Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation

Réunion du 4 juillet 2017 à 17h05

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • PITE
  • air
  • marais
  • poitevin
  • transposition

La réunion

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La réunion est ouverte à 17 h 05.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Delcros

Je veux rappeler que la réserve parlementaire est encadrée par l'État. Ne laissons pas penser, par nos propos, que toute latitude est aujourd'hui laissée aux parlementaires. Cette dotation permet d'aider les projets de petites communes dont les opérations ne sont bien souvent pas éligibles à d'autres aides. Je suis prêt à suivre notre rapporteur sur le seuil et les critères proposés. En ajoutant que je ne vois pas de raison, en effet, de ne pas appliquer les mêmes critères à la réserve ministérielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Nougein

J'approuve totalement vos propos, madame la présidente, sur les départements ruraux, dont nous sommes l'un et l'autre des représentants. J'ajoute que les maires que j'ai eu l'occasion de rencontrer sont, toutes tendances confondues, vent debout contre ce projet de suppression de la réserve parlementaire, qui profite pleinement aux petites communes. Une réserve dont il est fait usage dans la plus grande transparence, contrairement aux procès d'intention auxquels se plaisent certains médias. Il faut rétablir la vérité. La réserve parlementaire n'est rien de plus que la cerise sur le gâteau qui permet de boucler certains petits projets.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Genest

Je félicite à mon tour notre présidente pour ses propos, et approuve les orientations de notre rapporteur général. La réserve parlementaire est très importante pour les petites communes. Le plafond de 20 000 euros que notre rapporteur propose de retenir permettra de subventionner des projets qui ne sont pas éligibles à la DETR. Et j'estime comme vous que ces dotations, qui tissent un lien entre le Sénat et les territoires, ne doivent aller qu'aux communes et à leurs groupements, à l'exclusion des associations, à l'égard desquelles le risque de clientélisme ne peut être écarté.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Notre rapporteur demande la transparence sur la réserve ministérielle. Pourquoi ne pas aller au bout, et faire de même pour la réserve présidentielle ?

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Mais pas celle du Président de la République. Que fait René Dosière ?

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Il n'y a pas de réserve présidentielle en tant que telle. Mais peut être le Président de la République peut-il orienter des subventions en passant par un département ministériel.

EXAMEN DES AMENDEMENTS AU PROJET DE LOI ORGANIQUE

Article 9

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Mon amendement COM-92 répond à certaines des préoccupations qui se sont exprimées. Le dispositif tel que je le conçois, avec un plafond de 20 000 euros, ne se télescope pas, comme l'a rappelé Jacques Genest, avec la DETR, qui, réservée aux projets structurants, ne finance pas les petits projets. Mon amendement prévoit également que la dotation ne pourrait plus subventionner que les investissements des communes et de leurs EPCI, à l'exclusion des associations.

Bernard Delcros a raison de souligner que la situation qui prévalait il y a quatre ou cinq ans n'a plus cours. Mais il reste que l'on peut encore améliorer la transparence en prévoyant de confier au bureau de chaque assemblée le soin de transmettre la liste des projets au Gouvernement. La même transparence devrait prévaloir pour la réserve ministérielle : mon amendement suivant y pourvoit.

Je dois dire que si l'on devait aller vers la suppression pure et simple de la réserve, j'en viendrai à militer pour la suppression de toute subvention passant par un ministère qui ne fait pas l'objet d'une totale transparence ! Il en est dont les montants sont sans commune mesure avec la réserve parlementaire, et qui ne font pourtant pas l'objet de la même transparence. Quand on sait que le budget de l'État subventionne des milliers d'associations... Les parlementaires ont toute légitimité démocratique, mais ils ne peuvent, en revanche, siéger dans toutes les commissions ad hoc.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Comment régler le problème des alliances françaises et des fondations, que vous avez évoqué ?

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

J'interrogerai le Gouvernement. Je l'ai dit, il faut leur maintenir une forme de soutien. Il en va de leur survie. Le ministère des affaires étrangères pourrait proposer un dispositif.

L'amendement COM-92 est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 9 sous réserve de l'amendement qu'elle a adopté.

Article additionnel après l'article 9

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

J'ai dit ce qu'il en était de mon amendement COM-93, qui étend l'exigence de transparence à la réserve ministérielle.

L'amendement COM-93 est adopté.

La commission proposera à la commission des lois d'adopter un article additionnel ainsi rédigé.

Article 13

La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 13 sans modification.

EXAMEN DE L'AMENDEMENT AU PROJET DE LOI

Article 12

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Comme l'a dit Richard Yung, créer une banque pour le financement des campagnes électorales et de la vie politique serait s'engager prématurément dans un processus très lourd. Je ne nie pas qu'il existe, en matière de financement, des difficultés, mais le gouvernement reconnait lui-même qu'il n'a pas de dispositif à proposer, puisqu'il a diligenté une mission conjointe des inspections générales des finances et de l'administration. Nous ne pouvons, à ce stade, lui signer un chèque en blanc. Je pense, au-delà, qu'il est d'autres solutions que la création d'une banque, qui, comme l'a rappelé là encore Richard Yung, suppose un président, un secrétaire général, des locaux, des voitures de fonction...

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Un haut fonctionnaire du Conseil d'État ou de la Cour des comptes...

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

C'est pourquoi je demande, par mon amendement COM-132, la suppression de l'article 12.

L'amendement COM-132 est adopté.

La commission proposera à la commission des lois la suppression de l'article 12.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Notre rapporteur participera tout à l'heure à la réunion de la commission des lois pour y défendre notre position.

Dans la perspective de l'examen en séance publique des deux projets de loi rétablissant la confiance dans l'action publique, et dans un souci de transparence, je souhaite quant à moi apporter quelques précisions à la jurisprudence applicable aux initiatives parlementaires relatives aux moyens du Parlement.

J'ai en effet été saisie par le Président Philippe Bas, pour avis, sur la recevabilité d'amendements déposés en vue de l'élaboration du texte de la commission des lois.

Les dépenses des assemblées font partie des charges de l'État et se trouvent donc dans le champ de l'article 40. En effet, dans une décision de 2003, le Conseil constitutionnel considérait que l'augmentation du nombre de sénateurs aurait « une incidence directe et certaine sur les dépenses du Sénat, lesquelles font partie des charges de l'État ».

Cependant, le Conseil constitutionnel a consacré, dès 2001, le principe d'autonomie financière des pouvoirs publics constitutionnels, qui « déterminent eux-mêmes les crédits nécessaires à leur fonctionnement ; cette règle est inhérente au principe de leur autonomie financière, qui garantit la séparation des pouvoirs ».

Une décision de 2012 a réaffirmé ce principe : le Parlement ne peut, à travers la loi, diminuer le traitement du Président de la République et du Premier ministre, au nom de la séparation des pouvoirs. Le commentaire aux cahiers de cette même décision précise que le principe de séparation des pouvoirs s'applique également aux assemblées : « la séparation des pouvoirs a pour corollaire l'autonomie des assemblées dont l'objet est de permettre la bonne exécution d'une mission constitutionnelle, le vote de la loi et le contrôle de l'exécutif, en toute indépendance ».

