Intervention de Nicolas Hulot

Commission des affaires économiques — Réunion du 18 juillet 2017 à 17h35
Audition de M. Nicolas Hulot ministre d'état ministre de la transition écologique et solidaire

Nicolas Hulot, ministre d'État :

J'attends beaucoup des prochains États généraux de l'alimentation. L'abandon des préjugés - selon certains, les agriculteurs seraient la cause des problèmes environnementaux et, pour d'autres, il n'y aurait qu'un seul mode de production possible - reste la clé d'une sortie par le haut pour tout le monde. Je pense justement qu'un moment d'intelligence collective peut redonner de la considération et de la sécurité économique aux agriculteurs. Certes, nous partageons un sentiment de crise, mais il me semble que dans certains secteurs, celui-ci s'avère relativement permanent. Différents ateliers seront organisés d'ici à septembre. Vous évoquiez l'utilisation des produits phytosanitaires et des différents intrants, nous en sommes effectivement le premier pays consommateur. Nombre de mes amis paysans sont confrontés à des pathologies, qui sont autant de drames humains et familiaux, et se retrouvent isolés face à la maladie et au contentieux avec les prescripteurs de produits. J'ai donc à coeur de sortir de cette situation.

La France ne connait pas qu'une agriculture, elle en connait plusieurs. Il est donc possible de diversifier les modes de production, comme les sources de revenus des agriculteurs. J'avais pu constater, en tant qu'envoyé spécial de la COP 21, qu'un agriculteur qui fait le choix d'élever son bétail sur de la prairie aide à séquestrer du carbone. C'est la preuve que les agriculteurs peuvent participer à la transition énergétique mais il faut pour cela qu'ils s'y retrouvent. La multifonctionnalité doit être accompagnée d'une diversification des rémunérations.

Loin de moi l'idée de stigmatiser les céréaliers, mais un choix s'impose. Soit on conserve le système actuel avec les externalités négatives qu'il comporte soit, au contraire, on aspire à une forme de souveraineté alimentaire. Je ne suis pas certain que cette souveraineté soit compatible avec la gourmandise actuelle que l'on peut avoir vis-à-vis du foncier agricole. Demandons-nous s'il est normal que, face à une augmentation de 33 % de la demande en produits biologiques, nos paysans n'y répondent que de manière marginale au profit d'importations plus importantes. Pour y répondre, il faudra néanmoins un peu de temps. Malgré les postures initiales des acteurs économiques ou des ONG, le Grenelle de l'environnement a fini par créer de l'intelligence. Je suis certain que ces États généraux pourront faire de même.

En ce qui concerne le loup, j'essaie, comme pour l'ensemble des tâches qui m'incombent, de mécontenter le moins d'acteurs possibles. J'entends à la fois les points de vue des deux camps qui s'opposent, les « pro-loups » comme les « anti-loups ». Les seuls que je n'écoute pas sont ceux qui soutiennent les positions extrêmes qui voudraient que l'on ne touche à aucun loup ou, au contraire, qu'on les abatte tous. Dans un contexte terrible d'érosion de la biodiversité mondiale, j'ai en charge de défendre des positions fortes à l'occasion de conventions internationales. Je ne veux pas donner l'impression que nous baissons les bras face à des situations complexes qui nécessitent des réponses appropriées.

Dans un contexte particulier englobant notamment la période de montée à l'estive, j'ai dû prendre récemment des mesures d'urgence autorisant des tirs de défense renforcés avant de fixer un calendrier d'actions à échéance du 30 juin 2018. Il s'agit néanmoins de mesures d'urgence qui ne sont, par nature, pas forcément les plus intelligentes. J'ai donc décidé d'organiser une concertation dès la rentrée afin de planifier notre action sur quatre années à compter de janvier 2018. Cette concertation aura pour but de rencontrer l'ensemble des acteurs et d'évaluer ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas à l'échelle de chaque foyer. Car prescrire l'abattage d'un certain nombre de loups ne correspond, pour moi, à aucune réalité scientifique. Je souhaite évaluer le fait de donner la possibilité aux éleveurs de se défendre, le cas échéant, par l'intermédiaire de brigades spéciales venant dissuader le loup et protéger les troupeaux dans des situations difficiles. J'entends la détresse des éleveurs. Je n'aurais jamais pensé signer un jour un arrêté prescrivant de tuer des loups mais je l'ai fait car cette situation ne me laisse pas insensible. Je souhaite néanmoins établir un plan sur quatre ans qui ait du sens.

En ce qui concerne le rôle des agriculteurs pour les paysages, je pense avoir répondu et confirme qu'ils rendent énormément de services, dont la plupart sont d'ailleurs insuffisamment reconnus et valorisés. Mon rêve est de retrouver pleinement un sentiment de respect entre le monde urbain et le monde rural. J'ai récemment visité avec Stéphane Travert, le centre de recherche de l'Institut national de la recherche agronomique (Inra) à Saclay. On essaie d'y limiter le recours aux intrants, sans perte d'efficacité, en utilisant l'intelligence de la nature et l'ensemble du langage chimique. À service ou effet égal, beaucoup d'éléments vont nous permettre de diminuer l'exposition des agriculteurs, voire des consommateurs. Il convient donc de faire l'inventaire des solutions en gestation et de celles déjà applicables.

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