Monsieur le secrétaire d’État, votre réponse ne me satisfait pas, vous vous en doutez, et elle ne m’a pas convaincue. Je dirai même qu’elle illustre le malaise dans lequel le Gouvernement s’est installé à ce sujet.
Personne ne peut nier que le Président de la République se déclare favorable au droit de vote des étrangers dans les périodes électorales et que l’on assiste ensuite à des reculades, à l’occasion desquelles on nous oppose des arguments bien fragiles, voire fantaisistes.
Un premier argument consiste à dire que le droit de vote des étrangers ne serait pas souhaitable parce qu’il risquerait de susciter des réactions xénophobes. En fait d’argument, il s’agit plutôt d’un aveu de lâcheté politique. En effet, c’est le propre d’une décision politique que de susciter de vives réactions chez ceux qui y sont opposés.
Que les xénophobes soient contre le droit de vote des étrangers, après tout, rien de plus « normal » ! Quant aux autres citoyens, je ne vois pas pourquoi ils pourraient devenir soudainement xénophobes à la suite d’une telle réforme. A priori, avec de tels arguments, on ne gouvernerait plus ! Or, habituellement, le Gouvernement n’hésite pas à légiférer, même lorsque cela suscite de vives oppositions : nous en savons quelque chose.
J’ai déjà largement évoqué le deuxième argument : ce serait trop tôt. Mais cela fait trente ans que c’est trop tôt ! Trente ans, c’est une génération. La situation géopolitique et sociale de 1980 n’a plus rien à voir avec celle d’aujourd’hui, de multiples évolutions se sont produites, parfois avec une rapidité surprenante et de manière imprévisible. L’Europe s’est construite, la donne internationale a radicalement changé, les technologies de la communication ont explosé. Et le simple droit de vote d’une minorité de citoyens aux élections locales représenterait toujours un horizon indépassable ?... Ce n’est ni sérieux ni crédible !
Selon un troisième argument, le droit de vote des étrangers aux élections locales risquerait de créer une « sous-citoyenneté ». Je vous signale que les étrangers résidant en France de façon légale sont déjà des « sous-citoyens ». Ils sont, en effet, des étrangers de seconde catégorie puisque les étrangers communautaires, eux, peuvent voter. Certes, la réciprocité existe pour les étrangers européens, mais de quel droit devrions-nous sanctionner les étrangers venant de pays où cette réciprocité n’existe pas, surtout lorsqu’ils sont originaires de pays où le droit de vote n’existe pas, ou de façon purement formelle ?
Quatrième argument : le droit de vote des étrangers favoriserait le vote « communautaire ». Il s’agit là, à mon sens, d’un argument purement idéologique, certes dans l’air du temps, mais ne reposant sur aucune base sociologique solide. Les études les plus sérieuses sur le suffrage montrent que le vote est déterminé par un ensemble de facteurs sociaux tels que la profession, le capital économique, le capital culturel, qui sont bien plus déterminants qu’une appartenance « ethnique » supposée. Ne vous inquiétez pas : si nous donnions le droit de vote aux étrangers, certains voteraient à gauche, d’autres à droite et, malheureusement, beaucoup s’abstiendraient.
Enfin, un cinquième argument consiste à expliquer qu’il vaut mieux faciliter la naturalisation plutôt que d’octroyer le droit de vote. Cet argument peut être vite balayé puisque les conditions d’accès à la nationalité n’ont fait que se durcir ces dernières années, au point de devenir totalement ubuesques.
Je crois avoir passé en revue les arguments essentiels des opposants au droit de vote des étrangers. Malheureusement, il doit encore en exister d’autres, mais je pense que nous avons ici même démontré à maintes reprises qu’aucun n’était réellement sérieux. Dès lors, cessons de brandir le droit de vote des étrangers en période électorale dans le but de séduire quelques électeurs et passons à l’action !