Comme François Pillet, je pense que nous sommes allés aussi loin que possible en matière de lutte contre les actes de terrorisme avec les lois adoptées en 2014 et 2016. Tel était d'ailleurs l'avis du candidat Emmanuel Macron lorsqu'il a déclaré qu'il fallait sortir de l'état d'urgence puisque nous disposons de tous les dispositifs légaux pour lutter efficacement contre le terrorisme.
Après le vote de la loi du 3 juin 2016, nous nous attendions tous à une sortie rapide de l'état d'urgence. Le président de la République l'avait d'ailleurs annoncée lors de son interview du 14 juillet 2016 - que l'actuel président renonce à cette interview nous rassure ! -, mais l'attentat de Nice le soir même et celui du 26 juillet à Saint-Étienne-du-Rouvray ont conduit à sa prorogation. Lorsque nous avons prorogé à nouveau l'état d'urgence en décembre 2016, la partie essentielle du projet de loi de prorogation concernait, selon le Gouvernement et notre rapporteur, les perquisitions administratives et les assignations à résidence, qui correspondent, peu ou prou, aux articles 3 et 4 du présent projet de loi.
On nous dit aujourd'hui qu'il est impératif de sortir de l'état d'urgence, mais qu'il faut, pour rassurer les Français, faire passer dans le droit commun des dispositifs d'exception prévus par la loi du 3 avril 1955. Il me semble que ce n'est pas rassurant et que nous devrions pouvoir dire à nos concitoyens que l'État de droit est une réalité. La Constitution et la Convention européenne des droits de l'homme nous protègent - plus que d'autres, nous devrions en être les garants !
L'article 1er du projet de loi autorise les préfets à prendre des mesures pour sécuriser des manifestations : soit. En revanche, les articles 3 et 4, que le rapporteur modifie subtilement pour conserver ce que propose le Gouvernement, sont parfaitement inutiles. Il ne s'agit pas de faire plus confiance au juge judiciaire qu'au juge administratif. Néanmoins, le juge administratif intervient après la décision administrative pour la contrôler voire l'annuler, alors que le juge judiciaire donne une autorisation préalable. Dans toute démocratie, tout pouvoir doit faire l'objet d'un contrôle. Les forces de l'ordre suggèrent des perquisitions, des assignations à résidence, mais elles doivent le faire sous le contrôle du pouvoir judiciaire. Avec l'état d'urgence, le contrôle est assuré a posteriori par le juge administratif ; dans le droit commun, il doit être assuré préalablement par le juge judiciaire.
Sur ces articles 3 et 4, le ministre de l'intérieur ne m'a pas convaincu lorsqu'il a affirmé que c'était grâce à de telles dispositions que les projets d'attentat de Marseille et de Montpellier avaient été déjoués : je ne vois pas pourquoi on n'aurait pas pu agir différemment. Lorsque vous avez auditionné le procureur de la République de Paris, monsieur le rapporteur, vous lui avez demandé pourquoi, à Paris, le parquet faisait tout et la préfecture de police rien. Cela montre bien que la loi du 3 juin 2016 et les textes précédents sont largement suffisants. Les enjeux actuels tiennent davantage à l'organisation et à la méthode qu'à la législation !