Intervention de Nicole Belloubet

Réunion du 11 juillet 2017 à 14h15
Rétablissement de la confiance dans l'action publique — Article additionnel après l'article 1er bis

Nicole Belloubet, garde des sceaux :

Je partage l’avis du rapporteur.

Comme l’ont souligné leurs auteurs, les amendements déposés font état d’un débat ancien et récurrent, qui vise à autoriser l’engagement de poursuites pénales pour fraude fiscale, soit sans plainte de l’administration fiscale ni saisine de la commission des infractions fiscales, soit sur plainte de l’administration mais sans saisine de la CIF.

Avant de vous répondre sur le fond, je voudrais dire que ces quatre amendements relatifs au régime de saisine du parquet en cas de fraude fiscale sont un peu éloignés de l’objet de la présente loi et qu’en cela ils justifient l’avis défavorable émis par le Gouvernement.

Je voudrais préciser deux autres points.

Le premier, c’est que la saisine de la CIF est une garantie procédurale pour les contribuables. Le second, c’est qu’il n’est pas tout à fait juste de dire, s’agissant de la remise en cause de ce qu’il est convenu d’appeler le « verrou de Bercy », qu’elle serait une condition pour garantir l’égalité des citoyens devant la justice et devant l’impôt.

Une telle affirmation reviendrait en effet à suggérer que la pratique de l’administration fiscale n’est pas guidée par le principe d’égalité devant la loi, lorsqu’elle effectue des contrôles et lorsqu’elle dépose plainte pour fraude fiscale. Or le Gouvernement ne partage évidemment pas ce soupçon. En pratique, l’administration fiscale et l’institution judiciaire n’ont cessé d’approfondir leur coopération pour lutter efficacement contre la fraude fiscale.

De toute façon, la correctionnalisation potentielle de l’ensemble des fraudes fiscales connexes à d’autres infractions sur l’initiative des seuls parquets entraînerait également la nécessité de définir une politique pénale ad hoc, de manière à ne pas « surpénaliser » la fraude fiscale et à traiter de manière égalitaire les citoyens dans toutes les juridictions de France.

Je dois en effet souligner que, dans la majorité des cas, l’application des pénalités fiscales exclusives de bonne foi suffit à réparer le préjudice financier subi par le trésor public et, plus généralement, le préjudice subi par la société.

Comme l’a rappelé la jurisprudence constitutionnelle, la répression pénale doit, au-delà de ces sanctions, être réservée aux cas de fraude fiscale les plus graves.

Le Gouvernement ne souhaite donc pas généraliser la sanction pour fraude fiscale par le juge pénal à tous les cas de fraude. Cela paraîtrait totalement disproportionné et ne serait pas conforme au cadre constitutionnel de la lutte contre la fraude. La saisine de la commission des infractions fiscales contribue à avoir une vision nationale et homogène, qui permet de justifier le dépôt de plaintes pour fraude fiscale dans les cas les plus graves.

C’est pourquoi je vous demanderai, mesdames, messieurs les sénateurs, de bien vouloir retirer vos amendements ; à défaut, le Gouvernement sera contraint d’en demander le rejet.

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