Intervention de Christophe Castaner

Réunion du 6 juillet 2017 à 9h30
Ordonnance modifiant le code des juridictions financières — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Christophe Castaner  :

Monsieur le président, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi, à mon tour, de saluer les représentants du Parlement chinois et le président du groupe d’amitié Chine-France.

Mesdames, messieurs, l’article 86 de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires habilitait le Gouvernement à prendre par ordonnance toutes mesures relevant du domaine de la loi ayant pour objet, d’une part, la modernisation du code des juridictions financières, « afin d’en supprimer les dispositions devenues obsolètes, redondantes ou de les clarifier », d’autre part, l’adaptation de règles statutaires concernant notamment le régime disciplinaire, la garantie de l’indépendance ou bien encore le recrutement par le tour extérieur.

Cette ordonnance a été publiée par le Gouvernement le 13 octobre 2016. Puis, le projet de loi de ratification a été adopté par l’Assemblée nationale le 16 février 2017. Vous en êtes, mesdames, messieurs les sénateurs, désormais saisis.

Je précise que les évolutions que nous examinons concernent non seulement la Cour des comptes, mais aussi les chambres régionales des comptes, les chambres territoriales des comptes et la Cour de discipline budgétaire et financière.

Tout d’abord, le projet d’ordonnance modernise les dispositions relatives aux missions, à l’organisation et aux procédures des juridictions financières.

L’ordonnance comporte une importante dimension technique puisqu’elle procède à une clarification de la rédaction du code des juridictions financières. À la faveur de cette refonte, plusieurs dispositions de modernisation et de clarification sont introduites.

Le code des juridictions financières avait en effet perdu de sa cohérence au fur et à mesure d’ajouts ponctuels et successifs.

Les juridictions financières ont, il est vrai, vu leurs attributions s’élargir au cours des quinze dernières années. Il était donc nécessaire d’en tirer les conséquences en termes de lisibilité du texte.

Cet élargissement a touché leurs métiers puisqu’au jugement des comptes et au contrôle de la gestion se sont ajoutées l’évaluation des politiques publiques et la certification des comptes.

Comme vous le savez tous, cet élargissement également a touché leurs publics, notamment avec le développement des demandes d’enquêtes d’origine parlementaire.

Il a, en outre, touché le périmètre de leur compétence. Ainsi, l’an dernier, elles se sont vu confier, par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, le contrôle des comptes et de la gestion des établissements sociaux et médico-sociaux et des cliniques privées.

Un effort de lisibilité générale des procédures a été réalisé afin de les rendre plus homogènes et de faciliter leur compréhension par les organismes contrôlés et les citoyens.

À cette occasion, les droits des personnes contrôlées ont aussi été renforcés, notamment avec une extension et une clarification de leur droit à être entendues directement en audition par les formations de délibéré des juridictions financières.

Par ailleurs ont été simplifiées des procédures devenues trop complexes ou dont la spécificité n’était plus du tout justifiée. C’est le cas, par exemple, des dispositions relatives au contrôle des entreprises publiques, qui résultaient d’une rédaction datant de 1976.

D’autres procédures ont été harmonisées. Le nouvel article L. 132-5 prévoit ainsi que « lorsque la Cour des comptes procède aux enquêtes qui lui sont demandées par les commissions des affaires sociales du Parlement, elle peut intervenir dans le domaine de compétence des chambres régionales et territoriales des comptes, par cohérence avec la disposition applicable lorsque la saisine émane des commissions des finances ».

Les dispositions relatives au droit de communication sont elles aussi mises à jour dans ce texte. En effet, les juridictions financières disposent traditionnellement d’un droit étendu de communication des documents utilisés par les organismes qu’elles contrôlent, mais ces articles avaient besoin d’être adaptés.

Adaptés, tout d’abord, du fait de la dématérialisation croissante de l’information : aujourd’hui, le droit de communication doit avant tout être un droit d’accès à des données et des traitements informatiques.

Adaptés également dans leur champ, notamment en ce qui concerne les dossiers des commissaires aux comptes de ces organismes, puisque le code des juridictions financières n’avait pas été modifié à la suite des extensions du périmètre de l’obligation de certification des comptes, en particulier aux établissements publics de santé.

Le projet d’ordonnance apporte par ailleurs quelques modifications relatives au statut des membres des juridictions financières.

