Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 11 juillet 2017 à 14h15
Éloge funèbre de françois fortassin sénateur des hautes-pyrénées

Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, mesdames, messieurs, le 15 mai dernier, nous avons appris avec une profonde tristesse que François Fortassin venait de nous quitter.

Quatre jours plus tard, à Sarp, dans la vallée de la Barousse, si proche des sommets des Pyrénées, à laquelle il tenait tant, nous étions nombreux à lui rendre hommage. Vous étiez là, monsieur le président du Sénat, ainsi que Michel Pélieu, son ami et successeur dans cette assemblée – j’allais dire notre assemblée ! –, le président Didier Guillaume et plusieurs de ses collègues, notamment du groupe du RDSE.

Nous étions nombreux, aux côtés de sa famille et de ses amis, pour nous recueillir et pour rendre à François Fortassin l’hommage qu’il méritait.

Je n’oublierai pas cette journée parce que ce fut mon premier déplacement comme ministre, alors chargé de l’agriculture. Prendre la parole pour la première fois en cette qualité, mais pour rendre hommage à mon ami François Fortassin… vous comprendrez mon émotion. Ainsi donc, nous n’aurons jamais eu le plaisir d’échanger, François et moi, lui en tant que parlementaire et moi en tant que ministre. Je ne doute pas que nos échanges auraient été constructifs, pleins d’humour et d’amitié. Il m’aurait interpellé sur bien des sujets, et, comme il l’a toujours fait, il aurait su faire remonter sa perception du terrain, ses analyses toujours emplies du bon sens qui le caractérisait tant, vous avez raison de le souligner, monsieur le président, toujours empreintes de ce pragmatisme qui lui a permis de connaître une trajectoire politique remarquable, comme il n’y en aura probablement plus beaucoup, pour des raisons que vous connaissez mieux que personne, mesdames, messieurs les sénateurs.

Le pyrénéiste François Fortassin a gravi un à un, tous les échelons du cursus honorum de la vie politique, grâce à sa passion des gens – il n’est de bonne politique que lorsque l’on aime les autres –, et de son territoire, la vallée de la Barousse et les Hautes-Pyrénées.

François Fortassin a commencé sa carrière en 1971, date à laquelle il est élu conseiller municipal de Sarp. Il en devient le maire six ans plus tard et sera constamment réélu jusqu’en 2001, prouvant ainsi que lorsque l’on travaille et que l’on aime un territoire et ses habitants, la confiance naît et ne disparaît pas. Il a été conseiller général de 1979 jusqu’en 2015 et président du conseil général de 1992 à mars 2008. En 1982, il a fait son entrée au conseil régional de Midi-Pyrénées ; il y restera jusqu’en 2001.

Il succède alors au Sénat à François Abadie, dont il est le suppléant, il sera élu sénateur quelques mois plus tard, puis réélu dix ans plus tard, en 2011, dès le premier tour, avec la confiance des grands électeurs des Hautes-Pyrénées, tous conscients de la passion qu’il nourrissait pour ce territoire magnifique. Ils savaient qu’ils avaient au Sénat, avec François Fortassin, un ardent défenseur de leur territoire, mais aussi un vrai fantassin de la République.

Il laisse le souvenir d’un homme de fidélité, de fidélité à la République et à ses grandes valeurs, de fidélité à son territoire, de fidélité à la Haute Assemblée et au parti politique qui a toujours été le sien : le parti radical. Comme vous l’avez rappelé, monsieur le président, les valeurs essentielles du radicalisme s’incarnaient tout à fait dans l’homme qu’était François Fortassin.

Pour avoir souvent parlé avec lui de toutes ses responsabilités électives, celle qu’il apprécia le plus fut celle de président de l’institution départementale. Cela a aussi du sens de le rappeler ici, compte tenu notamment de ce qui se passe depuis plusieurs années. François Fortassin était en effet conscient que le département lui permettait d’avoir directement prise sur le réel et de mener à bien des projets concrets en faveur de son territoire et de ses concitoyens.

Ceux qui ont eu la chance de le côtoyer le savent, François Fortassin mit toute son énergie au service du développement de son département, avec le souci constant de maintenir l’équilibre entre les territoires ruraux et l’agglomération tarbaise. Ce n’était pas toujours facile, et nous sommes nombreux à connaître aujourd’hui la nécessité de préserver ces équilibres.

Partisan de la solidarité territoriale, d’un aménagement équilibré et harmonieux, il est à l’origine de la création, par son conseil général, du fonds d’aménagement rural et du fonds d’équipement urbain qui permettent de soutenir financièrement les communes du département. Plus qu’une réussite, ce fut un exemple pour beaucoup !