Si le Sénat doit pouvoir déterminer lui-même les crédits nécessaires à son fonctionnement, on peut donc considérer que l'article 40 ne peut y faire obstacle. Cette analyse est corroborée par le commentaire aux cahiers du Conseil constitutionnel de la décision précitée de 2003 : « l'article 40 de la Constitution ne saurait être entendu [...] comme faisant obstacle à la règle selon laquelle les pouvoirs publics constitutionnels déterminent eux-mêmes les crédits nécessaires à leur fonctionnement. ».

La possibilité pour les parlementaires de proposer une augmentation des dépenses des deux chambres - et non de leur seule assemblée - soulève en revanche plus de questions, dans la mesure où elle suppose qu'une assemblée puisse imposer une charge à l'autre assemblée. Le Sénat serait particulièrement concerné, dès lors que l'Assemblée nationale peut disposer du dernier mot.

La première solution consisterait à limiter la possibilité de déroger à l'article 40 aux seules initiatives sénatoriales concernant le Sénat. Je considère que cette solution serait excessivement restrictive, dans la mesure où de nombreuses dispositions sont communes à l'ensemble des parlementaires.

Certes, la rédaction pourrait être adaptée pour ne s'appliquer qu'aux seuls sénateurs, mais cela supposerait de rompre l'équilibre entre les deux assemblées. De plus, modifier les dispositions communes contraindrait alors à procéder à une deuxième lecture, même en cas d'accord entre les deux chambres dès l'origine : une disposition relative aux sénateurs introduite au Sénat serait étendue aux députés par l'Assemblée nationale, avant d'être adoptée conforme en deuxième lecture au Sénat.

Je préconise une deuxième solution, afin de maintenir l'équilibre entre les deux chambres. En effet, l'existence de dispositions communes témoigne du souhait d'assurer l'équilibre des moyens entre les deux assemblées.

C'est ainsi, par exemple, que les crédits attribués à chaque assemblée sont inscrits au projet de loi de finances sur proposition d'une commission commune, composée paritairement. Cette solution permettrait de surcroît de débattre des moyens du Parlement dans son ensemble, et non du Sénat et de l'Assemblée nationale pris séparément.

Dès lors, ce raisonnement me conduit à considérer que l'article 40 n'est pas opposable aux initiatives sénatoriales concernant les dépenses relatives au fonctionnement du Sénat ; qu'il ne l'est pas non plus aux initiatives sénatoriales concernant les dépenses relatives au fonctionnement du Sénat et de l'Assemblée nationale, à condition, d'une part, que le droit en vigueur prévoie des dispositions communes, d'autre part, que l'équilibre entre les deux chambres soit maintenu.

C'est sur ce fondement que j'ai répondu aux interrogations du Président Philippe Bas.

Si certains collègues peinent à comprendre la procédure de l'article 40, invitez-les à venir me voir. Il arrive que de deux amendements très proches dans leur objectif, l'un soit déclaré irrecevable et pas l'autre, selon le dispositif juridique retenu. Mon objectif n'est pas d'agir en gendarme casqué, mais de faciliter la vie de nos collègues.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Nous n'avons pas été saisis des dispositions relatives à l'indemnité représentative des frais de mandat, l'IRFM, mais permettez-moi d'en dire quelques mots, car elles sont à la limite de nos compétences.

Un amendement de la commission des lois prévoit la prise en charge des frais de mandat selon un système non plus déclaratif, mais sur justificatifs. Je suis disposé à le voter mais en revanche, je veux appeler votre attention sur le fait qu'une fiscalisation de l'indemnité de base et de l'IRFM, déduction faite des frais, reviendrait à créer un contrôle de l'administration fiscale sur la nature de ces frais et porterait atteinte, ainsi que le Conseil d'État l'a d'ailleurs estimé, à la séparation des pouvoirs. Je ne suis pas favorable aux initiatives en ce sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Nous aurons l'occasion de reparler de l'IRFM. Imaginons que tous les frais soient contrôlés par le Sénat : les questeurs auraient quelques soucis, car il faudrait bien recruter des contrôleurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Ne pourrait-on imaginer un système simplifié ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La commission des lois travaille sur ce sujet, mais nous avons jugé utile d'avoir un échange. Il faudra être attentifs à ses préconisations.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Elle préconise une gestion sur justificatifs, dans les conditions prévues par le bureau de chaque assemblée. Cela n'interdit pas une prise en charge directe de certains frais, qui évite au parlementaire d'avoir à en faire l'avance.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je rappelle qu'il existe un guide de l'IRFM, propre à nous orienter. Nos questeurs devraient discuter avec ceux de l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Mieux vaudrait trouver, en effet, un système commun.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Ce qui est préconisé serait l'équivalent d'un droit de tirage. Mais cela suppose bien que dépense par dépense, un fonctionnaire parlementaire fasse le point. Clairement, on entre dans un tout autre système. Autre question, dès lors qu'il ne s'agira plus d'un stock mais d'un droit de tirage, il faudra annualiser la somme.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Lalande

La confiance n'exclut pas le contrôle. Si l'on retient un système de tirage, quatre ou cinq personnes y suffisent. Créer un service ad hoc pour contrôler les dépenses des sénateurs serait susciter, encore, un climat de suspicion. Il faut avoir confiance dans les représentants de la nation.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Houpert

Si un tel système est retenu, il faudra prévoir une trésorerie d'avance.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

C'est pourquoi l'amendement de la commission des lois retient les termes de « prise en charge », laquelle peut aller du remboursement à l'avance, en passant par la prise en charge directe.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je vous remercie. Il est bon que notre commission des finances puisse aborder clairement ce sujet de l'IRFM.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Delcros

Deux éléments m'ont conduit à mener un contrôle budgétaire sur le programme des interventions territoriales de l'État (PITE), inscrit au programme 162 de la mission « Politique des territoires ». Tout d'abord, la durée des opérations du programme. Lors de sa création en 2006, il a été très clairement indiqué que « l'inscription d'une action au PITE était nécessairement balisée dans le temps ». Or, après une période expérimentale de deux ans, il est resté figé, depuis 2009, autour de quatre actions. Mon deuxième constat concerne le niveau des crédits affectés. Pour prendre le seul exemple du Marais poitevin, le montant des crédits inscrits en loi de finances, qui se situait aux environs de 4 millions d'euros par an depuis près de dix ans, a chuté à 1,2 million d'euros en 2017. Les députés avaient approuvé fin 2016 une hausse de crédits, sur laquelle le gouvernement est revenu en seconde délibération.

En conduisant ce contrôle budgétaire, je m'étais fixé pour objectif de répondre à plusieurs questions. D'abord, faut-il poursuivre ce programme ? Quel est son bien-fondé ? A-t- il une plus-value pour les territoires ? Répond-il efficacement à des enjeux spécifiques qui concernent directement l'État ? Quels critères pour sélectionner les actions ? Les montants attribués sont-ils adéquats ? La durée de l'engagement de l'État pour chacune des actions est-elle la bonne ? Enfin, faut-il y inscrire de nouvelles opérations ?

J'ai effectué plusieurs auditions, en particulier sur le cas du Marais poitevin. Je me suis rendu dans les régions Nouvelle-Aquitaine et Pays de la Loire, où j'ai rencontré les principaux acteurs concernés par cette action, et je me suis entretenu avec le préfet de région Nouvelle Aquitaine, qui la coordonne. J'ai aussi réuni les sénateurs des départements concernés.

