Intervention de Catherine Di Folco

Réunion du 6 juillet 2017 à 9h30
Ordonnance modifiant le code des juridictions financières — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Catherine Di FolcoCatherine Di Folco :

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous examinons donc le projet de loi ratifiant l’ordonnance du 13 octobre 2016 modifiant la partie législative du code des juridictions financières.

Cette ordonnance a été prise sur le fondement de l’article 86 de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, qui a habilité le Gouvernement à intervenir dans le domaine législatif pour modifier les règles statutaires applicables aux magistrats des juridictions financières, adapter les dispositions régissant l’activité de ces magistrats et moderniser le code des juridictions financières, « afin d’en supprimer les dispositions devenues obsolètes, redondantes ou de les clarifier ».

Les cinquante-trois articles de l’ordonnance modifient l’ensemble des livres du code des juridictions financières. Ils concernent ainsi la Cour des comptes, les chambres régionales et territoriales des comptes, mais également la Cour de discipline budgétaire et financière, la CDBF.

Ce texte n’introduit que peu de modifications de fond ; la plupart concernent les questions statutaires. Les autres modifications apportées visent à adapter le code aux évolutions des missions des juridictions financières et à moderniser la Cour de discipline budgétaire et financière.

L’ordonnance restructure principalement les différentes parties du code des juridictions financières en créant, par exemple, de nouvelles sections au sein de plusieurs chapitres relatifs aux missions de la Cour et des chambres régionales et territoriales des comptes ou au sein du chapitre qui régit les relations de la Cour des comptes avec le Parlement et le Gouvernement, et en déplaçant de nombreux articles, sans pour autant modifier le fond.

Au-delà des dispositions d’organisation du code et des simples clarifications rédactionnelles, l’ordonnance modifie sur le fond certaines dispositions pour tenir compte de l’évolution des missions des juridictions financières au fil du temps, notamment avec l’ajout des missions d’évaluation des politiques publiques et de certification des comptes de diverses structures.

Ainsi, l’ordonnance harmonise les procédures d’enquêtes demandées à la Cour des comptes par le Parlement, simplifie certaines procédures obsolètes, notamment celles qui concernent le contrôle des entreprises publiques et de leurs filiales, renforce les droits des personnes contrôlées à être entendues sur l’ensemble des observations formulées par la Cour, y compris celles qui ne sont pas publiées.

L’ordonnance modifie ensuite le statut des membres de la Cour et des chambres régionales et territoriales des comptes. Ainsi, elle applique les « normes professionnelles » des juridictions financières à l’ensemble de leurs membres.

Elle modifie le régime disciplinaire des magistrats de la Cour et des chambres régionales et territoriales des comptes en s’inspirant de celui qui est prévu par les articles 26 et 27 de la loi relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires pour les agents publics et les militaires.

Elle modifie également certaines conditions d’avancement des magistrats de la Cour des comptes.

Elle assouplit le régime de détachement et de mise en disponibilité des magistrats des chambres régionales et territoriales des comptes auprès des collectivités territoriales, établissements publics et organismes de leur ressort.

L’ordonnance modifie certaines règles de procédures applicables devant la Cour de discipline budgétaire et financière.

Ainsi, les possibilités de représentation et d’assistance du procureur général près la CDBF sont clarifiées et la liste des autorités pouvant déférer une affaire au ministère public près cette cour est modifiée.

L’ordonnance fait évoluer les conditions d’instruction en renforçant l’indépendance du rapporteur et en modifiant les règles de prescription.

Les droits des personnes mises en cause devant cette cour sont également renforcés : elles peuvent désormais avoir accès à leur dossier dès l’instruction et n’ont plus à attendre le renvoi de l’affaire devant la Cour.

Le délai de prescription n’est pas modifié. En revanche, sept cas d’interruption de ce délai sont précisés.

Les avis du ministre concerné par les faits et du ministre des finances sont supprimés.

L’ordonnance renforce également les critères d’impartialité de la Cour de discipline budgétaire et financière conformément à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Un dispositif de récusation des magistrats est consacré au niveau législatif, lorsqu’il existe une raison sérieuse de mettre en doute leur impartialité.

La prépondérance de la voix du président de la formation de jugement en cas de partage des voix est supprimée.

Enfin, des modifications sont apportées au régime de publication des arrêts de la Cour de discipline budgétaire et financière. Ceux-ci peuvent être publiés même lorsqu’ils n’ont pas acquis un caractère définitif.

Sur le fond, l’ordonnance ne modifie qu’à la marge les procédures applicables devant la Cour des comptes et devant les chambres régionales et territoriales des comptes. En revanche, elle modifie de façon importante les procédures de la Cour de discipline budgétaire et financière, alors même qu’il s’agit d’un sujet en soi. Comme je l’avais d’ailleurs évoqué lors de la présentation de la proposition de loi de notre collègue Vincent Delahaye visant à assurer la sincérité et la fiabilité des comptes des collectivités territoriales, il apparaît nécessaire de mener une réflexion globale sur le fonctionnement et le champ de compétences de cette juridiction.

Sur ce sujet important, l’ordonnance prend des mesures qui dépassent de loin le simple « toilettage » légistique et, donc, le périmètre de l’habilitation. Nous pouvons nous étonner de cette façon de faire.

Toutefois, la plupart de ces modifications visent à renforcer les droits des personnes mises en cause devant la Cour de discipline budgétaire et financière, notamment en leur permettant d’accéder à leur dossier dès l’instruction et non plus après renvoi de l’affaire.

La suppression de la voix prépondérante du président de la formation de jugement peut davantage poser question, notamment parce que cette mesure ne va pas de soi, d’autant que les magistrats siègent en nombre pair. Je rappelle, par exemple, que l’assemblée du contentieux du Conseil d’État ne peut statuer « qu’en nombre impair » et que le président du Conseil constitutionnel dispose d’une voix prépondérante en cas de partage.

Lors de son audition, M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes et président de la CDBF, a précisé qu’historiquement il n’a jamais été fait appel à sa voix prépondérante, aucun partage de voix n’ayant été constaté. Il a également précisé qu’en cas de partage des voix et en l’absence de voix prépondérante du président, le bénéfice du doute serait laissé à la personne mise en cause.

Dès lors, ces deux observations n’ont pas paru constituer d’obstacle dirimant à la ratification de la présente ordonnance.

De plus, d’un point de vue formel, on peut constater que le Gouvernement a respecté le délai de l’habilitation pour prendre l’ordonnance, ainsi que le délai qui lui était imparti pour déposer un projet de loi de ratification.

Il convient également de saluer les efforts de clarification et de structuration du code des juridictions financières.

La commission des lois a cependant approuvé cinq amendements visant principalement à apporter des précisions au texte de l’ordonnance, à corriger des erreurs matérielles, à procéder à des coordinations concernant les dispositions relatives à l’outre-mer et à préciser, au niveau législatif, la liste des formations délibérantes des juridictions financières exerçant des fonctions juridictionnelles.

La commission des lois ayant adopté le projet de loi ainsi modifié, elle espère, monsieur le secrétaire d'État, que vous parviendrez à trouver une petite « niche » dans l’ordre du jour de l’Assemblée nationale pour que ce texte qui sera adopté « non conforme » par le Sénat puisse entrer rapidement en vigueur…

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