Merci pour votre invitation pour notre rendez-vous annuel pour la réforme du code du travail : comme cela a déjà été dit, nous avons en effet connu des réformes en 2014, 2015, 2016 et maintenant en 2017. Les lois précédentes ont eu un tel impact sur l'emploi qu'il était nécessaire d'y revenir cette année.
Pour la CFE-CGC, nul besoin d'entrer dans le détail de ce projet de loi d'habilitation. Au fur et à mesure des concertations, les lignes bougent de façon sensible et pas toujours dans le bon sens. Voyez ce qu'il en a été pour la fusion des IRP qui sera obligatoire. On veut imposer un nouveau dialogue social à l'entreprise : est-ce ainsi qu'on souhaite la libérer ?
Au départ, nous avions beaucoup d'espoir car nous prônons le dialogue social au sein de l'entreprise, afin de travailler mieux en son sein, ce qui signifie travailler tous ensemble. L'entreprise est un bien commun qui appartient à ses salariés autant qu'à ses dirigeants et à ses actionnaires. Il est donc nécessaire de revoir la gestion de l'entreprise entre ces différents acteurs de façon plus égalitaire. Hélas, dans les grands groupes, l'actionnaire a pris un poids très important et il pèse sur les décisions : tous les grands groupes ont supprimé des emplois en partie compensés par les TPE, les PME et les ETI. Cette loi semble taillée pour les grands groupes et va pénaliser les petites entreprises qui créent des emplois. Mme la ministre prône la primauté des accords d'entreprise, ce qui ressemble fort à une inversion de la hiérarchie des normes. Ce projet de loi est bien plus dangereux que celui de Mme El Khomri qui ne donnait aux entreprises que la possibilité de peser sur le temps de travail, les durées de pause, les heures supplémentaires et leur taux de majoration... Tout le reste restait du domaine de la branche qui continuait à négocier l'ordre public conventionnel. Demain, les branches ne disposeront plus que de six thèmes leur étant réservés tandis que les autres thèmes seront du ressort de l'accord d'entreprise.
Nous risquons de voir se créer une zone de dumping économique et social, contraire à l'objectif du texte initial, qui prévoyait que la branche renforcerait la cohérence d'ensemble. Renvoyer la rémunération à l'entreprise, c'est accroître le dumping. Rappelez-vous ce qui s'est passé dans l'industrie automobile il y a quelques années avec des donneurs d'ordre qui ont imposé des baisses de prix de 20 % à leurs sous-traitants, sous peine de voir les commandes passer à la Hongrie ou à la Roumanie. Demain, les donneurs d'ordre diront à leurs sous-traitants qu'ils peuvent baisser leurs coûts puisqu'ils disposeront de divers moyens pour réduire les salaires. Les petites structures risquent de pâtir de cette situation.
La multiplication de codes du travail au niveau des entreprises freinera la mobilité : si toutes les entreprises ont leur vision du droit social, le personnel d'encadrement aura du mal à s'y retrouver. D'ailleurs, les grands groupes qui disposent de plusieurs établissements dans notre pays ont tous concentré la négociation au niveau le plus haut de l'entreprise afin de favoriser la mobilité de leurs salariés d'un établissement à l'autre.
Nous partageons l'inquiétude de la précarisation de certains contrats. En outre, comment un demandeur d'emploi parviendra-t-il à s'y retrouver face à des contrats de travail différents en fonction des entreprises auxquelles il s'adressera ? C'est sans doute ce qu'on appelle simplifier le code du travail.
L'état des lieux établi par le Gouvernement n'est pas toujours partagé. Ainsi, on nous dit que la France serait un mauvais élève au niveau du contentieux du droit du travail. Or une étude de 2014 démontre que sur 23 pays européens, la France a un taux de recours à une juridiction du travail de 7,8 % alors que la moyenne européenne est de 10,6 %. J'entends dire aussi que les entreprises sont victimes du système prud'homal. Mais qui est la véritable victime ? C'est quand même le salarié qui a perdu son emploi de façon abusive. Aurait-on le droit de licencier de façon abusive et donc de violer la loi en sachant qu'un barème s'appliquera ? Pourquoi ne pas en faire de même pour le code de la route ou le code du commerce ? Sur Légifrance, 73 codes sont recensés. Or, seul le code du travail semble poser problème.
La CFE-CGC croit beaucoup à l'entreprise et au dialogue social comme facteur de compétitivité. Pour nous, il est important qu'une autre vision de l'entreprise soit défendue pour mieux prendre en compte le moyen et le long terme. L'économie et le social sont les deux faces d'une même pièce. Le renforcement du rôle de l'administrateur salarié ne compensera pas les divers reculs que nous constatons que ce projet de loi d'habilitation. Nous n'avons pas le sentiment que nous ayons une quelconque influence sur les quelques personnes qui tiennent le stylo et qui nous présenteront le projet durant la deuxième quinzaine d'août.