Créé par la loi de finances pour 2006 à la demande des préfets, qui souhaitaient disposer d'une enveloppe de crédits fongibles pour gérer les politiques locales interministérielles, le PITE est un programme budgétaire qui déroge à la lettre et à l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) : il ne met pas en oeuvre une politique nationale unique mais est composé d'actions territoriales répondant à des enjeux divers comme, par exemple, les algues vertes en Bretagne ou la pollution au chlordécone dans les Antilles. De plus, il est financé par des contributions issues de différents ministères.

Pour bénéficier du PITE, un projet doit satisfaire plusieurs conditions : comporter une forte dominante interministérielle, présenter un enjeu « particulier voire exceptionnel », une nécessité de réactivité - comme ce fut le cas pour la pollution aux algues vertes - ou une dimension interrégionale.

Lors de la phase d'expérimentation, entre 2006 et 2008, huit projets ont été retenus et financés parmi les 30 dossiers déposés par les préfets. Or, depuis 2009, le PITE comporte quatre actions. D'abord, le programme exceptionnel d'investissements en faveur de la Corse, qui représente les deux tiers des crédits. Puis, l'action « Eau et agriculture en Bretagne », qui contribue au plan de lutte contre les algues vertes et au maintien de la qualité de l'eau, suite à un contentieux européen dans la région. Troisièmement, le plan chlordécone en Martinique et en Guadeloupe, dont l'action de sensibilisation des populations a récemment été jugée efficace par un rapport de l'inspection générale de l'administration (IGA). Enfin, le plan gouvernemental pour le Marais poitevin.

Dans l'ensemble, les crédits du PITE diminuent depuis 2010. Par ailleurs, aucune nouvelle action n'a été introduite depuis huit ans, alors que des demandes ont été formulées par les préfets de région.

Je veux maintenant évoquer plus particulièrement la contribution du PITE à la mise en oeuvre du plan gouvernemental pour le Marais poitevin. D'une surface de 100 000 hectares, ce marais constitue la deuxième zone humide de France, partagée entre deux régions - Pays de la Loire et Nouvelle-Aquitaine - et trois départements - Vendée, Deux-Sèvres et Charentes maritimes. Ce territoire a été marqué par l'extension des grandes cultures céréalières et la disparition accélérée des prairies humides naturelles à partir du milieu des années 1970, ce qui a conduit à la condamnation de la France par la Cour de justice des communautés européennes en 1999 pour manquement à la directive « Oiseaux » - condamnation qui a justifié la mise en place du PITE.

Il existe de multiples dispositifs de protection des milieux naturels et des espèces dans la zone humide : zone Natura 2000, réserves naturelles nationales, régionales, label « grand site de France », etc. Et un très grand nombre d'acteurs interviennent dans la gestion du Marais poitevin, ce qui complique considérablement sa gestion. Il est difficile de tous les citer mais, pour simplifier, on peut retenir qu'il existe des acteurs privés réunis au sein de 41 syndicats de marais, eux-mêmes fédérés en quatre entités distinctes, et une multitude de structures publiques, parmi lesquelles le parc naturel régional, le parc naturel marin, trois syndicats mixtes hydrauliques, l'institution interdépartementale du bassin de la Sèvre Niortaise (IIBSN), un syndicat mixte des réserves de substitution, le conservatoire régional des espaces naturels et, bien sûr, toutes les collectivités territoriales situées dans le périmètre de la zone humide du marais - deux régions, trois départements, huit EPCI et 92 communes. À cette liste s'ajoute l'établissement public du Marais poitevin (EPMP), qui a été créé par l'État en 2011 pour assumer la compétence de gestion de l'eau et des milieux naturels et apaiser les tensions au niveau local, et bien sûr le préfet de région Nouvelle-Aquitaine, qui assume la fonction de coordonnateur, ainsi que le conservatoire régional des espaces naturels et l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), qui est co-gestionnaire de deux réserves naturelles nationales avec la Ligue de protection des oiseaux (LPO). Une telle multiplicité d'acteurs montre bien le besoin d'une forte coordination par l'État.

Entre 2003 et 2013, l'État a investi 60 millions d'euros, dont près de 60 % au titre du PITE. Sur 260 millions d'euros investis en dix ans dans le Marais poitevin, près de la moitié provient des collectivités territoriales, un quart de l'État, 17 % de l'Union européenne et 11 % de l'agence de l'eau Loire Bretagne. Ces crédits sont allés principalement vers l'hydraulique - gestion des cours d'eau et rénovation des équipements - l'agriculture, pour dissuader les pratiques d'assèchement, et le tourisme.

Le PITE a été utilisé pour financer un complément aux mesures agro-environnementales afin d'inciter au développement de l'élevage et donc au maintien des prairies naturelles humides. Des dispositifs spécifiques comme les prairies communales et les contrats de « maintien de l'eau dans les parties basses des prairies » sont également soutenus par le PITE. Les résultats sont visibles puisque l'extension des surfaces asséchées a été stoppée et la surface de prairies dans la zone du Marais poitevin s'est stabilisée et a même légèrement augmenté en 2015. De plus, le parc naturel régional a reconquis en 2014 son label perdu en 1997. Le PITE a aussi financé l'entretien et la restauration d'ouvrages hydrauliques très anciens et trop longtemps délaissés ainsi que la réalisation de retenues de substitution.

Toutefois, on observe depuis 2015 une baisse importante des crédits du PITE en faveur du Marais poitevin : ces derniers ont quasiment été divisés par trois en 2017 par rapport à une moyenne d'environ 4,5 millions d'euros par an. Cette diminution de crédits ne résulte pas d'une évaluation des besoins sur le terrain et elle n'a pas été anticipée, ce qui a pu mettre les partenaires locaux en difficulté.

En somme, l'action du PITE dans le Marais poitevin a permis de redresser une situation extrêmement délicate, révélée par la condamnation de la France en 1999 et le retrait du label au parc naturel régional en 1997. Sur la durée, on peut considérer que l'action du PITE est positive. Grâce à lui, le préfet de région, très impliqué sur ce dossier, peut fédérer les nombreux acteurs du site pour concilier les usages, poursuivre le plan d'investissement et respecter les nécessaires équilibres. Toutefois, l'efficience de l'ensemble du système, qui mobilise un très grand nombre de structures privées et publiques et d'importants moyens financiers, suscite des interrogations.

Aussi convient-il de préparer sereinement un retour aux modalités classiques de financement à moyen terme, sans pour autant interrompre brutalement le PITE. En effet, les risques de dégradation du milieu naturel subsistent, les grosses réparations de remise à niveau des équipements hydrauliques ne sont pas achevées et les incitations financières au maintien des prairies humides demeurent indispensables.

Bref, le PITE présente des avantages réels pour répondre à des situations particulières et dont les enjeux dépassent les seules questions locales. Il permet à l'État d'agir rapidement et efficacement pour répondre aux enjeux spécifiques qui le concernent, par exemple de santé publique ou de contentieux européen. Il procure aux gestionnaires - en l'occurrence les préfets de région - une très grande souplesse d'intervention et un moyen d'assurer la cohérence de l'action de l'État au-delà de certaines limites administratives et dans des contextes locaux parfois compliqués. Il offre également davantage de visibilité et de lisibilité aux acteurs locaux, dans la mesure où il regroupe des crédits de différents ministères et permet de financer un plan gouvernemental sur plusieurs années.

Aussi je propose de maintenir ce programme tout en ciblant mieux les actions éligibles et en encadrant davantage les conditions d'accès et de gestion. C'est l'objet des huit propositions suivantes.

