En complément de ce que vient de dire Valérie Létard, je vous rappelle que ces baisses de crédits font suite aux annonces de baisse des dotations pour les collectivités.
Nous en venons aux conseils citoyens. Ils sont la traduction du principe de co-construction avec les habitants inscrit dans la loi Lamy.
La loi Lamy précise que les modalités d'application des dispositions relatives aux conseils citoyens seront précisées par arrêté. Toutefois, le gouvernement n'a pas jugé nécessaire de prendre cet arrêté, préférant dans un premier temps la mise en place d'un « cadre de référence », qui a depuis été complété à la demande des acteurs par une circulaire publiée le 2 février 2017.
Certains élus ont pu faire preuve de réticences dans la mise en place des conseils citoyens. Ils ont parfois eu le sentiment de se voir imposer un modèle au mépris des dispositifs existants sur leur territoire et ils ont craint que ce nouveau conseil ne soit instrumentalisé par leur opposition locale. Les réticences peuvent également survenir quand les élus ont connu des difficultés dans la mise en oeuvre de précédents dispositifs participatifs ou lorsque ces dispositifs n'ont pas fonctionné sur leur territoire. Toutefois, 1 054 conseils citoyens ont été mis en place ou sont en cours de constitution. 3 quartiers prioritaires sur 4 sont couverts par un conseil citoyen.
Chaque quartier prioritaire de la politique de la ville doit en principe avoir un conseil citoyen. Tel n'est pas le cas en pratique et ce pour plusieurs raisons. Tout d'abord, la taille du quartier peut jouer. Marseille a un quartier de 1000 habitants et un autre de 87 000 habitants. On peut comprendre la volonté des élus d'avoir plusieurs conseils citoyens pour le quartier le plus peuplé. En outre, certains élus ont souhaité « rationaliser » la mise en place de ces nouvelles instances afin de faciliter la mobilisation des services de la politique de la ville qui accompagnent la création et suivent ces conseils. Enfin, certains ont souhaité faciliter la mobilisation d'un nombre suffisant d'habitants, notamment dans les communes où existent déjà des dispositifs de participation.
La loi précise que le conseil citoyen doit être composé de deux collèges : un collège composé d'habitants -ces derniers sont tirés au sort et la parité doit être assurée- et un collège composé des représentants des associations et acteurs locaux.
Pour la constitution du collège habitants, le cadre de référence a préconisé de réaliser le tirage au sort, d'une part, à partir d'une liste de bailleurs, d'EDF ou de la liste électorale par exemple et, d'autre part, à partir d'une liste composée de volontaires.
En pratique les modalités de recrutement se sont orientées majoritairement vers le tirage au sort à partir d'une liste de volontaires. Le bilan du tirage au sort à partir de listes neutres est donc mitigé.
Les élus qui souhaitaient procéder à un tel tirage au sort ont rencontré des difficultés. Une première difficulté réside dans le choix de la liste pour réaliser ce tirage au sort. Aucune liste n'étant à elle seule représentative (par exemple la liste électorale ne prend pas en compte les mineurs, les personnes étrangères), les élus étaient invités à mixer ces listes. Les élus se sont également heurtés à l'application de la loi informatique et liberté pour l'obtention de certaines listes. Nous proposons d'y remédier en inscrivant dans la loi la possibilité de recourir à certains fichiers pour constituer les conseils citoyens. Une seconde difficulté réside dans la procédure elle-même plus complexe qu'un tirage au sort à partir d'une liste de volontaires. Elle nécessite une importante phase de communication préalable pour être efficace.
Le recours au tirage au sort a cependant permis dans certains cas un renouvellement des instances de démocratie participative et a suscité de nouvelles vocations. Néanmoins, ce système n'empêche pas les démissions. De même nous avons eu écho de cas où les acteurs associatifs étaient peu mobilisés et peu présents au sein du conseil citoyen. Nous regrettons que l'enquête menée sur les conseils citoyens par le CGET n'ait pas abordé cette question. Nous demandons au CGET de mener cette étude sur les vacances et les démissions au sein du conseil citoyen et de réfléchir aux moyens de faciliter le remplacement des membres démissionnaires.
Nous avons également constaté que les conseils citoyens avaient du mal à trouver leur place notamment lorsqu'il préexiste d'autres instances participatives. La loi n'a pas permis aux élus locaux de pouvoir choisir la forme de cette participation ce qui aurait permis de limiter les phénomènes de concurrence. Elle a seulement donné la possibilité au maire de transformer un conseil de quartier en conseil citoyen sous certaines conditions. Cette possibilité n'a cependant été utilisée que dans 5 % des cas, les maires préférant créer une structure nouvelle.