En matière touristique, François Fortassin a fait de la reconversion du pic du Midi une priorité à laquelle il est resté attaché jusqu’au bout, et nous sommes nombreux à avoir gravi les pentes du pic du Midi pour observer sur les Pyrénées le rayon vert du soleil couchant. Il a ainsi permis la mise en place d’une réserve internationale du ciel étoilé, dont il était particulièrement fier.

Autre sujet sur lequel François Fortassin s’est fortement impliqué : l’eau et les questions d’irrigation, qui sont primordiales pour nos territoires et notre agriculture, il l’avait su avant les autres.

François Fortassin était d’abord et avant tout un élu de terrain, soucieux d’être concret et efficace et d’améliorer le quotidien des Haut-Pyrénéens. De même, ici, au Sénat, c’est toujours en s’appuyant sur des exemples locaux et sur des expériences vécues dans son territoire qu’il prenait position et s’exprimait, dans une totale liberté, la liberté chère au RDSE mais inhérente à sa personnalité.

En cela, il était un sénateur de terrain, pragmatique, libre, loin des dogmes et des postures, respectueux des idées et des convictions des autres. Il était tout simplement un sénateur utile, utile à la fabrique de la loi, utile à la République.

Au-delà de l’amitié qui nous liait, forgée au sein de la même famille politique, François Fortassin et moi avons été collègues au sein du même groupe politique, et je n’oublierai pas son accueil lorsque je suis arrivé au Sénat, en 2008, alors qu’il était déjà une figure de la Haute Assemblée. Chaque homme, chaque femme est unique, mais François Fortassin était particulièrement unique ! §Il était un sénateur aussi attachant qu’atypique, reconnu et apprécié de tous ses collègues.

Depuis 2001, rares étaient les semaines où François Fortassin ne prenait pas l’avion depuis Tarbes ou Pau pour nous rejoindre au Sénat, ce Sénat qu’il aimait tant et qui le lui rendait bien ! Aussi, lorsque depuis plusieurs mois maintenant, ne le voyant plus à notre réunion de groupe, pas davantage dans l’hémicycle ni même au restaurant du Sénat, oui, nous avions compris que quelque chose se passait, nous savions qu’il menait un combat difficile, dans la plus grande dignité.

Au Sénat de la République, je peux dire que François Fortassin fut un vrai, un ardent défenseur des valeurs républicaines. Il y a quelques mois à peine, j’étais assis à ses côtés dans cet hémicycle lorsqu’il interrogea le garde des sceaux de l’époque sur la nécessité de respecter l’indépendance de l’autorité judiciaire et la séparation des pouvoirs. Cela restera comme sa dernière expression publique au Sénat, elle avait une grande signification.

Tous ceux qui l’ont vu à l’œuvre, en commission comme en séance, gardent de lui le souvenir d’un sénateur profondément attaché aux valeurs de liberté, de solidarité et de tolérance, mais aussi à la laïcité, essentielle à notre République, une laïcité de liberté, qu’il associait à l’école publique à laquelle il devait tant, lui, le professeur d’histoire-géographie qui avait formé des générations de citoyens.

Ces valeurs, il les pratiquait au quotidien depuis sa jeunesse, dans l’exercice de ses mandats, mais aussi dans la pratique du sport, plus exactement du rugby et du cyclisme, deux sports parfaitement enracinés, comme lui, dans les Pyrénées.

Il était un véritable passionné de rugby - ses amis connaissent le surnom qu’il avait dans la mêlée, mais je ne le dévoilerai pas aujourd’hui §– comme il était un vrai passionné du Tour de France. Jeudi, la course passera dans la vallée de la Barousse, et tous ceux qui sont attachés à François Fortassin ne manqueront pas d’avoir une pensée émue pour lui à cette occasion. Enfin, il était un aficionado de tauromachie. En ces trois domaines, il était un expert reconnu, au point, par exemple, d’avoir su tisser une relation étroite et forte entre son département et le Tour de France, nous nous en souviendrons tous.

Qu’il me soit permis aujourd’hui, en ce jour d’étape, à l’approche des Pyrénées, de faire une révélation : si la présence et l’activité en séance publique de François Fortassin durant les chaudes sessions extraordinaires de juillet connaissaient un léger ralentissement, c’était bien sûr parce qu’il ne voulait rien rater des échappées pas plus que des sprints aux arrivées. Il lui arrivait de multiplier les allers et retours entre l’hémicycle et le bureau, tout proche, de son président de groupe et il est bien possible que parfois, un ou deux amendements n’aient pu être défendus !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion