Je vais essayer d’être concis, mais ce sujet est d’une importance cruciale.
Le Sénat a défini de manière très rigoureuse, depuis plusieurs années, les dépenses éligibles à un financement par l’indemnité représentative de frais de mandat : il s’agit des frais liés à la permanence et à l’hébergement du sénateur, des frais de déplacement du sénateur et de ses collaborateurs, des frais de documentation et de communication, des frais de représentation et de réception, des frais de formation du sénateur et de ses collaborateurs et de la participation aux dépenses de fonctionnement d’un groupe parlementaire. Aucune dépense n’entrant pas dans une de ces catégories ne peut être prise en charge par le biais de l’indemnité représentative de frais de mandat. Celle-ci doit en outre être gérée sur un compte spécifique, qui n’est alimenté par aucune autre ressource, et s’il existe, à la fin du mandat du sénateur, un reliquat des sommes déposées sur ce compte, ce reliquat doit être remboursé au Sénat dans un délai de trois mois.
Nous avons donc abordé ce débat sur la prise en charge des frais de mandat de la manière la plus sereine, compte tenu de la réglementation très précise qui existe dans notre assemblée. Je sais d’ailleurs que, dans ses travaux préparatoires, le Gouvernement s’est largement inspiré – il pourra le confirmer – des règles posées par le Sénat en la matière.
Madame la ministre, vous avez souhaité, au nom du Gouvernement, aller plus loin, et nous vous avons fait bon accueil. Vous nous avez demandé d’accepter que toutes les dépenses éligibles au financement par le Sénat des frais de mandat fassent l’objet de justificatifs. Vous avez également demandé que les frais de mandat soient remboursés aux sénateurs. Je reviendrai dans un instant sur cette notion de remboursement. Vous avez enfin reconnu – c’est une conséquence du principe d’autonomie des assemblées parlementaires – que les modalités de ce remboursement et l’ensemble des modalités de fonctionnement de la prise en charge des frais de mandat devaient être déterminées par le bureau de chacune des deux assemblées. Toute autre position serait d’ailleurs inconstitutionnelle : il y a une limite à l’intrusion possible du législateur dans le fonctionnement de nos assemblées.
Madame la ministre, la commission des lois fut d’emblée très largement d’accord avec vos propositions. Toutefois, elle a souhaité remplacer le mot « remboursement » des frais de mandat par l’expression « prise en charge » des frais de mandat, parce que ces derniers sont gérés aujourd’hui selon plusieurs modalités et qu’il paraît raisonnable de maintenir, à côté de la procédure envisagée par le Gouvernement, à savoir le remboursement, la possibilité d’attribuer des avances ou la prise en charge directe par le Sénat de certains frais. Il en est d’ailleurs ainsi en Grande-Bretagne, où le régime est extrêmement sévère. Nous avons considéré que faire du remboursement la modalité unique de prise en charge des frais de mandat était beaucoup trop restrictif et risquait d’entraîner des contraintes bien trop fortes pour l’exercice de notre fonction.
Madame la ministre, vous n’avez pas accepté la proposition de la commission des lois de remplacer « remboursement » par « prise en charge ». Nous nous trouvions donc dans une impasse. J’ai souhaité en sortir pour des raisons politiques et institutionnelles que j’assume pleinement. En effet, dans le processus législatif qui est engagé, si nous ne trouvons pas d’accord avec le Gouvernement sur ce point essentiel – comme l’est l’interdiction des emplois familiaux, sur laquelle nous allons revenir pour la rétablir –, celui-ci ne défendra pas la position du Sénat devant l’Assemblée nationale, laquelle dès lors ne se sentira nullement liée par le vote que nous aurons émis.
Je souhaite, mes chers collègues, que le Gouvernement défende la position qui aura été débattue au Sénat sur ces points essentiels, car sinon nous risquons fort, au terme du processus, de nous trouver devant une difficulté politique majeure