En outre, les sujets abordés par les conseils citoyens et les conseils de quartier peuvent se chevaucher. En effet, la loi prévoit que le maire peut associer les conseils de quartiers « à l'élaboration, à la mise en oeuvre et à l'évaluation des actions intéressant le quartier, en particulier celles menées au titre de la politique de la ville ».
Éviter la concurrence entre les conseils citoyens et les conseils de quartier est donc un enjeu majeur pour ne pas décourager les habitants siégeant dans l'une ou l'autre de ces instances. Nous souhaitons qu'une étude nationale sur la question de l'articulation de ces différentes instances soit menée.
Les conseils citoyens doivent participer aux instances de pilotage des contrats de ville. 75 % ont des représentants au sein des comités de pilotage. Cependant, seul un tiers des conseils citoyens représentés participeraient à la prise de décision, pour les autres leur rôle demeure encore largement consultatif.
Les membres des conseils citoyens ne pourront pleinement jouer leur rôle, qu'à la condition d'être formés afin de mieux appréhender le contexte institutionnel et les sujets de politique de la ville. Le rôle du préfet et notamment de ses délégués, ainsi que des équipes de la politique de la ville est essentiel pour leur permettre de disposer de toutes les informations nécessaires à la prise de décision. Les moyens (locaux, budgets de fonctionnement, assistance technique) seront également décisifs pour éviter l'essoufflement de ces nouvelles instances. Nous invitons l'Etat à maintenir une participation significative au fonctionnement des conseils citoyens.
Nous en venons au NPNRU. Au regard de la satisfaction unanime du PNRU, la loi Lamy a prévu de mettre en oeuvre un nouveau programme national de renouvellement urbain pour la période 2014-2024. Ce nouveau programme est centré en priorité sur les quartiers présentant les dysfonctionnements urbains les plus importants. 216 quartiers ont ainsi été retenus. En complément, 274 quartiers dits d'intérêt régional ont été choisis pour lesquels l'ANRU intervient mais dans une moindre mesure.
Le règlement du NPNRU concentre de nombreuses critiques.
La nouvelle procédure se décompose en deux phases : dans un premier temps est élaboré un protocole de préfiguration qui oblige à une importante réflexion préalable sur le projet et à inscrire celui-ci dans le périmètre plus large de l'intercommunalité. Dans un second temps sont conclues des conventions d'engagement qui déclinent ce projet.
Certaines personnes auditionnées ont eu le sentiment que la multiplication des études, notamment sur des sites ayant bénéficié du PNRU, lors de la phase de préfiguration s'avérait contreproductive, ralentissait le processus et cassait dans certains cas la dynamique engagée. Nous souhaitons que ces études soient rationalisées lorsque le projet de renouvellement s'inscrit dans la continuité du PNRU.
Plusieurs collectivités locales se sont inquiétées des conséquences pratiques du portage intercommunal du NPNRU. En effet, il parait difficilement envisageable d'attendre que l'ensemble des projets intercommunaux soient prêts pour pouvoir lancer la phase opérationnelle des projets. De même, pour des raisons évidentes de mise en oeuvre, il peut être nécessaire de prévoir plusieurs programmes de rénovation s'agissant d'un même quartier prioritaire. Tel est le souhait émis par la Métropole de Marseille. Nous ne pouvons qu'appuyer ces demandes de bon sens.
Les nouvelles règles financières ont également été discutées qu'ils s'agissent du scoring qui pénalise les communes les plus vertueuses, du montant des subventions versées par l'Anru, ou de la mise en place des prêts bonifiés. Nous constatons que le fossé se creuse entre la perception qu'a l'Anru de la mise en oeuvre du NPNRU et celle des élus. Nous invitons l'Anru à revoir ses règles. Si le montant du NPNRU est effectivement augmenté, nous souhaitons que soit privilégié le recours aux subventions plutôt qu'à des prêts bonifiés, sous peine d'accroître plus encore l'endettement des communes qui sont des communes pauvres.
En matière d'habitat, le NPNRU doit plus encore que le PNRU favoriser la mixité sociale et fonctionnelle et porter une attention particulière au traitement des copropriétés.