Ma première proposition est de maintenir le dispositif PITE en le réservant exclusivement à des opérations qui répondent à un moment donné à des enjeux territoriaux particuliers nécessitant l'intervention de l'État, comme par exemple en cas de risque de contentieux européen, de menace pour la santé publique, ou pour réduire la fracture territoriale. La deuxième proposition consiste à appliquer réellement la limitation dans le temps des actions du PITE, qui devront ensuite trouver leur place dans le droit commun et les partenariats locaux. La troisième proposition est de réaliser systématiquement des évaluations de la mise en oeuvre de chaque plan d'action tous les trois à quatre ans. Quatrième proposition : faire figurer dans les documents budgétaires les ministères contributeurs et les montants attribués annuellement à chaque action du PITE - aujourd'hui, nous n'avons pas assez de visibilité sur ce point.

Sur le cas particulier du Marais poitevin, je propose d'abord de maintenir l'action « Marais poitevin » du PITE pendant une durée de trois ans, en la dotant de 2,5 à 3 millions d'euros par an en moyenne, afin de donner de la visibilité aux acteurs locaux et de conserver un seuil critique d'intervention. Ainsi, le préfet de région sera conforté dans son rôle important, qui consiste à apaiser les tensions et à rassembler les acteurs. Deuxièmement, je propose de réserver les crédits du PITE, d'une part, aux projets de remise à niveau des ouvrages hydrauliques et aux retenues de substitution, sur la base d'une feuille de route énumérant les opérations prioritaires, et d'autre part aux mesures agro-environnementales en faveur du maintien des prairies naturelles et de leur extension. Par voie de conséquence, l'axe « Développement touristique et économique » du PITE, notamment le projet touristique de navigation fluviale, doit trouver ses financements auprès des acteurs locaux et des crédits d'État de droit commun. Troisièmement, il conviendrait de mettre à l'étude une réforme simplifiant la gouvernance du Marais poitevin. La décision en la matière revient, bien sûr, aux collectivités territoriales et à l'État mais, de mon point de vue, des rapprochements pourraient être encouragés entre les principaux opérateurs hydrauliques. Enfin, je propose une clause de réexamen de l'action « Marais poitevin » du PITE d'ici la fin de l'année 2020. Il s'agirait d'évaluer s'il convient de maintenir encore l'action ou si l'on peut transférer ces crédits vers les programmes budgétaires d'origine. L'idée est de donner un signal aux acteurs locaux et, éventuellement, de permettre le fléchage des actions du PITE vers d'autres territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La complexité peut être sans limites, vu la capacité de notre administration à trouver des solutions parfois contradictoires. Ainsi, une condamnation fondée sur la directive « Oiseaux » nous fait découvrir la problématique de l'assèchement des marais...

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Vincent

Quelle est la différence entre le PITE et d'autres dispositifs apparemment similaires, comme les contrats de massif ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Je reste dubitatif. Certes, la diminution des crédits dans tous les ministères ne peut que peser sur le PITE, comme sur les autres programmes. Votre proposition de réserver le PITE à des enjeux territoriaux particuliers n'est-elle pas trop large ? De plus, vous préconisez une limitation dans le temps mais, dans le Marais poitevin, vous recommandez un maintien des crédits à un niveau compris entre 2,5 et 3 millions d'euros pendant au moins trois ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Delcros

Le PITE répond à un enjeu territorial spécifique : par exemple, la pollution aux algues vertes. Les contrats de massif définissent en quelque sorte une politique de développement parallèle, qui conjugue crédits régionaux, départementaux et européens - quand les crédits du PITE proviennent exclusivement de l'État mais issus de différents ministères. Ceux-ci représentent d'ailleurs un total de 30 millions d'euros, ce qui n'est pas considérable. Et quand la France est condamnée par la CJUE, l'État doit bien réagir !

C'est la question de la limitation dans le temps qui a motivé mon contrôle, car au renouvellement plus ou moins régulier des crédits a succédé leur division brutale par trois en 2017. Il faut évidemment limiter la durée de chaque action mais les interrompre brutalement risquerait d'annihiler les efforts effectués. Le mieux est donc d'avertir les acteurs que cette action pourrait disparaître d'ici trois ans. Cela laissera le temps de rénover convenablement certains ouvrages hydrauliques. Sans l'intervention du PITE depuis 2006, nous aurions asséché le Marais poitevin.

La commission donne acte de sa communication à M. Bernard Delcros et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

M'inscrivant dans les pas de ma prédécesseure, Fabienne Keller, auteur de quatre rapports entre 2006 et 2011 sur ce sujet, j'ai souhaité procéder à un examen de l'évolution de la situation française en matière de contentieux environnementaux européens. On constate une amélioration globale depuis 2011, y compris en matière de transposition des directives. Toutefois, des difficultés persistent, tant dans la transposition des directives que dans leur mise en oeuvre.

Je me suis intéressé de façon plus spécifique à la qualité de l'air, dans la continuité des travaux menés par la commission d'enquête que j'ai présidée en 2015. Cette thématique illustre en effet les difficultés rencontrées sur le terrain pour assurer la mise en oeuvre effective d'une directive environnementale. Je me suis ainsi rendu à Lille, agglomération concernée par le plan de protection de l'atmosphère couvrant le Nord et le Pas-de-Calais.

Ce travail a également été l'occasion d'étudier les évolutions du cadre d'application du droit européen environnemental. La Commission européenne, dont l'intention est de moins légiférer mais mieux, place en effet l'application effective des directives au coeur de ses priorités. Cette évolution appelle une plus grande vigilance mais offre aussi une chance pour notre pays de retrouver un rôle moteur dans la mise en oeuvre du droit européen, en particulier environnemental.

Tout d'abord, l'environnement reste la principale source de contentieux européens. Au niveau européen, en 2015, il s'agit encore du premier domaine d'infraction ; pour la France, 18 % des nouvelles plaintes enregistrées par la Commission européenne en 2015 concernent ce secteur.

Pour autant, par rapport à l'état des lieux réalisé en 2011, j'ai constaté de nombreux progrès dans l'application du droit européen de l'environnement. On compte ainsi huit procédures au stade du manquement, et trois arrêts en manquement sont en cours d'exécution - ils figurent en première page de l'infographie - mais aucune de ces affaires n'est visée par une procédure de « manquement sur manquement » susceptible d'aboutir à une condamnation pécuniaire au vu des progrès et des échanges réguliers et continus entretenus avec la Commission européenne. Ainsi, il n'y a plus aucune procédure ouverte au titre du manquement sur manquement.

Aujourd'hui, les risques budgétaires encourus par la France au titre des contentieux européens environnementaux sont relativement faibles. Je rappelle, pour mémoire, que la France a été condamnée une première fois en 2006, au paiement d'une somme forfaitaire de 20 millions d'euros au titre d'une mauvaise application d'une directive qui concernait les « poissons sous taille ». La seconde condamnation, en 2011, d'un montant de 10 millions d'euros, découlait du défaut de transposition de la directive relative aux OGM. Comme je l'ai rappelé, trois arrêts en manquement ont entraîné la prise de mesures d'exécution, afin d'éviter l'engagement d'une procédure de « manquement sur manquement », susceptible d'aboutir à des sanctions pécuniaires. Les risques budgétaires de ces affaires étant considérés comme faibles, les provisions pour litiges communautaires inscrites avant 2016 ont toutes été reprises. Aucune provision pour litiges communautaires n'est donc inscrite au bilan de l'État en clôture de l'année 2016. J'appelle votre attention sur une évolution très importante : la charge budgétaire des contentieux n'est plus supportée uniquement par le budget de l'État. Les collectivités territoriales sont, depuis la loi « Notre », coresponsables politiquement et financièrement avec l'État en cas de procédures contentieuses européennes liées à l'inexécution d'obligations relevant en tout ou partie de leur compétence.

