Intervention de Michel Mercier

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 12 juillet 2017 à 8h35
Projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Michel MercierMichel Mercier, rapporteur :

La traduction pure et simple de ces mesures dans le droit commun revient à « griller » l'état d'urgence. Dans le même temps, ce texte parachève une évolution remontant à 2014, voire à plus loin, qui fait apparaître un droit spécial du terrorisme : un droit pénal spécial, bien sûr, auquel le Sénat a pris une large part, mais aussi, aujourd'hui, un droit administratif du terrorisme.

Un des effets de la lutte antiterroriste est le rapprochement très fort des deux droits. Sous l'effet des lois successivement adoptées, des mesures pénales ont aujourd'hui un caractère préventif, quand des mesures administratives ont des effets punitifs. Ce sont des évolutions importantes.

Le champ d'application de ce texte est néanmoins plus restreint que celui des mesures autorisées dans le cadre de l'état d'urgence, qui visaient à prévenir les « troubles graves à l'ordre public ». C'est sur son fondement qu'ont été prises les décisions relatives à la rocade de Calais, par exemple. Le présent texte ne concerne en revanche que la prévention des actes de terrorisme.

Les atteintes éventuelles aux libertés fondamentales qu'il pourrait entraîner ont soulevé émotion et interrogations dans le milieu judiciaire. Nous risquons même d'être en contravention avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et libertés fondamentales (CEDH) sur certains points. Il est de bon ton de la critiquer, en ce moment, mais j'insiste sur le fait qu'elle est une part intégrante de notre droit et de notre civilisation. En nous attaquant, les terroristes attaquent aussi la CEDH.

Une fois encore, le Parlement, et plus particulièrement le Sénat, a un rôle important à jouer. Pour moi, en effet, la fonction essentielle du bicamérisme n'est pas tant la représentation des collectivités territoriales que la défense des libertés publiques. C'est pourquoi je suis très hostile à l'idée de changer le Sénat en Bundesrat : nous perdrions ainsi notre compétence générale.

Certes, l'équilibre entre la nécessaire sauvegarde de l'ordre public et la préservation fondamentale de nos libertés est difficile à trouver. En la matière, nous devons placer le curseur avec une infinie attention.

Je veux vous présenter brièvement les principales mesures contenues dans ce texte. Il ouvre d'abord la possibilité pour l'autorité administrative de créer des périmètres de protection à l'intérieur desquels cette autorité pourra se livrer à des contrôles susceptibles de porter atteinte à liberté d'aller et de venir. Il faudra concilier cette liberté fondamentale avec la nécessité de prévenir les actes de terrorisme. Nous y veillerons. Ensuite, les assignations à résidence, qui ne portent plus ce nom dans ce système, pourront être décidées par l'autorité administrative. Le projet de loi autorise, enfin, les visites domiciliaires, ce que l'on appelle perquisitions administratives dans le régime de l'état d'urgence. Il s'agit de trois mesures lourdes, en particulier la première.

D'autres sont également prévues : la transcription de la directive européenne sur le PNR et la création d'un PNR maritime - 52 millions de passagers aériens sont susceptibles d'être contrôlés, bientôt plus encore quand toutes les liaisons seront concernées -, le renforcement du contrôle des interceptions hertziennes, à la suite d'une récente décision du Conseil constitutionnel, la mise en place de zones de contrôle dans un rayon de vingt kilomètres autour des principaux ports et aéroports...

C'est un texte lourd. Mon but, dans nos débats, sera de donner à l'autorité administrative les moyens de prévenir les actes de terrorisme, tout en protégeant les libertés individuelles éventuellement affectées par l'application du nouveau régime de droit commun.

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