Nous voterons contre ce rapport qui s'inscrit dans la logique des ordonnances annoncées. Nous rejoignons toutefois le rapporteur dans sa dénonciation de la précipitation du Gouvernement qui cherche ainsi à déjouer toute contestation sociale. D'ailleurs, le rapporteur a dit la semaine dernière tout le mal qu'il pensait des ordonnances et ses critiques, aujourd'hui atténuées, étaient justes car le Parlement se trouve dessaisi d'une large part de son pouvoir. Vous dites également que le Gouvernement reprend nombre d'éléments du programme de la majorité sénatoriale. Voilà qui est clair et l'est encore plus dans la bouche de Christian Jacob qui a déclaré à l'Assemblée nationale que la ministre a repris 80 % d'une proposition de loi déposée par le groupe Les Républicains !
Notre critique de ce texte est globale et nous l'expliciterons en séance publique, en dénonçant un par un les reculs qu'il comporte dans les protections des salariés. Ainsi, l'article 1er donne une place centrale aux accords d'entreprises, ce qui est une rupture historique qui facilitera le dumping social. Le recours unilatéral au référendum par l'employeur est très dangereux et dénature le sens même du droit du travail, élaboré au fil du temps pour compenser le lien de subordination.
La fusion des IRP est un recul grave et la disparition du CHSCT comme entité autonome aura des conséquences considérables. C'est la fin du contrôle spécialisé des conditions de travail, alors même qu'une agence de santé a révélé récemment qu'un salarié sur huit est exposé à un facteur cancérigène.
L'appellation de CDI de chantier n'est rien d'autre qu'un détournement de langage, puisque ces contrats sont pires que des CDD ! Ils n'ouvriront pas droit à la prime de précarité. Nous contestons également la barèmisation des indemnités prud'homales qui avait été retirée sous la pression sociale et en raison de la position du Conseil constitutionnel. Il n'y a pas à voir d'injustice dans la différence des jugements rendus car le but est d'indemniser un préjudice qui par définition varie selon les situations individuelles. C'est faire peu de cas de cette institution paritaire qui a démontré son utilité.
Nous contestons tout autant la modification du périmètre d'appréciation des difficultés économiques décidée à l'Assemblée nationale, censée favoriser l'investissement étranger en France. Quand on connaît l'agilité dont font preuve les grands groupes internationaux pour mettre en difficulté telle de leur filiale afin d'accroître leur rentabilité boursière, on peut imaginer que cette disposition sera détournée de son but.
Cette énième réforme du travail ne répond nullement aux graves problèmes du chômage et de la précarité. Comment accepter que des salariés ne parviennent pas à vivre de leur travail ? La ministre ne nous a pas expliqué en quoi ce texte va créer de l'emploi. Il s'agit surtout de reprendre de vieilles lunes patronales. Sous couvert de modernisation, ce projet de loi est largement inspiré par le Medef. Pierre Gattaz a promis la création d'un million d'emplois : nous verrons ce qu'il en sera. Venant d'un gouvernement si sensible aux évolutions technologiques, ce texte ne règle aucun des problèmes liés au numérique. Or les travailleurs qu'on appelle indépendants sont souvent subordonnés à une plateforme numérique, sans bénéficier des protections offertes par le code du travail. Et aucun bilan n'a été fait des apports des lois précédentes. Nous voterons contre ce texte.