La séance est ouverte à quatorze heures quinze.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, mesdames, messieurs, c’est une voix du Sénat écoutée, tolérante qui s’est éteinte avec François Fortassin.
Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre de la cohésion des territoires, se lèvent.
C’est une figure charismatique et chaleureuse de la Bigorre qui s’en est allée.
François Fortassin, nous le savions, luttait depuis de longs mois, et avec beaucoup de courage, contre la maladie, une maladie qui l’avait affaibli, mais ne l’empêchait pas d’être toujours présent au Sénat, de participer aux travaux de notre bureau, avec la simplicité, l’accessibilité et la chaleur qui ont toujours été sa marque. Cet amoureux de la vie, de son pays et de son territoire nous manque.
Oui, c’est avec émotion que nous avons appris sa disparition le 15 mai dernier, au lendemain même de la cérémonie d’installation du Président de la République, dont il avait parrainé la candidature et qu’il avait soutenu, mais à laquelle son état de santé l’aura empêché d’assister, à l’Élysée.
Nous nous sommes retrouvés le 19 mai, à l’occasion d’une émouvante cérémonie au cœur de sa commune natale de Sarp au milieu de ses proches et de ceux qui lui étaient chers. J’étais accompagné de plusieurs membres du bureau du Sénat, dont François Fortassin était membre depuis 2008, nos collègues Françoise Cartron et Frédérique Espagnac, et de deux présidents de groupes politiques, Didier Guillaume et Jacques Mézard, alors en qualité de membre du Gouvernement, mais qui était, quelques jours auparavant encore, à la tête de son groupe au Sénat.
Cet hommage trouve aujourd’hui, après la reprise de nos travaux en séance publique, son prolongement dans notre hémicycle. François Fortassin représentait le département des Hautes-Pyrénées au sein de notre assemblée depuis le 3 mars 2001, date du décès de François Abadie, dont il était le suppléant depuis 1983. Nous étions alors à quelques semaines des élections sénatoriales.
François Fortassin était un humaniste. Ses convictions républicaines et laïques trouvaient leur expression dans les valeurs du radicalisme, qu’il portait haut et fort, avec un mélange de douceur, de sens de l’écoute, mais aussi de force.
Il sera toujours fidèle à ces valeurs, qu’il retrouva au Sénat au sein du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, et sur la scène politique parmi les radicaux de gauche.
C’est, disait-il, « le parti qui correspond le mieux à ma sensibilité : on y privilégie l’humanisme et l’épanouissement individuel. J’ai été influencé, lors de mes études d’histoire, par les figures d’Alain, de Clemenceau, de Pierre Mendès France, et, plus tard, par celles de Maurice Faure, René Billères, Michel Crépeau et, bien sûr, de François Abadie ».
François Fortassin était professeur certifié d’histoire-géographie. Né le 2 août 1939 dans cette commune de Sarp, dans la vallée de la Barousse qui lui était si chère, il avait, après des études secondaires au lycée de Saint-Gaudens et des études universitaires à Toulouse, enseigné au lycée Théophile-Gautier, puis au collège Victor-Hugo, à Tarbes. Après quelques engagements syndicaux, sa formation historique, ses convictions républicaines, son attachement à la laïcité et son lien viscéral au terroir bigourdan le conduisirent naturellement à l’engagement politique.
Il est élu conseiller municipal en mars 1971 et devient, six ans plus tard, maire de sa commune natale. Il exercera ce mandat qu’il exercera durant vingt-quatre ans, avant d’être contraint d’y renoncer en 2001 en raison de la loi sur la limitation du cumul des mandats, tout en conservant les fonctions de premier adjoint.
Il fut, comme maire de Sarp, l’artisan de la création de la communauté de communes de la vallée de la Barousse. Le défenseur inlassable de son territoire qu’il était s’investit aussi fortement dans le syndicat des eaux de la Barousse et du Comminges.
Sa carrière d’élu local conduisit François Fortassin à exercer le mandat de conseiller général du canton de Mauléon-Barousse. Il fut également, durant près de vingt ans, membre du conseil régional de Midi-Pyrénées, où il présida le groupe des radicaux de gauche. D’avril 1992 à mars 2008, il fut président du conseil général des Hautes-Pyrénées, fonction qu’il marqua durablement de son empreinte.
À la tête de l’assemblée départementale, il s’engagea, durant seize ans, sur tous les grands dossiers concernant les Hautes-Pyrénées, avec le souci premier de maintenir un aménagement équilibré et harmonieux, en particulier entre les territoires ruraux et l’agglomération tarbaise.
Il se battit pour donner une nouvelle impulsion au développement économique du département, créa un fonds d’aménagement rural et un fonds d’équipement urbain pour soutenir les communes du département.
En matière scolaire, le Conseil général réalisa sous son impulsion la réhabilitation de l’ensemble des collèges et soutint le développement d’un pôle universitaire à Tarbes.
Ce qui cependant tenait tout particulièrement à cœur à François Fortassin était la reconversion du pic du Midi en un haut lieu touristique, le « vaisseau des étoiles ». De ce symbole majeur de l’attractivité et du rayonnement des Hautes-Pyrénées, avec Lourdes – voyez quelle diversité républicaine recèle ce département ! –, François Fortassin fit une priorité et s’engagea personnellement en présidant le syndicat mixte.
Qui n’a pas vécu une ascension puis une soirée avec François Fortassin au haut du Pic du Midi entre terre et étoiles, entre gastronomie et chants montagnards, n’a pas connu la quintessence de la vie et de l’air pur partagé. Je vous en apporte le témoignage, j’étais plus lucide à la montée qu’à la descente !
Sourires.
François Fortassin n’avait pas prévu de mener cette carrière nationale. Je le cite : « Je ne m’étais pas fixé d’objectif, mais, à un moment donné, François Abadie a vu en moi son successeur. Cela s’est fait comme ça, simplement. Ce mandat national n’a pas été une préoccupation majeure, mais je l’ai assumé avec beaucoup de bonheur ».
François Fortassin était, je le crois, un sénateur heureux, qui portait sur le mandat sénatorial un regard personnel et aiguisé par l’expérience : « Le Sénat est une chambre de réflexion très utile. Ce que je déplore le plus dans la période actuelle, c’est la dégradation du politique à laquelle on aboutit à travers les réseaux sociaux. Il est bon d’avoir une chambre où peut s’engager la réflexion et qui n’est pas dans la précipitation ou dans l’émotion de l’instant ». Propos à méditer collectivement…
C’est le sens du message que François Fortassin nous délivra constamment, avec le sens du rassemblement, de l’écoute et du dialogue, à l’occasion de chacune des réunions du bureau du Sénat. Ses interventions de bon sens y sonnaient juste et emportaient bien souvent l’adhésion.
Notre collègue était un républicain modéré, mais n’était pas modérément républicain. Il portait au Sénat les valeurs qui étaient les siennes, qu’il s’agisse de la construction européenne – il réclamait inlassablement, même lorsque ce n’était pas du tout la mode, « plus d’Europe et mieux d’Europe » – ou de la laïcité, pour laquelle il s’est toujours battu, considérant qu’il fallait affirmer constamment et avec vigueur ces valeurs que la République porte.
François Fortassin, à titre personnel ou au nom de son groupe, s’intéressait à tous les sujets. Il fut membre successivement des commissions des affaires culturelles, des affaires économiques, où j’ai travaillé à ses côtés, des finances, puis des affaires sociales.
J’ai en mémoire ses dernières interventions, à la fin de l’année dernière, sur le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté ou sur deux textes législatifs relatifs aux activités sportives, un autre sujet qui le passionnait.
Il déposa encore au début de cette année deux propositions de loi, visant à garantir le principe de l’indépendance de la justice et à rétablir les critères de classement des communes situées en zone de revitalisation rurale.
Homme de convictions, François Fortassin était aussi un homme de passions.
Il partageait avec les habitants de sa vallée la passion de la montagne, celle de la chasse – ne m’a-t-il pas fait découvrir à cette occasion l’hypothétique ours ? – la passion de la tauromachie et celle du rugby, sans oublier, bien sûr, les plaisirs de la table, auxquels l’épicurien jovial qu’il était ne demeurait pas insensible.
Je ne saurais enfin oublier, en ce 11 juillet, sa passion pour le Tour de France, lui qui accueillait, il y a encore quelques mois, l’organisateur de l’épreuve en vue de l’édition 2017. Il y voyait « un miracle permanent, 3 500 kilomètres de sourires ». Il en fit un instrument de promotion des Hautes-Pyrénées, à l’occasion du passage annuel de l’épreuve sur les routes et surtout les cols mythiques de son département.
Oui, François Fortassin a voué l’essentiel de son existence et de son énergie à son travail d’élu et de parlementaire. Je souhaite redire notre sympathie aux membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen du Sénat et à ses collègues de la commission des affaires sociales.
(M. le président désigne le fauteuil qu’occupait François Fortassin, où son portrait a été placé.) portait une parcelle vivante de République.
Applaudissements.
Je voudrais aussi transmettre à chacun des membres de sa famille, ceux qui sont ici présents comme à ceux qui n’ont pas pu l’être, à ses six enfants et à tous ses proches, mais aussi à tous les habitants de Sarp – je me souviens de ce chaleureux moment d’amitié que nous avons partagé, entre l’esplanade de l’église, symbole d’une laïcité assumée, et la salle des fêtes – mes condoléances très sincères, que je sais partagées. C’est que François Fortassin, que je vois encore ici présent §
La parole est à M. le ministre.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, mesdames, messieurs, le 15 mai dernier, nous avons appris avec une profonde tristesse que François Fortassin venait de nous quitter.
Quatre jours plus tard, à Sarp, dans la vallée de la Barousse, si proche des sommets des Pyrénées, à laquelle il tenait tant, nous étions nombreux à lui rendre hommage. Vous étiez là, monsieur le président du Sénat, ainsi que Michel Pélieu, son ami et successeur dans cette assemblée – j’allais dire notre assemblée ! –, le président Didier Guillaume et plusieurs de ses collègues, notamment du groupe du RDSE.
Nous étions nombreux, aux côtés de sa famille et de ses amis, pour nous recueillir et pour rendre à François Fortassin l’hommage qu’il méritait.
Je n’oublierai pas cette journée parce que ce fut mon premier déplacement comme ministre, alors chargé de l’agriculture. Prendre la parole pour la première fois en cette qualité, mais pour rendre hommage à mon ami François Fortassin… vous comprendrez mon émotion. Ainsi donc, nous n’aurons jamais eu le plaisir d’échanger, François et moi, lui en tant que parlementaire et moi en tant que ministre. Je ne doute pas que nos échanges auraient été constructifs, pleins d’humour et d’amitié. Il m’aurait interpellé sur bien des sujets, et, comme il l’a toujours fait, il aurait su faire remonter sa perception du terrain, ses analyses toujours emplies du bon sens qui le caractérisait tant, vous avez raison de le souligner, monsieur le président, toujours empreintes de ce pragmatisme qui lui a permis de connaître une trajectoire politique remarquable, comme il n’y en aura probablement plus beaucoup, pour des raisons que vous connaissez mieux que personne, mesdames, messieurs les sénateurs.
Le pyrénéiste François Fortassin a gravi un à un, tous les échelons du cursus honorum de la vie politique, grâce à sa passion des gens – il n’est de bonne politique que lorsque l’on aime les autres –, et de son territoire, la vallée de la Barousse et les Hautes-Pyrénées.
François Fortassin a commencé sa carrière en 1971, date à laquelle il est élu conseiller municipal de Sarp. Il en devient le maire six ans plus tard et sera constamment réélu jusqu’en 2001, prouvant ainsi que lorsque l’on travaille et que l’on aime un territoire et ses habitants, la confiance naît et ne disparaît pas. Il a été conseiller général de 1979 jusqu’en 2015 et président du conseil général de 1992 à mars 2008. En 1982, il a fait son entrée au conseil régional de Midi-Pyrénées ; il y restera jusqu’en 2001.
Il succède alors au Sénat à François Abadie, dont il est le suppléant, il sera élu sénateur quelques mois plus tard, puis réélu dix ans plus tard, en 2011, dès le premier tour, avec la confiance des grands électeurs des Hautes-Pyrénées, tous conscients de la passion qu’il nourrissait pour ce territoire magnifique. Ils savaient qu’ils avaient au Sénat, avec François Fortassin, un ardent défenseur de leur territoire, mais aussi un vrai fantassin de la République.
Il laisse le souvenir d’un homme de fidélité, de fidélité à la République et à ses grandes valeurs, de fidélité à son territoire, de fidélité à la Haute Assemblée et au parti politique qui a toujours été le sien : le parti radical. Comme vous l’avez rappelé, monsieur le président, les valeurs essentielles du radicalisme s’incarnaient tout à fait dans l’homme qu’était François Fortassin.
Pour avoir souvent parlé avec lui de toutes ses responsabilités électives, celle qu’il apprécia le plus fut celle de président de l’institution départementale. Cela a aussi du sens de le rappeler ici, compte tenu notamment de ce qui se passe depuis plusieurs années. François Fortassin était en effet conscient que le département lui permettait d’avoir directement prise sur le réel et de mener à bien des projets concrets en faveur de son territoire et de ses concitoyens.
Ceux qui ont eu la chance de le côtoyer le savent, François Fortassin mit toute son énergie au service du développement de son département, avec le souci constant de maintenir l’équilibre entre les territoires ruraux et l’agglomération tarbaise. Ce n’était pas toujours facile, et nous sommes nombreux à connaître aujourd’hui la nécessité de préserver ces équilibres.
Partisan de la solidarité territoriale, d’un aménagement équilibré et harmonieux, il est à l’origine de la création, par son conseil général, du fonds d’aménagement rural et du fonds d’équipement urbain qui permettent de soutenir financièrement les communes du département. Plus qu’une réussite, ce fut un exemple pour beaucoup !
En matière touristique, François Fortassin a fait de la reconversion du pic du Midi une priorité à laquelle il est resté attaché jusqu’au bout, et nous sommes nombreux à avoir gravi les pentes du pic du Midi pour observer sur les Pyrénées le rayon vert du soleil couchant. Il a ainsi permis la mise en place d’une réserve internationale du ciel étoilé, dont il était particulièrement fier.
Autre sujet sur lequel François Fortassin s’est fortement impliqué : l’eau et les questions d’irrigation, qui sont primordiales pour nos territoires et notre agriculture, il l’avait su avant les autres.
François Fortassin était d’abord et avant tout un élu de terrain, soucieux d’être concret et efficace et d’améliorer le quotidien des Haut-Pyrénéens. De même, ici, au Sénat, c’est toujours en s’appuyant sur des exemples locaux et sur des expériences vécues dans son territoire qu’il prenait position et s’exprimait, dans une totale liberté, la liberté chère au RDSE mais inhérente à sa personnalité.
En cela, il était un sénateur de terrain, pragmatique, libre, loin des dogmes et des postures, respectueux des idées et des convictions des autres. Il était tout simplement un sénateur utile, utile à la fabrique de la loi, utile à la République.
Au-delà de l’amitié qui nous liait, forgée au sein de la même famille politique, François Fortassin et moi avons été collègues au sein du même groupe politique, et je n’oublierai pas son accueil lorsque je suis arrivé au Sénat, en 2008, alors qu’il était déjà une figure de la Haute Assemblée. Chaque homme, chaque femme est unique, mais François Fortassin était particulièrement unique ! §Il était un sénateur aussi attachant qu’atypique, reconnu et apprécié de tous ses collègues.
Depuis 2001, rares étaient les semaines où François Fortassin ne prenait pas l’avion depuis Tarbes ou Pau pour nous rejoindre au Sénat, ce Sénat qu’il aimait tant et qui le lui rendait bien ! Aussi, lorsque depuis plusieurs mois maintenant, ne le voyant plus à notre réunion de groupe, pas davantage dans l’hémicycle ni même au restaurant du Sénat, oui, nous avions compris que quelque chose se passait, nous savions qu’il menait un combat difficile, dans la plus grande dignité.
Au Sénat de la République, je peux dire que François Fortassin fut un vrai, un ardent défenseur des valeurs républicaines. Il y a quelques mois à peine, j’étais assis à ses côtés dans cet hémicycle lorsqu’il interrogea le garde des sceaux de l’époque sur la nécessité de respecter l’indépendance de l’autorité judiciaire et la séparation des pouvoirs. Cela restera comme sa dernière expression publique au Sénat, elle avait une grande signification.
Tous ceux qui l’ont vu à l’œuvre, en commission comme en séance, gardent de lui le souvenir d’un sénateur profondément attaché aux valeurs de liberté, de solidarité et de tolérance, mais aussi à la laïcité, essentielle à notre République, une laïcité de liberté, qu’il associait à l’école publique à laquelle il devait tant, lui, le professeur d’histoire-géographie qui avait formé des générations de citoyens.
Ces valeurs, il les pratiquait au quotidien depuis sa jeunesse, dans l’exercice de ses mandats, mais aussi dans la pratique du sport, plus exactement du rugby et du cyclisme, deux sports parfaitement enracinés, comme lui, dans les Pyrénées.
Il était un véritable passionné de rugby - ses amis connaissent le surnom qu’il avait dans la mêlée, mais je ne le dévoilerai pas aujourd’hui §– comme il était un vrai passionné du Tour de France. Jeudi, la course passera dans la vallée de la Barousse, et tous ceux qui sont attachés à François Fortassin ne manqueront pas d’avoir une pensée émue pour lui à cette occasion. Enfin, il était un aficionado de tauromachie. En ces trois domaines, il était un expert reconnu, au point, par exemple, d’avoir su tisser une relation étroite et forte entre son département et le Tour de France, nous nous en souviendrons tous.
Qu’il me soit permis aujourd’hui, en ce jour d’étape, à l’approche des Pyrénées, de faire une révélation : si la présence et l’activité en séance publique de François Fortassin durant les chaudes sessions extraordinaires de juillet connaissaient un léger ralentissement, c’était bien sûr parce qu’il ne voulait rien rater des échappées pas plus que des sprints aux arrivées. Il lui arrivait de multiplier les allers et retours entre l’hémicycle et le bureau, tout proche, de son président de groupe et il est bien possible que parfois, un ou deux amendements n’aient pu être défendus !
Sourires.
À propos d’amendements, il en est un dont il était très fier – il en avait permis l’adoption à la quasi-unanimité de la Haute Assemblée –, et dont il parlait très souvent, s’assurant ainsi un franc succès dans son département. Dans le cadre de la discussion de la loi relative au Grenelle de l’environnement, l’amendement déposé indiquait tout simplement ceci : « Les herbivores doivent manger de l’herbe », rappelant ainsi avec son bon sens légendaire que « si l’on avait fait manger de l’herbe aux vaches, on n’aurait jamais eu la vache folle. » Cela résume le bon sens, le sens du terrain et de la réalité de François Fortassin.
C’est bien cette voix pragmatique et sincère, celle d’un vrai républicain qui savait toujours ramener les débats à l’essentiel, à savoir l’utilité de la loi, sa perception par les citoyens et ses effets véritables sur le quotidien des Français, oui, c’est cette voix qui s’est tue, cet éclairage qui s’est éteint et qui désormais manquera à tous ses collègues sénateurs.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, homme de passions, homme d’un territoire, homme de son territoire, homme de valeurs fortes, avec la République chevillée au corps, François Fortassin restera une grande figure du radicalisme, un grand élu local du Sud-Ouest, un territoire chaleureux, et un parlementaire assidu, utile et toujours libre, dans son expression comme dans ses votes. Apprécié de tous, François Fortassin s’en est allé le 15 mai dernier, et ceux qui l’ont connu savent qu’il a désormais trouvé sa place dans ce ciel étoilé des Hautes-Pyrénées, quelque part au-dessus du pic du Midi.
Au nom du gouvernement de la République, j’adresse à toute sa famille, à tous ses proches, aux habitants de ce territoire qu’il aimait tant, à ses concitoyens, mes condoléances les plus sincères, et les plus attristées.
Applaudissements.
M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, mesdames, messieurs, non sans vous avoir remerciés de votre présence nombreuse, je vous invite maintenant à partager un moment de recueillement à la mémoire de François Fortassin.
Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre, observent une minute de silence.
Conformément à notre tradition, en signe d’hommage à François Fortassin, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à quatorze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Claude Gaudin.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, après engagement de la procédure accélérée, rétablissant la confiance dans l’action publique (projet n° 581, texte de la commission n° 609, rapport n° 607, avis n° 602) et du projet de loi organique rétablissant la confiance dans l’action publique (projet n° 580, texte de la commission n° 608, rapport n° 607, avis n° 602).
Je rappelle que la discussion générale commune a été close.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour un rappel au règlement.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le débat relatif au projet de loi visant à rétablir la confiance dans la vie publique est important et fondamental, comme j’ai eu l’occasion de le souligner hier.
Les dernières campagnes électorales, les dernières modalités d’exercice du pouvoir, la place des médias dans la vie politique ont mis en exergue l’exaspération, voire le ras-le-bol de nos concitoyens face à la place croissante de l’argent dans la vie politique. Cette question traverse, me semble-t-il, toute la société.
Comment ne pas parler de la représentativité des élus ? Comment ne pas parler de la place des médias, de leurs rapports avec puissances d’argent et forces politiques dans un tel débat ? Comment ne pas parler des instituts de sondage aux mains des grands groupes privés ?
Le Parlement, monsieur le président de la commission des lois, doit demeurer un lieu de débat, un lieu de propositions, y compris des propositions alternatives. Si le débat dans sa plénitude n’a pas lieu au Parlement, où aura-t-il lieu ? Au conseil des ministres ?
De nombreuses – trop nombreuses ! – irrecevabilités ont été décrétées pour refuser d’emblée l’examen d’amendements, la plupart d’entre elles au motif que ces derniers n’auraient pas, comme l’exige l’article 45 de la Constitution, de lien direct ou, j’y insiste, indirect avec le projet de loi.
Monsieur le président de la commission des lois, vous savez que la réforme constitutionnelle de 2008 avait pour objet d’élargir le droit d’amendement, et non pas de le restreindre. Voulez-vous que je vous donne lecture du rapport de M. Hyest, votre prédécesseur, et de ses interventions en séance publique en la matière ?
Vous me direz que c’est le Conseil constitutionnel qui, dans l’un de ces revirements de jurisprudence dont il a le secret, a poussé à restreindre le champ du droit d’amendement. Cela pose une nouvelle fois le problème de la légitimité du Conseil constitutionnel pour décider de l’organisation démocratique de nos institutions. Le Parlement doit défendre ses prérogatives avec fermeté.
Le renforcement du pouvoir exécutif décidé et mis en œuvre très rapidement par M. Macron doit nous faire réfléchir. Le droit d’amendement est crucial pour respecter l’équilibre des pouvoirs et leur séparation. Ce n’est pas au Gouvernement de décider, pour la rédaction de son projet de loi et de ses articles, le champ du droit d’amendement, car c’est à cela que revient l’utilisation abusive de l’article 45. Vous donnez au Gouvernement la clef du droit d’amendement, de ce qu’il reste du droit d’amendement.
Je vous demande solennellement, monsieur le président de la commission des lois, de revenir sur cette décision, qui met en péril un droit constitutionnel essentiel, lequel caractérise le pouvoir de faire la loi.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.
Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
Madame la présidente Assassi, vous n’êtes pas la seule, hélas !, à avoir dû souffrir de l’application de l’article 45 de la Constitution dans ce débat, comme il en fut de même pour d’autres textes. D’autres collègues, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, ont eu à déplorer l’irrecevabilité de leurs amendements du fait que ceux-ci n’étaient pas suffisamment directement liés à l’objet du texte dont nous discutons.
Je vous rappelle que, récemment, dans le cadre de l’examen du texte de modernisation de la justice du XXIe siècle et du texte relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique présenté par Michel Sapin, le Conseil constitutionnel a eu à réaffirmer sa jurisprudence – je parle sous le contrôle de Mme la garde des sceaux –, une jurisprudence que l’on peut juger sévère, mais qui est en tout cas très nette.
La décision prise ce matin par la commission des lois de déclarer des amendements irrecevables est une sorte d’obligation : nous sommes les gardiens du respect de la procédure législative telle que l’a définie la Constitution, celle-ci étant interprétée par le Conseil constitutionnel seul. Notre marge de manœuvre est, hélas, tout à fait faible dans ce domaine.
J’ajoute que ce n’est pas le titre d’un projet de loi qui détermine le champ des amendements possible. Quand il s’agit de parler de confiance ou de moralisation, on pourrait dire que tout se rapporte au projet de loi ; aucune irrecevabilité ne serait alors « recevable », si je puis dire.
En fait, c’est le contenu même des dispositions proposées par le Gouvernement qui détermine le champ des irrecevabilités. À cet égard, tous les amendements déclarés irrecevables le sont réellement, sous réserve de l’appréciation souveraine du Conseil constitutionnel. Si ce texte est adopté, le Conseil constitutionnel peut être amené à statuer sur la régularité de la procédure législative : il dira alors le droit.
Nous passons à la discussion du projet de loi, dans le texte de la commission.
TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES À LA PEINE D’INÉLIGIBILITÉ EN CAS DE CRIMES OU DE MANQUEMENTS À LA PROBITÉ
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 107 est présenté par MM. Cabanel, Montaugé, Sueur, Vandierendonck et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 197 rectifié bis est présenté par M. Labbé et Mme Archimbaud.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code électoral est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 44, il est inséré un article L. 44-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 44 -1. – Ne peuvent faire acte de candidature les personnes dont le bulletin n° 2 du casier judiciaire comporte une mention de condamnation pour l’une des infractions suivantes :
« 1° Les crimes ;
« 2° Les délits prévus aux articles 222-27 à 222-31, 222-33 et 225-5 à 225-7 du code pénal ;
« 3° Les délits traduisant un manquement au devoir de probité prévus à la section 3 du chapitre II du titre III du livre IV du même code ;
« 4° Les délits traduisant une atteinte à la confiance publique prévus aux articles 441-2 à 441-6 dudit code ;
« 5° Les délits de corruption et de trafic d’influence prévus aux articles 433-1, 433-2, 434-9, 434-9-1, 435-1 à 435-10 et 445-1 à 445-2-1 du même code ;
« 6° Les délits de recel, prévus aux articles 321-1 et 321-2 dudit code, ou de blanchiment, prévus aux articles 324-1 et 324-2 du même code, du produit, des revenus ou des choses provenant des infractions mentionnées aux 1° et 2° du présent article ;
« 7° Les délits prévus aux articles L. 86 à L. 88-1, L. 91 à L. 100, L. 102 à L. 104, L. 106 à L. 109, L. 111, L. 113 et L. 116 du présent code ;
« 8° Le délit prévu à l’article 1741 du code général des impôts.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. » ;
2° Le 3° de l’article L. 340 est ainsi rétabli :
« 3° Les personnes dont le bulletin n° 2 du casier judiciaire comporte une mention de condamnation pour l’une des infractions mentionnées à l’article L. 44-1. » ;
3° Au premier alinéa de l’article L. 388, les mots : « loi n° 2017-286 du 6 mars 2017 tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques et des candidats » sont remplacés par les mots : « loi n° … de … pour la régulation de la vie publique » ;
4° Au dernier alinéa de l’article L. 558-11, après la référence : « L. 203 », sont insérés les mots : « ainsi que le 3° ».
II. – Le a du 3° du I de l’article 15 de la loi n° 2016-1048 du 1er août 2016 rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales est ainsi rédigé :
« a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« “I. – Le titre Ier du livre Ier du présent code, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-1048 du 1er août 2016 rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales, à l’exception des articles L. 15, L. 15-1, L. 46-1 et L. 66, est applicable à l’élection :” ; ».
III. – Les I et II du présent article s’appliquent :
1° S’agissant des conseillers municipaux, des conseillers communautaires et des conseillers de Paris, à compter du premier renouvellement général des conseils municipaux suivant la promulgation de la présente loi ;
2° S’agissant des conseillers départementaux, à compter du premier renouvellement général des conseils départementaux suivant sa promulgation de la présente loi ;
3° S’agissant des conseillers régionaux, des conseillers à l’Assemblée de Corse, des conseillers à l’assemblée de Guyane et des conseillers à l’assemblée de Martinique, à compter du premier renouvellement général des conseils régionaux suivant la promulgation de la présente loi.
La parole est à M. Henri Cabanel, pour présenter l'amendement n° 107.
On ne peut pas dire que l’on veut rétablir la confiance des citoyens envers l’action publique si l’on ne montre pas à ces derniers que nous voulons réellement nous ancrer dans l’exemplarité et que nous souhaitons une équité entre les élus et eux-mêmes.
La bonne intention, c’est bien, mais les Français attendent des actes ! L’obligation faite aux candidats d’avoir un casier vierge pour ce qui concerne la probité et les atteintes physiques est une attente forte des citoyens, relayée par de nombreuses associations.
Aussi, l’amendement que nous présentons a pour objet de répondre à la double nécessité d’exemplarité et d’équité. Nous en avons déjà largement débattu dans cet hémicycle dans le cadre de l’examen de la loi Sapin II. Je rappelle d’ailleurs que cela figurait dans le programme du candidat Emmanuel Macron.
Ces sujets troublent le débat politique, ainsi que l’action de milliers d’élus qui travaillent pour l’intérêt général avec abnégation et qui sont pourtant amalgamés avec les affaires d’une poignée d’autres. Nous ne pouvons nous exonérer de ces prises de position à l’heure où nous débattons d’un projet de loi dont l’objet est de rétablir la confiance.
En effet, plus de 300 professions exigent un casier vierge pour toute candidature, alors que, aujourd'hui, un candidat à une élection peut s’en exonérer. Comment faire comprendre cela à des Français qui, dans leur grande majorité, pensent que cette obligation existe déjà ?
Lors du dépôt au Sénat des deux propositions de loi visant à instaurer une obligation de casier vierge, lesquelles ont également été déposées sur le bureau de l'Assemblée nationale par Fanny Dombre Coste, l’anticonstitutionnalité du dispositif a été évoquée. Pourtant, le texte a été adopté par l'Assemblée nationale, et de nombreux experts affirment sa constitutionnalité. Je vous demande donc de penser à l’image que nous donnons de nos hémicycles, à la volonté et à la sincérité que nous nous devons de porter, à la nécessité de prouver nos changements de pratique.
Aujourd'hui, ne nous enfermons pas dans les combats de juristes, car ceux-ci sont décalés avec la défiance des citoyens, qui ne voient dans ces querelles que l’envie des élus de ne surtout rien bousculer et ironisent sur le fait que si l’obligation de fournir un casier vierge était votée, il n’y aurait plus de candidat aux élections…
La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l'amendement n° 197 rectifié bis.
Mes chers collègues, cela me fait bizarre d’intervenir en tant que sénateur ne figurant sur la liste d’aucun groupe, mais c’est ainsi…
Tout d’abord, je souscris pleinement aux explications qui viennent d’être avancées par notre collègue Henri Cabanel. D’ailleurs, c’est à cause d’un problème technique que je n’ai pas cosigné son amendement.
Mon amendement vise également à rendre obligatoire la production d’un casier vierge de certaines infractions pour les candidats aux élections municipales, départementales et régionales. Il s’agit du bulletin n° 2, dont il est possible de demander l’effacement des condamnations après un certain temps, ce qui répond à la crainte d’une inéligibilité permanente, qui serait contraire aux droits de l’homme.
De plus, cet amendement est de nature à éviter soigneusement de mentionner les atteintes aux biens, ce qui permet de garantir que des militants politiques s’étant livrés à des actes de désobéissance civile puissent se présenter à des élections. Je pense en particulier aux faucheurs volontaires d’OGM, que je salue
Rires sur les travées du groupe Les Républicains.
M. Joël Labbé. … aux actes de résistance contre la ferme des mille vaches ou aux démonteurs des McDonald’s, qui luttent contre l’industrialisation à outrance de notre agriculture, ou encore aux actions des « faucheurs de chaises », qui luttent contre l’évasion fiscale.
M. Alain Bertrand applaudit.
L'amendement n° 232 rectifié bis, présenté par Mme Laborde, MM. Arnell, Bertrand et Collin, Mme Costes, M. Guérini, Mme Jouve et M. Requier, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code électoral est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 44, il est inséré un article L. 44-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 44 -1. – Ne peuvent faire acte de candidature les personnes dont le bulletin n° 2 du casier judiciaire comporte une mention de condamnation pour l’une des infractions suivantes :
« 1° Les crimes ;
« 2° Les délits prévus aux articles 222-27 à 222-31, 222-33 et 225-5 à 225-7 du code pénal ;
« 3° Les délits traduisant un manquement au devoir de probité prévus à la section 3 du chapitre II du titre III du livre IV du même code ;
« 4° Les délits traduisant une atteinte à la confiance publique prévus aux articles 441-2 à 441-6 dudit code ;
« 5° Les délits de corruption et de trafic d’influence prévus aux articles 433-1, 433-2, 434-9, 434-9-1, 435-1 à 435-10 et 445-1 à 445-2-1 du même code ;
« 6° Les délits de recel, prévus aux articles 321-1 et 321-2 dudit code, ou de blanchiment, prévus aux articles 324-1 et 324-2 du même code, du produit, des revenus ou des choses provenant des infractions mentionnées aux 1° et 2° du présent article ;
« 7° Les délits prévus aux articles L. 86 à L. 88-1, L. 91 à L. 100, L. 102 à L. 104, L. 106 à L. 109, L. 111, L. 113 et L. 116 du présent code ;
« 8° Le délit prévu à l’article 1741 du code général des impôts.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. » ;
2° Le 3° de l’article L. 340 est ainsi rétabli :
« 3° Les personnes dont le bulletin n° 2 du casier judiciaire comporte une mention de condamnation pour l’une des infractions mentionnées à l’article L. 44-1. » ;
3° Au premier alinéa de l’article L. 388, la référence : « loi n° 2017-286 du 6 mars 2017 tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques et des candidats » est remplacée par la référence : « loi n° … du … pour la régulation de la vie publique » ;
4° Au dernier alinéa de l’article L. 558-11, après la référence : « L. 203 », sont insérés les mots : « ainsi que le 3° ».
II. – Le a du 3° du I de l’article 15 de la loi n° 2016-1048 du 1er août 2016 rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales est ainsi rédigé :
« a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« “I. – Le titre Ier du livre Ier du présent code, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-1048 du 1er août 2016 rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales, à l’exception des articles L. 15, L. 15-1, L. 46-1 et L. 66, est applicable à l’élection :” ; ».
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Ces derniers mois nous l’ont montré, la conformité aux lois de la République est l’une des premières qualités que nos concitoyens recherchent chez leurs représentants. Pour répondre à cette attente, le Gouvernement propose de rendre quasiment automatique le prononcé des peines complémentaires d’inéligibilité lorsqu’un individu est condamné pour avoir commis un crime ou certains délits.
De notre point de vue, cette solution n’est pas complètement satisfaisante, puisque, et, d’une certaine manière, à juste titre, le principe d’individualisation des peines fait obstacle à ce que la peine d’inéligibilité soit absolument automatique. Il restera donc toujours possible de passer entre les gouttes.
De plus, la solution proposée par le Gouvernement réserve la quasi-automaticité de cette peine complémentaire à une liste limitée de délits, dont on peut contester l’exhaustivité.
Enfin, même si, pour ces crimes et délits, le prononcé de l’inéligibilité deviendra la règle et non plus l’exception, il faut souligner que l’avancée attendue est moindre, puisque, à l’heure actuelle, les magistrats disposent déjà de cette possibilité.
C’est pourquoi nous proposons de revenir à la proposition adoptée en février dernier par l'Assemblée nationale, qui pose comme préalable à la candidature à une élection le fait de présenter un bulletin n° 2 de casier judiciaire vierge, ce qui ne fera pas porter au juge la difficile responsabilité de définir la vertu politique des uns et des autres.
Le paradoxe de ces amendements, c’est qu’ils paraissent plus sévères que le texte, tel qu’il a été approuvé par la commission des lois, alors que, en réalité, ils le sont moins. En effet, l’effacement d’une mention sur le bulletin n° 2 du casier judiciaire peut se faire à partir d’un délai de six mois après la condamnation.
La règle risque d’être appliquée de manière très aléatoire : dans un cas, le condamné aura demandé et obtenu l’effacement dans les délais nécessaires pour présenter sa candidature ; dans l’autre, il n’aura pas pris cette précaution.
Par ailleurs, la Haute Assemblée se doit de protéger les droits fondamentaux. Or quel droit est plus fondamental que celui, pour un citoyen français, de se présenter à une élection ?
N’oublions pas que le nombre de candidats aux élections est considérable. Pour m’en tenir à l’exemple des élections municipales, tous les six ans, plus de 1, 5 million de Français se présentent aux élections. Cette question que nous traitons n’est donc nullement anecdotique. Au contraire, nous discutons de la mise en œuvre d’un droit fondamental. Personnellement, j’estime qu’il est choquant de ne pas prévoir l’intervention d’un juge pour décider d’une inéligibilité.
Ainsi, mes chers collègues, je vous invite à suivre la position du Gouvernement, qui, comme Mme la garde des sceaux le soulignera certainement dans quelques instants, est plus respectueuse des droits fondamentaux et assure l’égalité entre les personnes condamnées ; elle est en outre plus sévère que l’option proposée par les auteurs des amendements, puisque certains délits et les crimes mettant en cause la probité d’un candidat dans l’usage des deniers publics entraîneront une condamnation à dix ans d’inéligibilité, que le juge ne pourra écarter qu’en motivant sa décision, dans la mesure où, ce faisant, il dérogera à la règle que le législateur aura fixée.
Une règle plus sévère, égale pour tous et qui ne s’appliquera pas rétroactivement sans l’intervention d’un juge : compte tenu de ces avantages du dispositif dans sa version actuelle, j’invite nos collègues à retirer leurs amendements, auxquels je serais fermement défavorable s’ils étaient maintenus.
Le Gouvernement souscrit, bien entendu, à l’objectif de renforcement de la probité des candidats aux élections politiques. Seulement, il a écarté au moment de l’élaboration du projet de loi l’idée d’interdire à des personnes ayant été définitivement condamnées de faire acte de candidature à une élection, qui lui a paru soulever un risque constitutionnel, d’ailleurs signalé par le Conseil d’État dans son avis.
En effet, il existe un doute sur la constitutionnalité d’une mesure susceptible d’être analysée comme une peine automatique, portant atteinte, de ce fait, au principe d’individualisation des peines tel qu’il découle de l’article VIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
C’est pourquoi le Gouvernement a fait le choix d’une peine d’inéligibilité obligatoire prononcée explicitement par le juge, en fonction d’une décision spécialement motivée, et qui pourra être écartée expressément en raison des circonstances de l’espèce.
Comme la commission, le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces amendements.
Non, monsieur le président : je le retire au profit de l’amendement, plus complet, de M. Cabanel.
L’amendement n° 197 rectifié bis est retiré.
Madame Laborde, l’amendement n° 232 rectifié bis est-il maintenu ?
Puisqu’il ne plaît pas, je le retire, monsieur le président. Mais il n’en sera pas toujours ainsi !
L’amendement n° 232 rectifié bis est retiré.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote sur amendement n° 107.
Nous discutons d’un projet de loi qui vise à restaurer la confiance de nos concitoyens et à « moraliser » la vie politique. Or il me semble que le premier moyen de gagner la confiance de nos concitoyens est de faire ce qu’on leur a promis !
Je ne crois pas m’être trompée en entendant à plusieurs reprises le Président de la République annoncer qu’il rendrait impossible la candidature aux élections parlementaires des personnes ne disposant pas d’un casier judiciaire vierge. Et voilà que, soudain, on trouverait des raisons pour ne pas tenir cet engagement ?
Je sais bien que c’est à la mode, puisque le président de l’Assemblée nationale lui-même, après avoir annoncé qu’il soutiendrait le candidat issu des primaires, en a soutenu un autre…
Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.
Premièrement, ce que nous proposons n’est pas contradictoire avec la procédure défendue par le Gouvernement, mais complémentaire de celle-ci. Deuxièmement, l’incertitude constitutionnelle, qui pourrait être un argument – j’insiste sur le conditionnel –, sera vite tirée au clair : on saura donc si le problème est technique ou de fond.
À la vérité, le seul motif d’invalidation retenu par le Conseil constitutionnel contre les dispositions figurant dans la loi Sapin II était qu’elles relevaient du domaine organique. Si donc l’amendement de mon collègue Cabanel, que pour ma part je crois tout à fait conforme à la Constitution, n’est pas adopté, vous ne pourrez pas vous dérober sur le fond – en effet, il s’agit bien d’un débat de fond – lors de l’examen du projet de loi organique !
Les deux mécanismes sont, je le répète, complémentaires, puisque les nouvelles dispositions ne s’appliqueront qu’aux délits commis après la promulgation de la loi, tandis que la procédure fondée sur le casier judiciaire vise les délits antérieurs. Or ce qu’attendent nos concitoyens, c’est justement qu’il n’y ait pas de passe-droits, de combines, pour essayer de se soustraire à l’exigence de probité !
M. Joël Labbé applaudit.
À cet argument du respect de l’engagement pris, qui est un argument très fort, madame la garde des sceaux, j’en ajouterai plusieurs autres.
Dois-je vous rappeler que le Conseil constitutionnel a affirmé, dans sa décision du 18 novembre 1982, que « la qualité de citoyen ouvre le droit de vote et l’éligibilité dans des conditions identiques à tous ceux qui n’en sont pas exclus pour une raison d’âge, d’incapacité ou de nationalité, ou pour une raison tendant à préserver la liberté de l’électeur ou l’indépendance de l’élu » ?
Or notre amendement tend à respecter aussi bien la liberté de l’électeur que l’indépendance de l’élu, dans la mesure où il ne vise que des comportements malhonnêtes ayant été prouvés et condamnés lors de procès réguliers et contradictoires.
En outre, madame la garde des sceaux, nous n’entendons aucunement instaurer une peine. L’inscription d’une condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire n’est pas une peine prononcée par le juge, mais la conséquence effective et de plein droit de cette condamnation sur le fondement du code de procédure pénale. Elle n’a en aucune façon le caractère d’une peine complémentaire, et le juge n’intervient que pour déroger à la règle en ordonnant une non-inscription. Il est donc inadéquat, monsieur le rapporteur, de qualifier de « punitif » le dispositif que nous proposons.
Enfin, si ces dispositions demeurent punitives aux yeux de certains, il faut rappeler que la jurisprudence constitutionnelle, que, madame la garde des sceaux, vous ne pouvez ignorer, a évolué depuis la censure de l’article 7 du code électoral, de sorte qu’il n’existe pas d’interdiction de principe des peines obligatoires.
Dans sa jurisprudence la plus récente, que vous connaissez très bien, le Conseil constitutionnel subordonne leur conformité au principe d’individualisation des peines en se fondant sur un certain nombre de critères, que remplit la condition d’éligibilité. En conséquence, si l’inscription d’une condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire est de droit, elle n’est pas automatique, le juge pouvant à tout moment ordonner son omission.
En définitive, il existe un lien manifeste entre, d’une part, l’infraction prise en compte pour apprécier l’éligibilité d’une personne et la gravité de celle-ci, et, d’autre part, l’exercice d’un mandat électif. J’espère, madame la garde des sceaux, que vous aurez été sensible à notre argumentation en faveur de l’amendement de M. Cabanel.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Corinne Bouchoux et M. Joël Labbé applaudissent également.
L'amendement n'est pas adopté.
Le code pénal est ainsi modifié :
1° Après l’article 131-26-1, il est inséré un article 131-26-2 ainsi rédigé :
« Art. 131-26-2. – Par dérogation à l’avant-dernier alinéa de l’article 131-26 et à l’article 131-26-1, le prononcé de la peine complémentaire d’inéligibilité mentionnée au 2° de l’article 131-26 et à l’article 131-26-1 est obligatoire à l’encontre de toute personne coupable de l’une des infractions suivantes :
« - les crimes prévus par le présent code ;
« - les délits prévus aux articles 432-10 à 432-15, 433-1 et 433-2, 434-9, 434-9-1, 434-43-1, 435-1 à 435-10, et 445-1 à 445-2-1, ainsi que le blanchiment de ces délits ;
« - les délits prévus aux articles 441-2 à 441-6 ;
« - les délits prévus aux articles L. 86 à L. 88-1, L. 91 à L. 104, L. 106 à L. 109, L. 111, L. 113 et L. 116 du code électoral ;
« - les délits prévus aux articles 1741 et 1743 du code général des impôts, lorsqu’ils sont commis en bande organisée ou lorsqu’ils résultent de l’un des comportements mentionnés aux 1° à 5° de l’article L. 228 du livre des procédures fiscales, ainsi que le blanchiment de ces délits ;
« - les délits prévus aux articles L. 465-1 à L. 465-3-3 du code monétaire et financier ;
« - les délits prévus aux articles L. 113-1 du code électoral et 11-5 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique ;
« - les délits prévus aux articles LO 135-1 du code électoral et 26 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.
« Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. » ;
2° Le dernier alinéa des articles 432-17 et 433-22 est supprimé ;
3° À l’article 711-1, les mots : « de la loi n° 2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique » sont remplacés par les mots : « de la loi n° … du … pour la régulation de la vie publique ».
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 108 rectifié, présenté par Mme Rossignol, MM. Sueur et Leconte, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Botrel, Mmes Cartron et Conway-Mouret, M. Duran, Mmes Féret, Génisson et Lepage, MM. Lozach, Marie et Mazuir, Mmes Meunier et D. Michel, MM. Roger et Roux, Mmes Tasca et Yonnet, M. Vandierendonck et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« – les délits prévus aux articles 222-33 et 222-33-2 du code pénal ;
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Le présent projet de loi prévoit des peines complémentaires automatiques d’inéligibilité pour les personnes exerçant une fonction publique ayant commis des atteintes à la probité. Il retient un large bloc d’infractions, étendant ainsi ce qui avait déjà été prévu par la loi Sapin.
Toutefois, les élus ne sont pas seulement des détenteurs de l’autorité publique ; ils sont aussi des employeurs disposant de collaborateurs, voire d’un cabinet. Ils peuvent commettre des infractions et faire l’objet de condamnations pénales dans le cadre de ces relations de travail.
Nous connaissons tous le cas de ce maire, dont j’aurai la délicatesse de ne pas nommer la commune, qui, condamné pour agression sexuelle à l’égard de l’une de ses employés, a néanmoins échappé à une peine d’inéligibilité et continue tranquillement d’exercer ses fonctions, alors que sa victime, elle, est complètement détruite et ne peut plus travailler.
De là le présent amendement, qui est soutenu par l’ensemble de mon groupe et que la commission des lois a, je crois, accueilli favorablement. Il vise à étendre la peine d’inéligibilité obligatoire aux condamnations pour harcèlement sexuel ou moral.
Il s’agit, bien entendu, de la probité des élus et de leur exemplarité, mais aussi de la protection qu’il convient d’assurer à des salariés qui, dans le cadre d’un lien de subordination très particulier, de relations de travail tout à fait spécifiques, ne bénéficient pas toujours du cadre collectif et des protections garantis à d’autres salariés.
L’amendement n° 234 rectifié, présenté par Mme Laborde, MM. Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin et Collombat, Mme Costes, M. Guérini et Mme Jouve, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« – les délits prévus aux articles 222-7 à 222-16-3, 222-33, 222-33-2 à 222-33-2-2 et 223-13 du présent code.
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Il me semble que les dispositions de mon amendement vont encore plus loin que celles qui sont proposées par Mme Rossignol, mais le principe en est identique.
Dans sa rédaction actuelle, l’article 1er du projet de loi réserve le nouveau régime de peines complémentaires d’inéligibilité aux crimes, ainsi qu’à une liste de délits. Or le problème des listes, c’est qu’elles sont rarement exhaustives. S’agissant des infractions susceptibles d’entraîner ces nouvelles peines d’inéligibilité, on peut s’étonner que les rédacteurs de l’article aient considéré que les délits financiers justifient un traitement spécial, mais oublié les atteintes aux personnes.
Il serait curieux de supposer que les Français n’entendent pas être représentés par des individus de petite probité, mais qu’ils acceptent de l’être par des personnes condamnées pour violences, harcèlement sexuel ou moral ou provocation au suicide !
De mon point de vue, partagé, je le crois, par nombre de nos concitoyens, le comportement des élus doit être irréprochable sur le plan financier, mais aussi dans leur rapport aux autres. C’est pourquoi je propose d’étendre les nouvelles peines aux cas d’atteinte aux personnes que j’ai mentionnés.
Les deux amendements sont fort bien inspirés.
J’émets un avis favorable sur l’amendement n° 108 rectifié, qui a le mérite de la concision et de la clarté. Le vôtre, madame Laborde, n’est pas moins excellent, mais l’essentiel de ses objectifs sont satisfaits par celui de Mme Rossignol, au profit duquel je vous suggère donc de le retirer.
Madame Rossignol, madame Laborde, le sujet que vous soulevez est évidemment de première importance, et le Gouvernement y est très attentif. Avec ma collègue Marlène Schiappa, secrétaire d'État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, j’ai d’ailleurs entrepris de travailler pour répondre à cette préoccupation. Nous espérons pouvoir avancer sur ce sujet dans un délai extrêmement bref.
Nous sommes cependant soucieuses des difficultés juridiques que pourrait soulever l’adoption de vos amendements dans leurs rédactions actuelles. Nous devons en effet être cohérents et respectueux de la Constitution, comme vous l’êtes – je n’ai évidemment aucun doute à cet égard.
Vous proposez d’étendre le mécanisme de peine complémentaire obligatoire d’inéligibilité aux délits de harcèlement sexuel ou moral, et non à l’ensemble des faits de violence ou d’agression sexuelle. Les objets de vos amendements peuvent du reste entraîner une légère confusion à ce sujet. Or l’extension de la liste des infractions permettant le prononcé de cette peine obligatoire est délicate et ne doit pas nuire à la cohérence du dispositif, si l’on souhaite s’assurer de la proportionnalité de celui-ci, qui est une exigence constitutionnelle.
Le dispositif prévu vise les infractions en matière de probité, selon une acception déjà très large, ainsi que les infractions les plus graves, c’est-à-dire les crimes. L’élargissement de la liste des infractions concernées ne doit pas, de mon point de vue, susciter une extension difficilement contrôlable de celle-ci.
Or l’ajout à cette liste du délit de harcèlement conduirait nécessairement à envisager celui d’autres infractions visant à protéger des valeurs sociales similaires, en particulier de toutes les formes d’agression sexuelle, voire de l’ensemble des violences.
Le caractère limitatif du champ expressément retenu par le projet de loi permet de s’assurer du principe de nécessité des peines garanti par l’article VIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Dans ces conditions, il me paraît nécessaire de s’en tenir, pour le moment, à la liste initialement établie, tout en continuant à travailler pour déterminer une liste d’infractions à la fois cohérente et pertinente. Soyez assurées, madame Rossignol, madame Laborde, que Mme Schiappa et moi-même sommes très attentives, au nom du Gouvernement, à la question que vous soulevez, et que nous pensons pouvoir y apporter des réponses rapidement.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
Je me réjouis, madame la garde des sceaux, que votre collègue secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et vous-même soyez préoccupées par le harcèlement, dont le plus souvent les femmes sont les victimes.
Vous nous opposez la réticence qu’a souvent la Chancellerie à l’égard des listes. Cette réticence, madame la garde des sceaux, je la connais bien, pour avoir moi-même souvent dû composer avec elle…
Je constate que le bloc d’infractions en matière de probité retenu par le projet de loi comprend une longue liste de délits dont je vous épargne l’énumération. Dans le domaine de la probité, la Chancellerie a donc été capable de surmonter sa réticence pour établir une liste.
Je considère pour ma part que les faits de harcèlement moral et de harcèlement sexuel, surtout quand ils sont ou ont été commis dans le cadre de fonctions publiques, ne sont pas dissociables des atteintes à la probité. Il n’est pas moins grave de harceler moralement ou sexuellement ses employés que de se rendre coupable de corruption ou d’établir un faux !
Mme Éliane Assassi approuve.
Par ailleurs, il convient d’envoyer à l’ensemble de la société française un signal important : décider que les élus s’appliquent à eux-mêmes des exigences qui sont, je vous le concède, élevées, c’est dire à tous, en particulier à toutes les femmes qui subissent un rapport hiérarchique intrusif, envahissant, que celles-ci sont protégées par l’exigence de moralité des élus.
Je regrette donc vivement, madame la garde des sceaux, votre position à l’égard de mon amendement, que, bien entendu, je maintiens.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du RDSE. – Mme Corinne Bouchoux et M. Joël Labbé applaudissent également.
Pour appuyer la position de Laurence Rossignol, je tiens à témoigner du travail très important accompli au Sénat depuis maintenant plus d’une année, à la suite de faits malheureux qui se sont produits dans une autre assemblée et qui ont suscité un profond émoi parmi les collaboratrices et collaborateurs parlementaires autour des problèmes de harcèlement moral ou sexuel. Depuis un an, nous parlons de ces problèmes et nous travaillons à un code de déontologie, qui sera distribué aux nouveaux sénateurs.
Je ne comprends pas que, dans un projet de loi destiné à redonner confiance dans l’action publique et les élus, on n’accorde pas toute l’importance qu’elles méritent à des infractions fondamentales pour toutes celles et tous ceux qui, travaillant avec des élus, se trouvent par rapport à eux, en quelque sorte, dans une position de soumission.
Mes chers collègues, votons l’amendement n° 108 rectifié : ce sera un signe fort donné à toutes les collaboratrices et tous les collaborateurs d’élus !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du RDSE. – Mme Corinne Bouchoux et M. Joël Labbé applaudissent également.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
La proposition de Mme Rossignol vise à poursuivre le travail entrepris depuis plusieurs années, notamment par la délégation sénatoriale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, pour la reconnaissance des atteintes que peuvent subir les femmes dans le cadre d’un rapport hiérarchique, à plus forte raison lorsqu’elles sont collaboratrices d’élu.
Je suis donc assez stupéfaite que l’on nous oppose une fois de plus l’argument de la liste, régulièrement servi quand nous parlons de faire progresser la protection due aux femmes, car ce sont souvent les femmes qui sont victimes de ces atteintes. Je souscris à l’argumentaire de Mme Cartron et je voterai donc avec chaleur et enthousiasme l’amendement de Mme Rossignol !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et républicain et du RDSE. – Mme Corinne Bouchoux et M. Joël Labbé applaudissent également.
Je voterai cet amendement, avec mes collègues, car il s’agit d’un signal fort.
De surcroît, M. le rapporteur a été suffisamment difficile pendant tout le travail en commission pour que, lorsqu’une fois il émet un avis favorable sur un amendement, nous ne le découragions pas !
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste – Sourires.
Mme Françoise Laborde. J’ai prévenu précédemment que je ne retirerais pas tous mes amendements, mais je veux bien retirer l’amendement n° 234 rectifié au bénéfice de celui de Laurence Rossignol, qui me paraît recueillir un large soutien. Il serait dommage que les voix s’éparpillent !
Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Union Centriste.
L’amendement n° 234 rectifié est retiré.
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Je remercie l’ensemble des sénatrices qui ont pris la parole.
L’objectif que vous défendez, nous y souscrivons pleinement.
Murmures sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.
Je vous demande de me laisser poursuivre ! Je n’ai d’autre souci que de sécuriser le texte sur le plan juridique et d’assurer sa cohérence.
Mêmes mouvements.
Non, mais je pense que nous devons veiller à ce que l’écriture de nos textes soit le plus possible conforme à la Constitution.
Le sujet que vous avez soulevé, mesdames les sénatrices, je souhaite y revenir, y travailler, y réfléchir. En effet, je ne voudrais pas que, après avoir proposé un dispositif, nous soyons finalement déçus. Je maintiens donc mon avis défavorable.
Mêmes mouvements.
Je mets aux voix l’amendement n° 108 rectifié.
L’amendement n° 233 rectifié quater, présenté par MM. Collombat, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli et Collin, Mme Costes, M. Guérini, Mme Jouve et M. Requier, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
« – les délits prévus aux articles 313-1 et 313-2 du code pénal, lorsqu'ils sont commis en bande organisée ;
« – les délits d'association de malfaiteurs prévus à l'article 450-1, lorsqu'ils ont pour objet la préparation des délits mentionnés au troisième alinéa du présent article ;
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
Nous allons changer de sujet. Quand je considère le libellé de l’article 1er, je vois tout de même une liste… Le problème, c’est qu’elle comporte des trous, y compris dans le domaine qu’elle est censée traiter, celui des atteintes à la probité !
Des trous, il y en a notamment en matière de délits financiers.
Sourires sur les travées du RDSE et du groupe CRC.
À la liste des délits susceptibles d’entraîner l’inéligibilité, je propose d’ajouter, au moins, les délits d’association de malfaiteurs et les infractions de grande délinquance économique et financière, délits qui, avouez-le, ne sont pas mineurs.
J’aurais souhaité que l’on puisse intégrer aussi les délits prévus à l’article 704 du code de procédure pénale, mais j’ai été convaincu que cela devenait vraiment très compliqué – tout ce qui est financier est toujours très compliqué… Aussi m’en tiendrai-je là.
Contrairement à ce que Mme Goulet a prétendu il y a quelques instants, la commission des lois a émis un avis favorable sur de nombreux amendements présentés par nos collègues, qui ont réalisé un travail remarquable.
Ainsi, une fois parmi beaucoup d’autres, j’invite le Sénat à adopter cet amendement, en remerciant M. Collombat.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. C’est un avis défavorable que je vais émettre au nom du Gouvernement.
Exclamations.
Par ailleurs, monsieur Collombat, votre amendement ne nous paraît pas complètement satisfaisant du point de vue de sa rédaction, dans la mesure où le code pénal ne connaît que des infractions d’escroquerie et d’abus de confiance, sans distinguer parmi elles celles qui portent sur la TVA.
L’amendement a été rectifié une quatrième fois, madame la garde des sceaux !
Je le disais, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Je ne résiste pas à la tentation de souligner cette attention toute particulière du Gouvernement pour la délinquance financière.
Par ailleurs, si la chose n’était pas devenue habituelle, je m’étonnerais de voir que la cohérence et la beauté des textes l’emportent sur le fait de sanctionner ou non tel ou tel type de délits… Je me doutais déjà que nous ne servions pas à grand-chose, mais, excusez-moi, si l’on ne peut pas prendre en compte ce type de délits, je ne vois vraiment pas à quoi nous servons !
Madame la garde des sceaux, votre réponse portait sur la version antérieure de l’amendement de M. Collombat, qui a été rectifié pour ne plus viser que l’escroquerie en bande organisée. Je me demande si votre objection ne tombe pas compte tenu de l’effort de précision accompli par notre collègue.
Il s’agit tout simplement de considérer que les délits entachant la probité dans la gestion des deniers publics ne sont pas plus graves que la grande délinquance financière. Notre collègue a raison de souligner que, si l’on est disqualifié parce que l’on a mal géré les deniers publics, on doit l’être aussi quand on s’est rendu coupable de délinquance en matière de deniers privés.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 88, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« – les délits prévus aux articles L. 241-3 et L. 242-6 du code de commerce ;
La parole est à M. Christian Favier.
La période politique que nous venons de traverser a mis en lumière la méfiance des citoyens envers certaines pratiques des élus politiques. Ce projet de loi est donc tout à fait bienvenu et nécessaire.
L’article 1er aborde une question centrale pour notre démocratie, celle de la probité des élus. Nous sommes attachés au principe de leur irréprochabilité.
Que ce soit dans le cadre de leur mandat ou dans leur vie professionnelle, certains élus peuvent se trouver en situation d’abus de biens sociaux. Ce délit se caractérise par le fait, pour les gérants, le président, les administrateurs ou les directeurs généraux d’une société anonyme de faire, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société un usage qu’ils savent contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement. Il constitue un délit d’appropriation illégitime, voisin de l’abus de confiance.
Ainsi, l’abus de biens sociaux est à l’exact opposé de la mission de l’élu. Il représente un manquement grave aux responsabilités dont il a la charge. Comment un édile coupable d’un tel délit pourrait-il garder la responsabilité de gestionnaire ou de législateur que nos concitoyens lui ont confiée ?
Notre amendement vise à ajouter le délit d’abus de biens sociaux, prévu aux articles L. 241-3 et L. 242-6 du code de commerce, à la liste des délits pour lesquels une peine complémentaire d’inéligibilité est obligatoirement prononcée.
M. Philippe Bas, rapporteur. Je remercie nos collègues pour l’excellence de leur travail. Une fois de plus, la commission émettra un avis favorable, mais je vous préviens que ce ne sera pas toujours le cas !
Exclamations et rires sur plusieurs travées.
(Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Ce ne sera pas tout le temps le cas !
Sourires.
Le Gouvernement est défavorable à l’amendement. §
(Murmures sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain.) J’ajoute qu’une autre question se poserait : jusqu’où aller et quand s’arrêter ?
M. André Reichardt s’exclame.
Je tiendrai le même raisonnement que précédemment : le Gouvernement a choisi d’adopter une liste déjà très large d’infractions ; si nous y ajoutions un certain nombre de nouvelles infractions – dont chacune d’entre elles peut avoir sa propre logique –, la question se poserait de la cohérence d’ensemble du dispositif. §
L'amendement est adopté.
L'article 1 er est adopté.
Au premier alinéa de l’article 432-12 du code pénal, les mots : « un intérêt quelconque » sont remplacés par les mots : « un intérêt personnel distinct de l’intérêt général ».
L'amendement n° 205, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Je propose un amendement visant à la suppression de l’article 1er bis qui modifie le délit de prise illégale d’intérêts.
La commission des lois du Sénat a adopté un amendement tendant à modifier la définition du délit de prise illégale d’intérêts, au motif que la jurisprudence retiendrait une acception trop imprécise de la notion d’intérêt, permettant notamment de sanctionner la prise d’un intérêt moral, voire une simple erreur de forme. Il en résulterait pour les élus locaux une forte exposition à un risque de condamnation pénale pour des manquements purement formels.
Le Gouvernement conteste une telle analyse et souhaite maintenir ce texte dans sa rédaction actuelle.
La prise illégale d’intérêts vise à s’assurer que le jugement des décideurs publics ne soit pas altéré par un autre intérêt que l’intérêt général, d’une part, et que ces décideurs ne puissent pas être suspectés de complaisance dans l’exercice de leurs prérogatives, d’autre part.
Cela permet ainsi de sanctionner des personnes dépositaires de l’autorité publique qui interviennent dans des décisions intéressant directement leurs proches.
La rédaction actuelle du code pénal permet, par exemple, de sanctionner la décision prise par un élu d’attribuer un immeuble appartenant à la commune au prix du marché à un membre de sa famille, dans l’hypothèse où l’élu aurait écarté d’autres candidats. Dans une telle situation, la collectivité locale ne subit aucun préjudice, bien que l’opération implique un manque d’impartialité de la part du décideur.
À l’inverse, la rédaction résultant de l’amendement aurait pour conséquence de dépénaliser toutes les situations dans lesquelles l'intérêt de l'élu, lorsqu'il participe à la décision, rejoint l'intérêt de la collectivité, alors que ces situations peuvent mettre en cause la probité de l’élu et favoriser des approches de type clientéliste.
Il convient enfin de souligner que les juridictions font une application particulièrement limitée de ces dispositions, dans la mesure où le nombre de condamnations annuelles pour des faits de prise illégale d'intérêts oscille autour d’une quarantaine de cas. Une modification de l’incrimination n’aurait donc d’autre effet que de faire diminuer encore davantage le nombre de ces condamnations.
C’est pourquoi l’article 1er bis doit être supprimé.
Madame la garde des sceaux, je suis navré de devoir émettre un avis défavorable sur cet amendement.
En effet, comme vous le savez, la Constitution fait du Sénat le représentant des collectivités territoriales de la République. Or nous avons malheureusement constaté des excès de sévérité dans la condamnation d’élus dont les comportements ne portaient pourtant nullement atteinte ni à la probité ni même à l’objectivité, mais qui avaient pris part à des délibérations accordant des subventions à des associations auxquelles ils appartenaient, d’ailleurs souvent à la demande de la collectivité elle-même !
La notion d’« intérêt quelconque » pris par un élu à l’occasion des délibérations d’une collectivité est absolument floue. Le mot « quelconque » l’indique suffisamment.
Avec l’article 1er bis, la commission a cherché le meilleur équilibre, afin de ne punir que les faits qui sont réellement contraires à la probité. C’est notre collègue Pierre-Yves Collombat qui a suggéré cette rédaction équilibrée consistant à définir l’intérêt qui caractérise la prise illégale d’intérêts comme « un intérêt personnel distinct de l’intérêt général ».
En conservant l’article 1er bis, on adopterait une définition qui reste très large et qui offre suffisamment de garanties contre des décisions qui présumeraient d’un manque de probité de leur auteur, sans pour autant courir le risque de voir la Cour de cassation se croire obligée, en raison du flou de la rédaction adoptée par le législateur, de confirmer des condamnations qui ne sont véritablement pas justifiées. Faisons entrer un peu de pragmatisme et de bon sens dans les règles relatives à la prise illégale d’intérêts, tout en restant sévères à l’égard de tout comportement qui porterait atteinte à la probité !
L’article 432-12 du code pénal tel qu’il est rédigé – il y est question d’un « intérêt quelconque », donc y compris moral – aboutit à des situations absolument ubuesques.
Pour vous donner un exemple récent, qui date d’il y a deux mois, j’évoquerai l’exemple d’un collègue, maire d’une commune située dans mon département, à quelques kilomètres de chez moi, qui a été condamné, parce qu’il a participé à une délibération modifiant le plan d’occupation des sols de sa commune, plan qui comprenait un terrain lui appartenant. Pourtant, la modification de ce document n’a rien changé à la situation dudit terrain, et le plan d’occupation des sols avait été voté à une époque où il n’était lui-même pas élu. La délibération en cause n’a donc rien modifié à une situation dont il n’était par ailleurs pas responsable.
Dans beaucoup de cas, les juges se trouvent dans une telle situation qu’ils appliquent la jurisprudence – davantage que la loi d’ailleurs ! – en infligeant des peines qui reflètent l’exact contraire de ce qui aurait nécessité une condamnation.
En l’espèce, le maire dont je parlais a été condamné à une amende avec sursis. Je connais également des cas, assez nombreux, où les personnes sont condamnées mais sont dispensées de peines. Voilà où on en est !
On essaie de nous faire croire que l’article 1er bis tel qu’il est rédigé laisserait aux élus la liberté de faire n’importe quoi… Non ! La situation actuelle est absolument aberrante et ubuesque !
Nous réclamons donc une chose assez simple : il ne doit y avoir de délit qu’en cas de prise d’« intérêt personnel ». Le juge est assez perspicace pour déterminer où se dissimulerait un comportement qui mériterait d’être sanctionné.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 1 er bis est adopté.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 41, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l'article L. 228 du livre des procédures fiscales, les mots : « Sous peine d'irrecevabilité », sont remplacés par les mots : « Hors les cas de connexité avec d'autres infractions faisant l'objet d'une procédure judiciaire ou de découverte incidente dans le cadre d'une procédure pénale, ».
La parole est à M. Éric Bocquet.
Cent fois sur le métier, remettez votre ouvrage ! Cet amendement vise en effet à supprimer le « verrou de Bercy ». Cela étant, à voir les quatre amendements déposés par des sénateurs de sensibilité très différente sur ce sujet, j’ai tout à fait confiance dans cette nouvelle bataille !
La constitution d’un parquet national financier doté d’un certain nombre de prérogatives a représenté une des avancées les plus significatives du droit au cours de ces dernières années. Instrument essentiel de la lutte contre la fraude fiscale et la délinquance financière, le parquet national financier demeure cependant confronté à un problème, celui qui est posé par l’article L. 228 du livre des procédures fiscales, qui fait de la commission des infractions fiscales – la CIF –, organisme placé auprès du ministre de l’économie et des finances, le « juge d’instruction » des affaires de fraude pouvant donner lieu à une transmission au pénal. C’est ce que l’on appelle familièrement le « verrou de Bercy ».
Il importe que cette exclusive à la nécessaire prolongation de l’investigation lancée dans le cadre d’autres contrôles ou enquêtes soit levée, afin que les administrations ou les services qui, dans leurs activités courantes, auraient repéré une situation constitutive d’une fraude fiscale avérée puissent engager les poursuites nécessaires, quitte à mettre en œuvre des mesures conservatoires, comme la saisie de sommes en transit illégalement, par exemple, et à aviser l’administration fiscale au plus haut niveau du produit de leurs investigations.
Cette question a notamment été soulevée par un mémorandum remis en référé par le Premier président de la Cour des comptes au Premier ministre en août 2013. Ce document souligne la nécessité d’un renforcement de la coopération entre la direction générale des finances publiques et la direction générale des douanes et droits indirects.
En outre, par souci d’égalité des citoyens devant la justice et devant l’impôt, le « verrou de Bercy », système donnant à l’administration fiscale la main sur les poursuites pénales en matière fiscale, doit, selon nous et beaucoup d’autres, être supprimé.
C’est ce que nous proposons une nouvelle fois dans cet hémicycle. Nous nous réjouissons d’ailleurs que cette proposition soit reprise et partagée par des collègues siégeant sur d’autres travées.
Madame la garde des sceaux, avec votre accord, j’anticiperai sur les arguments que vous nous opposerez sans doute tout à l’heure. En effet, nous avons déjà entendu au moins cent fois dire que les procédures judiciaires sont longues, qu’elles ne garantissent pas la victoire au bout et qu’il vaut mieux utiliser cette arme pour faire pression sur les fraudeurs, afin de récupérer un peu d’argent dans les caisses de la République…
L'amendement n° 203 rectifié bis, présenté par M. Labbé et Mmes Benbassa, Archimbaud et Bouchoux, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le livre des procédures fiscales est ainsi modifié :
1° L’article L. 228 est ainsi modifié :
a) À la fin du premier alinéa, les mots : « sur avis conforme de la commission des infractions fiscales » sont remplacés par les mots : « dans les conditions de droit commun » ;
b) Les deuxième à dernier alinéas sont supprimés ;
2° Les articles L. 228 A et L. 228 B sont abrogés.
II. – L’article 1741 A du code général des impôts est abrogé.
III. – Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Après le mot : « République », la fin de l’article L. 711-21 est supprimée ;
2° Après le mot : « République », la fin du VI de l’article L. 725-3 est supprimée.
La parole est à M. Joël Labbé.
En tant qu’écologistes non inscrits, la justice est pour nous aussi un élément clef pour restaurer la confiance dans l’action publique. Or il existe d’importants empêchements en matière d’accès à la justice
Cet amendement tend à supprimer le « verrou de Bercy ». Ce verrou empêche les poursuites pour fraude fiscale sans l’accord du ministère des finances. Il constitue un véritable empêchement à la lutte contre la fraude, notamment quand celle-ci est révélée de manière incidente dans le cadre d’autres infractions. Il est anormal que l’accès à la justice soit conditionné à l’avis d’une administration !
