Intervention de Jean-Louis Tourenne

Commission des affaires sociales — Réunion du 19 juillet 2017 à 9h40
Projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Jean-Louis TourenneJean-Louis Tourenne :

Je partage les observations formulées sur la méthode : il n'y a pas urgence ! Le Président de la République a toujours prétendu qu'il fallait avant tout évaluer l'existant. Or la loi « El Khomri » a été votée tout récemment et n'a nullement été évaluée. La précipitation du Gouvernement est regrettable. Je note que vous n'avez pas boudé votre plaisir à rappeler sur quels points vous avez eu raison avant tout le monde ou sur quels sujets le Gouvernement nous a donné raison : à la bonne heure !

Des deux ambitions de ce texte - accroître la compétitivité des entreprises et assurer davantage de sécurité aux salariés - seule la première est réellement servie. Pour les salariés, il n'y a que des régressions. Le plafonnement des indemnités prud'homales est inacceptable et contraire au droit français, dans lequel tout jugement doit être individualisé. La réduction des délais de recours sur les accords collectifs n'a d'autre but que de compliquer le dépôt d'un recours. Avec la lettre standardisée, le licenciement se transforme en une formalité administrative, ce qui est choquant quand on pense à ce qu'il recouvre de détresse humaine. Le travail de nuit doit rester exceptionnel et justifié par des circonstances particulières, c'est un principe fondamental. Ce texte le banalise.

Les CDI de chantiers durent... la durée du chantier. CDI n'est pas le meilleur nom à leur donner. Aucune prime de précarité n'y est associée et ils déboucheront sur des licenciements non économiques, donc avec une indemnisation réduite.

Je partage entièrement le point de vue de Catherine Génisson sur la pénibilité : ce texte renverse l'optique qu'avait adoptée le législateur. C'est sur la prévention qu'il faut travailler, pas sur la réparation.

La fonction syndicale subit des régressions par rapport à la loi « El Khomri ». Le mandatement disparaît. La négociation dans l'entreprise pourra se faire directement, en l'absence de syndicat, avec le délégué du personnel. S'il n'y en a pas, comment pourrait-il y avoir négociation ? Les deux parties doivent être au même niveau de maîtrise du droit. Et le référendum d'initiative patronale est toujours envisagé. Il faut absolument conserver le CHSCT, qui doit conserver la possibilité d'ester en justice. Je ne participerai pas au vote.

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