Intervention de Serge Dassault

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 4 juillet 2017 à 17h05
Contrôle budgétaire — Risques financiers liés à la remontée des taux d'intérêt - communication

Photo de Serge DassaultSerge Dassault, rapporteur spécial :

Ce rapport a bien sûr été préparé avant la déclaration de politique générale du Premier ministre devant l'Assemblée nationale. Permettez-moi de dire que j'ai été déçu : de nombreuses annonces sont faites, mais personne n'indique comment elles seront financées ! Ce n'est certes pas nouveau, mais on aurait pu espérer mieux...

Le seul élément que je retiens de cette déclaration, c'est l'affirmation selon laquelle nous dansons sur un volcan. Je suis entièrement d'accord : à cause du risque permanent d'augmentation des taux d'intérêt, nous sommes en permanence sous la menace d'une grave crise de nos finances publiques. Le report de la réforme de l'impôt sur la fortune (ISF) est regrettable : cet impôt - qui rapporte peu - est antiéconomique et fait partir les investisseurs français et étrangers. Repousser cette réforme pour économiser quelques milliards me paraît incompréhensible : n'y a-t-il pas d'autres mesures à envisager qui permettraient de limiter nos dépenses, en particulier concernant les dépenses d'intervention de l'État comme le RSA ?

La France est dans une situation économique et financière catastrophique : notre dette atteint 2 220 milliards d'euros, qui s'accroit chaque année en raison de notre déficit budgétaire. Nous empruntons chaque année 200 milliards d'euros par an, pour financer le déficit et les échéances de nos emprunts. Je vous rappelle que, pour les entreprises, il est interdit d'emprunter pour rembourser les intérêts de prêts contractés dans le passé : cela s'appelle de la cavalerie et mène droit à la faillite.

La fiscalité est trop élevée et démotivante, les charges sur les salaires trop lourdes et la durée du travail non compétitive, ce qui entraine une faible croissance, un chômage récurrent et aggravent notre déficit.

Les taux d'intérêt, aujourd'hui encore très faibles à moins de 1 %, permettent à la France de s'endetter à faible coût, sans en sentir immédiatement les conséquences budgétaires. La charge de la dette annuelle, une dépense incompressible, s'élève à 42 milliards d'euros en 2017 : c'est donc un des budgets les plus importants de l'État.

Une augmentation des taux d'intérêts nous obligera à emprunter chaque année une somme encore plus élevée et conduira à faire croître la charge de la dette. Si cette situation perdure, elle fragilisera les finances publiques françaises et aggravera d'autant le déficit budgétaire. Bruxelles observe d'ailleurs la France avec inquiétude...

Il faut rappeler que la faiblesse des taux d'intérêt observée aujourd'hui n'est pas liée à l'action de nos précédents gouvernements qui ont tous mené une politique budgétaire déséquilibrée avec des dépenses excédant largement les recettes. Le déficit budgétaire pour 2017 présente d'ailleurs, comme la Cour des comptes l'a montré, un fort risque de dépasser 3 % du PIB.

Pire, ils ont pris de grands risques avec un État providence qui nous ruine. Nous n'avons plus les ressources fiscales nécessaires pour financer les dépenses de fonctionnement et d'intervention.

L'emprunt n'est pas un puits de pétrole inépuisable où l'on peut se servir quand on en a besoin. Le puits sera rapidement vide dès que les investisseurs, avant tout opportunistes, n'auront plus confiance dans la qualité de la signature de la France et que les taux remonteront. Ils ont déjà exprimé des incertitudes. La situation est très grave.

Par exemple, dans le cas d'une augmentation de taux de 2 points de pourcentage, l'augmentation de la charge de la dette dépasserait 9 milliards d'euros dès la deuxième année et s'élèverait à plus de 21 milliards d'euros dans cinq ans. Elle passerait de 42 milliards à 63 milliards !

Alors, que faire ?

La seule façon de réduire notre déficit budgétaire et les risques qui lui sont liés serait de changer totalement notre fiscalité en s'inspirant du système de « flat tax », c'est-à-dire de taxe à taux unique le plus vite possible.

Si le nouveau gouvernement conserve la fiscalité actuelle, qui bloque toute possibilité de croissance, alors le déficit budgétaire ne diminuera pas et les risques liés à l'augmentation des taux d'intérêts seront très importants.

En appliquant trois taux constants, faibles, sur l'assiette de la contribution sociale généralisée (CSG), suivant le niveau de revenus, on supprimerait totalement l'impôt sur le revenu actuel, avec une partie de ses niches. Le taux serait nul pour les plus faibles revenus. Le taux maximal s'élèverait à 25 %. Cela augmenterait le pouvoir d'achat de nombreux ménages, leur permettant d'investir davantage dans l'économie et donc de soutenir la croissance.

En élargissant l'assiette et en baissant les taux, on se rapproche de certaines recommandations du Premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, concernant le rapprochement de l'impôt sur le revenu et de la CSG.

Ainsi, au lieu d'avoir une fiscalité excessive et paralysante qui oblige l'État à créer des niches fiscales toujours plus nombreuses, qui atteignent aujourd'hui 90 milliards d'euros, tous les contribuables disposeront de moyen financiers pour satisfaire leurs besoins et l'État bénéficiera de revenus supplémentaires.

Grâce à la suppression des niches fiscales, le gouvernement pourra ramener les impôts sur les bénéfices des entreprises, sur les dividendes et les plus-values à 20 %, ce qui contribuera aussi au développement de l'économie.

L'État pourrait également obtenir des recettes supplémentaires en vendant les participations qu'il détient dans un certain nombre de sociétés privées. Ces participations atteignent près de 100 milliards et elles ne sont pas, pour la plupart, pertinentes.

En suivant ces quelques pistes, le Président de la République pourrait disposer, pour le budget 2018, de recettes supplémentaires lui permettant de réduire les impôts et de cesser la baisse des dotations aux collectivités territoriales, enclenchant un cycle vertueux de reprise de la croissance. À cet égard, la suppression de la taxe d'habitation est une très mauvaise idée : elle priverait les collectivités locales de ressources indispensables à leur bon fonctionnement.

Ce sont des propositions que je porte depuis longtemps et j'espère que le nouveau Gouvernement comprendra enfin ces arguments de bon sens.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion