Monsieur le ministre, nous sommes heureux de vous retrouver, certes dans des fonctions différentes de celles que vous exerciez précédemment, car vous avez toujours témoigné respect et amitié pour notre commission. Je vous souhaite bonne chance dans l'exercice des très lourdes responsabilités que le Président de la République nouvellement élu vient de vous confier.
Je vous prie par ailleurs de bien vouloir excuser l'absence aujourd'hui de Jean-Pierre Raffarin.
Vous arrivez au Quai d'Orsay dans un monde en pleine ébullition, en crise, dans une période dangereuse et compliquée.
Nous souhaitons connaître la feuille de route de votre ministère. Nous avons déjà perçu certains changements au cours de la campagne électorale et lors des premières déclarations du Président de la République, sur la Syrie, mais aussi sur l'Europe. Nous souhaitons vous entendre sur les crises qui sont d'une brûlante actualité, en particulier en Méditerranée.
La Tunisie nous inquiète, car c'est une démocratie fragile. Les résultats tardent à venir, le pays est confronté au retour de ses combattants djihadistes. La frontière tuniso-libyenne est un abcès inquiétant.
Il y a peu, vous étiez en Algérie, acteur majeur, mais aussi colosse aux pieds d'argile. L'état de santé du président Bouteflika et l'incertitude sur l'avenir politique de ce pays ne constituent-ils pas des risques majeurs pour l'Algérie et, indirectement, pour la France ?
En Libye, l'Égypte, menacée par le chaos à ses frontières, soutient le maréchal Haftar, lequel conteste l'autorité du gouvernement de M. al-Sarraj installé à Tripoli et reconnu par la communauté internationale.
Notre diplomatie, en changeant de chef, va-t-elle changer de cap à cet égard ?
En Syrie, nous sommes frappés collectivement par l'absence de solution politique. Vous avez suivi le dossier sous l'angle militaire. Quelle est votre approche, désormais, sous l'angle diplomatique ? Vous revenez de Moscou : le dialogue a-t-il été fructueux ? Nous savons bien que, sans la Russie, il sera difficile de trouver une solution dans ce pays.
Dans la bande sahélo-saharienne, au Mali, le terrorisme repart et les difficultés à faire adopter la résolution sur la force antiterroriste du G5 Sahel font craindre une fragilisation du soutien américain. Le mandat n'autorise pas le recours à la force. Le financement est renvoyé à une conférence des donateurs. C'est très problématique. Comment voyez-vous la suite ?
Au Mali, le président Ibrahim Boubacar Keïta est-il en capacité de mettre en oeuvre les accords d'Alger signés il y a deux ans alors que la rue a obtenu le report du référendum sur la révision constitutionnelle ? Le veut-il véritablement ?
Par ailleurs, comment la France intervient-elle dans le cadre de la crise diplomatique dans le Golfe arabo-persique qui s'est nouée autour du Qatar ? La commission a longuement travaillé ce matin avec des experts qui lui ont apporté un éclairage passionnant sur un conflit très compliqué ayant de nombreuses incidences, y compris sur la présence de la France dans cette région. Dans quelle mesure les tensions entre l'Arabie saoudite et l'Iran nuisent-elles à notre lutte contre le terrorisme ?
Enfin, nous souhaitons bien évidemment vous interroger sur le Brexit. Nous traversons une passe assez délicate. Le Sénat a la conviction que l'avenir à vingt-sept est plus important que le Brexit lui-même. Nous souhaitons une relance de l'Europe de l'énergie, de la défense, de l'harmonisation fiscale, de l'Europe sociale. Un échec des négociations avec les Britanniques est-il possible ? La diffraction de l'Europe, non-sens géostratégique à l'heure des pays-continents, aura des conséquences lourdes pour le Royaume-Uni, mais aussi pour les Vingt-Sept. Les relations de long terme avec le Royaume-Uni doivent être préservées : je pense surtout à la défense et la sécurité. Quelle est votre analyse en tant que ministre de l'Europe sur le début des négociations ?