La concertation est en cours sur le dialogue social dans les petites entreprises. Nous privilégions la négociation avec les délégués syndicaux, bien entendu, ou les salariés mandatés mais quand il n'y en a pas, ce qui est le cas de 96 % des petites entreprises, il faut trouver une solution, via le délégué du personnel et un référendum par exemple, avec l'idée que les délégués iront de plus en plus vers les syndicats, surtout si on les aide à se former davantage. Nous n'ignorons pas l'existence du lien de subordination, l'appartenance syndicale est un moyen de le contourner, c'est bien pourquoi nous voulons renforcer l'accompagnement des syndicats - c'est la raison d'être du fonds pour le financement du dialogue social.
La question des seuils, à l'article 2, n'a pas été soulevée par les partenaires sociaux, nous ne l'avons pas encore mise dans la discussion.
Les CPRI viennent tout juste d'être initiées... il y a 18 jours à peine, c'est dire qu'il est urgent d'attendre. Nous prévoyons simplement, par précaution, de les faire entrer dans le champ des ordonnances, pour le cas où ce soit utile.
Faire primer le fond sur la forme devant les prud'hommes ? C'est très important, en particulier pour les plus petites entreprises, nous y travaillons. Il faut trouver des moyens pour évacuer le vice de forme en droit et dans la procédure même, nous y travaillons.
Les CDI de chantier existent dans le BTP, nous voulons les développer, sous contrôle. Ils seront très utiles aux salariés - il s'agit bien de CDI, c'est déterminant pour accéder au logement, aux emprunts bancaires, et ce CDI fera sortir de séries de CDD multiples - mais aussi aux entreprises, en particulier pour saisir les opportunités de marché ; je pense à la construction navale, où un gros chantier n'a pas pu être pris faute de souplesse sur l'emploi. Cependant, il faut prendre garde à ce que ce type de contrat ne devienne pas la norme : c'est le sens de l'encadrement que nous proposons, via la branche, comme vient de le faire la branche Syntec.
Vous avez évoqué une récente étude de l'Insee qui montre que le premier frein à l'embauche est l'absence de marché, le deuxième l'insuffisance des compétences, le troisième les coûts salariaux et le quatrième le code du travail et les incertitudes juridiques. Il faut donc travailler sur ces quatre leviers en passant du CICE à la baisse des charges et en améliorant les compétences : à l'automne, nous lancerons un grand plan d'investissement en faveur des compétences pour les jeunes et les demandeurs d'emploi, notamment sur le numérique et la transition énergétique. Nous inciterons les branches et les entreprises à travailler sur les bons niveaux de qualification. Enfin, le droit du travail est évoqué par un tiers des sondés.
Ces dernières années, j'ai travaillé sur la façon d'aider les PME à se positionner à l'international et sur la façon de faire venir les investisseurs étrangers. Nous disposons d'une étude menée année après année auprès de 1 000 investisseurs dans le monde : pour eux, le premier frein à l'investissement en France tient à la rigidité et à l'insécurité perçues et réelles du code du travail. Nous devons donc faire un travail sur la perception mais aussi sur le réel car certaines dispositions n'existent qu'en France, d'où un désavantage compétitif. Or, l'insécurité ne profite ni aux salariés, ni aux employeurs. Une clarification s'impose donc.
Que se passera-t-il si un salarié refuse l'application d'un accord d'entreprise ? Aujourd'hui, il existe cinq cas de figure selon qu'il s'agit de tel ou tel dispositif. La loi d'habilitation dit que l'accord prime sur le contrat mais la rupture individuelle devra être sécurisée en cas de refus du salarié d'accepter l'accord. L'abondement du compte personnel de formation pourrait sécuriser ces situations. Le collectif doit l'emporter sans pour autant oublier l'accompagnement individuel.
Un référendum d'entreprise du seul fait de l'employeur ne serait pas compatible avec les conventions de l'OIT et la France n'a pas vocation à s'en affranchir. Une interrogation demeure néanmoins pour les petites entreprises.
Le CHSCT aurait plus de poids s'il était fusionné au sein d'une instance unique. Il y a quelques années, j'ai commis un rapport avec Henri Lachmann, président du conseil de surveillance de Schneider Electric et Christian Larose de la CGT sur les risques psycho-sociaux, le bien-être et l'efficacité au travail. Nous avons beaucoup auditionné et nous sommes parvenus à la conclusion que 20 % des cas de risques psycho-sociaux étaient liés à des comportements individuels inappropriés et 80 % à des décisions structurelles liées au management de l'entreprise. Ainsi en va-t-il du management matriciel qui augmente les risques, comme de l'éloignement des centres de décisions... Or, le management ne relève que du comité d'entreprise alors que le CHSCT ne se préoccupe que des conséquences. Avec une vue d'ensemble, la prévention sera plus aisée, sous réserve de disposer de suffisamment de temps pour examiner les conditions de travail, de santé et de sécurité.
Vous avez voté une réforme en 2016 pour une meilleure complémentarité entre médecine du travail et autres professionnels de santé. Nous manquons de recul pour évaluer cette loi. La visite de reprise doit être organisée le jour même de la reprise, mais encore faut-il disposer de suffisamment de médecins du travail. L'Assemblée nationale a voté un amendement sur la question. Nous sommes tous d'accord sur cette question, mais il reste à la mettre en oeuvre. Une mission de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) a été diligentée sur le renforcement de l'attractivité de la médecine du travail. J'en discuterai avec ma collègue ministre de la santé.