À l'approche du débat d'orientation des finances publiques du 20 juillet prochain, cette communication a pour objet de faire un point sur la situation des finances sociales alors que les résultats de la gestion 2016 et les perspectives 2017 sont connus, pour le régime général de sécurité sociale, depuis la réunion de la Commission des comptes de la sécurité sociale tenue le 6 juillet.
L'ordre du jour de la commission m'invitant à la brièveté, je renverrai, pour plus de détail, au rapport écrit.
Comme à chaque fois, j'évoquerai deux périmètres différents :
- celui, en comptabilité nationale, des administrations de sécurité sociale (ASSO), qui sert à apprécier le respect de nos engagements européens et qui comprend la sécurité sociale mais aussi les retraites complémentaires, l'assurance-chômage ou encore la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) ;
- celui, en comptabilité générale, de la sécurité sociale, qui recoupe le périmètre du projet de loi de financement que nous examinons chaque automne.
En 2016, les ASSO sont en déficit pour la huitième année consécutive. Le déficit est de 2,9 milliards d'euros, soit 0,1 point de PIB alors que le programme de stabilité 2016 prévoyait l'équilibre, en intégrant notamment les effets, encore assez hypothétiques, d'une nouvelle convention d'assurance-chômage.
Par rapport à 2015, le solde s'améliore de 1,8 milliard dont 500 millions d'euros sont imputables à un résultat de la Cades meilleur qu'anticipé.
Hors Cades et FRR, dont les missions s'inscrivent dans une temporalité différente, qu'il s'agisse d'amortir les déficits passés ou de financer les retraites à venir, le déficit des administrations de sécurité sociale (ASSO) est de 15 milliards d'euros, ce qui permet de mesurer le chemin à parcourir. L'assurance-chômage est en déficit de 4,5 milliards d'euros, les retraites complémentaires de 3,8 milliards d'euros.
Les recettes portent la marque de la poursuite du pacte de responsabilité et progressent moins vite (1,3 %) que la masse salariale (2,4 %).
Au total, les prélèvements obligatoires affectés à la sphère sociale représentent 24 % du PIB en 2016, comme en 2013, c'est-à-dire avant le pacte de responsabilité.
La persistance d'un déficit conduit logiquement à creuser la dette sociale qui atteint 225 milliards d'euros à fin 2016, soit 5 milliards de plus qu'en 2015 et 10,1 % du PIB. La dette de l'assurance-chômage, qui représente près de 30 milliards d'euros à fin 2016, explique cette évolution.
En 2017, après 8 ans de déficits, les ASSO présenteraient un excédent de 0,1 point de PIB. Les recettes progresseraient de 2,7 %, en ligne avec l'évolution de la masse salariale, tandis que la progression des dépenses serait contenue à 1,7 %, sous l'effet du ralentissement des dépenses de vieillesse. Les prélèvements obligatoires seraient de 23,9 % du PIB.
Le déficit prévisionnel des régimes de retraites complémentaires serait de 4,8 milliards d'euros, couvert par un prélèvement sur les réserves du régime, après une amélioration conjoncturelle du solde en 2016 qui n'est pas reconductible.
L'assurance-chômage serait déficitaire de 3,8 milliards d'euros. La nouvelle convention, sur laquelle je reviendrai, ne produit que des effets limités, moins de 100 millions d'euros en 2017.
Quittant la comptabilité nationale et les administrations de sécurité sociale, j'en viens à la situation des régimes obligatoires de base, qui constituent le champ du PLFSS. La commission des comptes de juin ne comporte traditionnellement que peu d'éléments sur les autres régimes obligatoires de base, je me concentrerai donc sur le régime général et le FSV.
Le solde du régime général et du FSV s'établit à - 7,8 milliards d'euros en 2016, soit une amélioration de 3 milliards d'euros par rapport à 2015 mais une détérioration de 0,7 milliard d'euros par rapport à la dernière prévision.
Par rapport à cette prévision, il manque 1 milliard d'euros de recettes, concentré sur les revenus d'activité. De moindres dépenses, sur les prestations de la branche famille et sur les dépenses de gestion administrative, n'ont pas permis de compenser ces moindres recettes.
J'évoquerai rapidement les différentes branches.
La branche maladie présente un déficit de 4,8 milliards d'euros, en amélioration de 973 millions d'euros. Ce solde est plus dégradé que celui annoncé par la LFSS qui était de 4,4 milliards d'euros mais surtout, ainsi que l'a rappelé le président Durrleman lors de son audition sur la certification des comptes du régime général pour 2016, son amélioration est très largement imputable à un produit exceptionnel de CSG dont le rattachement à l'année 2016 est contestable.