La France a aussi amélioré ses performances en matière de transposition depuis 2005. Nous remplissons correctement l'objectif fixé au niveau européen : depuis 2009, le taux de déficit de transposition oscille entre 0,3 % et 1 %. En outre, depuis 2011, aucun arrêt en manquement au motif de non transposition d'une directive n'a été rendu par la CJUE à l'encontre de la France. Là encore, les risques budgétaires sont nuls à ce jour : la Cour de justice n'a rendu aucun jugement pour manquement à l'obligation de communiquer les mesures de transposition, car les États membres se sont toujours conformés à leurs obligations avant que l'arrêt ne soit rendu, et la Commission européenne acceptait de se désister en cours d'instance. L'annonce récente de l'intention de la Commission européenne de ne plus se désister et de demander à la CJUE d'infliger non seulement une astreinte, mais aussi le paiement d'une somme forfaitaire impose de poursuivre les efforts, d'autant que la part d'infractions ouvertes pour retard de transposition au sein du nombre total d'infractions ouvertes contre la France augmente depuis 2012.

Cet état des lieux montre une réelle amélioration de la situation française. Néanmoins, plusieurs dossiers pourraient faire peser à l'avenir des risques de sanctions contre la France : il s'agit des dossiers illustrés en deuxième page de l'infographie, notamment la procédure relative aux plans de gestion des déchets, et les deux procédures relatives à la qualité de l'air.

Pour être plus concret, je me suis penché sur la mise en oeuvre de la directive relative à la qualité de l'air, qui illustre les lacunes rencontrées dans la mise en oeuvre d'une directive environnementale.

La France est ainsi concernée par deux procédures d'infraction à la directive de 2008 sur la qualité de l'air ambiant et un air pur en Europe pour non-respect des valeurs limites de particules et des oxydes d'azote. Nous ne sommes pas le seul pays concerné : seize États membres sont concernés par la première procédure ; douze par la seconde. Au-delà des enjeux financiers associés au contentieux, la lutte contre la pollution de l'air représente aussi un enjeu sanitaire, la mauvaise qualité de l'air étant responsable de près de 48 000 décès précoces par an. Je vous renvoie au rapport pour plus de détails sur ces points.

La conclusion que je tire des difficultés de mise en oeuvre sur le terrain est simple mais sévère : la qualité de l'air fait aujourd'hui l'objet d'une réelle ambition politique, pénalisée, cependant, par l'absence de vision stratégique. De plus, une gouvernance complexe, résultant d'une multiplicité d'outils de planification, s'ajoute à des financements insuffisants, freinant une mise en oeuvre effective de la directive sur le terrain.

D'abord, l'action nationale est pénalisée par l'absence de vision stratégique en la matière. La difficulté de la mise en oeuvre de la directive s'explique par la diversité des sources de pollution et la contradiction entre des objectifs concurrents. De nombreuses mesures sectorielles, telles le crédit d'impôt transition énergétique (CITE) ou le fonds « air-bois » visent à aider les particuliers à limiter les émissions de polluants atmosphériques issues du chauffage. On nous a beaucoup parlé à Lille de la difficulté à maîtriser ces émissions car l'usage du chauffage au bois est une tradition fortement ancrée dans la région des Hauts-de-France. Cet usage concerne aussi souvent les foyers modestes, habitant des logements mal isolés. Son utilisation est pourtant recommandée dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique, brouillant donc le message pour les citoyens. En outre, le retard pris dans l'élaboration du plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PREPA) et son absence d'ambition particulièrement regrettable fragilise la crédibilité politique.

La mauvaise application de la directive s'explique surtout par un problème de pilotage et de gouvernance. De nombreux outils existent, voire trop, et on peut se poser la question de leur hiérarchie et de leur coordination ; je n'en citerai que quelques-uns : les schémas régionaux climat air énergie (SRCAE), bientôt les Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET), les plans de prévention de l'atmosphère (PPA), les Plan climat-air-énergie territorial (PCAET). De plus, une profusion d'acteurs intervient dans la planification en matière de qualité de l'air, à de multiples échelons. Deux questions simples mais essentielles se posent : où les décisions sont-elles prises, et comment la cohérence des mesures est-elle assurée ?

Dans le domaine de l'air, l'absence de lieu d'échanges réunissant les différents acteurs est criante et pénalise un traitement global de cette problématique. J'ai pu constater sur le terrain la qualité du dialogue entre les parties prenantes à l'amélioration de la qualité de l'air. Mais elles restent en attente d'une meilleure coordination et d'un accompagnement de la part de l'État. L'accompagnement des métropoles, désormais compétentes en matière de « qualité de l'air », n'est ainsi pas suffisant. L'amélioration du pilotage dans le domaine de l'air sera l'objet de l'une de mes propositions.

Enfin, les financements ne sont pas à la hauteur des enjeux. Par exemple, la métropole européenne de Lille, lauréate de l'appel à projet « villes respirables », lancé par le ministère de l'environnement, a construit son plan d'action sur la base d'un appui financier promis d'un montant de 1 million d'euros. Finalement, seul l'accompagnement de l'étude d'une zone à circulation restreinte (ZCR) a fait l'objet d'un conventionnement avec l'État, et les montants alloués ont par conséquent été divisés par dix.

Malheureusement, cette absence de visibilité quant aux financements alloués par l'État aux collectivités territoriales met en péril la dynamique des projets locaux. Surtout, dans un contexte de coresponsabilité politique et financière en matière de contentieux européens, l'État n'assume pas la responsabilité qui est la sienne en matière d'accompagnement, tant en matière d'appui au pilotage qu'en termes financiers.

Sur le front de la transposition des directives, mes travaux m'ont conduit à faire deux principaux constats, valables pour tous les secteurs, mais de façon encore plus marquante dans le domaine environnemental : l'exercice de transposition est aujourd'hui largement contraint, et fréquemment alourdi. Contraint car la diversité des secteurs relevant du ministère chargé de l'environnement - l'énergie, les transports -, secteurs fortement concernés par le droit européen, entraîne une mobilisation intense et continue des services chargés de la transposition des directives, confrontés à l'accumulation des directives à transposer. Alors qu'une soixantaine de directives sont transposées annuellement tous domaines confondus, le stock de directives restant à transposer pour le ministère de l'environnement au 1er mars 2017 s'élevait à vingt-deux directives.

L'exercice de transposition est ensuite fréquemment alourdi, notamment par le dépassement des exigences de transposition d'une directive, plus couramment appelé « surtransposition », fréquent en matière environnementale. Cette surtransposition de normes européennes est souvent préjudiciable à l'activité économique mais contribue aussi à accuser l'Union européenne de maux en réalité nationaux. Je prendrais un exemple simple de surtransposition en matière environnementale, celui des produits phytosanitaires. Alors que la France a adopté des règles particulièrement strictes sur ces produits, les fruits et légumes traités à l'étranger avec des produits interdits en France sont commercialisés sur le territoire national sans indications spécifiques, en vertu des principes de libre circulation et de reconnaissance mutuelle.