Applaudissements sur quelques travées du groupe CRC.
L'amendement n° 68, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l'article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 228 du livre des procédures fiscales est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Par exception, les plaintes concernant les personnes soumises à une obligation de déclaration au sens de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique sont directement déposées par l’administration sans avis de la commission des infractions fiscales. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Comme pour les trompettes de Jéricho, on peut toujours espérer qu’au septième tour le verrou chutera !
Même si je soutiens les amendements de mes collègues, le mien est un peu différent des autres. Il constitue une variante, une tentative de passer entre les fourches caudines de la navette, puisqu’il tend à supprimer le « verrou de Bercy » qui, vous l’aurez compris, est une procédure tout à fait irrégulière et dérogatoire du droit commun, pour les plaintes concernant des personnes soumises au dispositif de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
Nous avons déjà essayé à de nombreuses reprises – je pense notamment à notre collègue Alain Anziani lors de l’examen de la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale en 2013 – de rendre ce verrou plus transparent, car on ne connaît ni le nombre de procédures soumises à la CIF ni le montant des sommes récupérées. On se trouve dans une opacité des plus complètes pour des montants recouvrés probablement extrêmement importants, puisque l’on nous dit qu’ils sont spectaculaires.
Aucun résultat n’a été obtenu jusqu’à présent. C'est la raison pour laquelle il est grand temps de soumettre les procédures dont nous débattons aux juridictions de droit commun.
L'amendement n° 7 rectifié, présenté par Mme Lienemann, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 5° de l’article L. 228 du livre des procédures fiscales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au premier alinéa, lorsqu’il apparaît qu’un indice laissant supposer qu’une fraude fiscale a été commise dans l’une des conditions prévues aux 1° à 5°, l’agent en charge du contrôle qui le constate en informe directement le procureur financier et transmet à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigé :
Titre …
Dispositions relatives à la lutte contre la fraude fiscale
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
En avril 2016, le Sénat a voté la demande de levée du « verrou de Bercy ». Mes chers collègues, je vous propose de renouveler ce vote aujourd'hui.
On ne pourra pas convaincre nos concitoyens de la probité de leurs dirigeants et de la transparence de l’action publique si chacun d’entre eux reste convaincu que « selon que vous serez puissant ou misérable », il sera possible ou non de négocier et de « passer entre les gouttes ». D’un côté, certains s’en sortiraient tandis que, de l’autre, les « petits » en difficulté iraient directement devant le tribunal ou seraient inquiétés pour fraude caractérisée.
C’est une question de morale, une question de vertu, comme on le dit dans notre République, mais c’est aussi une question d’efficacité. En effet, vous le savez, pour que l’administration fiscale puisse transmettre un dossier à la justice, il faut que la CIF ait caractérisé le délit.
Or l’intérêt d’une procédure judiciaire réside justement dans le fait de pouvoir engager des enquêtes judiciaires. C’est avec cette force que l’on parvient finalement dans bien des cas à caractériser les délits. J’en veux pour preuve la pratique du « carrousel de TVA » qu’il a été impossible de définir comme fraude pendant des années. Je passe sur les détails et la complexité du dispositif pour insister sur le fait qu’une enquête judiciaire aurait permis de conduire des investigations là où nous n’avons pas pu le faire et de recourir à des mesures de coercition qui permettent d’être plus efficaces.
C’est donc au nom de la confiance de nos concitoyens dans l’action publique, de la vertu républicaine et de l’efficacité dans la lutte contre la fraude fiscale que je vous propose de voter ces amendements. En ce qui concerne mon amendement, je précise que son dispositif est plus restreint que les autres, puisqu’il permet à un agent de solliciter directement le juge sans supprimer la totalité du « verrou de Bercy », mais ce n’est là qu’un aspect technique.
Il s’agit d’un débat difficile que nous avons déjà eu. Il relève d’ailleurs davantage de la commission des finances que de la commission des lois, si bien que je suis naturellement embarrassé de ne pas pouvoir me prononcer de manière éclairée sur cette question.
Nous avons considéré qu’il ne fallait pas adopter ces quatre amendements à ce stade. En effet, il faut rappeler que la loi, qui a été jugée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel le 22 juillet 2016, prévoit que c’est à l’administration du ministère des finances de prendre en charge la lutte contre la fraude fiscale. Au fond, l’idée sous-jacente est de considérer que l’enjeu ici n’est pas de faire rendre gorge au fraudeur mais de lui faire rendre l’argent, ce qui n’est pas la même chose !
La responsabilité principale des poursuites ou de la négociation destinée à obtenir un maximum de retours dans le cadre du dialogue entre le contribuable fraudeur et l’administration relève donc du ministère des finances.
En somme, ceux qui ont inventé le « verrou de Bercy » l’ont fait dans l’intérêt de l’État §et la loi qui l’organise est conforme à la Constitution.
J’ajoute d’ailleurs que, contrairement à ce qui est dit parfois un peu facilement, cela ne prive pas la justice de la faculté d’ouvrir une instruction sur une fraude fiscale. Cela prive simplement le procureur de la possibilité de la déclencher lui-même. Une plainte pour fraude fiscale sera naturellement instruite dans des conditions tout à fait ordinaires.
Pour toutes ces raisons, et dans le souci de ne pas improviser une réponse qui ne serait pas élaborée avec l’accord de la commission des finances, notre commission a décidé d’émettre un avis défavorable sur ces quatre amendements. Il s’agit d’un avis de prudence, qui tient compte de l’intérêt supérieur de l’État dans la discussion qui permet de faire rentrer l’argent auquel le fisc a droit !
Je partage l’avis du rapporteur.
Comme l’ont souligné leurs auteurs, les amendements déposés font état d’un débat ancien et récurrent, qui vise à autoriser l’engagement de poursuites pénales pour fraude fiscale, soit sans plainte de l’administration fiscale ni saisine de la commission des infractions fiscales, soit sur plainte de l’administration mais sans saisine de la CIF.
Avant de vous répondre sur le fond, je voudrais dire que ces quatre amendements relatifs au régime de saisine du parquet en cas de fraude fiscale sont un peu éloignés de l’objet de la présente loi et qu’en cela ils justifient l’avis défavorable émis par le Gouvernement.
Je voudrais préciser deux autres points.
Le premier, c’est que la saisine de la CIF est une garantie procédurale pour les contribuables. Le second, c’est qu’il n’est pas tout à fait juste de dire, s’agissant de la remise en cause de ce qu’il est convenu d’appeler le « verrou de Bercy », qu’elle serait une condition pour garantir l’égalité des citoyens devant la justice et devant l’impôt.
Une telle affirmation reviendrait en effet à suggérer que la pratique de l’administration fiscale n’est pas guidée par le principe d’égalité devant la loi, lorsqu’elle effectue des contrôles et lorsqu’elle dépose plainte pour fraude fiscale. Or le Gouvernement ne partage évidemment pas ce soupçon. En pratique, l’administration fiscale et l’institution judiciaire n’ont cessé d’approfondir leur coopération pour lutter efficacement contre la fraude fiscale.
De toute façon, la correctionnalisation potentielle de l’ensemble des fraudes fiscales connexes à d’autres infractions sur l’initiative des seuls parquets entraînerait également la nécessité de définir une politique pénale ad hoc, de manière à ne pas « surpénaliser » la fraude fiscale et à traiter de manière égalitaire les citoyens dans toutes les juridictions de France.
Je dois en effet souligner que, dans la majorité des cas, l’application des pénalités fiscales exclusives de bonne foi suffit à réparer le préjudice financier subi par le trésor public et, plus généralement, le préjudice subi par la société.
Comme l’a rappelé la jurisprudence constitutionnelle, la répression pénale doit, au-delà de ces sanctions, être réservée aux cas de fraude fiscale les plus graves.
Le Gouvernement ne souhaite donc pas généraliser la sanction pour fraude fiscale par le juge pénal à tous les cas de fraude. Cela paraîtrait totalement disproportionné et ne serait pas conforme au cadre constitutionnel de la lutte contre la fraude. La saisine de la commission des infractions fiscales contribue à avoir une vision nationale et homogène, qui permet de justifier le dépôt de plaintes pour fraude fiscale dans les cas les plus graves.
C’est pourquoi je vous demanderai, mesdames, messieurs les sénateurs, de bien vouloir retirer vos amendements ; à défaut, le Gouvernement sera contraint d’en demander le rejet.
On constate qu’un traitement particulier est réservé à toute la délinquance financière.
On l’a bien vu quand on a débattu de la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique : tout ce qui concerne l’argent se négocie ! On a même inventé une procédure particulière à l’occasion de l’examen de ce texte.
Ce que nous demandons, c’est que la même justice s’applique à tous. Si cela ne permet pas de restaurer, ne serait-ce que partiellement, la confiance des citoyens dans notre système, alors quoi d’autre ? L’existence de plusieurs justices – une « haute » justice et une « basse » justice – est ce qu’il y a de pire ! Il me paraît donc tout à fait logique de voter ces amendements, ce que je ferai d’ailleurs.
Je voudrais remercier Mme Goulet d’avoir bien voulu rappeler que je combats ce « verrou de Bercy » depuis des années. Je l’ai notamment fait en tant que rapporteur du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.
À l’évidence, quelque chose devrait tous nous choquer. Nous avons aujourd'hui une justice à deux vitesses. En principe, l’opportunité des poursuites appartient au ministère public. Il existe toutefois une exception en matière fiscale, sauf pour le blanchiment.
C’est évidemment une situation qui étonne : cela a étonné la plupart des professionnels du droit qui ont condamné ce régime d’exception, tout comme la Cour des comptes, ainsi que cela a été rappelé voilà quelques instants.
Le jugement de la Cour des comptes n’a d’ailleurs pas été tendre : elle a souligné qu’il valait mieux ne pas être un maçon portugais, car il est plus fréquent de se retrouver devant le tribunal correctionnel quand on est maçon portugais que grand fraudeur millionnaire… Le millionnaire qui fraude va pouvoir négocier avec le ministère du budget et mettre sur la table des sommes considérables, pas le maçon portugais. C’est l’une des raisons de cette différence de traitement entre les uns et les autres.
En réalité, il n’existe pas vraiment d’autres explications à cette situation : si le ministère du budget, sous tous les gouvernements et sous tous les régimes, a tout fait pour que rien ne porte atteinte au « verrou de Bercy », c’est parce que, selon lui, ce système rapporte beaucoup plus aux caisses de l’État qu’un dispositif confié au juge. Vous voyez toute la confiance accordée au pouvoir judiciaire, mes chers collègues !
J’ai entendu Mme la ministre dire toute à l’heure que ces amendements n’avaient pas grand-chose à voir avec le projet de loi. Et pourtant, si, madame la ministre ! Il s’agit d’une loi de moralisation, une loi visant à rétablir la confiance dans l’action publique, une loi sur la transparence. Pour atteindre ces trois objectifs, il est grand temps de faire sauter le « verrou de Bercy » !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC – Mme Nathalie Goulet applaudit également.
Pour ma part, je ne voterai pas ces amendements, mais je reconnais qu’ils sont nécessaires et utiles au débat, surtout en ce début de mandature.
Le présent projet de loi n’était peut-être pas le cadre le plus approprié pour aborder la question de ce verrou fiscal. Néanmoins, il est important d’engager une évolution sur ce sujet. En effet, le système actuel est inéquitable, en tout cas dans son application.
On peut comprendre la position du rapporteur et du Gouvernement : finalement, ce dernier agit comme l’ont fait tous les gouvernements, quels qu’ils soient, en décidant de maintenir cette exception du « verrou de Bercy » par souci d’efficacité.
Cela étant, on a le sentiment qu’il n’existe pas de réelle jurisprudence au sein de l’administration fiscale. Deux cas presque semblables ne sont pas nécessairement traités avec la même équité ou la même approche. Sur ce point, il faudra une évolution si Bercy ou le Gouvernement veut maintenir un dispositif différencié au nom de l’efficacité.
C’est pourquoi je trouve que tous ces amendements sont utiles. Il est très important de perfectionner le système actuel, voire de l’amender carrément pour revenir au droit commun.
Je voterai ces amendements, exactement pour les mêmes raisons que celles qui viennent d’être exposées par notre collègue Alain Anziani.
Non seulement il est de bonne politique de faire, enfin, sauter ce verrou de Bercy
Mme Brigitte Gonthier-Maurin opine.
, mais cette évolution est aussi tout à fait en lien avec ce qui nous occupe aujourd'hui : la moralisation de la vie publique.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin opine de nouveau.
Je soutiendrai tous ces amendements, à l’exception de celui de Mme Goulet, qui vise à limiter la levée du verrou de Bercy aux seules personnes soumises à une obligation de déclaration auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. L’adoption d’une telle mesure créerait une nouvelle disparité…
… et, pardonnez-moi de le dire ainsi, mes chers collègues, nous en avons assez des atteintes régulières à l’encontre de ces personnes.
Cette levée vaut pour tout le monde, ou pour personne !
Mme Marie-Annick Duchêne et M. Rémy Pointereau applaudissent.
Pour éclairer l’intéressant débat qui s’instaure, je citerai l’exemple récent de Google. Alors que l’entreprise américaine doit 1, 1 milliard d'euros à la République française, le rapporteur public du tribunal administratif a annoncé, le mercredi 14 juin dernier, qu’elle ne sera finalement pas inquiétée pour ses agissements et qu’elle ne paiera pas le montant réclamé par l’État français.
Il y a donc matière à agir ! La suppression du verrou de Bercy participerait de la démarche volontariste de lutte contre l’évasion fiscale.
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.
Je mets aux voix l'amendement n° 41.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er bis, et les amendements n° 203 rectifié bis, 68 et 7 rectifié n’ont plus d'objet.
TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À LA PRÉVENTION DES CONFLITS D’INTÉRÊTS
L’article 4 quater de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires est ainsi rédigé :
« Art. 4 quater. – Chaque assemblée, après consultation de l’organe chargé de la déontologie parlementaire, détermine des règles destinées à prévenir et à faire cesser les conflits d’intérêts entre un intérêt public et des intérêts privés dans lesquels peuvent se trouver des parlementaires.
« Elle précise les conditions dans lesquelles chaque député ou sénateur veille à faire cesser immédiatement ou à prévenir les situations de conflit d’intérêts dans lesquelles il se trouve ou pourrait se trouver, après avoir consulté, le cas échéant, l’organe chargé de la déontologie parlementaire à cette fin.
« Elle veille à la mise en œuvre de ces règles dans les conditions déterminées par son règlement.
« Elle détermine également les modalités de tenue d’un registre accessible au public, recensant les cas dans lesquels un parlementaire a estimé devoir ne pas participer aux travaux du Parlement en raison d’une situation de conflit d’intérêts telle qu’elle est définie au premier alinéa. »
L'amendement n° 92, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
déontologie parlementaire
insérer les mots :
et avis de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Par cet amendement, nous proposons d’associer la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique aux dispositions sur la prévention des conflits d’intérêts prévues au présent article.
Je le défends d’autant plus tranquillement que je participe moi-même aux travaux du comité de déontologie du Sénat.
Ces derniers sont intéressants, notamment ceux qui concernent la prévention des conflits d’intérêts.
Ils ont conduit le bureau du Sénat, dès 2011, à mettre en place un dispositif interne de déclarations d’activités et d’intérêts des sénatrices et des sénateurs. Ont également été formulées des propositions ayant inspiré le dispositif de prévention et de traitement des conflits d’intérêts, qui va jusqu’à conférer au bureau un pouvoir de sanction disciplinaire envers les membres du Sénat qui n’auraient pas respecté leurs obligations déontologiques en la matière.
Pour autant, il nous semble nécessaire d’aller plus loin et, surtout, de sortir des murs et de l’entre-soi. Car au fond, même s’il est pertinent et efficace, ce système s’apparente tout de même à de l’autorégulation, le présent article et les nouvelles dispositions n’apportant aucun changement sur ce point.
La Haute Autorité, créée par la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, est déjà chargée de recevoir, contrôler – avec l’administration fiscale – et publier les déclarations de situation patrimoniale et les déclarations d’intérêts de certains élus, membres du Gouvernement, collaborateurs et dirigeants d’organismes publics. Elle peut également être consultée par des élus qui seraient confrontés, dans l’exercice de leurs fonctions, à des questions de déontologie et de conflit d’intérêts, et émettre des recommandations.
Il semble donc logique que la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique participe en amont à la détermination des règles destinées à prévenir et à faire cesser les conflits d’intérêts entre un intérêt public et des intérêts privés dans lesquels peuvent se trouver des parlementaires.
L’expérience acquise et son statut indépendant peuvent être une ressource précieuse pour les assemblées.
La transparence doit être réelle et le contrôle, indépendant. Or les assemblées, malgré, je le reconnais, la bonne volonté affichée, ont depuis toujours montré une grande incapacité à faire respecter par leurs membres des règles élémentaires.
Pour cette raison, nous proposons d’adjoindre la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique aux travaux du comité chargé de la déontologie parlementaire.
Il est défavorable. Ce n’est pas le rôle de la Haute Autorité et nous sommes soucieux de maintenir l’autonomie des assemblées, qu’aucun organe extérieur ne doit pouvoir contrôler.
Je partage l’avis défavorable du rapporteur de la commission des lois. Effectivement, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique n’a pas pour mission d’intervenir en amont et nous faisons pleinement confiance aux assemblées pour prendre, au sein de leurs propres organisations, les décisions qui s’imposent.
L'amendement n’est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 141 est présenté par M. Marie, Mme S. Robert, M. Botrel, Mmes Perol-Dumont et Lepage et MM. Daudigny, Lalande, Carcenac et Montaugé.
L'amendement n° 182 rectifié est présenté par MM. Labbé et Cabanel et Mmes Benbassa, Archimbaud et Bouchoux.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
les conflits d’intérêts entre un intérêt public et des intérêts privés
par les mots :
les conflits d’intérêts, au sens de l’article 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique,
La parole est à Mme Sylvie Robert, pour présenter l’amendement n° 141.
Cet amendement vise à rétablir la définition édictée à l’article 2 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, qui évoquait « toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés ».
Dans un souci de clarté juridique, il est préférable que cette même définition soit retenue afin, bien sûr, d’éviter une démultiplication inutile des définitions.
Sur le fond, il serait problématique que les conflits d’intérêts entre intérêts publics et intérêts publics soient écartés du champ de cette loi. À titre d’exemple, un parlementaire siégeant, y compris au titre de son mandat parlementaire, dans un établissement public ou une société d’aménagement peut se retrouver dans une telle situation.
La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 182 rectifié.
Cet amendement a été parfaitement défendu par notre collègue Sylvie Robert.
L’avis est défavorable. La notion de conflit d’intérêts s’applique naturellement à la confrontation d’un intérêt public avec un intérêt privé. Les intérêts publics sont également légitimes et notre métier même consiste à essayer de les concilier.
Il est également défavorable. Je ne commenterai pas davantage ma position, qui est parfaitement alignée avec celle de M. le rapporteur, président de la commission des lois.
Je ne résiste pas à la tentation de féliciter le Gouvernement d’avoir modifié la définition de la notion de conflit d’intérêts.
Nous en avions longuement discuté lors de l’examen du texte d’octobre 2013, je crois que c’est se tromper complètement sur la nature de notre travail que de définir le conflit d’intérêts tel qu’il avait été défini à cette occasion.
Comme vient de l’indiquer M. le rapporteur, nous passons notre temps à arbitrer entre des intérêts publics. §Qu’est-ce que la délibération ? C’est la confrontation des points de vue, et de cette diversité de points de vue, de ce débat collectif, émerge l’intérêt général.
De plus en plus, on en vient à croire que l’intérêt général pourrait surgir à la condition que tous ceux qui sont un tant soit peu informés du sujet ne puissent pas donner leur point de vue ! §C’est un peu bizarre tout de même !
Cela dit, je ne sais pas comment vous allez pouvoir régler cette question, madame la ministre, mais sur le plan juridique, il existe effectivement une contradiction entre la définition portée dans la loi ayant créé la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique et celle qui est retenue dans le présent projet de loi. Mais, pour ma part, j’approuve la modification que vous avez effectuée et vous en félicite.
Cet amendement correspond à une volonté d’être extrêmement vigilant sur toutes les situations pouvant entraîner des conflits d’intérêts. Mais je crois vraiment que le fait d’aller aussi loin s’agissant de conflits possibles entre intérêts publics et intérêts publics aboutirait à des contradictions perpétuelles.
Nous sommes tous les élus d’un département. Si, ici, au Parlement, nous défendons telle entreprise qui est en difficulté dans ce département, tel service public que nous voulons soutenir, tel aménagement nécessaire, on pourra arguer que nous utilisons notre mandat national pour défendre un intérêt local.
Mais nous sommes les élus de la République, les élus de l’ensemble des collectivités et des citoyens, et il nous appartient effectivement de délibérer entre différents intérêts publics pour trouver ce qui satisfait le mieux l’intérêt de la Nation, celui-ci incluant aussi l’intérêt de l’ensemble des collectivités de la République.
C’est pourquoi nous pouvons avoir une position quelque peu nuancée sur les amendements présentés, et je le dis avec le sens de l’euphémisme auquel je suis attaché.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'amendement n° 228 rectifié ter, présenté par Mme Aïchi, MM. Delcros, Longeot, Luche, Capo-Canellas, Médevielle et Kern et Mme Doineau, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
, notamment à l’égard de la composition et du fonctionnement des groupes interparlementaires d’amitié
La parole est à Mme Leila Aïchi.
Si vous me le permettez, monsieur le président, et afin de faire gagner du temps à notre assemblée, je défendrai simultanément les amendements n° 228 rectifié ter et 226 rectifié ter, tous deux visent le même objectif, à savoir la prévention des conflits d’intérêts dans le cadre des groupes interparlementaires d’amitié.
J’appelle donc en discussion l’amendement n° 226 rectifié ter, présenté par Mme Aïchi, MM. Delcros, Longeot, Luche, Médevielle, Kern, Bonnecarrère et Gabouty et Mme Doineau, et ainsi libellé :
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Chaque assemblée parlementaire définit les conditions dans lesquelles les députés ou les sénateurs souhaitant devenir membres d’un groupe interparlementaire d’amitié déclarent les intérêts qu’ils détiennent dans le pays entrant dans le champ de ce groupe, ainsi que ceux de leurs familles.
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Profondément attachée à la diplomatie parlementaire, pratique ancrée dans la tradition de la chambre haute, je considère que les groupes d’amitié sont de formidables canaux, permettant des rencontres et des échanges avec nos collègues à l’international. Il s’agit donc pour moi non pas de les remettre en cause, mais, au contraire, d’en garantir le bon fonctionnement, de renforcer leur pouvoir et de les valoriser.
Pour ce faire, nous devons les protéger contre toute dérive possible, notamment en termes de conflit d’intérêts.
C’est le sens de ces deux amendements, qui tendent à renforcer les règles des assemblées relatives à la composition et au fonctionnement des groupes interparlementaires d’amitié, en prévoyant que ces assemblées adoptent un corpus de règles destinées spécifiquement à prévenir toute situation de conflit d’intérêts entre les membres de ces groupes et les pays concernés.
Ainsi, les deux amendements visent à modifier la nouvelle rédaction présentée pour l’article 4 quater de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.
L’amendement n° 226 rectifié ter tend à prévoir que chaque assemblée parlementaire définit les conditions dans lesquelles les parlementaires souhaitant devenir membres d’un groupe interparlementaire d’amitié déclarent les intérêts qu’ils détiennent dans les pays entrant dans le champ de ce groupe, ainsi que ceux de leur famille.
