Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le débat relatif au projet de loi visant à rétablir la confiance dans la vie publique est important et fondamental, comme j’ai eu l’occasion de le souligner hier.
Les dernières campagnes électorales, les dernières modalités d’exercice du pouvoir, la place des médias dans la vie politique ont mis en exergue l’exaspération, voire le ras-le-bol de nos concitoyens face à la place croissante de l’argent dans la vie politique. Cette question traverse, me semble-t-il, toute la société.
Comment ne pas parler de la représentativité des élus ? Comment ne pas parler de la place des médias, de leurs rapports avec puissances d’argent et forces politiques dans un tel débat ? Comment ne pas parler des instituts de sondage aux mains des grands groupes privés ?
Le Parlement, monsieur le président de la commission des lois, doit demeurer un lieu de débat, un lieu de propositions, y compris des propositions alternatives. Si le débat dans sa plénitude n’a pas lieu au Parlement, où aura-t-il lieu ? Au conseil des ministres ?
De nombreuses – trop nombreuses ! – irrecevabilités ont été décrétées pour refuser d’emblée l’examen d’amendements, la plupart d’entre elles au motif que ces derniers n’auraient pas, comme l’exige l’article 45 de la Constitution, de lien direct ou, j’y insiste, indirect avec le projet de loi.
Monsieur le président de la commission des lois, vous savez que la réforme constitutionnelle de 2008 avait pour objet d’élargir le droit d’amendement, et non pas de le restreindre. Voulez-vous que je vous donne lecture du rapport de M. Hyest, votre prédécesseur, et de ses interventions en séance publique en la matière ?
Vous me direz que c’est le Conseil constitutionnel qui, dans l’un de ces revirements de jurisprudence dont il a le secret, a poussé à restreindre le champ du droit d’amendement. Cela pose une nouvelle fois le problème de la légitimité du Conseil constitutionnel pour décider de l’organisation démocratique de nos institutions. Le Parlement doit défendre ses prérogatives avec fermeté.
Le renforcement du pouvoir exécutif décidé et mis en œuvre très rapidement par M. Macron doit nous faire réfléchir. Le droit d’amendement est crucial pour respecter l’équilibre des pouvoirs et leur séparation. Ce n’est pas au Gouvernement de décider, pour la rédaction de son projet de loi et de ses articles, le champ du droit d’amendement, car c’est à cela que revient l’utilisation abusive de l’article 45. Vous donnez au Gouvernement la clef du droit d’amendement, de ce qu’il reste du droit d’amendement.
Je vous demande solennellement, monsieur le président de la commission des lois, de revenir sur cette décision, qui met en péril un droit constitutionnel essentiel, lequel caractérise le pouvoir de faire la loi.