Je me suis intéressé aux systèmes à l'oeuvre dans d'autres pays : au Royaume-Uni, par exemple, des principes directeurs de transposition sont fixés. Le principe de « copie à l'identique » prévoit une transposition mot pour mot des directives, sauf dans les cas où ce principe porte préjudice aux intérêts du pays. J'ai agréablement pu noter au cours des auditions que depuis quelques années, la nécessité de limiter les surtranspositions fait l'objet d'une préoccupation croissante au plus haut niveau de l'État. Une communication en Conseil des ministres sur la méthode de travail européen, le 14 juin dernier, rappelle que la transposition doit se faire en évitant toute surtransposition qui, je cite, serait un facteur « de lourdeur administrative pour les citoyens et les entreprises, de charges financières et de défiance à l'égard de l'Union européenne ».

Quelles réponses proposer pour améliorer l'application du droit européen environnemental ?

Mes propositions s'articulent autour de deux axes : le premier vise à maîtriser la transposition d'une directive environnementale ; le second, à en réussir la mise en oeuvre.

Concernant la transposition, je propose tout d'abord de favoriser la transmission d'information entre les équipes responsables de la transposition et celles chargées de la négociation des projets de directive. La circulation d'informations doit en effet permettre d'anticiper les difficultés liées à l'exercice de transposition et de renforcer la connaissance des arbitrages effectués lors de la négociation européenne sur la directive par les services chargés de la rédaction des textes de transposition.

Je propose ensuite que, lorsque la transposition s'effectue par voie législative, les éléments étendant les prescriptions de la directive au-delà de ce qu'elle prévoit soient identifiés et justifiés afin d'améliorer l'information du Parlement sur les arbitrages politiques opérés en amont par le Gouvernement. Il est crucial, même indispensable, que le législateur national puisse s'exprimer en toute connaissance de cause lors du vote sur un projet de loi de transposition d'une directive.

Dans l'objectif de limiter les écarts de compétitivité qui peuvent résulter de la transposition d'une directive, l'étude d'impact annexée au projet de loi de transposition pourrait utilement être enrichie d'une analyse des conditions de transposition dans les autres États membres.

Ma principale proposition pour réussir la mise en oeuvre des directives environnementales découle de l'expérience tirée de la politique en faveur de la qualité de l'air : une mise en oeuvre rapide et efficace des directives européennes appelle une gouvernance claire et un pilotage fort au niveau local. L'association de l'État et des acteurs locaux apparaît comme un facteur essentiel du succès de la mise en oeuvre d'une directive environnementale, lorsque certaines obligations qui en découlent relèvent de leur domaine de compétence. Il me semble indispensable que les transferts de compétences de l'État aux collectivités territoriales récemment opérés s'accompagnent d'un appui et de financements de la part de l'État, afin de ne pas laisser le poids des initiatives et des investissements aux seules collectivités. Les points de blocage dans la mise en oeuvre découlent souvent d'une carence d'instances de décision, mais aussi d'une complexité des flux financiers.

Ainsi, je propose, au niveau local, d'encourager la création d'instances de pilotage dédiées à la mise en oeuvre des directives environnementales, afin d'approfondir la relation partenariale entre l'État et les collectivités territoriales et d'aborder la question du plan de financement pour assurer cette mise en oeuvre.

Je décline cette recommandation sur la question spécifique de la mise en oeuvre de la directive relative à la qualité de l'air, en proposant la tenue d'un échange régulier, organisé par la DREAL, réunissant les acteurs responsables de la mise en oeuvre des directives environnementales (équipes de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement, élus compétents des métropoles, de la région, des communes et intercommunalités), du moins dans les zones visées par les avis motivés envoyés par la Commission européenne en matière de PM10 et de NO2.

Une série de propositions complémentaires et spécifiques à la qualité de l'air est également détaillée dans le rapport.

En outre, les déchets et l'air apparaissent comme les principaux points faibles de l'application du droit européen environnemental alors même que ces domaines relèvent du champ de compétences des collectivités territoriales. Outre un accompagnement imparfait de la part de l'État dans la mise en oeuvre des directives européennes déjà adoptées, cette situation découle d'une association aujourd'hui encore insuffisante au processus d'élaboration de la norme européenne. Je recommande ainsi d'associer davantage les collectivités territoriales au processus d'élaboration de la norme européenne, en particulier sur les projets de texte dont la mise en oeuvre est susceptible de leur incomber.

En conclusion, je souhaite rappeler la nécessité d'adopter une approche globale et décloisonnée sur les questions environnementales. La création d'un ministère d'État de la transition écologique et solidaire constitue, me semble-t-il, un signal fort pour une appréhension globale des enjeux environnementaux, même si je regrette l'absence du logement, de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire dans le périmètre du ministère. J'ai rappelé les interactions entre qualité de l'air et isolation thermique des logements sur la thématique du chauffage au bois. Le ministère de la transition écologique et solidaire et celui de la cohésion des territoires devront travailler en forte synergie sur ce sujet. Une collaboration étroite est également attendue avec les ministères des solidarités et de la santé, ainsi qu'avec le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, notamment dans le cadre des états généraux de l'alimentation et de l'agriculture.

L'application du droit européen environnemental nécessite un pilotage fort mais aussi interministériel. L'élaboration en cours d'une feuille de route gouvernementale en matière de transition écologique, dont la publication est attendue cette semaine, constitue, je pense, une excellente initiative en ce sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La complexité que vous avez rappelée est en effet source de questionnements pour les élus locaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Vincent

Ce rapport me rappelle certains souvenirs concrets. Lorsque des arboriculteurs vous expliquent qu'à cause d'une surtransposition d'une directive sur les pesticides, nous sommes envahis par des importations qui ont été soumises à ces pesticides, les parlementaires que nous sommes sont bien ennuyés pour répondre. Or, s'il y a surtransposition, cela signifie que des arbitrages interministériels ont été rendus en amont, parfois au niveau du Premier ministre. Je suis donc favorable à la proposition du rapporteur de renforcer la transparence du processus afin d'améliorer l'information du Parlement.

Je souhaitais également demander au rapporteur si le préfet de région n'avait pas à sa disposition tous les moyens pour mettre en oeuvre les dispositions de la directive européenne relative à la qualité de l'air. Je me souviens de décisions prises par le préfet, qui ont pu apparaître brutales aux élus locaux, mais qui semblaient indiquer qu'il disposait de tous les outils nécessaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Il s'agit d'un sujet d'actualité important. Dans ma région, la Bretagne, la mise en oeuvre des dispositions de la directive relative à la reconquête de la qualité des eaux, notamment littorales, doit se conjuguer avec un contexte agricole difficile, où les marges de manoeuvre sont limitées.

En matière environnementale, ne vaudrait-il pas mieux avoir recours au règlement, qui s'impose à l'ensemble des États-membres sans nécessiter de texte de transposition, plutôt qu'à la directive ? Cela permettrait une application homogène sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Carcenac

Vous préconisez de mieux associer les collectivités territoriales au processus d'élaboration de la norme européenne. Pourriez-vous rappeler le rôle du conseil national d'évaluation des normes (CNEN) ? Il me semble que, dans le cadre des travaux de la commission consultative d'évaluation des normes, ancienne dénomination du CNEN, nous avons pu constater des difficultés liées à des surtranspositions proposées par certains ministères.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Ces questions font effectivement intervenir un grand nombre d'acteurs, ce qui est source de complexité. Par exemple, en matière de qualité de l'air, qui est compétent ? S'agit-il de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) ?