L’amendement n° 228 rectifié ter est un amendement de repli : il ne prévoit aucune disposition concernant les familles, et soumet la composition et le fonctionnement des groupes interparlementaires d’amitié à la consultation de l’organe chargé de la déontologie parlementaire afin de définir les règles destinées à prévenir les conflits d’intérêts.
Au travers de ces deux dispositifs, il s’agit de renforcer le rôle des parlementaires dans leur fonction, en mettant en place un garde-fou contre des dérives constatées par le passé, dérives que cette assemblée condamne fermement.
C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à voter ces amendements.
Il est défavorable. Ces deux amendements sont largement satisfaits par le droit en vigueur : c’est le bureau du Sénat qui détermine les conditions de travail des groupes d’amitié.
La rédaction de ces amendements pourrait laisser croire, d’ailleurs, que la question relèverait du règlement de nos assemblées. Or le Conseil constitutionnel a déterminé ce qui pouvait figurer dans ce règlement, et le type de règles ici décrites n’en fait pas partie.
Cette problématique est de la compétence du bureau du Sénat, non du législateur, et nous ne pouvons pas accepter d’adopter des amendements dont l’effet serait d’attraire dans la loi des dispositions relevant de l’autonomie de chacune de nos assemblées.
J’ajoute que la disposition qui imposerait à un membre du Parlement ayant de la famille à l’étranger d’exiger d’elle qu’elle produise la liste de ses intérêts avant que le Sénat ou l’Assemblée nationale n’autorise ledit parlementaire à s’engager dans un groupe d’amitié est tout simplement attentatoire à la vie privée. Le parlementaire serait effectivement contraint d’obtenir des informations qu’il n’a pas le droit de demander, car elles concernent des tiers.
Pour ces deux raisons, je crois que nous devons nous résigner, hélas, à rejeter ces amendements.
Je me résigne également à émettre un avis défavorable sur ces amendements, pour les raisons qui viennent d’être exposées. Ces dispositions ne sont pas du niveau de la loi ; il appartient à chacune des chambres du Parlement de traiter elle-même la question, dans le cadre de son règlement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 226 rectifié ter est retiré.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’ordre du jour appelle les questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.
J’appelle chacun à observer, au cours de nos échanges, l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres, ainsi que du temps de parole !
M. le président. La parole est à M. Jeanny Lorgeoux, pour le groupe socialiste et républicain.
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.
Après plusieurs mois de combats acharnés, le Premier ministre irakien, Haïder Al-Abadi, a annoncé la libération de Mossoul, l’ancienne Ninive, berceau des civilisations assyrienne et chaldéenne, qui a brillé de tant de feux et a donc suscité tant de convoitises.
Cette victoire est le fruit de la détermination des forces irakiennes et des peshmergas kurdes, qui, ensemble, en première ligne, ont subi des milliers de pertes pour se réapproprier les rives du Tigre. Elle est aussi le fruit de l’engagement, sans faille, des forces de la coalition internationale, dont la France, auprès des Irakiens.
La libération de Mossoul porte un coup, que nous espérons fatal, à l’État islamique et à sa folie destructrice. Saluons ici cette victoire comme le signal de la reconstruction de l’Irak et d’un Moyen-Orient qui a soif de paix et de stabilité.
Mossoul est libérée du joug de l’État islamique ; mais Mossoul n’est qu’un champ de ruines, et sa population sort de l’enfer. Aujourd’hui, des questions essentielles se posent : comment sauver ces vies hagardes, ces familles brisées, ces quartiers en lambeaux ? Comment réenclencher la vie ? Comment réenclencher l’économie ? La coalition a-t-elle réfléchi au volet humanitaire ?
Une autre question a trait à la position de la France. La reconquête de Raqqa, l’autre capitale des forces obscurantistes, semble en bonne voie, et sa future libération dessine un horizon nouveau pour la Syrie. À cet égard, je salue nos forces armées, leur expertise, leur dévouement et leur professionnalisme.
N’y a-t-il pas là, en Irak et en Syrie, une opportunité pour relancer un processus politique régional aujourd’hui complètement enlisé ? Comment la France, dont la position a évolué au cours du dernier mois, compte-t-elle y prendre sa part ?
Je conclus, monsieur le président.
Quels partenariats régionaux, diplomatiques devons-nous nouer demain, pour la paix ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Alain Bertrand applaudit également.
Monsieur le sénateur, vous l’avez rappelé à l’instant, le Premier ministre irakien a annoncé dimanche une grande nouvelle : la libération de Mossoul, grâce à la reconquête, par les forces irakiennes et celles de la coalition, de cette ville qui était occupée par les djihadistes depuis que ceux-ci y avaient annoncé la proclamation d’un prétendu khalifat à l’été 2014.
Même s’il reste des poches de résistance à l’intérieur de Mossoul, c’est néanmoins une très grande victoire, que nous devons au courage, à la ténacité et à la détermination des forces irakiennes, lesquelles se sont battues au sol accompagnées des peshmergas. À mon tour, je tiens à leur rendre hommage.
Ces forces ont bénéficié d’un appui important : celui de la coalition internationale contre Daech, coalition au sein de laquelle la France a joué un rôle majeur.
Je rappelle que nous avons appuyé les forces irakiennes grâce à notre aviation, basée en Jordanie et aux Émirats arabes unis, et grâce à nos pièces d’artillerie, déployées en périphérie de Mossoul. Nous leur avons également fourni du matériel et des renseignements. Enfin, nous avons contribué à la formation d’un certain nombre d’unités, grâce à des instructeurs déployés à Bagdad et à Erbil.
Je souhaite, moi aussi, rendre un vibrant hommage aux forces françaises, à tous ces militaires déployés au Levant, qui ont pris une part active à cette reconquête.
Néanmoins, il reste beaucoup à faire.
La victoire finale n’est pas encore toute proche. Daech continue de contrôler un certain nombre de territoires, en Irak comme en Syrie. En ce moment même, tous nos efforts portent sur la reconquête de Raqqa, qui est, elle aussi, en bonne voie.
Je conclus, monsieur le président.
Monsieur Lorgeoux, vous avez raison, nous devons aussi garder à l’esprit que la reconquête ne sera pas seulement militaire : un processus politique et un accompagnement économique devront être organisés, sous l’égide de la coalition dont la France fait partie.
Applaudissements sur les travées du groupe La République en marche et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur quelques travées du RDSE.
La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour le groupe Union Centriste.
Ma question s’adresse à Mme la ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
Madame la ministre, vous avez récemment affiché la volonté du Gouvernement de voir les poids lourds contribuer plus largement au financement de nos infrastructures.
À ce titre, vous vous êtes défendue de raviver la polémique née autour de l’écotaxe. Toutefois, votre proposition n’est pas sans rappeler cette mesure, abandonnée par le précédent gouvernement en 2014. Vous souhaitez lui donner une autre orientation, le financement des grands projets d’infrastructures, que vous chiffrez à 10 milliards d’euros, afin que les poids lourds circulant sur nos routes contribuent davantage à l’entretien et, surtout, à la modernisation des différents axes stratégiques de notre pays.
Parmi les pistes de réflexion, vous évoquez l’expérimentation de ce dispositif dans des régions volontaires ; la mise en place de péages sur certaines sections de routes nationales, afin de ne pas pénaliser les transports de proximité ; ou encore la création d’une taxe spécifique dédiée aux besoins en équipement.
Comme beaucoup, je soutiens cette proposition, qui permettrait, d’une part, de financer l’entretien et l’aménagement de notre vaste réseau routier et, d’autre part, de soulager les collectivités propriétaires, qui aujourd’hui ont du mal à assumer ces missions.
Néanmoins, j’attire votre attention sur les milliers, voire les millions, de riverains qui subissent les nuisances d’un transfert croissant du trafic de poids lourds, notamment pour les trajets de longue distance, vers les voies non payantes.
Enfin, je rappelle que bon nombre de nos voisins ont déjà instauré des taxes ou différents dispositifs en ce sens.
Comment comptez-vous mettre en œuvre cette nouvelle taxe et sous quels délais ?
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Joseph Castelli applaudit également.
Madame la sénatrice, je tiens à lever toute ambiguïté : il ne s’agit pas de remettre en place une écotaxe, même si ce dispositif répondait à un vrai problème, le juste financement des infrastructures, lequel n’est toujours pas résolu aujourd’hui.
En fait, nous sommes confrontés à plusieurs défis. Je songe à l’état de nos réseaux de transports, qui se dégrade
M. Charles Revet opine.
Au sein de la Haute Assemblée, la commission de l’aménagement du territoire a largement abordé ces sujets lors de sa table ronde de février dernier, …
… et le Président de la République a confirmé ses engagements à Rennes dernièrement.
De plus, nous devons faire face à une impasse financière de 10 milliards d’euros : cette somme est l’addition de tous les engagements pris en la matière par les précédents gouvernements.
Cette situation implique de faire des choix et de réfléchir aux nouveaux financements qui peuvent être dégagés.
Comme vous l’avez indiqué, des solutions innovantes peuvent être mises en place. C’est ce qui a été fait au sud de Bordeaux. Il en ira de même prochainement pour la route Centre-Europe Atlantique. Dans ces deux cas, un péage est appliqué aux trajets de long transit, tandis que les déplacements quotidiens n’y sont pas soumis.
D’autres solutions peuvent être envisagées, notamment les vignettes, auxquelles nos voisins britanniques ou allemands ont pu recourir, principalement pour les poids lourds étrangers.
L’objectif est bien de dégager de nouvelles ressources tout en encourageant les comportements les plus vertueux au regard de l’environnement. Tous ces points seront inscrits à l’ordre du jour des assises de la mobilité, qui se tiendront à partir de septembre prochain.
Mme Fabienne Keller et M. Yvon Collin applaudissent.
Alors que certaines de vos promesses en faveur du pouvoir d’achat ont disparu – je pense à la défiscalisation des heures supplémentaires –, vous donnez la priorité à la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des Français.
Après de nombreuses hésitations et de nombreux revirements, il a été précisé hier que cette mesure entrerait en vigueur progressivement dès l’année prochaine.
Le Président de la République justifie la suppression de la taxe d’habitation par le fait qu’elle est « lourde », « inéquitable », évaluée de manière « obsolète » et qu’elle « est un impôt injuste ».
Je vous pose la question : si cette taxe est injuste, où se trouve la justice pour les 20 % de Français qui continueront de la payer et pour nos concitoyens assujettis à la taxe foncière, laquelle est assise sur les mêmes valeurs locatives ?
Marques d’approbation sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.
Certes, le calcul de la taxe d’habitation souffre aujourd’hui d’une certaine obsolescence, en raison de l’absence d’actualisation des valeurs cadastrales depuis 1970 et de l’existence de taux d’imposition très différents selon les communes. Ces taux sont d’ailleurs parfois plus élevés dans des zones rurales ou urbaines défavorisées qu’à Paris par exemple.
Néanmoins, la solution n’est-elle pas plutôt d’assurer une réforme structurelle, visant à rendre cet impôt plus juste, plutôt que d’en exonérer seulement une partie des Français, au détriment des finances des communes ?
Vous annoncez que l’État compensera la perte de 10 milliards d’euros qui doit résulter de cette réforme pour les finances des communes et intercommunalités. Or, j’insiste sur ce point, cet impôt constitue actuellement leur principale ressource.
Dès lors, ma question est simple : où trouverez-vous ces 10 milliards d’euros dans votre budget ?
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Férat applaudit également.
Monsieur le sénateur, des exonérations existent déjà. Près de douze millions de foyers bénéficient déjà, en France, d’une exonération de la taxe d’habitation.
M. Gérald Darmanin, ministre. Il s’agit des ménages percevant jusqu’à 10 500 euros de revenus par an. J’insiste, d’autant que douze millions de foyers, c’est beaucoup. L’État compense déjà cette exonération auprès des communes. Dans cet hémicycle, nous sommes un certain nombre à avoir géré des communes connaissant ces exonérations en nombre.
Mme Sophie Primas s’exclame.
En outre, M. le Premier ministre l’a souligné, c’est lors de la conférence des territoires que sera menée avec les élus territoriaux, les représentants des régions, des départements et des communes, …
… cette discussion, évidemment, sur une compensation à l’euro près de ces exonérations ou dégrèvements, pour les communes et les intercommunalités. La conférence des territoires s’ouvrira le 17 juillet : ne vous inquiétez pas, cela arrive !
Demain débutera le débat d’orientation des finances publiques : M. le ministre de l’économie et moi-même serons auditionnés par les commissions des finances du Sénat et de l’Assemblée nationale. M. le Premier ministre aura l’occasion de préciser selon quel calendrier sera menée la suppression progressive de la taxe d’habitation pour 80 % des foyers. La mise en œuvre de cette réforme sera assurée en trois ans.
Enfin, monsieur le sénateur, permettez-moi de souligner que cette mesure ne coûtera pas 10 milliards d’euros, mais environ 8, 5 milliards d’euros.
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains s’exclament.
Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.
M. Gérald Darmanin, ministre. Bien sûr, l’État interviendra, notamment sur la revalorisation des valeurs locatives. Je souligne que, si ce travail était si simple, depuis les années 1970, les nouvelles valeurs locatives auraient sans doute été calculées : c’est ce que nous allons faire aujourd’hui en assurant le renouveau de la fiscalité locale !
Applaudissementssur quelques travées du groupe La République en marche. – M. Didier Guillaume applaudit également. – Protestations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Philippe Esnol, pour le groupe du Rassemblement démocratique et social européen.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Elle porte également sur les exonérations de taxe d’habitation, preuve s’il en est que la question est d’actualité et, surtout, que nous sommes nombreux à être interpellés par des élus inquiets.
Monsieur le Premier ministre, votre déclaration de politique générale, mardi dernier, a, je le sais, réjoui un certain nombre d’entre nous, et plus encore les élus locaux, en ce qu’elle laissait penser, à propos de la réforme de la taxe d’habitation, que votre intention était de prendre le temps nécessaire pour mener à bien une véritable concertation.
Une telle concertation est en effet attendue par les élus, attachés à la libre administration des collectivités territoriales et à son corollaire, leur autonomie financière. Elle se révèle par ailleurs indispensable pour trouver, à terme, des recettes pérennes pour les collectivités, plus que des compensations qui – les expériences passées l’ont prouvé malheureusement – n’ont jamais vocation à durer.
M. le ministre de l’action et des comptes publics, Gérald Darmanin, a même eu l’occasion, dans la foulée, de préciser en réponse à une question de notre collègue Bernard Delcros que les maires pouvaient être rassurés dans la mesure où vous saviez tous deux, par expérience, que la taxe d’habitation constituait une recette majeure des collectivités territoriales.
Je me permets d’approuver ces propos. Dans le département des Yvelines, la taxe d’habitation représente effectivement, pour au moins une vingtaine de communes, dont Conflans-Sainte-Honorine, que je connais bien pour en avoir été maire pendant près de quinze ans, entre 30 % et 50 % du budget.
Ainsi, même si cet impôt est injuste pour les contribuables comme pour les territoires, en raison de valeurs locatives cadastrales obsolètes et des inégalités de richesses entre communes, et s’il est, en conséquence, souhaitable de le réformer, notre devoir est de veiller à ce que cela ne soit pas mené au détriment des collectivités. Je rappelle que ces dernières ont, en outre, déjà largement pris leur part au redressement des comptes publics ces dernières années.
C’est pourquoi, alors qu’a été réaffirmée hier la mise en œuvre dès 2018 de votre engagement d’exonérer 80 % des ménages de la taxe d’habitation, je souhaiterais vous poser deux questions.
D’une part, quelles sont les mesures de compensation envisagées permettant de tenir votre engagement de « prévisibilité » et de donner aux communes des garanties de l’État à long terme ?
D’autre part, comment comptez-vous associer les premiers concernés, à savoir les élus locaux, qui s’interrogent, en pareilles conditions, quant à leur capacité à financer nos services publics de proximité, essentiels et plébiscités par les Français, tout en maintenant l’équilibre de leur budget ?
M. Philippe Esnol. Il était prévu d’ouvrir ce qui n’était hier encore qu’un chantier lors de la conférence des territoires programmée lundi. Pouvez-vous aujourd’hui nous en préciser les modalités ?
Applaudissements sur les travées du RDSE.
Monsieur le sénateur, vous avez raison de dire que cette fiscalité locale, et particulièrement la taxe d’habitation, est injuste : vous l’avez souligné, les communes ne sont pas toutes soumises aux mêmes règles.
L’Association des maires de France, l’AMF, précise que la taxe d’habitation représente en moyenne 35 % des recettes communales. Mais, dans certaines communes, cette part se situe entre 10 % et 15 %. Dans celle dont j’ai eu l’honneur d’être le maire, elle s’établit à 16 %. Dans d’autres communes, elle peut atteindre 45 % ou 50 % des recettes.
Il y a donc une injustice entre les communes rurales ou les communes dites plus pauvres et les communes urbaines ou les communes plus riches.
De plus, la taxe d’habitation est injuste pour les citoyens. Un représentant des professions libérales, par exemple un avocat, qui gagne très correctement sa vie, peut parfois payer moins cher au titre de cet impôt qu’un salarié occupant un logement social. Pour garantir une meilleure justice, il faut sans doute recalculer le montant de la taxe d’habitation en tenant compte du pouvoir d’achat.
Enfin, je le répète, les valeurs locatives n’ont pas été révisées depuis 1970. Elles sont devenues désuètes et créent désormais des inégalités extrêmement fortes.
En définitive, tout en concédant l’inéquité engendrée par cet impôt, vous posez les questions suivantes : les communes conserveront-elles leur autonomie fiscale ? Garderont-elles les moyens d’assurer les services publics demandés par nos concitoyens ? La réponse est « oui », et doublement « oui ».
Le 17 juillet prochain, M. le Premier ministre va lancer la Conférence nationale des territoires. Il a bien voulu me confier le soin de gérer ce pacte financier, en lien avec M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur, et M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires.
Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.
Notre but est de trouver, ensemble, les moyens de mettre un terme à cette injustice que subissent les citoyens comme les communes et, dans le même temps, de garantir à la fois les ressources et l’autonomie fiscale des collectivités.
Applaudissements sur plusieurs travées du RDSE. – Mme Anne Émery-Dumas applaudit également.
M. le président. La parole est à Mme Delphine Bataille, pour le groupe La République en marche.
Ah ! sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, « l’Europe est en passe d’atteindre ses objectifs pour 2020 en ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre, l’efficacité énergétique et la production d’énergie de sources renouvelables ». Telle est la conclusion rassurante du dernier rapport publié par la Commission européenne.
Ce constat encourageant ne doit pourtant pas masquer les difficultés rencontrées dans l’adaptation du système énergétique européen à la lutte contre le changement climatique.
Malgré les objectifs ambitieux de la loi de transition énergétique, la France atteindra difficilement sa cible de 23 % d’énergies renouvelables en 2020.
Quant à l’Allemagne, non seulement elle ne parviendra probablement pas à réduire d’ici là, comme annoncé, ses émissions de CO2 de 40 %, mais son gouvernement a récemment repoussé à 2040 la sortie du charbon.
Dans ce contexte, il est important d’accélérer et d’encourager l’innovation pour une riposte mondiale à long terme face au changement climatique.
Selon l’objectif de la loi de transition énergétique visant à ramener à 50 % la part du nucléaire dans la production d’électricité à l’horizon 2025, vous avez annoncé hier vouloir fermer jusqu’à dix-sept réacteurs.
M. Jean-Pierre Vial s’exclame.
Toutefois, un important programme de rénovation du parc nucléaire français doit permettre d’allonger la durée de vie des centrales et de susciter des retombées importantes pour nos entreprises.
Monsieur le ministre d’État, quelle est votre vision du mix énergétique dans la lutte contre le réchauffement climatique ? Allez-vous préserver la complémentarité des énergies de base, nucléaire et hydrocarbures, qui satisfont encore la majorité de la consommation d’énergie, d’une part, et des énergies renouvelables, d’autre part ?
Il faudra aussi trouver un équilibre entre innovation et précaution et éviter tout attentisme pour moderniser l’économie et prendre la direction de la lutte contre le réchauffement climatique.
Mme Delphine Bataille. Comment comptez-vous contribuer à cet objectif et valoriser ainsi la connaissance scientifique ?
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe La République en marche. – M. Alain Bertrand applaudit également.
La parole est à M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice, tout d’abord, je tiens à vous rassurer : rien ne se fera dans la brutalité
Ah ! sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.
, et encore moins d’une manière dogmatique.
M. André Reichardt applaudit.
Au sujet du nucléaire, ce dont nous avons besoin, d’abord, c’est d’un débat serein, et j’ai souhaité hier que nous ouvrions ce débat. Ce dernier doit être cohérent et transparent, et il ne doit rien dissimuler de la complexité que vous venez d’évoquer.
Nous avons un cadre et un seul : la programmation pluriannuelle de l’énergie, qui permet précisément la concertation de tous les acteurs. J’ai personnellement lancé ces travaux à la fin du mois de juin dernier. Ils aboutiront à la fin de l’année 2018.
Évidemment, ce cadre doit être cohérent avec l’horizon qui a été fixé, et que vous avez rappelé, par la loi de transition énergétique. §Ce texte est particulièrement ambitieux : croyez-moi, j’en ai bien conscience. Dans cette loi, entre autres objectifs, est fixé au moment où nous parlons – cette loi, nous ne l’avons pas votée personnellement mais nous l’avons reçue en héritage – la réduction de la part du nucléaire à 50 % de la production d’électricité à l’horizon de 2025.
Le Gouvernement veut éviter que la France ne se retrouve dans des impasses : en pareil cas, nous perdons collectivement notre liberté de choix, puisque nous sommes mis devant le fait accompli, et c’est ce qui arrive trop souvent.
Pour atteindre nos objectifs et éclairer la décision, nous devons mettre tous les scénarios sur la table, et deux critères fondamentaux doivent éclairer nos choix.
Le premier critère, c’est l’exigence absolue de sûreté, qui doit être garantie par l’indépendance et la transparence de l’Autorité de sûreté nucléaire, l’ASN.
Le second critère, c’est l’attention portée au potentiel de toutes les énergies : nous devons tout faire pour accélérer le développement des énergies renouvelables et retrouver notre souveraineté de choix en matière énergétique.
Mme Delphine Bataille opine.
La programmation pluriannuelle de l’énergie se fera dans un dialogue renforcé avec tous les acteurs, syndicats, industriels, associations, etc. Mais les Français ont aussi leur mot à dire.
Enfin, cette transition ne doit laisser personne de côté : c’est pourquoi nous proposerons des contrats de transition non seulement aux salariés, mais aussi à chacun des territoires concernés.
Applaudissements sur les travées du groupe La République en marche. – Mmes Esther Benbassa et Corinne Bouchoux, ainsi que MM. Jean Desessard et Joël Labbé applaudissent également.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe communiste républicain et citoyen.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'action et des comptes publics.
Première recette fiscale des communes, premier échelon de la démocratie vivante, la taxe d’habitation va connaître, à partir de 2018, une réduction sensible du nombre de ses redevables, jusqu’à être transformée à hauteur de 80 % en dotation de l’État.
Impôt injuste, certes, mais dont les valeurs de référence commençaient justement à peine d’être révisées, notamment via l’allégement de la fiscalité pesant sur les logements locatifs sociaux, la taxe d’habitation va donc être réformée.
Nul doute que les contribuables qui ne la paieront plus du tout seront, dans un premier temps, satisfaits. Mais il est clair, vu les autres mesures annoncées, qu’il s’agit là de faire passer la pilule amère de la hausse de la CSG et celle de l’absence de coup de pouce pour le SMIC, en attendant la hausse des taxes sur l’essence, le tabac et le maintien d’une TVA à 21, 2 %.