Pour favoriser la mixité sociale, on peut soit agir sur les attributions soit favoriser les démolitions. Nous ne pouvons que constater que l'Etat est écartelé entre son souhait de loger le plus de personnes possible et en même temps d'assurer la mixité sociale. Nous souhaitons que l'Etat veille à ce que les ménages les plus modestes ne soient pas systématiquement orientés vers les quartiers faisant l'objet d'un programme de rénovation urbaine. Evitons d'ajouter de la pauvreté à la pauvreté. Nous demandons également que soit menée une étude nationale sur la politique de peuplement des quartiers faisant l'objet d'un programme de rénovation urbaine.
Lorsque le PNRU n'a pas permis de surmonter les lourds handicaps cumulés, le traitement du quartier doit parfois être entièrement repensé. Nous pensons que dans ces cas-là des jachères urbaines peuvent être une solution. En effet, il ne sert à rien de construire des immeubles qui seront inoccupés faute de pouvoir être achetés.
Si des dispositifs fiscaux incitent à la construction de logements privés dans les QPV, ils ne sont néanmoins pas suffisants. La diversification de l'habitat suppose souvent un contexte porteur, par exemple l'arrivée de gares du Grand Paris Express, et aussi un changement d'image du quartier.
Le traitement des copropriétés est un des défis majeurs du NPNRU. Nous nous étonnons de l'absence de recensement exhaustif des copropriétés en difficultés situées en QPV et nous souhaitons qu'il y soit remédié rapidement. Des outils mieux adaptés doivent également être mis en place pour faire face à l'augmentation du nombre de copropriétés en difficultés. Notre commission pourrait se pencher sur ces questions.
Nous en venons au financement du NPNRU. Le désengagement rapide de l'Etat du premier programme et le financement du programme en quasi-totalité par Action Logement a modifié le fonctionnement de l'Anru, Action logement souhaitant peser sur les règles de financement. Nous avons constaté que l'Etat demeure majoritaire au sein du conseil d'administration de l'Anru alors même qu'il ne finance quasiment pas le PNRU/NPNRU. Nous estimons que cette composition doit être revue pour refléter le poids des financeurs, et notamment celui des collectivités territoriales.
Cinq milliards d'euros étaient attribués au NPNRU initialement, un milliard supplémentaire a été ajouté à l'automne dernier par l'Etat. L'enveloppe moyenne pour chaque projet est de 25 millions d'euros mais les deux premiers projets (Rennes et Pau) examinés dans le cadre du NPNRU ont obtenu bien plus. Chacun s'accorde à dire que l'enveloppe est insuffisante. Les acteurs locaux nous ont fait part de leur doute sur l'ambition de ce programme et ont partagé leur crainte de voir leur projet contraint. Comment dans ces conditions mobiliser les habitants pour co-construire le projet ?
De même le montant des enveloppes pour les quartiers d'intérêt régional est largement insuffisant. Afin d'éviter une déperdition de concours financiers, nous souhaitons rendre possible l'insertion dans les conventions Anru-Région d'une clause de revoyure qui permettrait à mi-parcours de redéployer des crédits au sein d'une région. J'ai eu le cas dans ma commune de Bron où des économies avaient été réalisées sur un quartier et n'ont pu être réinjectées sur un autre projet.
Nous proposons de porter le montant du NPNRU à 10 milliards d'euros et si nous nous réjouissons des annonces en ce sens du ministre de la cohésion des territoires, nous serons néanmoins extrêmement attentives à leur traduction budgétaire. Le ministre ne s'est pas prononcé sur les modalités de financement de cette rallonge. Nous souhaitons que l'Etat augmente significativement sa participation au financement du NPNRU et qu'on revienne à un financement à parité entre l'Etat et Action Logement. L'Etat ne peut plus rester en dehors d'une politique aussi importante. La concrétisation de cette participation de l'Etat permettra ainsi de réaffirmer que l'ANRU finance des projets globaux comprenant l'habitat, l'aménagement, les équipements publics dont les écoles et pas seulement du logement. Enfin, chacun a entendu le Président de la République annoncer lundi la création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires, sur le modèle de l'Anru, chargée de lutter contre les fractures territoriales. Nous n'en connaissons pas les contours. Englobera-t-elle l'Anru et l'Anah ou sera-t-elle le pendant de l'Anru pour la ruralité et les villes moyennes ? Nous ne le savons pas. Mais en tout état de cause, cela ne peut se faire au détriment de la politique de la ville déjà sous-dotée sur le plan financier. Il doit nécessairement s'agir de moyens supplémentaires. Nous serons vigilantes.
En conclusion, nous considérons que cette réforme de la politique de la ville est bien engagée mais souffre d'un manque de moyens.