C'est pour remédier à cette situation qu'il a été décidé de créer des UHSA pour l'accueil des détenus nécessitant une hospitalisation psychiatrique à temps plein.
Ces unités ont été définies par la loi et par des décrets. Il s'agit de bâtiments dédiés, construits sur l'emprise d'établissements psychiatriques, et dont la sécurité périmétrique est assurée par le ministère de la justice.
Chaque UHSA dispose de 40 ou 60 places d'hospitalisation et d'un nombre de personnels dédiés fixé par une circulaire de 2011. Dans l'ensemble, le ratio soignants-patients est le même qu'en population générale.
On peut néanmoins noter que les postes de soignants en UHSA sont plutôt valorisés par les personnels et qu'on constate moins d'absentéisme que dans les autres services. La présence effective tend donc à être plus importante.
Cette uniformité dans l'organisation recouvre une forte diversité régionale. Les huit UHSA actuellement en fonctionnement - une neuvième vient d'ouvrir à Marseille cette année - sont en effet le fruit de plusieurs compromis locaux.
Tout d'abord, un compromis entre les exigences de sécurité fixées par l'administration pénitentiaire et le projet de soins porté par l'équipe médicale qui a préfiguré l'unité.
Extérieurement, bien qu'elles se trouvent sur un terrain comprenant un ensemble de bâtiments dédiés aux soins psychiatriques, les UHSA se présentent comme des prisons. Elles ont un mur d'enceinte entouré de grillages et un accès sécurisé, contrôlé par des surveillants de l'administration pénitentiaire. Nul ne peut y entrer sans justifier de son identité et passer par les portiques de sécurité qui mènent aux parloirs, surveillés par l'administration pénitentiaire, et aux unités de soins.
Cependant, une fois ces formalités accomplies, les surveillants de l'administration pénitentiaire n'ont plus accès aux locaux internes de l'UHSA, qui sont des services hospitaliers placés sous l'autorité des médecins.
La difficulté à concilier les deux cultures se traduit dans l'agencement des bâtiments : à Lyon et à Toulouse, nous avons ainsi pu voir des cours réservées à la promenade des détenus ou destinées à offrir un espace de pause aux personnels, dont l'administration pénitentiaire avait obtenu que l'accès soit interdit ou particulièrement restreint par crainte d'une évasion par hélicoptère.
De même, ce sont des considérations de sécurité qui ont limité les espaces réservés aux familles tant au Vinatier qu'à Toulouse, ce qui limite singulièrement la possibilité de travail avec ces mêmes familles.
En outre, chaque projet médical a entraîné des choix qui font qu'aucune UHSA ne ressemble à une autre.
Celle de Lyon, la première à avoir été construite, se situe sur deux niveaux, tandis que celle de Toulouse, de plain-pied, présente une forme rayonnante complexe, et que celle de Villejuif adopte un agencement plus classique en rectangle.
Ces choix découlent de la manière dont les soignants ont conçu la prise en charge des patients. Tous suivent en effet une progression entre le moment de leur arrivée et celui de leur sortie qui les place successivement dans différentes parties de l'UHSA.
Ces parcours sont conçus de manière plus ou moins fluide. Les malades qui arrivent au sein de l'UHSA nécessitent une hospitalisation à temps plein car ils sont en situation de crise. Si un premier traitement a parfois pu être administré au sein de l'établissement pénitentiaire où ils se trouvaient, ou du SMPR où ils ont été transférés, voire dans un hôpital extérieur, les malades qui arrivent en UHSA sont dans une situation qui implique une première phase d'observation et de prise en charge médicamenteuse souvent lourde. Nous avons surtout pu le constater à Lyon.
À l'issue de cette première phase, la pathologie peut être précisément déterminée, et un traitement destiné à la stabiliser peut être mis en place.
Enfin, dans une troisième phase, le patient stabilisé est placé dans une situation d'autonomie croissante destinée à lui permettre de réintégrer son établissement d'origine.
L'accent mis sur ces différentes phases et le degré d'accompagnement des patients varient d'une équipe médicale à l'autre, ce qui se traduit dans l'agencement des locaux.
À l'issue de nos auditions et de nos visites de terrain, nous avons pu formuler les constats suivants sur le fonctionnement des UHSA...
Tout d'abord, l'engagement des équipes soignantes est particulièrement remarquable. Les médecins, très majoritairement des femmes, les infirmiers, les psychologues, et l'ensemble des intervenants -ergothérapeutes, art-thérapeutes...- que nous avons rencontrés sont particulièrement investis dans leur travail et dans le projet, qu'ils portent le plus souvent depuis son origine.
Nous avons été très impressionnées de voir que les équipes qui ont contribué à la création des UHSA continuent à y travailler.
Par ailleurs, les contacts au quotidien entre personnel hospitalier et administration pénitentiaire semblent s'effectuer de manière satisfaisante.
Il n'était pas acquis qu'il en soit ainsi, et la création de la première UHSA à Lyon s'est avérée assez conflictuelle. Il faut donc nous féliciter de ce que le caractère hybride de ces établissements soit assumé de chaque côté et que, localement, le dialogue parvienne à se nouer pour parvenir à un fonctionnement le plus efficace possible.
La prise en charge effectuée par les UHSA répond à des besoins réels. Leur taux de remplissage est partout proche de 100 % et elles ont toute une liste d'attente. La durée moyenne de séjour est de 45 jours pour une prise en charge de pathologies lourdes : schizophrénie, troubles bipolaires, dépressions et troubles spécifiques de la personnalité.
Les femmes constituent moins de 10 % des patients, en miroir de la population carcérale générale. Le taux de réadmission est relativement faible : ce ne sont donc pas toujours les mêmes qui reviennent à l'UHSA.
Les UHSA répondent à un problème spécifique, celui des soins psychiatriques sans consentement en prison. Ceux-ci, longtemps impossibles, étaient particulièrement difficiles à mettre en oeuvre.
Les UHSA accueillent en moyenne près 50 % de patients en soins sans consentement, bien qu'il existe de fortes disparités locales. Ces cas, a priori les plus graves, trouvent donc généralement une réponse adéquate et ce dans des délais raisonnables, puisque la plupart des UHSA parviennent à répondre à une demande d'hospitalisation dans les 48 heures. Ce délai peut cependant parfois s'allonger jusqu'à une quinze jours, voire plus.
La contrôleure générale des lieux de privation de liberté, Mme Adeline Hazan, a d'ailleurs dénoncé le caractère très contraignant des procédures d'entrée dans les UHSA qui peuvent aboutir à des listes d'attente longues -30 personnes pour les 60 places de l'UHSA Paul Guiraud.
En pratique les UHSA n'acceptent un patient que si la structure SMPR ou UCSA garantit qu'elle reprendra le malade à l'issue de son traitement.
Parallèlement, il est intéressant de relever que plus de la moitié des hospitalisations en UHSA sont volontaires et que les malades consentent aux soins. Les équipes nous ont d'ailleurs fait part du fait que, souvent, un patient arrivé en situation de crise dans le cadre d'une hospitalisation sans consentement, consent en fait aux soins dès qu'il est pris en charge de manière adéquate.
Les qualités professionnelles des équipes soignantes et de celles de l'administration pénitentiaire permettent donc aux UHSA d'assurer les missions qui leur ont été confiées.