Intervention de Elisabeth Borne

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 20 juillet 2017 à 11h00
Audition de Mme élisabeth Borne ministre auprès du ministre d'état ministre de la transition écologique et solidaire chargée des transports

Elisabeth Borne :

Je mesure ainsi les progrès qui doivent être réalisés. La majorité des déplacements ne se fait pas sur la longue distance. C'est une source de souffrance au quotidien pour les personnes qui se rendent à leur travail si leurs déplacements ne sont pas correctement organisés. On ne peut prendre comme référence la fréquentation de certaines lignes, dont le matériel roulant n'est pas forcément adapté et dont les infrastructures ne permettent pas une circulation à la vitesse normale. J'étais en Charente récemment et l'on va placer des ralentissements sur la ligne entre Limoges et Angoulême, ce qui conduit à une moindre fréquentation. Je suis parfaitement consciente de cette problématique et il nous faut évaluer notre réseau sur la base d'un service de qualité. Il faut également nous préoccuper des procédures administratives d'autorisation. Les espaces littoraux sont fragiles et doivent répondre à des enjeux importants en matière de préservation de la biodiversité. Leurs enjeux sont identifiés et leur prise en compte n'est pas forcément favorisée par l'accroissement des procédures administratives.

Je voudrais répondre à la question du canal Seine-Nord, soulevée initialement par monsieur Jean-Claude Leroy et rappelée ultérieurement par Monsieur Jean-François Rapin. Loin de nous gargariser de termes technocratiques comme le changement de paradigme, je suis parfaitement consciente des enjeux que représentent ces projets pour les territoires concernés. Que vaut la parole de l'État et des engagements souscrits ? En toute transparence, il y a bien 3,7 milliards d'euros de commandes passées pour du matériel TET qui devront être prélevés sur les recettes de l'Afitf qui sont, quant à elles, demeurées stables. Nous avons également un protocole de financement avec le Canal Seine-Nord et aurons un débat avec les collectivités sur les 700 millions d'euros gagés sur des recettes que nous avons du mal à cerner aujourd'hui. Cependant, je suis au regret de vous dire que les besoins de l'Afitf excèdent ses recettes à hauteur de 1,5 milliard d'euros. Je porte le souci que l'État assume ses engagements, mais il me faut partager cette difficulté. Il faut se mettre en ordre de marche pour qu'une telle situation ne se réitère pas. Tel est d'ailleurs l'objectif de la loi de programmation.

La stratégie de l'État s'inscrit à plus long terme que les cinq prochaines années. Prendre des engagements financiers serait compliqué pour nos successeurs et c'est la raison pour laquelle l'horizon de la loi de programmation sera celui du quinquennat. Mais il nous faut réfléchir au-delà. S'agissant des crédits européens, nos deux grands projets - le tunnel Lyon-Turin et le canal Seine-Nord - se trouvent dans les réseaux transeuropéens et bénéficient de financements, à hauteur de 40 %, d'origine européenne. Par ailleurs, le tunnel Lyon-Turin bénéficie de 35 % de financements italiens. Les règles ne sont pas aussi contraignantes que d'aucuns ont pu précédemment vous le dire. Si les paiements ont été effectués très au-delà du cadre financier précédent, nous serons très attentifs à ne pas perdre le bénéfice des crédits européens. On peut certes porter des promesses, encore faut-il s'assurer de leur financement effectif.

Sur l'industrie ferroviaire, j'ai bien conscience que ces commandes représentent du travail pour notre industrie ferroviaire.

Je n'ai pas évoqué l'ubérisation des transports. Je pense qu'il faut se réjouir de l'apparition de ces nouvelles formes de mobilité permises par le digital et l'apparition de ces plateformes qui offrent des solutions à des besoins insatisfaits jusqu'alors. Une telle émergence ne peut pas se faire dans le désordre et l'État doit s'occuper de la sécurité des clients. Tel est le sens de la loi Grandguillaume de 2016 qui impose aux conducteurs de VTC un examen à la fois théorique et pratique. On doit aussi s'assurer de l'existence d'une concurrence équitable et loyale entre ces nouveaux acteurs et ceux qui préexistaient. Enfin, il ne serait pas satisfaisant que ces nouvelles solutions conduisent à l'apparition d'une nouvelle catégorie de travailleurs pauvres ; ce qui milite en faveur d'une prise en compte de la protection des salariés. Des éléments ont déjà été portés par la loi travail du précédent quinquennat, notamment avec l'obligation d'assurance des plateformes vis-à-vis de leurs conducteurs.

Les nuisances de la LGV feront l'objet d'un examen avec le concessionnaire qui devra apporter des réponses aux réactions des communes, dont je vous remercie de m'avoir informée.

Sur la question des autoroutes, chacun a en tête l'existence d'un plan d'investissement, pour ne pas dire de relance, que le précédent gouvernement avait précédemment lancé pour les autoroutes et qui représente un montant de 800 millions d'euros. Ce plan porte précisément sur les aménagements comme les échangeurs pour assurer une meilleure diffusion sur le territoire du trafic routier, les aménagements environnementaux ou encore les aires de covoiturage. Ce programme d'investissement a fait l'objet d'un avis négatif de l'Arafer. On est en train d'examiner comment prendre en compte cet avis et je m'interroge sur le TRI demandé par les sociétés concessionnaires. De nombreux débats sur la rentabilité des sociétés concessionnaires ont eu lieu et il faut que ces dernières l'entendent. Néanmoins, ce programme d'investissements est intéressant. On ne va tout de même pas interrompre les travaux prévus dans les contrats de plan des sociétés concessionnaires ! Depuis 2016, les allongements de concession ne peuvent se faire que par la loi. J'attends des sociétés concessionnaires qu'elles réfléchissent autrement et qu'elles proposent autre chose que des plans de relance fondés sur des allongements de concession. Je pense que nos concitoyens ne comprendraient pas que soit prolongée indéfiniment une telle démarche.

Enfin, nous serons amenés à ouvrir le sujet de la stratégie du transport aérien, avec en ligne de mire la compétitivité de notre pavillon. De nombreux travaux ont été consacrés à cette question et il nous faut à présent réunir tous les acteurs. Cette thématique ne relève pas exclusivement de mon ministère. En effet, si des enjeux de compétitivité relèvent de la régulation, d'autres incombent aux compagnies aériennes. À cet égard, il semble que les derniers accords au sein de la compagnie Air France expriment une forme d'apaisement et constituent un signe très positif. De notre côté, en tant que régulateur de ce secteur, il nous faut prendre en compte la volonté exprimée par les salariés de l'entreprise de participer à la meilleure compétitivité de leur entreprise et les accompagner en ce sens. En outre, je suis bien consciente que les enjeux du Brexit concernent également le transport aérien et maritime. Nous serons particulièrement vigilants à ce que ces questions soient bien traitées en amont et que les décisions prises ne le soient pas dans la précipitation.

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