La loi relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires avait d’ores et déjà prévu un certain nombre de dispositions en la matière. Sur ces questions statutaires, l’ordonnance intervient donc de façon plus ponctuelle. Ainsi, s’agissant de la Cour des comptes, elle porte principalement sur la mise à jour de quelques dispositions du code qui n’étaient plus cohérentes au vu d’évolutions législatives antérieures, que ce soit la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, qui a supprimé la notion de « vacances » de postes ou le passage du grade d’auditeur au grade de conseiller référendaire en trois ans et non plus en sept ans, réforme déjà ancienne qui a aujourd’hui des conséquences sur la suite de la carrière des magistrats.

Enfin, si la loi du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles a prévu l’adoption par la Cour et les chambres régionales des comptes de normes professionnelles, elle avait restreint leur champ d’application aux seuls magistrats. L’ordonnance élargit donc ce champ aux rapporteurs extérieurs, aux conseillers maîtres en service extraordinaire, aux conseillers référendaires en service extraordinaire et aux conseillers-experts.

S’agissant des magistrats des chambres régionales des comptes, le régime d’incompatibilité applicable à leur détachement est aménagé : pour tenir compte de l’élargissement des ressorts géographiques des chambres régionales des comptes, l’ordonnance rend en effet possible une mobilité sortante vers une collectivité ou un organisme de ce ressort, ce qui était jusqu’à présent impossible avant un délai de trois ans.

Toutefois, et c’est bien naturel, l’ordonnance l’assortit de conditions strictes : au cours de ses trois dernières années dans la chambre, le magistrat ne doit pas avoir participé au jugement des comptes de la collectivité vers laquelle il se destine, ni au contrôle de ses comptes et de sa gestion, ni au contrôle de ses actes budgétaires, ni même à ceux d’une autre collectivité ou organisme ayant pour représentant légal celui de la structure qu’il souhaite rejoindre.

Enfin, l’ordonnance simplifie et modernise les procédures de la Cour de discipline budgétaire et financière, sans toucher toutefois à ses compétences, que ce soit sur le plan des infractions et des sanctions ou sur celui des justiciables.

La Cour de discipline budgétaire et financière, juridiction administrative spécialisée chargée de réprimer les violations, par les gestionnaires publics, des règles de protection des finances publiques, est régie par des règles qui proviennent essentiellement de la loi du 25 septembre 1948. Celle-ci a été entièrement codifiée dans la partie législative du code des juridictions financières dans les années quatre-vingt-dix et n’a été modifiée, s’agissant des règles de procédure, qu’à la marge depuis 1948.

Dès lors, certaines de ces règles étaient imprécises et méritaient, au regard des exigences tant du droit interne que du droit européen, d’être clarifiées et modernisées.

Les modifications portent sur des règles d’organisation et de procédure, comme les possibilités de représentation du procureur général dans ses fonctions de ministère public, le plan de déroulement de l’audience, la possibilité pour les procureurs de la République de déférer des faits à la Cour – c’était déjà le cas dans la pratique, même si ce n’était pas encadré – ou la date d’interruption de la prescription.

Elles renforcent les droits de la défense en clarifiant les règles d’incompatibilité et de récusation des membres de la Cour et des rapporteurs, en élargissant le droit d’accès au dossier des personnes mises en cause et en affichant expressément le caractère de sanction de la décision de publication de l’arrêt que peut rendre la Cour.

L’ordonnance supprime, enfin, certaines dispositions obsolètes ou susceptibles d’être déclarées non conformes à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, comme le suivi du déroulement de l’instruction par le ministère public, la demande d’avis des ministres, la présentation de son rapport par le rapporteur à l’audience ou la voix prépondérante du président en cas de partage égal des voix.

Avant de conclure ce propos, je souhaite saluer le travail rigoureux et très précis de Mme la rapporteur.

Les amendements qu’elle a présentés à la commission des lois, qui les a adoptés, ont permis de corriger quelques erreurs matérielles et de répondre à un point de droit soulevé récemment par le Conseil d’État, à savoir que seule la loi, et non le règlement, peut organiser certaines modalités selon lesquelles sont prises les décisions juridictionnelles de la Cour et des chambres régionales et territoriales des comptes.

Je vous invite donc à adopter sans réserve ce projet de loi.

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