Corrigé de ce produit exceptionnel, le solde de l'assurance maladie serait de 5,5 milliards d'euros, une amélioration de 233 millions d'euros par rapport à 2015.
Comme en 2015, l'Ondam est tenu, le dérapage des soins de ville étant compensé par des mesures de régulation sur l'Ondam hospitalier.
Après 12 années de déficit, la branche vieillesse enregistre un excédent de 919 millions d'euros en 2016, inférieur à la prévision de 1,1 milliard d'euros en PLFSS. La branche bénéficie d'une faible inflation qui limite les revalorisations et des effets cumulés du relèvement progressif de l'âge légal et de l'âge d'annulation de la décote, tandis que le relèvement des taux de cotisations se poursuit.
Grâce à une bonne tenue de ses recettes, le déficit du fonds de solidarité vieillesse se stabilise à un niveau élevé de 3,6 milliards d'euros (0,1 milliard d'euros de moins que la prévision du PLFSS pour 2017).
Le déficit de la branche famille, 1 milliard d'euros, est conforme à la prévision. Il s'améliore de 500 millions d'euros par rapport à 2015.
La branche AT-MP, qui enregistre à la fois un recul de ses charges et de ses produits, consolide son excédent de 0,8 milliard d'euros, supérieur de 0,1 milliard d'euros à la prévision.
Je rappelle qu'un transfert de dette de l'Acoss à la Cades est intervenu en 2016 pour un montant de 23,6 milliards d'euros, saturant l'ensemble des possibilités de transfert prévues par la loi de financement pour 2011. L'Acoss porte donc en trésorerie les déficits du régime général pour 2016 ainsi que ceux de 2015 qui n'ont pu être repris. La situation particulière des taux d'intérêts conduit à un résultat financier positif de 91,7 millions d'euros.
Au sein de la Cades, compte tenu de ce nouveau transfert, 135,8 milliards d'euros restaient à amortir.
A propos de l'année 2017, il est possible de poser le même constat que les années précédentes : le déficit de la sécurité sociale se réduit mais moins que prévu. J'ajouterai : il se réduit beaucoup moins qu'annoncé.
Le solde du régime général et du FSV serait de - 5,5 milliards d'euros en 2017, après 7,8 milliards d'euros en 2016. Cette amélioration du solde, de 2,2 milliards d'euros, est inférieure à celle constatée entre 2015 et 2016 ; elle est inférieure de 1,3 milliards d'euros à l'amélioration prévue par la LFSS pour 2017.
Cet écart est dû à des recettes moins élevées que prévu, qui seraient inférieures de 1,7 milliard d'euros par rapport à la prévision.
L'écart le plus important concerne la branche maladie dont le déficit serait de 4,1 milliards d'euros et non de 2,6 milliards d'euros comme annoncé. Des efforts très importants, que j'ai eu l'occasion de détailler lors de l'examen du PLFSS, avaient pourtant été consentis en recettes au profit de l'assurance maladie : augmentation des droits tabac, transfert de cotisations de la branche AT-MP, concours de la Cnsa et transfert de 874 millions d'euros depuis l'ex section III du FSV pour amorcer le fonds innovation. La commission des comptes souligne que sans ce dernier apport, qualifié de « largement artificiel », le déficit de l'assurance maladie se creuse à 5 milliards d'euros, un résultat moins bon qu'en 2016.
La branche vieillesse consolide son excédent avec un solde de 900 millions d'euros, inférieur au 1,6 milliard attendu. Il semble que les effets à attendre de la restriction du cumul emploi-retraite aient été moindres qu'escompté.
Le solde du FSV se dégrade, quant à lui, à 4 milliards d'euros de déficit. Le solde de l'ensemble vieillesse + FSV, déficitaire de 2,9 milliards d'euros, ne s'améliore pas. Rappelons que le FSV n'a pas connu d'excédent depuis 2008.
La branche famille dont le solde prévisionnel était à l'équilibre, présente un excédent de 500 millions d'euros. Ce résultat serait imputable à une moindre perte de recettes liée à la réduction de la cotisation famille, à un moindre recours à la prestation partagée d'éducation de l'enfant et à une moindre dynamique des prestations extralégales.
La branche AT-MP consolide son excédent à 0,9 milliard d'euros. C'est mieux que prévu en raison d'une baisse des dépenses.
Comme je l'indiquais à propos de 2016, ces résultats sont portés en trésorerie par l'Acoss, pour un montant cumulé de plus de 20 milliards d'euros et pour un résultat financier comparable à celui de 2016, positif de plus de 90 millions d'euros.
