Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 11 juillet 2017 à 14h15
Rétablissement de la confiance dans l'action publique — Articles additionnels avant l'article 1er

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

À cet argument du respect de l’engagement pris, qui est un argument très fort, madame la garde des sceaux, j’en ajouterai plusieurs autres.

Dois-je vous rappeler que le Conseil constitutionnel a affirmé, dans sa décision du 18 novembre 1982, que « la qualité de citoyen ouvre le droit de vote et l’éligibilité dans des conditions identiques à tous ceux qui n’en sont pas exclus pour une raison d’âge, d’incapacité ou de nationalité, ou pour une raison tendant à préserver la liberté de l’électeur ou l’indépendance de l’élu » ?

Or notre amendement tend à respecter aussi bien la liberté de l’électeur que l’indépendance de l’élu, dans la mesure où il ne vise que des comportements malhonnêtes ayant été prouvés et condamnés lors de procès réguliers et contradictoires.

En outre, madame la garde des sceaux, nous n’entendons aucunement instaurer une peine. L’inscription d’une condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire n’est pas une peine prononcée par le juge, mais la conséquence effective et de plein droit de cette condamnation sur le fondement du code de procédure pénale. Elle n’a en aucune façon le caractère d’une peine complémentaire, et le juge n’intervient que pour déroger à la règle en ordonnant une non-inscription. Il est donc inadéquat, monsieur le rapporteur, de qualifier de « punitif » le dispositif que nous proposons.

Enfin, si ces dispositions demeurent punitives aux yeux de certains, il faut rappeler que la jurisprudence constitutionnelle, que, madame la garde des sceaux, vous ne pouvez ignorer, a évolué depuis la censure de l’article 7 du code électoral, de sorte qu’il n’existe pas d’interdiction de principe des peines obligatoires.

Dans sa jurisprudence la plus récente, que vous connaissez très bien, le Conseil constitutionnel subordonne leur conformité au principe d’individualisation des peines en se fondant sur un certain nombre de critères, que remplit la condition d’éligibilité. En conséquence, si l’inscription d’une condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire est de droit, elle n’est pas automatique, le juge pouvant à tout moment ordonner son omission.

En définitive, il existe un lien manifeste entre, d’une part, l’infraction prise en compte pour apprécier l’éligibilité d’une personne et la gravité de celle-ci, et, d’autre part, l’exercice d’un mandat électif. J’espère, madame la garde des sceaux, que vous aurez été sensible à notre argumentation en faveur de l’amendement de M. Cabanel.

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