Cette annonce masque également et surtout l’indécence de l’exonération de l’ISF pour les fortunes mobilières.
D’un côté, 3 milliards d’euros à partager entre 28 millions de redevables : c’est la taxe d’habitation. De l’autre, 3 à 4 milliards d’euros à partager entre 330 000 contribuables : c’est votre décision relative à l’ISF.
Monsieur le ministre, ma question est claire : comment allez-vous assurer aux collectivités locales, et notamment aux communes, dont la taxe d’habitation conditionne l’autonomie financière, les ressources que cette réforme risque de leur faire perdre ?
Ne serait-il pas préférable de prolonger et de renforcer les actuels abattements et dégrèvements applicables à la taxe d’habitation afin de limiter l’effort fiscal des redevables ?
Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. David Assouline applaudit également.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics. Madame la sénatrice, vous avez raison de souligner que, parfois, les contribuables consentent un grand effort fiscal : ainsi, dans votre commune, le taux de la taxe d’habitation atteint 13, 67 %, alors que, dans le département dont vous êtes l’élue, il s’élève en moyenne à 9 %.
Mme Marie-France Beaufils proteste.
Dans une autre ville gérée par votre famille politique, Aubervilliers, on est à plus de 7 % rien que pour l’année dernière.
Effectivement, tous les contribuables ne sont pas égaux face à l’utilisation de l’argent public et face à la fixation des taux d’imposition…
Je l’ai déjà indiqué en répondant à vos collègues : le Gouvernement engage dès maintenant la concertation avec les élus locaux. Le 17 juillet prochain, ici même, au Sénat – c’est là, de la part de M. le Premier ministre, une grande marque de respect envers les sénatrices et les sénateurs –, s’ouvrira la Conférence nationale des territoires.
Nous pourrons engager, ensemble, un travail portant à la fois sur l’autonomie fiscale, sur la responsabilité des élus devant l’impôt qu’ils lèvent, sur les services publics et sur la réforme territoriale.
On ne peut pas continuer à étendre les exonérations de taxe d’habitation sans débattre de la revalorisation des valeurs locatives, sans tenir compte du fait que les communes rurales ou les communes pauvres ne bénéficient pas des recettes fiscales dont disposent d’autres communes. Les territoires où résident des ménages plus aisés peuvent ainsi offrir de meilleures prestations à une population qui, sans doute, a un peu moins besoin du service public.
Mme Patricia Schillinger applaudit.
Monsieur le ministre, en définitive, vous le reconnaissez, il est urgent d’apporter des réponses : pour compenser plusieurs milliards d’euros de pertes d’impôts locaux, il faudra trouver un financement solide et pérenne.
Les économies budgétaires ne suffiront pas, et nous savons tous que la compensation ne sera pas intégrale, au grand dam des élus locaux des villes et des campagnes. Ces derniers ne sont toujours pas invités à participer lundi à cette grande conférence nationale des territoires
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
: ne nous donnez pas de leçons en matière de consultation, nous subissons aujourd’hui les choix politiques que vous nous imposez !
Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour le groupe socialiste et républicain.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie et des finances.
Monsieur le ministre, le 6 juillet dernier, vous avez assuré publiquement qu’une solution n’était pas loin dans le dossier de reprise de l’équipementier automobile creusois GM&S Industry. Ce dernier est actuellement en liquidation judiciaire, avec poursuite de l’activité jusqu’au 19 juillet prochain.
Dans votre communiqué en date du 21 mai dernier, vous sembliez déjà confiant quant aux propositions faites par les deux donneurs d’ordre, PSA et Renault, au sujet de l’augmentation du volume des commandes. Or la confirmation précise et assurée de ces engagements se fait toujours attendre.
La disparition de cette société représenterait un choc économique et social dramatique pour La Souterraine, cité de 5 000 habitants, et affecterait fortement tout un bassin de vie, à cheval sur trois départements.
Je souhaite que votre optimisme enthousiaste se concrétise, afin d’en finir avec une histoire récente douloureuse, marquée par trois redressements judiciaires en moins de huit ans et de nombreux engagements non tenus, d’où l’épuisement des salariés et des réactions virulentes, traduction de leur colère et de leur désespoir.
Cette stratégie de rapport de forces a permis de mettre à l’ordre du jour des discussions des points essentiels. À quel stade en sont ces discussions ? Aujourd’hui même, une rencontre, qualifiée par beaucoup de « réunion de la dernière chance », et à laquelle les deux sénateurs du département n’ont pas été conviés, se tient à Bercy. Nous ne pourrons nous satisfaire d’une demi-solution génératrice, à moyen terme, de nouvelles exaspérations.
Enfin, je veux saluer ici la mobilisation de la région Nouvelle-Aquitaine dans ce dossier très difficile, notamment pour le soutien à toutes formes de diversification, mais également l’implication de l’État au cours de ces derniers mois : financement de l’activité partielle, CICE, non-exigibilité de la dette sociale et fiscale. Ces efforts, accompagnés par les élus et la population locale, ne sauraient rester vains, la qualité du savoir-faire de cette entreprise étant reconnue de tout le secteur automobile.
Que fait l’État pour contribuer à un avenir crédible et pérenne pour ce site industriel ? Quelle sortie de crise attend ses 277 salariés, leurs familles et leur territoire ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur quelques travées du groupe CRC.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
Vous l’avez dit, monsieur le sénateur, il s’agit du troisième plan de redressement judiciaire, et la colère des salariés est parfaitement légitime.
L’objectif, notre objectif collectif, celui du Gouvernement mais aussi celui des collectivités locales, est la reprise pérenne du site. Il ne s’agit pas de notre part d’optimisme ou d’enthousiasme, pour reprendre vos mots, mais de volontarisme.
Ce volontarisme est absolument indispensable, et chacun est donc mobilisé. À l’heure où je vous parle, Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances, et Benjamin Griveaux, secrétaire d’État auprès du ministre de l'économie et des finances, que je représente devant vous, sont autour de la table à Bercy avec l’ensemble des représentants et des acteurs de ce dossier : évidemment les représentants des salariés – la CGT, FO –, mais aussi les clients – Renault et PSA –, le repreneur, GMD, ainsi que les collectivités et leurs élus, comme vous l’avez souligné.
Il n’est donc pas nécessaire de rappeler la mobilisation de tous les acteurs et du Gouvernement pour trouver, dans un esprit de dialogue constructif, l’issue la plus favorable possible, dont nous savons qu’elle ne pourra pas concerner l’ensemble des salariés, et les solutions permettant de sortir de cette situation.
Il faut d’ailleurs saluer l’esprit de responsabilité des salariés et de leurs représentants en vue de contribuer à la recherche d’une meilleure solution. Même s’il y a eu des moments de colère, il était nécessaire de raison garder ; ils ont en ont fait la démonstration.
C’est ainsi que nous trouverons les solutions pour La Souterraine, ce territoire de 5 000 habitants pour lequel ce sinistre industriel serait effectivement une catastrophe. Tel est l’objet de cette mobilisation et de la réunion qui se tient actuellement : travailler sur la base des engagements concrets des constructeurs en volume et en chiffre d’affaires.
Nous avons déjà obtenu un renfort important de ces engagements, à hauteur de 22 millions d’euros, de la part des deux principaux clients, Peugeot et Renault.
Il faut également obtenir du repreneur des engagements d’investissement sur le site.
Nous devons travailler sur tous ces sujets, et convenir du nombre d’emplois à maintenir.
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État. Pour ce qui concerne la dépollution du site et les salariés qui ne seraient pas retenus dans le cadre de cette offre, nous devons mobiliser tous les moyens en matière d’accompagnement et de formation professionnelle afin que ce site, demain, retrouve de l’espérance.
Applaudissementssur quelques travées du groupe La République en marche et du groupe socialiste et républicain.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, mercredi dernier, au moment où vous vous exprimiez ici au Sénat, à Montpellier, un conseil de métropole extraordinaire était convoqué. Son ordre du jour martial comprenait la destitution, puis le remplacement de sept vice-présidents.
Ces vice-présidents, six maires et un premier adjoint – l’un d’entre eux avait démissionné afin de ne pas être exécuté
M. Bruno Sido rit.
Ces élus de qualité, d’expérience, ont été démis de leurs fonctions au seul motif qu’ils ont refusé de s’inscrire au groupe En Marche constitué par le président de notre métropole.
Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
Cette condition était préalable au maintien de tous les vice-présidents et au choix des remplaçants de ceux qui refusaient.
La population et les élus découvrent, horrifiés, ces méthodes politiques d’un autre temps, et un doute perceptible s’installe sur le nouveau parti politique La République en Marche !
Ces interrogations se renforcent, dès lors que le président de la métropole affirme publiquement, et à tout propos, bénéficier de l’encouragement et du soutien du chef de l’État.
Mes convictions gaullistes, ma conception de l’intercommunalité, selon laquelle nous représentons nos villes et non un parti politique, font que je n’accepterai jamais cette remise en cause cynique de la démocratie locale et de l’esprit des lois de décentralisation.
Je veux croire qu’il ne s’agit là que d’un cas isolé, de la dérive d’un seul homme et de l’usurpation d’un soutien inconditionnel des responsables de l’État.
La confiance dans la vie politique, dont nous débattons actuellement au Sénat, impose aux élus le respect de la probité et de la démocratie ; pas l’une sans l’autre ! Ces règles s’appliquent sur tout le territoire et dans toutes les institutions gérées par des élus.
Cette affaire est suffisamment grave, monsieur le Premier ministre, pour que le Gouvernement rassure le Sénat sur sa volonté de faire respecter partout les valeurs de la République.
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et Union Centriste. – Mme Valérie Létard et M. Loïc Hervé applaudissent également.
M. le président. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Applaudissements sur les travées des groupes Union Centriste, Les Républicains et La République en marche.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, cher Jean-Pierre Grand, le conseil de Montpellier Méditerranée Métropole s’est en effet réuni le 5 juillet dernier. À l’issue de ces délibérations, vous l’avez rappelé, l’exécutif de la métropole a été partiellement renouvelé.
Riressur plusieurs travées du groupe Les Républicains.
Comme vous le savez, le code général des collectivités territoriales fixe un certain nombre de règles entourant la délégation de fonctions par le président à des vice-présidents au sein des métropoles.
Le code et la jurisprudence encadrent également les conditions dans lesquelles ces délégations peuvent être retirées et les circonstances dans lesquelles le conseil communautaire est appelé à en connaître.
Au-delà des dispositions législatives et réglementaires, la composition des exécutifs s’efforce, en règle générale, de refléter la pluralité des communes membres, gage d’un fonctionnement harmonieux des métropoles, auquel le Gouvernement ne peut qu’être attaché, à Montpellier comme ailleurs.
s’agissant du respect des équilibres qui relève de l’appréciation de chaque collectivité, qu’elle soit de droit commun, comme la métropole de Montpellier, ou à statut particulier.
Vous le savez – et ce n’est pas ici que l’on me démentira –, la libre administration des collectivités territoriales est un principe consacré par la Constitution en son article 72, alinéa 3.
Je sais combien la Haute Assemblée veille, en toutes circonstances, au respect strict de ce principe constitutionnel ; il n’appartient donc pas au Gouvernement de se prononcer sur cette modification ni sur sa régularité juridique, ce qui relève du contrôle de légalité, voire, le cas échéant, de la compétence du juge administratif.
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et La République en marche. – Mme Odette Herviaux applaudit également.
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Depuis le 1er juillet et l’inauguration de deux lignes à grande vitesse, Rennes n’est plus qu’à 1 heure 25 de Paris et Bordeaux à 2 heures 04. §Mais, lors des festivités en gare de Bordeaux, les silences et les déclarations ambiguës des membres du Gouvernement concernant le prolongement de la LGV jusqu’à Toulouse ont jeté un trouble, pour ne pas dire un froid.
Monsieur le Premier ministre, alors qu’en mars 2015 la commission d’enquête avait émis un avis négatif pour les LGV Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax, six mois plus tard, le Gouvernement de l’époque s’était engagé à poursuivre ces projets. De fait, le 5 juin 2016, était signé le décret déclarant d’utilité publique la réalisation de ces deux LGV.
Le 28 juin dernier, le tribunal administratif de Bordeaux a prononcé l’annulation de la déclaration d’utilité publique – DUP – des aménagements ferroviaires au sud de Bordeaux, en s’appuyant, pour l’essentiel, sur l’absence de solidité financière.
Or, vous le savez, un comité de financeurs, auquel participent toutes les collectivités locales de Nouvelle-Aquitaine et d’Occitanie concernées par le projet, a été lancé il y a un an pour répondre à cet enjeu.
Un cabinet indépendant, mandaté par ces collectivités, fera d’ailleurs prochainement des propositions innovantes, réalistes et concrètes de financement. Tant et si bien que le motif d’annulation de cette DUP ne devrait plus avoir de raison d’être.
Monsieur le Premier ministre, comment peut-on imaginer que la région Occitanie et la métropole toulousaine, première métropole de France en termes de croissance démographique et économique, ne soient pas intégrées au réseau ferroviaire à grande vitesse ?
Lors de la campagne présidentielle, M. Emmanuel Macron avait d’ailleurs réaffirmé « son complet soutien » à la LGV Bordeaux-Toulouse.
Mme Brigitte Micouleau. Aussi, je vous demande, monsieur le Premier ministre, de bien vouloir me confirmer aujourd’hui la volonté de l’État de poursuivre la réalisation de ces deux LGV.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Henri Tandonnet et Yvon Collin applaudissent également.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Madame la sénatrice, je veux vous rassurer et lever toute ambiguïté : l’État et SNCF Réseau vont faire appel
Ah !
Depuis le 1er juillet dernier, Bordeaux n’est plus qu’à 2 heures de Paris et Toulouse à 4 heures 10, mais je mesure les attentes des Toulousaines et des Toulousains.
Néanmoins, la branche Bordeaux-Toulouse nécessite de mobiliser encore 6 milliards d’euros.
Or personne ne peut plus ignorer l’impasse dans laquelle l’addition des engagements pris au cas par cas nous a placés : il manque aujourd’hui 10 milliards d’euros pour assurer la pérennité de nos réseaux et honorer les engagements pris par les précédents gouvernements, dont 7 milliards d’euros pour les seules nouvelles infrastructures.
C’est dans ce contexte que le Président de la République a, dans son discours de Rennes, annoncé une pause.
Cette pause doit permettre de définir le chemin par lequel nous allons répondre au mieux aux besoins de transport des habitants de la région, et rechercher une trajectoire soutenable en termes de financement de ce projet.
Ce chemin sera à tracer dans un dialogue constructif avec l’ensemble des acteurs concernés par cet ambitieux projet : les citoyens, les élus, les associations, les entreprises.
Je sors d’une réunion avec le président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, et je rencontrerai, dans les tout prochains jours, la présidente du conseil régional d’Occitanie pour échanger sur ce projet. Je ne doute pas que nous arrivions, ensemble, à trouver des solutions soutenables pour ces projets.
La parole est à Mme Catherine Génisson, pour le groupe socialiste et républicain.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre, et j’y associe mes collègues du Nord, du Pas-de-Calais, de la Somme et de l’Oise, particulièrement Laurence Rossignol, Dominique Bailly, Jean-Claude Leroy et Christian Manable.
La réponse de Mme la ministre des transports à la question relative au calendrier de réalisation du projet du canal Seine Nord, posée par notre collègue Jean-François Rapin, a véritablement jeté un « pavé dans le canal Seine Nord ».
Nous entendons la réponse de Mme la ministre concernant l’attente d’une loi de programmation quinquennale, mais celle-ci ne peut concerner le canal Seine Nord, projet structurant pour notre région Hauts-de-France, pour notre territoire national ainsi que pour le territoire Nord Europe.
Le projet de canal Seine Nord connaît une relance en 2007-2008, lors du Grenelle de l’environnement.
Un rapport, commandé en 2012, en évalue les problématiques écologiques et de financement.
En avril 2013, une mission présidée par le député-maire Rémi Pauvros reconfigure le projet, y compris sur son aspect budgétaire.
En 2015, l’Union européenne annonce une contribution à hauteur de 42 %, soit 1, 8 milliard d’euros.
Les acteurs institutionnels, tous engagements partisans confondus, se sont engagés budgétairement à démarrer les travaux à la fin 2017. Un accord a été conclu entre l’État et les régions Île-de-France et Hauts-de-France ainsi qu’avec, notamment, les départements du Nord, du Pas-de-Calais, de la Somme et de l’Oise.
Le ministre de l’action et des comptes publics, Gérald Darmanin, alors premier vice-président du conseil régional Hauts-de-France délégué aux transports et aux infrastructures de transport, plaidait également pour un démarrage rapide des travaux.
Enfin, en mars 2017, le Président de la République, alors candidat, déclarait : « Je confirme les trois grands projets en cours dont les déclarations d’intérêt public sont en train d’être obtenues, c’est-à-dire le Bordeaux-Toulouse, le Lyon-Turin et le canal Seine Nord qui sont trois gros travaux d’infrastructure ».
Pour des raisons économiques, sociales et environnementales, la réalisation de ce projet ne peut plus attendre.
Monsieur le Premier ministre, le Gouvernement doit passer à l’action.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur quelques travées du groupe CRC.
Madame la sénatrice, je mesure pleinement les interrogations que suscite parmi les élus et les collectivités de votre région la pause annoncée par le Président de la République. Je sais leur attachement à ce projet et les attentes qu’il a fait naître. Votre question en témoigne et me donne l’occasion de préciser de nouveau la démarche engagée par le Gouvernement.
Comme j’ai eu l’occasion de l’indiquer devant votre Haute Assemblée, des engagements ont été pris sans vision d’ensemble, qui représentent une impasse de 10 milliards d’euros sur le quinquennat.
M. Christian Manable fait un signe de dénégation. – Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe socialiste et républicain. – M. Thierry Foucaud s’exclame également.
Il n’est plus possible de promettre de manière irresponsable des projets pour lesquels l’État ne dispose pas aujourd’hui des ressources nécessaires.
Les assises de la mobilité seront lancées à l’automne et permettront d’associer l’ensemble des acteurs concernés, citoyens, collectivités, associations et entreprises. Il s’agira de conduire un travail d’identification des besoins de chaque territoire. Il s’agira également de réfléchir aux ressources qui peuvent être mobilisées. Il s’agira, enfin, de disposer d’une vision d’ensemble pour répondre à un impératif, celui d’adapter les besoins et les ressources.
Cette approche ne peut qu’être partagée par le Sénat, si j’en crois les nombreux rapports publiés depuis quelques mois par vos commissions.
Nous serons à l’écoute des collectivités et des élus tout au long du processus. Le Sénat y sera, naturellement, pleinement associé dès le lancement des assises et jusqu’à la présentation du projet de loi de programmation, qui nous permettra de trouver ensemble des réponses concrètes aux besoins de mobilité de nos territoires, soutenables financièrement.
Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu jeudi 20 juillet 2017, à quinze heures, et seront retransmises sur France 3, Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Jean-Claude Gaudin.
Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010–837 et de la loi n° 2010–838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et en application de l’article L. 621–2 du code monétaire et financier, M. le Premier ministre, par lettre en date du 11 juillet 2017, a demandé à M. le Président du Sénat de lui faire connaître l’avis de la commission du Sénat compétente en matière d’activités financières sur le projet de nomination de M. Robert Ophèle aux fonctions de président de l’Autorité des marchés financiers.
Cette demande d’avis a été transmise à la commission des finances.
Acte est donné de cette communication.
Nous reprenons la discussion du projet de loi, dans le texte de la commission.
Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons l’examen de l’article 2.
L'amendement n° 192 rectifié bis, présenté par MM. Labbé et Cabanel et Mmes Benbassa, Archimbaud et Bouchoux, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Elle désigne un déontologue pour l’assister.
La parole est à M. Joël Labbé.
L’article 4 quater de l’ordonnance n° 58–1100 du 17 novembre 1958 énonce que « Le bureau de chaque assemblée, après consultation de l’organe chargé de la déontologie parlementaire, détermine des règles en matière de prévention et de traitement des conflits d’intérêts. Il veille à leur respect et en contrôle la mise en œuvre. »
Cet amendement tend à prévoir la nomination d’un déontologue, afin d’apporter le regard d’un spécialiste de la déontologie parlementaire.
En effet, lors de la consultation citoyenne, encore en cours, sur la plateforme Parlement & citoyens, que M. Henri Cabanel et moi-même avons menée, un grand nombre de nos concitoyens se sont étonnés que les règles de déontologie relevant de chaque assemblée soient déterminées et appliquées par les parlementaires eux-mêmes. Nous sommes tous en la matière juges et parties.
Cet amendement vise donc à réintroduire a minima un conseil extérieur sur ces questions, à travers l’accompagnement d’un déontologue professionnel.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur. L’avis est défavorable. Le comité de déontologie du Sénat est remarquablement présidé par un de nos collègues qui a toutes les qualités requises, notamment en termes d’indépendance et d’élévation morale, pour assumer cette fonction.
Marques d’assentiment sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.
L’avis est également défavorable. La nomination d’un déontologue relève du principe d’autonomie des assemblées. Il leur revient de définir la manière dont elles veulent composer l’organisme chargé de la déontologie.
Je ne remets pas en question le comité de déontologie. Il s’agit bien, dans ce texte, de rétablir la confiance. L’existence d’un déontologue professionnel qui supervise le travail du comité est une garantie supplémentaire aux yeux de nos concitoyens.
Je rappelle que nos séances sur ce projet de loi sont retransmises en direct sur internet. Un certain nombre de nos concitoyens nous regardent et peuvent apprécier notre façon de voir les choses.
Je le redis, il est hors de question pour moi de mettre en cause la probité du comité de déontologie. Mon amendement vise simplement à apporter un « plus » pour la confiance.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 109, présenté par Mme S. Robert, MM. Sueur et Leconte, Mmes Cartron et D. Michel, M. Vandierendonck et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
veille à
par les mots :
est tenu de
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Cet amendement rédactionnel vise à renforcer l’obligation faite à chaque parlementaire de prévenir ou de faire cesser immédiatement la situation de conflit d’intérêts dans laquelle il peut se trouver.
Nous souhaitons remplacer les mots « veille à » par les mots « est tenu de ».
La commission a estimé que cet amendement n’était pas rédactionnel puisqu’il vise à modifier le sens des choses.
Or, aux termes de l’article 27 de la Constitution, tout mandat impératif est nul. Obliger un parlementaire à faire cesser immédiatement la situation de conflit d’intérêts dans laquelle il peut se trouver revient à nier son autonomie d’appréciation sur le point de savoir s’il y a, ou non, conflit d’intérêts. Il faut lui laisser ce pouvoir d’appréciation afin qu’il puisse se déporter s’il estime que c'est le cas.
Il doit « veiller » à se déporter, mais il ne peut pas y « être tenu » car, je le répète, tout mandat impératif est nul.
Je veux défendre avec force l’amendement présenté par Sylvie Robert.
Que signifient les termes « veille à » ? S’il y a un conflit d’intérêts avéré, il faut y mettre fin : il est donc juste d’écrire que le parlementaire « est tenu » d’y mettre fin.
Vous avez d’ailleurs interprété ces mots, monsieur le rapporteur, comme s’il s’agissait d’une obligation immédiate. Or l’amendement n’évoque pas l’immédiateté. S’il y a un conflit d’intérêts reconnu par tous, il ne s’agit pas de « veiller à… ». Non ! On est tenu d’y mettre fin.
Aussi, la rédaction proposée par Mme Robert présente une qualité que je tenais à souligner.
