Intervention de Philippe Bas

Réunion du 10 juillet 2017 à 16h00
Rétablissement de la confiance dans l'action publique — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi et d'un projet de loi organique dans les textes de la commission

Photo de Philippe BasPhilippe Bas :

Nous avons réglementé les emplois familiaux, pour en restreindre l’importance. Nous avons posé des règles pour l’accès au Sénat des représentants des lobbies et nous avons également défini un certain nombre d’obligations et de contraintes s’agissant du déport, quand l’un ou l’une d’entre nous peut avoir un intérêt, souvent très légitime, dans la solution que le Sénat est amené à apporter à un problème de législation.

C’est dire que le Sénat a de multiples raisons de s’engager dans la discussion de ces textes l’esprit serein et avec le souhait de converger vers le Gouvernement. Encore faut-il que celui-ci admette l’éventualité d’un apport de notre assemblée… De ce point de vue, vous nous avez annoncé que nous aurions la possibilité d’en discuter avec vous de manière approfondie dans cet hémicycle. Je souhaite que cette discussion, qui n’a pas encore eu lieu, soit féconde.

Sur le fond, nous devons d'abord éviter que des personnes condamnées pour des manquements graves à la probité ou pour des crimes puissent siéger dans l’une ou l’autre des deux assemblées.

De ce point de vue, madame la garde des sceaux, le choix que vous avez effectué nous paraît convenir : le juge, qui est le garant des droits fondamentaux, se prononcera sur l’éventuelle inéligibilité des personnes condamnées à une peine pour manquement à la probité ou pour un crime, même bien longtemps après qu’elles ont purgé leur dette à l’égard de la société. Nous pensons que l’obligation d’un casier judiciaire vierge, qui a été repoussée par le Conseil constitutionnel, interrogeait gravement l’existence de la garantie du juge. Sa rétroactivité constituerait également une difficulté insurmontable.

En réalité, ce que l’on a maladroitement appelé, dans ce texte, le « quitus fiscal », lequel empêcherait un parlementaire de siéger s’il n’est pas en règle avec l’administration fiscale, n’en est pas un. C’est d'ailleurs heureux, car des centaines de milliers de Français peuvent avoir un litige tout à fait légitime avec l’administration fiscale sans pour autant être des fraudeurs.

Nous savons tous à quel point le code général des impôts est complexe et peut donner lieu à des interprétations contradictoires, si bien que vous avez limité cette exigence à l’obligation, pour le contribuable devenu parlementaire, de prouver qu’il a bien rempli ses déclarations et acquitté les impôts exigibles. Cette limitation me paraît très positive.

Le Sénat vous propose d’améliorer votre texte sur ce point, en prévoyant que toute erreur pourra être corrigée avant que le bureau de l’Assemblée nationale ne soit saisi. Il a aussi voulu que le bureau de l’Assemblée nationale ne soit pas une simple boîte aux lettres et que le Conseil constitutionnel ne soit pas réduit à une chambre d’enregistrement. Ces propositions nous semblent de nature à pouvoir être acceptées par le Gouvernement.

Nous avons traité de la question des intérêts, en demandant que les règles de déport appliquées aux parlementaires le soient aussi, en conseil des ministres, aux membres du Gouvernement.

Nous avons souhaité que les frais de mandat soient pris en charge par les assemblées sur la base de justificatifs, nous inspirant du système anglais, qui passe pour le plus rigoureux au monde. Ce faisant, nous avons essayé d’éviter l’excessive rigidité qui caractérisait votre texte.

Nous avons également voulu que les collaborateurs appartenant à la famille d’un parlementaire ne soient pas injustement pénalisés et qu’on leur laisse le temps de se retourner, de sorte qu’ils ne soient pas moins bien traités que n’importe quel salarié de France qui perd son emploi. Cela me paraît tout de même être la moindre des choses.

Nous proposons que les communes rurales, qui, avec les départements et les régions, ont perdu 9, 6 milliards d’euros de dotations en trois ans, puissent continuer à bénéficier de fonds de l’État pour financer des projets signalés par les parlementaires, avec toutes les garanties de transparence voulues. Nous avions d'ailleurs déjà posé des règles en ce sens. Nous souhaitons évidemment que cette dotation de soutien à l’investissement des communes et de leurs groupements voie le jour, en évitant tous les abus auxquels donnaient lieu les financements d’associations qui, parfois, étaient de simples officines politiques.

Enfin, nous ne voulons pas donner au Gouvernement le pouvoir législatif de mettre en place une banque de la démocratie, dont vous nous dites vous-même, madame la garde des sceaux, que vous ne savez pas encore ce que vous voulez en faire, ni quelle serait sa configuration. Ce n’est pas acceptable !

L’article 38 de la Constitution exige que les modalités et les conditions de la délégation du pouvoir législatif au Gouvernement soient clairement définies. Or ce n’est absolument pas ce que fait le projet de loi. Lorsque nous vous avons entendu en audition, vous nous avez confié que vous hésitiez encore entre trois options et que vous alliez demander une étude préalable à l’Inspection générale des finances et à l’Inspection générale de l’administration.

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