Intervention de Stéphane Travert

Commission des affaires économiques — Réunion du 19 juillet 2017 à 16h35
Audition de M. Stéphane Travert ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation :

Je reviendrai au Sénat avec plaisir et souhaite que soient organisées de manière régulière des auditions sur les sujets agricoles, car il convient qu'un lien fort se tisse entre le ministère et les élus. Je prends aussi l'engagement de convier prochainement les sénateurs de la commission au ministère pour un échange convivial.

En tant qu'élu de la Manche, premier bassin laitier d'Europe, je connais les difficultés du monde rural. Mais certaines filières rencontrent aussi le succès, comme la filière Comté. Il faut aussi montrer ce qui marche pour redonner confiance.

La PAC est un sujet important et difficile dans le contexte du Brexit, qui pose le problème du financement des politiques européennes. Les objectifs du traité mais aussi les nouveaux enjeux liés au changement climatique justifient que l'on conserve une politique agricole qui soit commune. La consultation publique lancée par la Commission européenne montre que les européens sont attachés à la PAC. La PAC doit accompagner la double performance économique, environnementale, mais aussi la performance sociale et sanitaire attendue.

Le soutien au revenu apporté aux agriculteurs dans le cadre de la PAC est indispensable. Les agriculteurs sont aussi des aménageurs du territoire, ce qui justifie un soutien de la PAC. Il faut aussi encourager les pratiques vertueuses des agriculteurs à travers des mesures simples et développer la gestion des risques. Il convient en outre de ne pas opposer les modèles agricoles les uns aux autres.

Le Brexit pose de nombreux problèmes pour l'agriculture, mais aussi pour la pêche maritime. Il est difficile de faire dès maintenant une évaluation de son impact. Michel Barnier négocie avec les britanniques mais nous ne savons pas encore quelles sont les demandes précises du Royaume-Uni, ce qui ne permet pas, en regard, d'énoncer nos propres exigences. Notre force repose sur l'unité des 27 face au Royaume-Uni, qui tente de fissurer ce bloc, par exemple en dénonçant l'accord de Londres sur les zones de pêche. La négociation du Brexit doit durer deux ans : nous allons donc devoir discuter de la future PAC dans l'incertitude des résultats du Brexit.

Pour résorber les retards de paiement des aides de la PAC aux agriculteurs, je me suis rendu dans les locaux de l'ASP. Un plan d'action a été mis en place, notamment concernant le registre parcellaire graphique (RPG). Devant les difficultés informatiques, nous avons privilégié le paiement rapide des aides du premier pilier par rapport à celles du deuxième pilier. Mais le calendrier sera tenu. L'ICHN 2016 sera ainsi payée intégralement au plus tard le 28 juillet prochain. Le retour à la normale est attendu pour 2018.

S'agissant des conséquences des deux épisodes de gel qu'ont subi l'ensemble de nos régions viticoles, je précise tout d'abord qu'avec un taux de couverture encore limité à 25% pour la viticulture, l'assurance récolte peut encore se développer. Des travaux en cours au niveau national et européens portent sur l'abaissement du seuil de déclenchement et sur l'articulation avec les autres dispositifs d'indemnisation de la viticulture.

Pour les viticulteurs non assurés, nous avons mis en oeuvre l'ensemble des outils disponibles pour faire face aux crises, avec en particulier les Fonds d'allègement des charges (FAC). Au-delà de la prise en charge de la garantie bancaire qui est octroyée pour les restructurations, l'endettement bancaire ou le renforcement du fonds de roulement - qu'on appelle communément le « volet B », celui-ci étant ouvert à tous les secteurs agricoles depuis l'automne 2016 - le dispositif de prise en charge partiel par l'État à hauteur du tiers des frais de restructuration des prêts professionnels a récemment été élargi à l'ensemble des viticulteurs S'y ajoutent le report des cotisations sociales ainsi que le dégrèvement de la taxe sur le foncier non bâti (TFNB). Voilà, pour l'essentiel, les mesures d'accompagnement qui bénéficieront aux viticulteurs. J'ai bien entendu la remarque selon laquelle la viticulture n'est pas globalement le secteur le plus fragile mais nous devons tenir compte d'un certain nombre de cas où les exploitants sont en réelle difficulté.

Il existe également des outils spécifiques aux filières viticoles pour faire face aux aléas avec les VCI et les mises en réserve interprofessionnelles. Ces dispositifs démontrent aujourd'hui leur importance et doivent continuer à être gérés par les professionnels. J'ajoute que le mécanisme des achats de vendanges dispose désormais d'une base légale stable et un arrêté est en cours de préparation pour ouvrir le dispositif à la prochaine récolte.

Sur la gestion des risques, un groupe de travail au sein du Conseil supérieur d'orientation et de coordination de l'économie agricole (CSO) a été mis en place. Des recommandations ont été formulées pour accroitre la palette d'outils au service des agriculteurs et les aider à faire face aux aléas de toute nature. J'ai demandé à mes services de travailler avec les professionnels pour définir une stratégie nationale de gestion des risques et pour renforcer le conseil et la formation des agriculteurs ainsi que les démarches préventives.

S'agissant de l'approvisionnement en eau, nous allons introduire, dans le plan de simplification qui sera bientôt lancé et également à travers le prochain projet de loi de finances, des outils destinés à améliorer la gestion de l'eau, avec, par exemple, des dispositifs de financement pour la construction de retenues collinaires, qui sont des ouvrages de stockage de l'eau. Il s'agit, je le précise, de travailler sur ce sujet de façon sereine. Le CGAAER vient de me remettre un rapport important qui concerne l'eau et sur lequel je souhaite m'appuyer pour engager des travaux d'évaluation - je souhaite que le Parlement y soit largement associé - et mettre au point assez rapidement des mesures législatives ou réglementaires.

S'agissant des difficultés relatives aux importations de vin espagnol, j'ai rencontré mon homologue espagnole, avec laquelle j'entretiens une bonne relation, lors du dernier conseil agricole. Nous nous rencontrerons à nouveau la semaine prochaine, le 25 juillet, lors d'un comité franco espagnol qui va évoquer un certain nombre de sujets sur nos échanges agro-alimentaires. Parallèlement, les contrôles de la DGCCRF sont intensifiés pour mieux analyser la nature précise des importations de vin et essayer de trouver des solutions durables. Je souhaite que soit maintenue la coopération avec l'Espagne pour définir un équilibre cohérent, avec une concurrence qui soit moins entravée qu'aujourd'hui.

En ce qui concerne les projets alimentaires territoriaux, je suis bien obligé, ici encore, de renvoyer aux EGA mais ceux-ci constitueront notre point de départ pour fonder les politiques que nous allons mener au cours du prochain quinquennat en trouvant des modes opératoires avec les filières et veiller, en lien avec les territoires, à améliorer la qualité de la restauration en dehors des foyers. Je saisis l'occasion pour commenter le chiffre de 50 % de bio dans la restauration scolaire qui a été évoqué : pour moi, il s'agit d'un objectif ambitieux et nous allons travailler à l'atteindre mais il est aujourd'hui impossible de fixer un calendrier précis de réalisation.

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