M. Claude Bérit-Débat applaudit.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 110, présenté par Mme S. Robert, MM. Sueur et Leconte, Mmes Cartron et D. Michel, M. Vandierendonck et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Elle peut, après avis de l’organe chargé de la déontologie parlementaire, saisir la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, en cas de manquement répété.
La parole est à Mme Sylvie Robert.
L’amendement tend à prévoir un dispositif normatif dans l’hypothèse où un parlementaire demeurerait en situation de conflit d’intérêts. En l’état, le texte est muet sur cette éventualité. Ainsi, le comité de déontologie de chaque assemblée pourrait saisir la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique lorsqu’il constate des irrégularités en la matière.
L’avis est défavorable. La Haute Autorité n’a pas de rôle d’appréciation sur les conflits d’intérêts : sa composition ne lui permet pas de porter ce genre d’appréciation.
Par ailleurs, il appartient au bureau de chaque assemblée, en raison du principe d’autonomie des assemblées parlementaires, après avoir obtenu l’appui du comité de déontologie parlementaire, de mettre en œuvre les procédures très précises et efficaces qui sont prévues par notre réglementation interne, et que j’ai d’ailleurs rappelées dans mon rapport.
Le Gouvernement émet un avis défavorable. On ne voit pas quelle portée pourrait avoir cet amendement dès lors que la HATVP ne pourrait pas agir dans ce domaine d’une manière pertinente.
Nous considérons également qu’il appartient aux assemblées de prévoir les sanctions appropriées en cas de manquement à une règle relative aux conflits d’intérêts.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 184 rectifié bis, présenté par M. Labbé et Mmes Archimbaud et Bouchoux, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Le bureau de chaque assemblée prévoit, après consultation de l’organe chargé de la déontologie parlementaire, les conditions dans lesquelles les cadeaux, avantages et invitations en France et à l’étranger, de valeur supérieure à 150 euros, d’un organisme extérieur au Sénat acceptés par un parlementaire sont rendus publics. »
La parole est à M. Joël Labbé.
L’instruction générale du bureau du Sénat prévoit déjà une certaine transparence pour les invitations de valeur supérieure à 150 euros reçues par les sénateurs. Personnellement, cela ne m’est encore jamais arrivé !
Toutefois, si les cadeaux doivent faire l’objet d’une déclaration auprès de la délégation du bureau en charge des conditions d'exercice du mandat de sénateur, aucune mesure de publicité n’est explicitement prévue, à la différence des invitations à l’étranger. Le présent amendement tend à combler cette lacune.
Il s’agit d’un simple complément au regard de la transparence. Mes chers collègues, nous aurons de toute façon une réflexion de fond plus large à mener lors du prochain renouvellement du Sénat, afin de moderniser notre règlement interne pour y introduire plus de transparence et un certain nombre d’innovations démocratiques.
Nous avons déjà – fort heureusement ! – des règles ; nous n’avons pas attendu cet amendement.
Sont visés non pas des cadeaux d’une valeur supérieure à 1 500 euros, mais, comme M. Labbé l’indique dans l’objet de l’amendement, les cadeaux d’une valeur supérieure à 150 euros. Laissons notre assemblée, qui a pris de l’avance dans ce domaine et qui exige depuis longtemps la transparence sur les cadeaux, continuer à assumer sa fonction sans créer une deuxième procédure qui s’ajouterait à la première.
L’avis du Gouvernement rejoint, là encore, la position de la commission des lois. L’instruction générale du bureau du Sénat prévoit déjà la transparence pour les invitations d’une valeur supérieure à 150 euros. Les cadeaux doivent faire l’objet d’une déclaration auprès de la délégation du bureau en charge des conditions d’exercice du mandat de sénateur.
Il n’y a donc pas de raison de prévoir des mesures de publicité supplémentaires. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Je veux simplement dire à Mme la garde des sceaux que les agissements des sociétés de lobbying sont extravagants. Elles passent leur temps à inviter les parlementaires. Nous sommes nombreux ici à recevoir des invitations de Boury & Co dans les plus grands restaurants de Paris. Ce sont les fédérations, et parfois le Gouvernement via les ministères, qui financent cela. Il faudrait se pencher sur ce dossier, car ces invitations servent à promouvoir des procédés ou des produits. Ce sont des objets de marchandage.
J’estime que ces sociétés de lobbying exagèrent beaucoup et que ces méthodes coûtent très cher, aussi bien pour les sociétés que pour les ministères qui y recourent parfois.
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote sur l’article 2.
J’aurais souhaité prendre la parole au début de l’examen de l’article 2 puisque cet article ouvre le titre II sur les dispositions relatives à la « prévention des conflits d’intérêts ». Je tenais à partager quelques réflexions.
Nous allons débattre toute la semaine de « démocratie », de « confiance », de « lutte contre les conflits d’intérêts », de transparence de l’activité des représentants d’intérêts – notre collègue Alain Fouché vient de les évoquer –, et je ne peux que m’en réjouir.
En toute logique, j’avais déposé un amendement qui prévoyait de modifier le code des relations entre le public et l’administration, afin de retirer de la liste des documents non communicables aux citoyens les décisions de l’exécutif et de permettre, en particulier, la publicité des délibérations ministérielles et des réunions interministérielles.
Cet amendement conservait le principe de non-communicabilité des documents préparatoires, et préservait les garanties protégeant le secret défense, la politique extérieure de la France et la sûreté de l’État. Quoi qu’on en pense au fond, il méritait d’être débattu en séance ce jour, car il portait sur le cœur de la question de la transparence – celle des décisions de l’exécutif –, sans laquelle il ne peut y avoir de confiance.
Or cet amendement a été déclaré irrecevable en commission des lois ce matin, au motif qu’il serait un cavalier législatif au sens de l’article 45 de la Constitution, et donc hors sujet.
Je rappelle qu’aux termes de l’alinéa 3 de l’article 48 du règlement du Sénat, « les amendements sont recevables s’ils s’appliquent effectivement au texte qu’ils visent ou, en première lecture, s’ils présentent un lien, même indirect, avec le texte en discussion ».
Dès lors, nous ne pouvons pas débattre de l’opacité des décisions de l’exécutif en raison de l’opacité des décisions d’irrecevabilité de nos amendements contre lesquelles les parlementaires n’ont aucun recours.
Déclarer irrecevable un amendement d’initiative parlementaire, c’est empêcher le parlementaire de mener à bien sa mission. C’est inacceptable en général, et plus encore aujourd'hui, compte tenu du sujet qui nous réunit. Arrêtons l’hypocrisie ! Si l’on évoque un débat sur la confiance dans la vie publique, il est indispensable de dénoncer ce qui s’apparente à une autocensure de l’initiative parlementaire. Je demande donc qu’à l’avenir l’article 48 de notre règlement sur le droit d’amendement soit respecté à la lettre et qu’il n’en soit plus donné une interprétation restrictive.
J’ai bien entendu la réponse du président de la commission des lois à Mme la présidente Assassi. Mais si le Gouvernement oublie dans un projet de loi une disposition essentielle pour rendre cohérent le dispositif qu’il propose, nous ne pouvons pas nous taire. Sinon, ce sont nos concitoyens qui déclareront irrecevable la confiance !
Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.
L'article 2 est adopté.
L'amendement n° 187 rectifié, présenté par M. Labbé et Mmes Benbassa et Archimbaud, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 4 quinquies de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il détermine également les règles de transparence appliquée aux documents transmis par des représentants d’intérêts, ainsi que les rencontres et rendez-vous pris ou organisés avec ces représentants. »
La parole est à M. Joël Labbé.
Retrouver la confiance de nos concitoyens… On entend dire assez souvent que nous avons de belles idées, mais que nous ne faisons pas le poids par rapport aux lobbies économiques et financiers. Cela me hérisse chaque fois ! C’est la raison pour laquelle il faut prendre des mesures qui permettent le contrôle et la transparence dans ce domaine parce qu’il est vrai que les lobbies existent et agissent.
L’article 4 quinquies de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires prévoit que « Le bureau de chaque assemblée parlementaire détermine les règles applicables aux représentants d’intérêts entrant en communication » avec les parlementaires et les organes des assemblées.
Il est proposé de renforcer la transparence des documents fournis par les représentants d’intérêts, ainsi que des rencontres et rendez-vous organisés par ces mêmes représentants en demandant au bureau de chaque assemblée de prévoir des mesures de publicité, le principe de cette transparence étant posé par la loi.
Il s’agit là d’un point essentiel permettant de lever les suspicions, très fortes actuellement, autour de l’influence réelle des lobbies. En effet, si chaque groupe d’intérêts – public, privé, étranger, associatif, ONG – voyait les communications qu’il adresse aux parlementaires, notamment lorsqu’il s’agit de propositions d’amendements prérédigés, rendues publiques, et que l’on puisse dès lors juger de l’adaptation ou de la reprise qui en est faite et des arguments déployés pour les défendre, alors nous pourrions lever tout ou partie du fantasme qui existe autour de ces lobbies et prouver à nos concitoyens que nous faisons preuve d’indépendance dans nos rapports avec ces derniers.
Le bureau dispose déjà du pouvoir que cet amendement tend à lui donner. Dès lors, je ne vois pas pourquoi nous l’adopterions. La détermination de l’étendue des pouvoirs du bureau de l’assemblée ne dépend pas de la loi.
Le bureau de chaque assemblée tient de la Constitution le pouvoir de réglementer le travail parlementaire. C'est d’ailleurs ce que fait le bureau du Sénat depuis longtemps et, à cet égard, il a mis en œuvre des règles pour l’accès des lobbies au Sénat. Il lui est loisible de préciser encore ces règles.
Nous savons, par ailleurs, que la loi contre la corruption présentée par M. Sapin voilà quelques mois a permis la mise en place d’un registre des représentants d’intérêts. Attendons un peu avant de le réformer.
La réponse est identique à celle du rapporteur.
D’une part, la loi de décembre 2016 a mis en place un répertoire numérique accessible aux citoyens, lequel montre les relations qui peuvent exister entre ces représentants d’intérêts et les parlementaires.
D’autre part, les bureaux des assemblées édictent les règles nécessaires.
Cet amendement ne nous semble donc pas utile à ce stade.
Il existe un moyen simple : dire à nos assistants de refuser les liasses d’amendements prédigérés ou prérédigés – c'est la même chose ! Cela s’arrêtera très vite !
Je maintiens mon amendement, qui est un amendement d’appel en direction du futur bureau du Sénat. On a beau dire que les textes existent, que la transparence est déjà de mise… Malgré tout, l’influence des lobbies persiste, vous ne pourrez pas me prouver le contraire.
L'amendement n'est pas adopté.
M. le président. Monsieur Labbé, vous portez toujours des bagues d’évêque : j’espère que vous les achetez vous-même !
Rires.
M. Joël Labbé. Monsieur le président, ces bagues sont des cadeaux qui m’ont été offerts à titre privé !
Sourires. – Applaudissements sur plusieurs travées.
L'amendement n° 186 rectifié, présenté par M. Labbé et Mmes Benbassa, Bouchoux et Archimbaud, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le chapitre IX du titre II du livre I du code électoral, il est inséré un chapitre … ainsi rédigé :
« Chapitre …
« Fin de mandat
« Art. L. 178 -… – L’exercice d’une activité de conseil au cours des douze mois suivant la fin de mandat d’un député est soumis à une autorisation de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
« Lorsque la Haute Autorité estime ne pas disposer de toutes les informations lui permettant de statuer sur la demande, elle invite l’intéressé, dans un délai maximum d’une semaine à compter de la réception de sa demande, à la compléter.
« En l’absence de décision expresse écrite contraire dans un délai de quinze jours, l’intéressé est réputé autorisé à exercer l’activité de conseil ».
La parole est à M. Joël Labbé.
Cet amendement prévoit de soumettre à autorisation, pendant un délai d’un an, les activités de conseil exercées à l’issue d’un mandat parlementaire afin d’éviter tout soupçon.
En effet, cette durée correspond à celle de l'indemnité différentielle de fin de mandat à taux plein des parlementaires. Il n'en résulterait donc pas de perte de revenu pour le parlementaire concerné si le conseil était son activité principale avant sa prise de fonctions.
L’observation est la même. Il nous semble que la persistance d’une règle d’incompatibilité après que le mandat est parvenu à son terme serait difficilement justifiable.
Par ailleurs, le risque de conflit d’intérêts disparaît nécessairement au moment où cessent les fonctions.
L’avis est donc défavorable.
Monsieur le président, mon amendement étant inconstitutionnel, je le retire.
L'amendement n° 186 rectifié est retiré.
L'amendement n° 195 rectifié, présenté par MM. Labbé et Cabanel et Mmes Benbassa, Archimbaud et Bouchoux, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les trois derniers alinéas de l’article 18-2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique sont supprimés.
La parole est à M. Joël Labbé.
La loi n° 2016–1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin II, a apporté une définition des « représentants d’intérêts ».
Aux termes de l’article 25 de cette loi, « sont des représentants d’intérêts, au sens de la présente section, les personnes morales de droit privé, les établissements publics ou groupements publics exerçant une activité industrielle et commerciale, les organismes mentionnés au chapitre Ier du titre Ier du livre VII du code de commerce et au titre II du code de l’artisanat, dont un dirigeant, un employé ou un membre a pour activité principale ou régulière d’influer sur la décision publique, notamment sur le contenu d’une loi ou d’un acte réglementaire en entrant en communication » avec des responsables politiques.
Toutefois, cet article prévoit un certain nombre d’exceptions. Cet amendement tend à les supprimer, sauf dans le cas des élus dans l’exercice de leur mandat, et des partis et groupements politiques dans le cadre de leur mission.
Les exceptions que nous souhaitons supprimer sont les suivantes : « c) les organisations syndicales de fonctionnaires et, dans le cadre de la négociation prévue à l’article L. 1 du code du travail, les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs » ; « d) les associations à objet cultuel, dans leurs relations avec le ministre et les services ministériels chargés des cultes » ; « e) les associations représentatives des élus dans l’exercice des missions prévues dans leurs statuts ».
M. Philippe Bas, rapporteur. Je ne partage pas cette forme d’idéalisme parlementaire dans lequel nous devrions faire notre travail en évitant absolument d’être contaminé par tout contact impur avec les représentants de la société civile.
M. Antoine Lefèvre rit.
À un moment, derrière cette forme de puritanisme, on peut suspecter la fausse dévotion et la tartufferie. Nous ne pouvons pas légiférer en chambre – nous légiférons naturellement entre les deux chambres. Nous avons besoin de parler et d’écouter les représentants de la société civile.
Nous procédons à de très nombreuses auditions. Les intérêts économiques ont vocation à être entendus, comme les intérêts sociaux. Les organisations syndicales de fonctionnaires, les associations à objet cultuel, les associations représentatives des élus dans l’exercice des missions prévues dans leur statut, visées par l’amendement de notre collègue Labbé, sont des organisations qui ont été, à dessein, exclues au cours d’un travail parlementaire très approfondi qui date de moins de six mois. Je rappelle que notre assemblée n’a pas changé de composition depuis et s’est exprimée très clairement sur ce sujet. Je ne vois pas pourquoi on remettrait en cause notre propre vote six mois après.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
Le Gouvernement estime que le législateur est arrivé à un équilibre par la loi de décembre 2016.
Par ailleurs, il est prématuré de revenir sur certaines exceptions qui, pour les raisons expliquées par M. le rapporteur, nous semblent pleinement justifiées.
C'est la raison pour laquelle, aucune nécessité n’apparaissant immédiatement, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Non, je vais le retirer, monsieur le président, mais je voudrais donner, si vous me le permettez, une réponse à M. le rapporteur.
J’ai beau m’appeler Labbé, me parler d’excès de puritanisme et de fausse dévotion ne me convient pas du tout, monsieur Bas.
Sourires sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.
Vous indiquez qu’il est normal que l’on ait des contacts avec la société civile, c’est-à-dire avec le monde économique ou associatif ; en effet, on doit en avoir. La question que je pose, c’est celle du lobbying organisé, vous l’aurez compris. Il ne s’agit pas de puritanisme mais de veiller à retrouver la confiance de nos concitoyens, car force est de dire qu’on l’a quelque peu perdue et qu’il faut la retrouver.
Cela dit, je retire cet amendement.
L'amendement n° 195 rectifié est retiré.
L'amendement n° 150, présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 5° de l’article 18-3 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les projets d’amendement, de proposition de loi, de proposition de résolution transmis à des membres du Parlement. »
La parole est à Mme Françoise Férat.
Cet amendement a pour objet d’imposer aux représentants d’intérêts, dans le cadre prévu par la loi dite Sapin II, de déclarer à la Haute Autorité les projets d’amendement, de proposition de loi ou de résolution transmis à des parlementaires. Cet amendement vise ainsi à imposer la transparence aux relations entre les représentants d’intérêts et les parlementaires dans le cadre de la confection de la loi.
J’aimerais beaucoup être agréable au président Zocchetto, auteur de cet amendement et c’est donc à regret que je vais émettre un avis défavorable.
En effet, je ne voudrais pas que, au fil de ce débat, nous en arrivions à faire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie politique une sorte de Léviathan devant traiter des questions les plus diverses, …
… alors que sa vocation est d’enregistrer nos déclarations de patrimoine et d’intérêts ainsi que celles des présidents d’exécutifs locaux, et de s’assurer que, pendant notre mandat, nous ne nous sommes pas enrichis de manière illicite.
De grâce, ne mettons pas cette Haute Autorité à toutes les sauces ! Elle a pris le temps de se mettre en place, il a été difficile pour elle de réunir les moyens nécessaires à son activité. Progressivement, elle atteint son régime de croisière.
Elle n’a donc pas vocation à servir à tout, même si, je le reconnais, il serait extrêmement intéressant pour chacun d’entre nous, comme pour le public en général, que l’origine des amendements rédigés par les groupes d’intérêts soit tout simplement rendue publique. Personnellement, je n’y verrais que des avantages.
Marques d’assentiment sur quelques travées des groupes Les Républicains et CRC.
S’il vous plaît, ma chère collègue, transmettez à M. Zocchetto le vœu que je formule : que, au retour de ce texte au Sénat, on puisse mettre en œuvre cette mesure de transparence sans y mêler la Haute Autorité.
MM. André Reichardt et Marc Laménie applaudissent.
C’est également un avis défavorable, pour les raisons que j’ai indiquées voilà quelques instants et qui rejoignent celles du rapporteur. Cela n’entre pas dans les missions de la Haute Autorité. Nous estimons donc que cet amendement n’est pas pertinent.
Cet amendement pose non seulement la question des compétences de la Haute Autorité mais encore celle de la preuve qu’un amendement provient ou non d’un lobby. Il s’agit là d’un amendement destiné à se faire plaisir, mais, au-delà, on n’arrivera jamais à déterminer la provenance d’un amendement.
L'amendement n° 150 est retiré.
L'amendement n° 227, présenté par Mme Aïchi, MM. Delcros, Luche, Capo-Canellas, Médevielle et Kern et Mme Doineau, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 18-4 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les députés et les sénateurs dont la déclaration prévue à l’article L.O. 135-1 du code électoral fait apparaître des activités professionnelles exercées dans un pays étranger ou des participations dans un organisme public ou privé ou dans une société situés dans un pays étranger ne peuvent être membres du groupe interparlementaire d’amitié portant sur ce pays. »
La parole est à Mme Leila Aïchi.
L'amendement n° 227 est retiré.
L'amendement n° 193 rectifié, présenté par MM. Labbé et Cabanel et Mmes Benbassa, Archimbaud et Bouchoux, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 18-4 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il ne peut être attribué aux représentants d’intérêts une habilitation permanente pour l’accès aux enceintes des assemblées parlementaires. »
La parole est à M. Joël Labbé.
La police des assemblées relève, depuis le coup d’État du 18 brumaire an VIII, de la compétence de leurs présidents respectifs. Ce sont ces derniers qui sont chargés de fixer les règles d’accréditation et d’entrée au sein de leurs chambres respectives.
Cet amendement a pour but d’inciter le Sénat et l’Assemblée nationale à prohiber, dans leurs règlements, l’attribution d’un accès permanent à des représentants d’intérêts.
M. Charles Revet s’exclame.
En effet, il n’est pas justifiable que des lobbies ou des représentants de lobbies se promènent dans nos couloirs sans avoir pris rendez-vous avec un parlementaire, dans l’unique but de glaner des informations ou d’exercer des pressions. §Il y a des gens dont le métier consiste à représenter les groupes d’influence qui ont les moyens de les payer. Cela n’est pas dirigé contre le travail de ces gens-là, mais contre le fait qu’ils le fassent à l’intérieur du palais du Luxembourg ou de l’Assemblée nationale. Cela est inéquitable par rapport aux groupes qui auraient aussi des choses à dire mais n’ont pas les moyens de se payer des lobbyistes.
Il est important de faire en sorte que ces accréditations soient supprimées, dans le cadre, là encore, d’une véritable transparence, pour que nous soyons assurés que nous prenons nos décisions en notre âme et conscience, après être allés chercher les informations que nous voulons auprès de nos partenaires, qu’ils soient du monde économique, financier ou encore associatif.
Sourires sur quelques travées du groupe Les Républicains.
En ce qui me concerne, mon âme et ma conscience ne sont pas exposées au moindre risque quand je rencontre des représentants de groupements d’intérêts.
J’ajoute que, si les groupements d’intérêts continuent d’être licites, et je note que vous n’avez pas présenté d’amendement visant à les interdire, monsieur Labbé, il faut bien qu’ils servent à quelque chose et qu’ils représentent les intérêts légitimes des secteurs économiques ou des professions qu’ils défendent.
Au sein de notre assemblée, l’organisation du travail parlementaire relève non de la loi mais du bureau. Nous admettons la présence, en certains lieux, de représentants de groupements d’intérêts, ce qui offre la possibilité de les rencontrer. Ces rencontres sont légitimes
M. Jean-Paul Émorine opine.
Ce qui est interdit, ce sont la corruption, la prévarication, les conflits d’intérêts. Pour ma part, je revendique la possibilité de représenter les intérêts des forces vives et donc de ne pas leur interdire l’accès au Sénat et à l’Assemblée nationale.
C’est pourquoi je suis, sur le fond, tout à fait hostile à cet amendement.
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel, ainsi que MM. Yvon Collin et Jean-Claude Requier applaudissent également.
L’avis est également défavorable. Sans vouloir prolonger les débats, je dois dire que le Gouvernement estime que les règles relatives à la prévention des conflits d’intérêts et à la publicité des représentants d’intérêts nous semblent suffisantes.
Par ailleurs, nous estimons également que cela relève de la compétence des assemblées.
Je partage évidemment l’analyse portant sur le caractère législatif de telles propositions, la loi n’a pas à intervenir sur ce terrain. Le sous-texte de ces amendements, qui s’appuient sur de très bonnes intentions, est de contester la responsabilité des assemblées à l’égard de leur fonctionnement.
Il reste peu d’espace au travail parlementaire, mes chers collègues.
Mme Catherine Tasca. Ce n’est pas à nous de rogner constamment le champ de la responsabilité propre de chaque assemblée.
Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Hermeline Malherbe et M. Pierre-Yves Collombat applaudissent également.
On peut comprendre la motivation de notre collègue Joël Labbé lorsqu’il défend cet amendement, ainsi que, d’une certaine manière, ses inquiétudes.
Néanmoins, je crois que, à un moment donné, il faut aussi rendre possible un esprit d’initiative et de liberté. En outre, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, les séances sont publiques, ce qui permet à des personnes extérieures au Parlement d’y assister.
Chacun d’entre nous est sollicité pour des rendez-vous les plus divers avec des représentants du monde économique, social ou associatif, mais il faut quand même garder un esprit d’initiative et j’irai tout à fait dans le sens du président de la commission. Il ne faut pas tout ficeler, verrouiller. Gardons une certaine souplesse tout en ayant un esprit très rigoureux ; c’est le but de chacun d’entre nous.