Par ailleurs, pourriez-vous nous indiquer si les difficultés posées aux apiculteurs sont abordées dans votre rapport ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Je reviens sur la question de Thierry Carcenac. Vous proposez de mieux associer les collectivités territoriales au processus d'élaboration de la norme. Cela semble complexe. Pourriez-vous nous indiquer quelles seraient les modalités de cette collaboration entre niveau européen et collectivités territoriales, qui sont très différentes les unes des autres ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Je rappellerai tout d'abord que, s'il convient d'éviter les défauts de la surtransposition, il ne faut pas non plus s'abriter derrière cet écueil pour ne pas transposer les règles européennes.

Pour répondre à la question de Marc Laménie, le rapport ne traite pas des problématiques spécifiques aux apiculteurs.

Pour revenir à la question de la surtransposition, il me semble qu'en la matière, le mieux est l'ennemi du bien. La France a le défaut de souvent vouloir être la meilleure élève. En ce domaine, il me semble préférable d'être un élève appliqué, mais sans aller au-delà de ce qui est nécessaire.

En matière de qualité de l'air, le préfet de région et la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement sont compétents, en particulier sur le plan de protection de l'atmosphère, qui fixe les mesures portées, dans leurs domaines, par les collectivités territoriales, ainsi que sur les mesures en cas de pic de pollution. Il convient de travailler le plus possible en amont, sur la prévention de la pollution quotidienne. En ce qui concerne les pics de pollution, il faut en réduire le nombre et l'intensité. L'amélioration de la situation viendra nécessairement d'un dialogue renforcé entre les quatre secteurs émetteurs de polluants atmosphériques.

Pour répondre à Michel Canevet, l'objet d'une directive est précisément de laisser des marges de manoeuvre aux États-membres.

Enfin, sur la question de la place des collectivités territoriales, il pourrait être envisagé qu'elles participent aux réunions organisées par le secrétariat général des affaires européennes avec le ministère concerné.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Qui participerait ? Les associations d'élus ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Oui, cela me semble indispensable.

S'agissant du rôle du conseil national d'évaluation des normes, je rappelle que ce dernier ne dispose pas d'un pouvoir d'auto-saisine, il rend un avis uniquement sur les textes dont il est saisi par le Gouvernement.

Vous trouverez dans le rapport un schéma qui présente l'ensemble des parties prenantes en matière de qualité de l'air. Cela confine parfois à l' « usine à gaz » ou revient à « brasser de l'air ».

La commission donne acte de sa communication à M. Jean-François Husson et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Ce rapport a bien sûr été préparé avant la déclaration de politique générale du Premier ministre devant l'Assemblée nationale. Permettez-moi de dire que j'ai été déçu : de nombreuses annonces sont faites, mais personne n'indique comment elles seront financées ! Ce n'est certes pas nouveau, mais on aurait pu espérer mieux...

Le seul élément que je retiens de cette déclaration, c'est l'affirmation selon laquelle nous dansons sur un volcan. Je suis entièrement d'accord : à cause du risque permanent d'augmentation des taux d'intérêt, nous sommes en permanence sous la menace d'une grave crise de nos finances publiques. Le report de la réforme de l'impôt sur la fortune (ISF) est regrettable : cet impôt - qui rapporte peu - est antiéconomique et fait partir les investisseurs français et étrangers. Repousser cette réforme pour économiser quelques milliards me paraît incompréhensible : n'y a-t-il pas d'autres mesures à envisager qui permettraient de limiter nos dépenses, en particulier concernant les dépenses d'intervention de l'État comme le RSA ?

La France est dans une situation économique et financière catastrophique : notre dette atteint 2 220 milliards d'euros, qui s'accroit chaque année en raison de notre déficit budgétaire. Nous empruntons chaque année 200 milliards d'euros par an, pour financer le déficit et les échéances de nos emprunts. Je vous rappelle que, pour les entreprises, il est interdit d'emprunter pour rembourser les intérêts de prêts contractés dans le passé : cela s'appelle de la cavalerie et mène droit à la faillite.

La fiscalité est trop élevée et démotivante, les charges sur les salaires trop lourdes et la durée du travail non compétitive, ce qui entraine une faible croissance, un chômage récurrent et aggravent notre déficit.

Les taux d'intérêt, aujourd'hui encore très faibles à moins de 1 %, permettent à la France de s'endetter à faible coût, sans en sentir immédiatement les conséquences budgétaires. La charge de la dette annuelle, une dépense incompressible, s'élève à 42 milliards d'euros en 2017 : c'est donc un des budgets les plus importants de l'État.

Une augmentation des taux d'intérêts nous obligera à emprunter chaque année une somme encore plus élevée et conduira à faire croître la charge de la dette. Si cette situation perdure, elle fragilisera les finances publiques françaises et aggravera d'autant le déficit budgétaire. Bruxelles observe d'ailleurs la France avec inquiétude...

Il faut rappeler que la faiblesse des taux d'intérêt observée aujourd'hui n'est pas liée à l'action de nos précédents gouvernements qui ont tous mené une politique budgétaire déséquilibrée avec des dépenses excédant largement les recettes. Le déficit budgétaire pour 2017 présente d'ailleurs, comme la Cour des comptes l'a montré, un fort risque de dépasser 3 % du PIB.

Pire, ils ont pris de grands risques avec un État providence qui nous ruine. Nous n'avons plus les ressources fiscales nécessaires pour financer les dépenses de fonctionnement et d'intervention.

L'emprunt n'est pas un puits de pétrole inépuisable où l'on peut se servir quand on en a besoin. Le puits sera rapidement vide dès que les investisseurs, avant tout opportunistes, n'auront plus confiance dans la qualité de la signature de la France et que les taux remonteront. Ils ont déjà exprimé des incertitudes. La situation est très grave.

Par exemple, dans le cas d'une augmentation de taux de 2 points de pourcentage, l'augmentation de la charge de la dette dépasserait 9 milliards d'euros dès la deuxième année et s'élèverait à plus de 21 milliards d'euros dans cinq ans. Elle passerait de 42 milliards à 63 milliards !

Alors, que faire ?

La seule façon de réduire notre déficit budgétaire et les risques qui lui sont liés serait de changer totalement notre fiscalité en s'inspirant du système de « flat tax », c'est-à-dire de taxe à taux unique le plus vite possible.

Si le nouveau gouvernement conserve la fiscalité actuelle, qui bloque toute possibilité de croissance, alors le déficit budgétaire ne diminuera pas et les risques liés à l'augmentation des taux d'intérêts seront très importants.

En appliquant trois taux constants, faibles, sur l'assiette de la contribution sociale généralisée (CSG), suivant le niveau de revenus, on supprimerait totalement l'impôt sur le revenu actuel, avec une partie de ses niches. Le taux serait nul pour les plus faibles revenus. Le taux maximal s'élèverait à 25 %. Cela augmenterait le pouvoir d'achat de nombreux ménages, leur permettant d'investir davantage dans l'économie et donc de soutenir la croissance.