La Cades présente à nouveau un montant de dette amortie supérieure à la dette à amortir, qui devrait être de 121 milliards d'euros en fin d'année.
Quelles perspectives après 2017 ?
2018 est une étape difficile dans une trajectoire de retour à l'équilibre qui est, pour ce qui concerne la sécurité sociale, une nouvelle fois différé.
La loi de financement pour 2017 avait prévu un retour à l'équilibre et même un excédent en 2019. Selon cette trajectoire, la branche maladie améliorait successivement son solde de 2,2 milliards d'euros, puis de 2,4 milliards d'euros. Nous venons de voir que nous ne sommes pas sur cette tendance. J'avais alors souligné que les taux de progression de la masse salariale paraissaient élevés au regard de la chronique de sa progression sur la période récente (3,8 % en 2019 et 4,1 % en 2020).
Ces taux de progression ont été revus, pour 2018, par le programme de stabilité d'avril dernier de 3,6 % à 2,9 %. Or un point de masse salariale équivaut à 2 milliards d'euros. Ce serait donc une moindre recette de 1,4 milliard d'euros.
Il faudra trouver un substitut à des recettes exceptionnelles : transfert depuis le FSV, transfert de la branche AT-MP et de la CNSA ne seront pas forcément reconductibles pour la branche maladie, pas plus que les cinq trimestres de taxe sur les véhicules de société pour la branche famille.
Cette dernière recette exceptionnelle se traduit au demeurant par la perception de trois trimestres seulement en 2018, soit une moindre recette de 150 millions d'euros.
Le paiement d'un acompte de C3S en 2017 se traduira par une perte de recettes de 0,4 milliard d'euros en 2018.
S'y ajoute l'effet du crédit d'impôt de taxe sur les salaires mis en place en LFR 2016, pour un montant de 0,6 milliard d'euros.
Au total, 1,2 milliard d'euros de mesures nouvelles négatives affecteront les recettes de la sécurité sociale en 2018.
En dépenses, l'effet en année pleine de la convention médicale (960 millions d'euros) devrait se faire sentir alors que des négociations ont été conclues (chirurgiens-dentistes pour un montant de 140 millions d'euros) ou sont en cours de négociation (infirmiers, pharmaciens, masseurs kinésithérapeutes).
Le protocole professionnel parcours carrières et rémunérations poursuit sa montée en charge, pour un montant cumulé estimé à 536 millions d'euros en 2018 pour la fonction publique hospitalière.
Les tensions sur l'exercice 2018 ne sont donc pas négligeables. Le Gouvernement devra surtout faire face à la moindre progression de la masse salariale.
Plus largement, l'examen de l'exécution du plan de 50 milliards d'économies, dont 21 milliards pour les administrations sociales, atteste de la difficulté à gager des pertes de recettes par une diminution des dépenses. D'abord retardé dans son rythme d'exécution, avant d'être revu à la baisse de 21 à 20 puis à 18 milliards d'euros, le plan est ré estimé à 12,5 milliards d'euros d'économies sur trois ans par la Cour des comptes.
Dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, la Cour des comptes a analysé les écarts en dépenses publiques en France avec la moyenne de l'Union européenne. L'écart principal, 2,8 points de PIB, est représenté par les retraites. Ajouté aux postes santé, famille, chômage et autres protections sociales, l'écart représente 5,5 points de PIB.
A la suite de la révision des projections démographiques par l'Insee, le Conseil d'orientation des retraites estime désormais que le déficit du régime de base devrait se creuser dès 2018.
C'est dans ce contexte dégradé que nous aurons à débattre dans les mois à venir des conséquences d'une réforme systémique.
Notre commission avait alerté à l'automne dernier sur le fait que les régimes de retraite n'étaient pas « à l'équilibre pour des décennies ».
J'en terminerai avec la question de la dette sociale. La dette de la sécurité sociale n'est pas stabilisée tant que les déficits continuent. Elle est une charge supplémentaire pour l'avenir. Si la dette hospitalière se stabilise autour de 30 milliards d'euros, celle de l'assurance-chômage devrait atteindre 40 milliards d'euros à l'horizon 2020.
Dans ses dernières perspectives financières, l'assurance-chômage estime que la nouvelle convention, conjuguée à une révision des règles d'indemnisation des travailleurs frontaliers devrait permettre, en régime de croisière, une économie équivalente au déficit structurel, évalué à 1,5 milliards d'euros. La question de la dette reste donc entière.
Voici, mes chers collègues, les éléments que je souhaitais souligner ce matin, dans la perspective du débat d'orientation des finances publiques.
Je vous remercie.