Intervention de Vincent Delahaye

Réunion du 6 juillet 2017 à 9h30
Ordonnance modifiant le code des juridictions financières — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Vincent DelahayeVincent Delahaye :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la ratification de l’ordonnance qui nous est soumise ce matin aurait pu passer inaperçue si le contexte de cette session extraordinaire n’avait pas posé de nouveau d’importantes questions relatives à nos juridictions financières.

En effet, nous examinerons la semaine prochaine en séance publique les deux projets de loi relatifs au rétablissement de la confiance dans l’action publique. Ces textes ont vocation à inaugurer un cycle législatif nous conduisant jusqu’à une révision de la Constitution dans les mois prochains.

À cet égard, le Président de la République nous a rappelé, lors de la dernière réunion du Congrès, son souhait de supprimer la Cour de justice de la République, la CJR, juridiction d’exception compétente pour juger des actes commis par les membres du Gouvernement.

Cette annonce concerne directement les dispositions de l’ordonnance qui sont relatives à la Cour de discipline budgétaire et financière. En effet, depuis la loi du 25 septembre 1948, cette juridiction n’a jamais été compétente pour juger des infractions financières commises par les ordonnateurs principaux des ministères, c’est-à-dire les ministres eux-mêmes.

Dès lors, je profite de cette séance pour poser la question : quel ordre de juridiction sera compétent pour juger des carences financières et comptables des ministres, le juge administratif ou le juge judiciaire ? En réalité, cela repose fatalement la question de l’avenir de la CDBF.

Cette ordonnance avait vocation à moderniser, enfin, une juridiction et une procédure dont l’originalité était en contradiction avec le droit de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. En effet, la CDBF est une juridiction administrative spécialisée, à l’instar de la Cour des comptes, mais qui agit comme une juridiction pénale bien qu’elle ne soit composée que de membres de la juridiction administrative.

Le présent texte a pour mérite de clarifier non seulement la procédure devant la CDBF, mais également le statut de ses membres. Je crains néanmoins que cette ratification n’arrive paradoxalement trop tôt.

En effet, si les ministres ne sont plus justiciables de la Cour de justice de la République, ils devraient l’être, en tant qu’ordonnateurs, devant la CDBF, comme les ordonnateurs locaux. Je crois en effet que notre tradition juridique penche de longue date pour confier à la juridiction administrative, ou du moins à une juridiction spécialisée, le soin de juger ces justiciables spécifiques que sont les ministres.

Au-delà, je rappelle que nous avions terminé la dernière session ordinaire par l’examen d’une proposition de loi que j’avais déposée avec plusieurs de mes collègues et qui visait à étendre le champ de compétence de la CDBF aux exécutifs locaux.

Ces deux propositions permettraient ainsi de faire de cette cour le juge répressif de droit commun des responsables politiques en matière de finances publiques.

Bien que cela puisse paraître un peu audacieux, ou un peu prématuré dans l’attente des expérimentations en cours prévues par la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou loi NOTRe, et la suppression de la CJR elle-même, je crois que, dans le cadre du « galop » législatif sur la confiance et la transparence de la vie publique, il est temps de se poser ces questions.

Il est d’autant plus temps de le faire que nous avons eu hier, lors de notre audition du Premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, la confirmation que le projet de loi de finances pour 2017 était, en réalité, dans ses hypothèses de base comme dans sa construction, totalement insincère.

Cette insincérité n’était pas accidentelle. Le budget pour 2017 a été préparé dans un but d’affichage politique. Il a été présenté sans que l’avis du Haut Conseil des finances publiques non plus que le rejet massif, franc et immédiat du Sénat ne soient pris en compte. Aussi, il ne serait pas déraisonnable, en l’espèce, que certains puissent aller présenter leurs explications devant une juridiction spécifiquement formée à cet effet.

En deçà de cet appel à un renforcement de fond des compétences répressives de nos juridictions financières, je note avec intérêt que le présent texte étend les outils du contrôle budgétaire réalisé par le Parlement en rapport avec la Cour des comptes. L’ordonnance harmonise les procédures d’enquêtes demandées à la Cour des comptes par le Parlement. Toutes les commissions parlementaires compétentes peuvent faire une demande d’enquête, les commissions des affaires sociales bénéficiant désormais des mêmes prérogatives que les commissions des finances et les commissions d’enquête. C’est une bonne disposition.

Concernant les dispositions statutaires relatives aux membres de la Cour des comptes, ce texte est plus un toilettage de l’existant qu’une véritable révolution. C’est bien dommage ! À quelques jours du début de l’examen des projets de loi relatifs à la confiance dans notre vie démocratique, il aurait été encourageant que soit demandé à la Cour des comptes de revoir les conditions d’avancement de ses membres en détachement, notamment en matière de droits à la retraite. Cela aurait été un signal bienvenu.

Comme le veut l’adage, « la femme de César doit être irréprochable », et la Cour des comptes, en tant que gardienne du sérieux et de la crédibilité du contrôle budgétaire public, se doit d’être, elle aussi, parfaitement irréprochable. Nul ne doute qu’elle le soit, mais en la matière, tout est toujours perfectible !

Au-delà de ces quelques remarques, mes chers collègues, je ne vois aucune objection à ce que nous ratifiions cette ordonnance. Voilà pourquoi les sénateurs du groupe Union Centriste voteront en faveur de ce texte.

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