En élargissant l'assiette et en baissant les taux, on se rapproche de certaines recommandations du Premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, concernant le rapprochement de l'impôt sur le revenu et de la CSG.

Ainsi, au lieu d'avoir une fiscalité excessive et paralysante qui oblige l'État à créer des niches fiscales toujours plus nombreuses, qui atteignent aujourd'hui 90 milliards d'euros, tous les contribuables disposeront de moyen financiers pour satisfaire leurs besoins et l'État bénéficiera de revenus supplémentaires.

Grâce à la suppression des niches fiscales, le gouvernement pourra ramener les impôts sur les bénéfices des entreprises, sur les dividendes et les plus-values à 20 %, ce qui contribuera aussi au développement de l'économie.

L'État pourrait également obtenir des recettes supplémentaires en vendant les participations qu'il détient dans un certain nombre de sociétés privées. Ces participations atteignent près de 100 milliards et elles ne sont pas, pour la plupart, pertinentes.

En suivant ces quelques pistes, le Président de la République pourrait disposer, pour le budget 2018, de recettes supplémentaires lui permettant de réduire les impôts et de cesser la baisse des dotations aux collectivités territoriales, enclenchant un cycle vertueux de reprise de la croissance. À cet égard, la suppression de la taxe d'habitation est une très mauvaise idée : elle priverait les collectivités locales de ressources indispensables à leur bon fonctionnement.

Ce sont des propositions que je porte depuis longtemps et j'espère que le nouveau Gouvernement comprendra enfin ces arguments de bon sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

La création annoncée tout à l'heure par le Premier ministre d'un prélèvement sur le capital, de l'ordre de 30 %, se rapproche d'une flat tax.

Il existe par ailleurs des exigences constitutionnelles de progressivité de l'impôt, que la proposition de Serge Dassault respecte puisqu'elle repose sur trois taux.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Je constate que vous avez fortement élargi le champ de votre contrôle, portant sur le risque de remontée des taux. Je ne m'y attendais pas totalement. Il y a des choses sur lesquelles nous ne pouvons pas vous suivre, comme la mise sur un même plan de l'ISF et du RSA.

Je suis toutefois d'accord avec vous sur un sujet précis : je confirme que les deux discours que nous avons entendus, aujourd'hui et hier, n'ont eu aucun contenu.

Il serait impossible de rentrer dans le détail de tous les sujets que vous avez évoqués. S'agissant toutefois des participations de l'État, il y a des cas dans lesquels elles ont du sens. Lorsqu'il s'agit, par exemple, de sauver l'entreprise Peugeot ou de trouver des solutions pour la relancer sans perdre le contrôle national, l'intervention de l'État peut se justifier, surtout lorsque les familles d'actionnaires sont déficientes, ce qui arrive parfois. Nous pourrions citer bien d'autres exemples.

Concernant les taux d'intérêt, la situation n'est pas si catastrophique que cela. Elle est difficile, je le reconnais, mais la question fondamentale est celle du lien entre la remontée des taux et l'inflation. S'il y a une franche remontée des taux dans un contexte de reprise de l'inflation, les problèmes sont moins graves. Je trouve que la façon dont les taux remontent, progressivement et avec des efforts, de la part des banques centrales, pour mieux informer les marchés, dissipe - pour le moment - le risque que vous mettez en avant. En outre, il faut, en France, sept à huit ans pour que cette hausse des taux se répercute sur l'ensemble du stock de dette. Vous avez raison de vous pencher sur ce sujet, mais il ne faut pas sonner le tocsin : la remontée des taux par elle-même n'est pas forcément dramatique. Il faut regarder les choses sans catastrophisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Avez-vous quantifié l'impact, en milliards d'euros, d'une augmentation possible des taux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Je remercie le rapporteur de nous avoir rappelé la situation préoccupante des finances publiques. Claude Raynal ne la juge pas catastrophique, mais lorsque la dette publique approche 100 % du PIB, la situation paraît quand même alarmante.

Y a-t-il encore des investisseurs qui prêtent à la France à des taux négatifs ?

Par ailleurs, j'ai bien entendu les propositions du rapporteur, mais je m'inquiète du niveau de la dette et du déficit budgétaire. Une diminution des recettes ne risquerait-elle pas de les aggraver ? Certains peuvent considérer que le Président de la République n'a rien dit lundi devant le Congrès, mais il a tout de même évoqué l'objectif de porter les dépenses militaires à 2% du PIB. Le rapporteur souscrit-il à cet objectif ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Lalande

Je ne suis pas particulièrement surpris par la tonalité de ce rapport. Néanmoins je pense que gouverner, c'est avant tout assurer à tous une vie de dignité et d'égalité, ce qui n'empêche pas les talents de pouvoir s'exprimer, et la possibilité de vivre dans un pays de liberté.

Pour en revenir aux taux d'intérêt, j'ai entendu que le Gouvernement souhaitait stabiliser la dépense publique. Mécaniquement, cela se traduira par des économies si la dépense publique est stabilisée. Par ailleurs, s'il est évident que la dette et le poids des intérêts doivent diminuer, il conviendrait de redistribuer cette économie à ceux qui en ont le plus besoin sur notre territoire. Or le rapporteur nous propose de consacrer cette économie à des baisses d'impôt.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Les taux d'intérêt pourraient augmenter de manière soudaine et abrupte en raison d'un mouvement de défiance des investisseurs, ce qui serait très grave. Le risque politique est une composante essentielle de l'évolution des taux d'intérêt, comme nous avons pu le voir lors de la campagne pour les élections présidentielles cette année. Les investisseurs étaient très inquiets de l'élection possible de candidats représentant des partis extrêmes.

Par ailleurs, si j'entends les remarques de certains, mais il n'en reste pas moins que l'État ne fait pas d'économies ! Certes, la suppression de certaines dépenses ne sera pas agréable pour tout le monde, mais il faut aussi que les gens se responsabilisent et qu'ils travaillent. À quoi cela rime-t-il de payer des gens qui ne travaillent pas ? Beaucoup de personnes qui bénéficient d'aides sociales ne cherchent pas d'emploi - et certains viennent même de l'étranger pour bénéficier de ces allocations.

Les investisseurs s'inquiètent... Cela fait des années que l'on nous promet que tout va s'arranger !

La réduction des impôts aura un effet vertueux sur l'activité et la croissance, et donc sur les embauches. La France sera beaucoup plus attractive avec un système fiscal moins lourd. C'est le cas à Dubaï : il n'y a quasiment pas d'impôt et une croissance extraordinaire ! Car l'argent est réinvesti dans l'économie.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Lalande

Je ne pense pas qu'il suffise de ne pas payer d'impôt pour que les gens vivent bien. J'ai constaté que les pays dans lesquels on paie le moins d'impôts sont ceux dans lesquels le peuple vit le moins bien. Il doit y avoir un juste milieu entre l'impôt et le bonheur et la dignité des peuples.

La commission donne acte de sa communication à M. Serge Dassault et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.

La commission demande à se saisir pour avis du projet de loi d'habilitation autorisant à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social (A.N. n° 4, XVème lég.), sous réserve de son dépôt, et nomme M. Albéric de Montgolfier en qualité de rapporteur pour avis.

La commission nomme M. Claude Nougein rapporteur spécial des crédits des missions « Crédits non répartis » et « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » et du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

La réunion est levée à 19 h 16.