Marques d’approbation sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.
M. Joël Labbé. Je me sens obligé d’expliquer un peu plus précisément mon propos.
M. Éric Doligé s’exclame.
Je parlais des accréditations permanentes des personnes dont le travail consiste à faire du lobbying. Par exemple, les questions agricoles et alimentaires font débat au sein de notre assemblée. C’est logique car la situation de notre agriculture et, surtout, de nos agriculteurs est très préoccupante.
M. Joël Labbé. Un certain syndicat – je fais un constat, je ne veux stigmatiser personne
Si ! sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.
– dispose d’une personne véritablement chargée de faire du lobbying auprès des groupes politiques. Une autre organisation syndicale, qui a aussi des choses à dire
M. Alain Fouché s’exclame.
, est, à mon sens, insuffisamment entendue et écoutée au sein des deux assemblées.
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
C’est véritablement un amendement d’appel à l’attention du futur bureau du Sénat, c’est pourquoi je le maintiens et je le maintiendrais même si j’étais seul à le voter.
L'amendement n’est pas adopté.
L'amendement n° 235 rectifié, présenté par MM. Bertrand, Arnell et Castelli, Mme Costes, M. Guérini, Mmes Jouve et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La liste des déplacements en France et à l'étranger des parlementaires dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions est publiée par chaque assemblée.
La parole est à M. Alain Bertrand.
M. Alain Bertrand. Dans un souci de transparence, et afin de rendre compte à nos concitoyens, je souhaiterais que l’on donne chaque année la liste des voyages faits par les parlementaires dans le cadre des groupes de travail, des groupes d’étude, des groupes d’amitié, des rapports ou des missions.
Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.
En effet, pour avoir été maire et vice-président de région, je crois qu’il arrive que l’on dise que les élus se promènent aux frais de la princesse, …
Sourires.
Pour éviter cela, on pourrait prendre une mesure très simple : publier annuellement les voyages faits, dans le cadre de leurs fonctions, par tous les parlementaires.
Mme Nathalie Goulet s’exclame.
Par exemple, personnellement, je trouve qu’il y a trop de voyages dans tous les sens en Europe, y compris pour rendre visite au Comité européen des régions, et je n’y suis pas très favorable. Une liste annuelle des voyages des parlementaires faits dans le cadre de leurs fonctions irait donc dans le sens de la transparence et de la confiance redonnée.
Défavorable également.
Je pense qu’il n’est pas utile d’ajouter de telles complexités pratiques. En outre, ce serait une obligation disproportionnée pour les parlementaires. Enfin, ce n’est pas du niveau de la loi.
Comme il est juste, efficace et qu’il va emporter la majorité, je le maintiens, monsieur le président.
… et elle est satisfaite par chacun d’entre nous quand il a un déplacement à l’étranger. Je ne vois vraiment pas ce que peut apporter cet amendement.
Dans notre maison, nous déclarons déjà ces voyages, l’information est en ligne et consultable par n’importe qui. Il suffit de se rendre sur le site du Sénat, qui, par ailleurs, est remarquablement conçu.
L'amendement n'est pas adopté.
L’Alsace se reconnaîtra en lui.
L'amendement n° 4 rectifié, présenté par Mme Lienemann et M. Leconte, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les emplois et fonctions pour lesquels le pouvoir de nomination du Président de la République s’exerce dans les conditions fixées au dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution sont incompatibles avec le fait d’exercer ou d’avoir exercé, au cours des trois dernières années, les fonctions de dirigeant, de salarié ou de conseiller d’une société contrôlée, supervisée, subordonnée ou concernée par l’institution, l’organisme, l’établissement ou l’entreprise auquel cet emploi ou fonction se rattache.
II. – Aucune personne exerçant les emplois et fonctions mentionnés au I ne peut participer à une délibération concernant une entreprise ou une société contrôlée, supervisée, subordonnée ou concernée par l’institution, l’organisme, l’établissement ou l’entreprise dans laquelle elle a, au cours des trois années précédant la délibération, exercé des fonctions ou détenu un mandat.
Les personnes exerçant les emplois et fonctions mentionnés au I ne peuvent, directement ou indirectement, détenir d’intérêts dans une société ou entreprise mentionnée au I.
L’article 432-13 du code pénal est applicable aux personnes visées au I, après la cessation de leur emploi ou de leur fonction.
Le non-respect de cet article est passible des sanctions prévues à l’article 432-13 du code pénal.
Un décret en Conseil d’État fixe le modèle de déclaration d’intérêts que chaque personne doit déposer au moment de sa désignation.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Je suis également heureuse de saluer M. Hoeffel, qui a accompagné le président Mitterrand lors de sa dernière visite officielle ; celle-ci avait lieu dans la commune dont j’étais le maire, Athis-Mons. Nous avons donc des souvenirs en commun.
Le présent amendement vise à combattre les conflits d’intérêts des hauts fonctionnaires, en particulier ceux qui sont nommés en conseil des ministres par le Président de la République. Le I de cet amendement se justifie par son texte même. Le II précise que, lorsque l’on a travaillé dans un tel organisme plus de trois ans avant son entrée en fonctions, il n’est tout de même pas possible de participer aux délibérations qui le concernent.
Il ne vous a en effet pas échappé qu’un certain nombre de hauts fonctionnaires, quels que soient d’ailleurs les Présidents de la République et les gouvernements, ont été nommés après avoir travaillé, par exemple, dans une grande banque, et qu’ils se retrouvent ainsi à un poste leur donnant le contrôle de cette banque. C’est très fréquent dans le secteur de la finance.
Il serait injuste de considérer que les conflits d’intérêts ne touchent que les politiques. Il existe parfois, hélas, dans la haute fonction publique, des rapports avec certains intérêts puissants de ce pays, qui sont nuisibles à la crédibilité de l’action publique et au sentiment que les hauts fonctionnaires chargés de diriger et de contrôler sont probes.
C’est dans cet esprit que je propose cette disposition, qui existe d’ailleurs dans certains domaines. Ainsi, la loi du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, dite « HADOPI », prévoit un mécanisme du même ordre pour la nomination des membres de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet, la HADOPI. C’est aussi le cas pour la Commission de régulation de l’énergie. Il y a donc des domaines où cette contrainte s’impose.
Pourtant, tous les champs ne sont pas pris en compte, c’est très restreint, en particulier le secteur des banques et de la haute finance.
Cet amendement soulève une série de questions délicates. Quand on le lit, on voit que le I prévoit que l’on ne peut être nommé dans une fonction exigeant une nomination en conseil des ministres si l’on a été dirigeant d’une institution, d’un organisme ou d’une entreprise auxquels cet emploi ou cette fonction se rattache. Or, dans le II, on prévoit que, une fois nommée, la personne ne peut délibérer sur les questions intéressant une société dans laquelle elle a exercé des fonctions au cours des trois années précédant la délibération. Donc le I et le II sont parfaitement contradictoires et ne pourraient être appliqués.
En dehors de cette difficulté, déjà dirimante par elle-même, si l’on prend des cas pratiques au lieu de considérer les choses de manière théorique, on atteint des résultats non souhaitables. Par exemple, le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations est nommé en conseil des ministres, conformément à l’article 13 de la Constitution ; or cette disposition interdirait que l’on choisisse quelqu'un qui a dirigé une filiale de la Caisse des dépôts et consignations pour en être le directeur général. On serait donc pratiquement obligé de prendre un haut fonctionnaire du ministère des finances ou quelqu'un qui, de préférence, ne connaîtrait rien aux missions de cet organisme.
Ainsi, il y a un certain nombre d’effets pervers qu’il faudrait essayer d’éviter.
Pour toutes ces raisons, l’avis de la commission sur cet amendement est défavorable.
Les arguments de M. le rapporteur étant extrêmement pertinents, l’avis du Gouvernement est également défavorable.
Je maintiens mon amendement car j’ai copié et collé les contraintes fixées pour des structures comme la HADOPI.
Évidemment, on peut toujours envisager que telle personne qui a travaillé il y a plus de trois ans dans une structure liée à la HADOPI travaille pour cette autorité. D’ailleurs, on ne l’interdit pas, on instaure ce délai de viduité de trois ans. Cela permet ainsi à ce haut fonctionnaire de diversifier ses compétences dans d’autres domaines que ceux qui relèvent stricto sensu de la HADOPI.
Je constate que ce principe est valable aussi dans l’énergie et dans plein d’autres domaines mais que, comme par hasard, ce n’est pas valable dans la banque et la haute finance.
Je ne nie pas les éventuelles imperfections techniques qui peuvent exister ici ou là dans cet amendement, mais je veux préciser à M. Bas que c’est seulement si la nomination intervient après le délai de trois ans que le fonctionnaire ne peut participer à la délibération concernant l’établissement où il a travaillé.
Je peux admettre qu’il y ait des imperfections techniques mais elles sont extrêmement limitées parce que, je le répète, j’ai copié et collé ce qui existe pour d’autres institutions.
Je veux simplement rappeler à nos collègues – le président de la commission des lois aurait pu y faire référence – que nous avons légiféré il y a peu sur la question du conflit d’intérêts concernant les fonctionnaires dans leur ensemble, qu’ils soient hauts fonctionnaires ou fonctionnaires territoriaux. La Commission de déontologie de la fonction publique, notamment, joue un rôle important et, au travers d’un amendement qui va suivre, je propose la fusion de la Commission de déontologie de la fonction publique et de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, afin de traiter justement de cette question du pantouflage, pour laquelle les deux instances partageaient leur compétence.
Les préoccupations exprimées par notre collègue sont légitimes mais nous y avons déjà répondu dans le cadre d’un texte récent.
Par ailleurs, je m’interroge toujours sur les initiatives gouvernementales, quelle qu’en soit l’origine sur l’échiquier politique ; on semble considérer que ce qui vient d’être fait est encore insuffisant et qu’il faut légiférer dès demain sur ce que l’on a traité la veille et l’avant-veille.
Où nous arrêterons-nous ? Il faudra se poser la question tôt ou tard. D’ailleurs, le Président de la République lui-même l’a dit à Versailles, de même que le Premier ministre : nous légiférons trop dans ce pays, nous avons des codes d’une grande complexité et contenant des dispositions qui, parfois, se contredisent entre elles. À quand une pause législative ? Je crois que nous aurions mieux fait de la faire sur ce sujet et de prendre le temps de la réflexion avant de légiférer comme nous le faisons en ce moment.
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – M. Claude Kern applaudit également.
Je comprends que notre rapporteur affirme que c’est un problème délicat, parce que tout le système qui s’est installé depuis une vingtaine d’années, et qui n’a fait que croître et embellir, est bâti sur ce modèle, cette consanguinité, ce passage, cette porosité entre le public et le privé. C’est de cela qu’il s’agit !
Nous avons en fait une cogestion du pays par les intérêts financiers, les intérêts politiques les plus importants et la très haute administration. C’est cela, la France ; c’est cela, le système ! J’ai d’ailleurs essayé d’en dire quelques mots dans la discussion générale. Et l’influence des milieux financiers et économiques par ce canal-là est beaucoup plus importante que par celui des lobbies, qui nous déposeraient leurs prospectus ou nous enverraient leurs amendements. Cela fonctionne comme ça !
Aussi, je comprends que l’on ne veuille pas y toucher ou alors avec une main tremblante ; on se demande ce qui va se passer.
Je veux bien admettre que ce n’est pas exclusivement par le biais d’un amendement que l’on peut régler ce type de problème mais comme je sais que, de toute façon, on ne le fera pas, cet amendement constitue un message. Je ne sais pas combien de temps on va pouvoir continuer ainsi, dans cette confusion générale qui ôte au peuple, aux électeurs, tout véritable pouvoir. C’est là qu’est l’origine profonde de cette opposition, ce fossé qui est en train de se creuser entre nous et nos électeurs.
Je vais peut-être en étonner certains, mais il me plaît, cet amendement. D’ailleurs, il n’y a plus de frontière dans cet hémicycle entre les différents partis, et l’on peut se retrouver sur les mêmes plates-bandes à certains moments.
Le président de la commission a dit qu’il y a dans cette disposition des éléments un peu pervers ; je veux bien reconnaître qu’il y a peut-être quelques imperfections mais, sur le fond, nous allons délibérer pendant trois ou quatre jours pour mettre, si j’ose dire, les élus au pilori. On essaiera de supprimer allégrement le maximum de choses qu’ils peuvent faire. Voilà quelques instants, on a vu ce qui était proposé concernant les voyages. Bref, on met le soupçon sur tout ce que font les élus.
Pendant ce temps, sur les très hauts fonctionnaires, on ne dira rien,
Mme Marie-Noëlle Lienemann opine.
Je ne sais pas si l’amendement de Mme Lienemann est parfait dans sa rédaction, c’est toujours perfectible, mais malgré ses effets pervers, je le voterais bien parce qu’on peut parler d’un certain nombre de choses de temps en temps en dehors de ce qui nous concerne.
D’ailleurs, je me pose une question ; ne devrions-nous pas tous nous déporter sur ces textes, puisque nous traitons de notre propre situation, de notre propre avenir ? Est-il tout à fait normal que nous traitions nous-mêmes de notre avenir, puisqu’on nous demandera de nous déporter dès que l’on votera quelque chose qui concerne un parlementaire ?
Sourires sur diverses travées.
Pour toutes ces raisons, madame Lienemann, je me fais un plaisir de voter votre amendement, si vous le maintenez.
M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.
Je mets aux voix l'amendement n° 4 rectifié.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2.
L’article 2 de la loi n° 2013–907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
2° Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités de tenue d’un registre accessible au public, recensant les cas dans lesquels un membre du Gouvernement estime ne pas devoir exercer ses attributions en raison d’une situation de conflit d’intérêts, y compris en conseil des ministres. »
L'amendement n° 206, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Je propose, au travers de cet amendement, la suppression de l'article 2 bis, qui crée un registre recensant les cas dans lesquels un membre du Gouvernement estime ne pas devoir exercer ses attributions en raison d’une situation de conflit d’intérêts.
Le Gouvernement y voit deux obstacles majeurs.
En premier lieu, il nous semble que ces dispositions ne peuvent figurer dans la loi sans méconnaître le principe de séparation des pouvoirs, dont le Conseil constitutionnel a jugé qu’il « s’applique à l’égard du Président de la République et du Gouvernement ».
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous noterez que, pour l’application des règles de prévention des conflits d’intérêts aux membres du Gouvernement, l’article 2 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique a renvoyé au pouvoir réglementaire le soin de déterminer non seulement les modalités de son application, mais aussi « les conditions dans lesquelles il s’applique aux membres du Gouvernement ».
En précisant que le registre doit mentionner les cas dans lesquels un membre du Gouvernement s’abstient de participer à la délibération du conseil des ministres, l’article 2 bis nous paraît contraire à la Constitution, parce qu’il intervient dans une matière qui est au cœur de l’organisation du pouvoir exécutif et qui relève donc, par principe, de la seule compétence du pouvoir exécutif, mais aussi parce qu’il impose au Gouvernement de rendre publics certains éléments de la délibération du conseil des ministres.
En second lieu, le texte de la commission est très large et pourrait précisément entrer en contradiction avec le principe selon lequel ne sont pas communicables les « documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte au secret des délibérations du Gouvernement ».
Enfin, et en tout état de cause, les membres du Gouvernement connaissent déjà des mécanismes de prévention des conflits d’intérêts.
À cet égard, la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique indique, dans son article 1er, que les membres du Gouvernement « exercent leurs fonctions avec dignité, probité et intégrité et veillent à prévenir ou à faire cesser immédiatement tout conflit d’intérêts ».
Je ne cesse de le faire depuis le début de nos débats.
Le décret du 16 janvier 2014 relatif à la prévention des conflits d’intérêts dans l’exercice des fonctions ministérielles a été précisément pris en application de l’article 2 de la loi précitée.
Aux termes de ce décret, lorsque le Premier ministre se trouve en situation de conflit d’intérêts pour l’exercice de certains de ses pouvoirs, il délègue ceux-ci au ministre premièrement nommé dans le décret relatif à la composition du Gouvernement. Lorsque c’est un ministre qui estime se trouver en situation de conflit d’intérêts, il en informe le Premier ministre. Un décret détermine ensuite les attributions que le Premier ministre exerce à la place du ministre intéressé. Un mécanisme similaire existe enfin lorsqu’il s’agit d’un membre du cabinet qui est placé auprès d’un ministre.
Ce système est tout à fait respectueux du principe de la séparation des pouvoirs. Il paraît suffisant et effectif.
À titre d’illustration, comme vous le savez, le décret du 29 mai 2017, qui a été pris en application de l’article 2-1 du décret du 22 janvier 1959, en est un exemple. Par celui-ci, la ministre des solidarités et de la santé, Mme Agnès Buzyn, ne connaît pas des actes de toute nature relatifs à l’INSERM, qui est dirigé par son époux. C’est le Premier ministre qui reprend à son compte les attributions visées.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement demande la suppression de cet article.
La commission s’en tient à son texte.
Il est tout de même singulier que le Gouvernement, qui a beaucoup de bonnes idées pour assurer la transparence du travail parlementaire, soit aussi frileux quand il s’agit, symétriquement, d’améliorer celle du travail gouvernemental.
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – M. Yves Pozzo di Borgo et Mme Sylvie Robert applaudissent également.
Madame la garde des sceaux, je trouve tout de même que le Gouvernement pourrait accueillir avec davantage d’ouverture d’esprit un tel amendement. D'ailleurs, de manière générale, nous nous sommes efforcés de tenir la balance égale entre l’exécutif et le législatif.
Vous utilisez quelques arguments de droit. Vous vous référez notamment à l’article 2 de la loi du 11 octobre 2013, qui a en effet renvoyé au pouvoir réglementaire un certain nombre de règles déontologiques s’appliquant aux membres du Gouvernement. Cependant, je vous signale que la loi peut défaire aujourd'hui ce qu’elle a pu faire en 2013 ! Par conséquent, cet argument ne me semble pas devoir être pris en considération.
Quant à l’argument d’ordre constitutionnel, que vous avez évoqué dans un second temps, je souligne tout de même que nous n’opposons pas systématiquement aux initiatives du Gouvernement la séparation des pouvoirs et l’autonomie des assemblées quand il s’agit de traiter du travail parlementaire. Dès lors, je vois mal pour quel motif ces principes devraient être invoqués quand il s’agit du travail gouvernemental.
Madame la garde des sceaux, je n’appelle pas à la violation du secret de la délibération du conseil des ministres : je demande simplement que le compte rendu du conseil des ministres puisse indiquer que tel ou tel ministre s’est déporté.
Le conseil des ministres est un organisme collégial, à l’instar d’un conseil municipal – la République est bien faite, qui fonctionne de la même façon à la base et au sommet… §Or, quand il a intérêt à l’affaire, un conseiller municipal se déporte, faute de quoi il peut être poursuivi pour prise illégale d’intérêt.
La délibération du conseil des ministres est secrète. Du moins est-elle censée l’être, car, à en juger par un certain nombre de publications, elle ne l’est pas toujours, même si je n’ai jamais entendu parler de poursuites pour violation du secret du conseil des ministres. Je suis partisan de ce secret. Nous le défendrons, tout en demandant que le déport de ministres soit signalé dans le compte rendu du conseil des ministres. Il ne s’agit pas de connaître la délibération gouvernementale dans le détail.
Pour toutes ces raisons, je souhaite que les exigences de transparence soient appliquées de façon symétrique. Il ne s’agirait pas de faire porter la suspicion sur le travail parlementaire, …
M. Philippe Bas, rapporteur. … alors que nous devrions postuler, par hypothèse, que le travail gouvernemental est, lui, à l’abri de tout soupçon !
Applaudissementssur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe Union Centriste et du groupe socialiste et républicain.
Monsieur le rapporteur, il n’est pas question pour les membres du Gouvernement de vouloir obtenir des prérogatives ou des avantages, alors même que nous imposerions des obligations déontologiques aux membres des assemblées. Tel n’est pas du tout le sens de notre amendement !
Il me semble – je vois que vous avez un avis contraire, que, bien sûr, je respecte – réellement que, si nous adoptions cet amendement, la loi imposerait au pouvoir exécutif une obligation. C’est cette obligation qui me paraît contraire aux règles constitutionnelles. Le problème n’est pas le fait que les membres du Gouvernement soient eux aussi soumis à des règles déontologiques. Il y va du respect de la séparation des pouvoirs.
Madame Assassi, le projet qui vous concerne ne deviendra loi que si vous l’acceptez !
Enfin, si vous me le permettez, monsieur le rapporteur, la comparaison entre le conseil municipal et le conseil des ministres ne me semble pas pertinente. §Le conseil municipal est une assemblée, ce que n’est pas le conseil des ministres, qui est un organe constitutionnel tout à fait différent.
Telle est la raison pour laquelle je maintiens la demande de suppression de l’article 2 bis.
Ayant siégé dans un conseil municipal comme au conseil des ministres, j’oserai, comme vous, madame la garde des sceaux, me prévaloir d’une certaine expérience dans ce domaine.
Si les assemblées municipales et le conseil des ministres ne sont pas de même nature, ce n’est pas une raison suffisante pour écarter l’application de règles communes quand il s’agit de conflits d’intérêts.
M. Philippe Bas, rapporteur. Madame la garde des sceaux, je veux vous rappeler que la loi de 2013 fait injonction à l’exécutif de faire cesser les conflits d’intérêts et que le Conseil constitutionnel n’a rien trouvé à y redire. Dans ces conditions, je n’imagine pas qu’il puisse s’opposer à une mesure améliorant la transparence du fonctionnement du conseil des ministres !
Applaudissementssur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel applaudit également.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
Ah ! sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.
Ayant été rapporteur de la loi de 2013, je peux témoigner que nous avons été d’accord pour prévoir dans la loi un certain nombre de dispositions qui s’appliquent au pouvoir exécutif.
Je rappelle que la loi est de portée générale : dans notre pays, le pouvoir exécutif comme le pouvoir législatif, comme tous les pouvoirs d'ailleurs, sont régis par la loi.
On ne peut se satisfaire d’un raisonnement qui nous empêcherait de légiférer sur toute matière qui relève de l’exercice du pouvoir exécutif. Cela nous conduirait à des absurdités.
Je crois donc vraiment que la commission des lois a bien fait de suivre son rapporteur.
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel applaudit.
Monsieur Sueur, vous me pardonnerez de faire à nouveau référence au Conseil constitutionnel, qui, dans une décision de 2011, a clairement précisé qu’il n’était pas possible pour le législateur d’intervenir dans l’organisation du Gouvernement.
Or il me semble que le conseil des ministres c’est bien l’organisation du Gouvernement.
Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe Les Républicains.
L’exercice du pouvoir exécutif, et non l’organisation du Gouvernement !
C’est la raison pour laquelle je continue de m’opposer à l’article 2 bis.
Vous avez tout à fait raison, madame la garde des sceaux, et je ne méconnais pas le fait que nous ne puissions pas intervenir dans l’organisation du Gouvernement. Au reste, nous ne souhaitons pas le faire.
La règle que vous voulez supprimer du texte de la commission organise la publicité du déport d’un ministre dans la délibération du conseil des ministres. Cela ne concerne pas l’organisation du Gouvernement.
Je n’aurais d'ailleurs pu soutenir une telle immixtion, étant particulièrement attaché à une scrupuleuse séparation des pouvoirs.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe Union Centriste. – Mme Sylvie Robert applaudit également.
L'amendement n'est pas adopté.
L’article 2 bis est adopté.
J’informe le Sénat que le groupe du Rassemblement démocratique et social européen a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l’évaluation interne.
Cette candidature a été publiée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à vingt-et-une heures, sous la présidence de M. Claude Bérit-Débat.