projet de loi met ce régime en conformité avec cette décision en l'alignant sur les autres techniques de renseignement : elles seront soumises à une autorisation du Premier ministre après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). Ne subsiste qu'une exception : la surveillance des communications exclusivement hertziennes, qui pourront être interceptées par toute antenne idoine placée sur leur chemin. La CNCTR dispose ainsi d'un contrôle approfondi sur le réseau hertzien privatif, à l'exception des réseaux publics, puisque ce qui est diffusé sur ces réseaux a vocation à être public.

Nous travaillons en ce moment sur le sujet des permis de port d'arme et les fichiers : la situation dans ce domaine n'est pas satisfaisante.

Concernant les fichiers, ils sont régis, chacun, par un décret en Conseil d'État après avis de la Cnil : cela protège les libertés individuelles.

Madame Blondin, j'ai prolongé la mission du préfet Weigel, qui devait se terminer cet été, de manière à ne pas interrompre des festivals qui animent l'ensemble de nos territoires pendant l'été.

Vous avez raison, monsieur Collombat, le terrorisme a changé. Il mobilise désormais des jeunes radicalisés hors des mosquées, nous en avons conscience. Avec les ministres de l'intérieur de l'Union européenne, nous demandons aux hébergeurs d'être plus proactifs dans la suppression des sites appelant ouvertement au djihad ; c'est par là qu'est passée la propagande de Daesh, qui avait à sa disposition de vrais professionnels de la communication.

Nous sommes en train d'évaluer le dispositif du ministère de l'intérieur d'aide à la la déradicalisation, pour un budget de 25 millions d'euros par an. Il faudra sans doute en changer : certaines personnes subventionnées n'utilisaient pas les fonds à des actions de déradicalisation, mais les faisaient parvenir à des gens sur le théâtre irako-syrien.

Monsieur Vial, nos services assurent un criblage des arrivées sur le territoire pour assurer notre sécurité. Sans vouloir lier terrorisme et migrations, ce criblage est naturellement plus efficace que celui que peut faire l'Italie lorsque 18 000 personnes débarquent sur son sol en trois jours.

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